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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Francine Saillant, Prévention: entre traditions et modernité (1997)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Francine Saillant, Prévention: entre traditions et modernité”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction d'André Turmel, Culture, institution et savoir. Culture française d'Amérique, pp. 107-129. Québec: Les Presses de l'Université Laval, 1997, 230 pp. [Mme Saillant est anthropologue à École des sciences infirmières et chercheure au Centre de recherche sur les services communautaires Université Laval]. [Autorisation formelle accordée par l’auteure de diffuser tous ses travaux le 4 novembre 2005.]

Introduction

Dans les sociétés les plus industrialisées et les plus riches, prévention et progrès semblent aller de pair. La prévention inclut aussi bien les efforts gouvernementaux d'assainissement de l'environnement que l'acquisition d'habitudes de vie saines dans la population, en passant par tous les efforts individuels déployés dans l'intention d'éloigner la maladie et d'en limiter l'étendue. La prévention constitue l'un des moyens actifs de lutte contre la maladie, quoiqu'elle se soit introduite très progressivement dans le temps et de façon inégale dans les différentes couches de population. Pour certains, elle apparaît comme l'un des gains des sociétés modernes, puisqu'on lui attribue souvent, à côté de l'amélioration générale des conditions de vie et des succès de la science et de la médecine, l'allongement de la durée de vie. La biomédecine considère la prévention comme une spécialité et c'est sans doute l'une de ses caractéristiques, de distinguer de façon étanche ce qui relève de la prévention de ce qui relève du domaine curatif. Ailleurs, dans ce qu'il convient d'appeler ici les médecines traditionnelles, cette distinction apparaît à toutes fins pratiques inopérante (Craig, Stall et Gifford, 1986). Ce n'est en effet que lorsqu'une telle distinction apparaît dans l'histoire d'une société et qu'elle est en quelque sorte institutionnalisée, que se pose la question des différentes façons de penser la prévention, comme si cette dernière était un champ autonome bien délimité. Mais tout n'est pas si simple. 

L'analyse des construits de prévention, c'est-à-dire l'analyse des diverses conceptions culturelles qui lui sont rattachées, a déjà été abordée par différents auteurs, notamment par les historiens de la médecine, qui prennent souvent pour point de départ l'institution médicale, son évolution et ses ruptures (Léonard, 1978, 1986 ; Bernier, 1989, 1994). Dans ce cas, la prévention est abordée comme l'un des moyens, pour asseoir certains des progrès de la médecine, du moins en santé publique. Il est vrai que ce n'est pas toute l'institution médicale qui est en cause, mais certains de ses membres, souvent les plus progressistes au plan social. Une autre façon d'aborder la prévention et ses construits a été celle qu'ont privilégiée les anthropologues, dans la tradition de l'anthropologie appliquée au domaine de la santé publique, comme cela se fait déjà depuis les années 1950 (Trostle, 1986a, 1986b). Cette approche, à ses premières heures au service de l'institution médicale, a permis de comprendre pourquoi certaines communautés, exposées à la prévention telle que pensée par l'institution médicale, n'y avaient pas recours, et de quelle façon cette résistance trouvait son explication dans la tradition ethnomédicale des communautés concernées. Selon ces deux perspectives, l'institution médicale demeure en amont du questionnement, tandis qu'a priori, ses fondements et son action sont considérés comme légitimes. 

Tout en puisant aux mêmes disciplines (l'anthropologie et l'histoire), notre démarche s'avère quelque peu différente. Nous nous inspirons plutôt de travaux récents, mettant à jour certaines pratiques et idéologies présentes dans l'histoire de la santé publique, notamment celles de la médicalisation des populations et des divers modes de contrôle social auxquelles les pratiques préventives peuvent donner lieu (voir par exemple Heller, 1983, au sujet de la propreté ; Conrad et Schneider, 1980, dans le domaine de la santé mentale ; Cohen et Bouchard, 1995, sur les habitudes de vie de manière plus générale). Nous retenons aussi la perspective de l'anthropologie médicale des dernières années, qui permet d'examiner la prévention non pas à travers le prisme de l'institution médicale ou de la santé publique, mais à travers les yeux de la population elle-même, puisant à même ses valeurs et ses traditions (Loux, 1990 ; Helman, 1990). Dans l'esprit de cette démarche, nous posons donc un regard critique sur la prévention comme institution, en reconnaissant l'espace thérapeutique comme un espace pluriel, défini à la fois par ses institutions et aussi par des réalités se situant hors de son champ et de son contrôle. 

Nous voulons explorer ici diverses conceptions de la prévention telles qu'on pouvait les retrouver dans le Québec de l'entre deux-guerres ; c'est en effet à cette période que l'on introduit les idées de Pasteur et que le point de vue hygiéniste tend à se répandre (Goulet et Keel, 1988 ; Goulet et Paradis, 1992). Nous désirons d'abord montrer l'existence d'une perspective populaire sur la prévention à cette époque, issue des traditions de soins influencées par la vieille médecine des humeurs et remodelée par la pensée populaire, dont les fondements s'articulent autour de l'importance de la force du corps et de sa vitalité. Les conceptions populaires de la prévention et, de façon plus générale, les conceptions populaires de la santé et de la maladie sont ridiculisées ou niées par les médecins et les experts qui introduisent, au même moment et de façon intensive, les conceptions savantes de la médecine et de l'hygiène. Dans la deuxième partie de cet exposé, nous constaterons que certains des vulgarisateurs de l'hygiène privilégient plutôt, par rapport aux soins du corps que valorisent les paysans et les gens des classes populaires, l'intériorisation de normes visant à contrôler les comportements et les habitudes de vie.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 22 janvier 2007 19:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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