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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“La régionalisation du social: une approche de l'étude de cas en sociologie” (1993)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Paul Sabourin, “ La régionalisation du social: une approche de l'étude de cas en sociologie ”. Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. XXV, no 2, automne 1993, pp. 69-82. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal. [M. Paul Sabourin est professeur de sociologie au département de sociologie de l'Université de Montréal.] [Autorisation formelle de diffuser cette œuvre accordée le 30 janvier 2004 par l’auteur].

Introduction

Plusieurs débats méthodologiques en sociologie (1) ces dernières années nous invitent à repenser de fond en comble la question de la représentativité des construits empiriques. L'étude de cas sera ici le cadre méthodologique adopté pour cette réflexion.

Pourquoi ne pas parler plus simplement de règles de méthodes assurant cette représentativité des constructions empiriques? Parce que, selon nous, fondamentalement toute démarche de recherche en sociologie est un processus de reconnaissance des formes de vie sociale dont la valeur est générale plutôt qu'universelle (Ramognino 1992). Processus de reconnaissance à partir duquel peut s'appuyer le travail de description des comportements sociaux. Reconnaissance plutôt que connaissance directe ou «positive»: par-delà la multiplicité des méthodologies qualitatives, leur trait commun est de reconnaître que le social se présente sous une forme contextuelle. Cette contextualité est appréhendée sous plusieurs aspects: localité des savoirs sociaux du point de vue de l'analyse de discours, localité des pratiques sociales du point de vue de l'étude des comportements sociaux dans l'étude de cas. Dans ces démarches le caractère local du social se trouve défini à la suite de l'impossibilité du travail de description de discerner précisément ce qui relève de l'objet de recherche, c'est-à-dire le social et le contexte (individuel, culturel, économique, historique, etc.) (Yin 1984, p. 23). L'étymologie du terme «Contexte» [qui est tissé avec (2)], terme emprunté aux sciences du langage et utilisé couramment dans l'étude de cas, exprime bien le fait que les éléments observés, actes de discours ou pratiques sociales, ne prennent sens que s'ils sont «replacés» dans un ensemble spécifique, c'est-à-dire local. Le contexte joue donc un rôle central dans l'observation empirique; les actes sociaux n'étant descriptibles que comme actes contextualisés. Toutefois du fait de son caractère ineffable, le contexte ne peut être circonscrit dans une description. D'où la nécessité de parvenir à opérer une distinction entre objet et contexte. Quels statuts théoriques et méthodologiques donne-t-on à ces configurations empiriques locales afin de constituer une connaissance sociologique de l'ordre du général?

Nous trouvons la réponse à cette question dans l'analyse détaillée des raisonnements en sciences sociales qui montre que les règles de leur contruction reconduisent à divers titres ce caractère local, dit J.-C. Gardin (Gardin 1991, pp. 227-236). Ces règles sont locales, parce qu'elles reposent sur des inférences relatives à la conjoncture d'observation, sur des analogies avec d'autres contextes d'observation, sur des inférences de sens commun ou bien encore sur un paradigme théorique pour combler les sauts constatés entre les inférences dans la description des pratiques et des savoirs sociaux. Le local est une irréductibilité du social, puisqu'il caractérise à la fois l'objet et les conditions de son étude. Nous verrons dans un premier temps que la localité du social est ainsi aujourd'hui, en sociologie, appréhendée globalement. Ce phénomène complexe de la localité et des raisonnements sociologiques qui le reconduisent exige d'être problématisé en fonction de chacun des moments de la démarche méthodologique. Dans le cadre restreint de cet article, cette question ne sera abordée que du point de vue du travail de description empirique, particulièrement en ce qui a trait à la construction des données. Les deux premiers types de règles de nature empirique, constatés par Gardin (conjecture de l'observation, analogie à d'autres contextes), relèvent notamment dans le travail de description empirique de l'usage d'une information présente sous une forme contextualisée (3). Cette information constitue une médiation locale de la construction d'un objet.

Pour l'essentiel, la valeur de représentativité d'un travail empirique en sociologie s'élabore dès la phase de construction des données sociologiques. Le terme de construction des données désigne ici les opérations de (re)constitution ou d'élaboration d'informations sur le social, leur sélection et leur transformation en données sociologiques aux fins de la description et de l'analyse. Considérée sous son angle dynamique, la construction des données est d'abord un travail de nature heuristique, construction objectivée et orientée par une analyse méthodologique de sa valeur de représentativité d'un objet défini. Cette analyse méthodologique, dont nous voudrions montrer la pertinence ici, vise à établir la localisation sociale des traces langagières et spatiales, afin de parvenir à une délimitation progressive de la régionalisation du social (4) (Giddens 1985, pp. 163-216) qui est partie prenante de l'objet empirique. Cette formulation nous semble plus satisfaisante que celle de l'induction (Strauss 1987, p. 11) qui prévaut en méthodologie qualitative pour définir la spécificité d'«un mode de connaissance sociologique». Proposer une méthode d'induction, c'est concevoir la démarche heuristique comme méthode, stérilisant du coup par des règles l'heuristique caractérisant le processus de recherche. On ne peut ériger en règle une perception du «vécu» sans entériner un accès «transparent» à la connaissance.

Pour objectiver cette médiation de la localité des savoirs et des objets, nous nous appuierons sur les travaux de Maurice Halbwachs sur la mémoire sociale (Halbwachs 1925, 1941, 1968). Ainsi, dans un deuxième temps, il s'agira de montrer que les acquis de l'étude des mémoires individuelles et collectives peuvent être légitimement transposés pour définir la médiation localisée des savoirs et des pratiques sociales caractérisant les phénomènes sociaux dans le cadre des sociétés contemporaines. La mise en évidence, à partir des travaux de Halbwachs, de cette conception localisée plutôt que strictement locale de l'action sociale, nous amène à nous distancer de l'espace-temps conceptualisé en terme de structure pour adopter la notion de forme sociale (Ledrut 1984). Si, du point de vue d'une géographie sociale, il est pertinent de décrire des structures définissant une formation spatio-temporelle (écologique, économique, politique, etc.) (Di Méo 1991), ce qui nous intéresse plutôt c'est la construction sociale du temps et de l'espace engendrés par l'action sociale. Cette durée et cette étendue définissent le social en tant que forme distincte du contexte, parce que le temps et l'espace sont conceptualisés en tant que propriétés de l'objet, et deviennent ainsi des référents internes à cet objet, plutôt que déterminés implicitement par le recours à un contexte qui situe l'action sociale dans la réalité empirique (ex. la chronologie historique, l'espace géographique ou politique, etc.). Ainsi conçue, la reconstruction d'une forme peut mettre au jour l'existence d'une régionalisation du social, laquelle devient l'unité d'analyse du travail de description. Un exemple de terrain en sociologie économique nous permettra d'illustrer cette démarche dans une troisième partie.

Afin d'élaborer cette description, nous avons expérimenté des techniques récentes de l'informatique qualitative. Si certains de ces outils sont compati-bles avec le travail de description, il est important d'en préciser l'usage pour minimiser les biais dus à leurs limites. Ces limites peuvent être cernées à travers les procédés de réduction de l'information et le langage de traitement des contenus.


Notes:

(1) Nous pensons au débat sur le lien micro/macro (Alexander 1988 pp. 193-298), à celui sur la démarche qualitative (Strauss, Corbin 1990, p. 3-21) et à l'étude de cas (Whythe 1982) (Mitchell 1983) qui soulèvent tous la question de la valeur de représentativité des construits empiriques.

(2) Le terme «contexte» vient du latin contextus qui désigne un assemblage, et de contexere qui signifie «tisser avec». Le terme «texte», quant à lui, vient du latin textus qui signifie «tissu, trame».

(3) Dans un livre récent, J.-C. Gardin (Gardin 1991, p. 228) suggère que l'analyse du caractère local des inférences serait une voie pour définir leur généralité. C'est dans cette direction que se situe notre démarche méthodologique.

(4) Rappelons ici brièvement le sens de la régionalisation du social, chez A. Giddens: «La "régionalisation" ne signifie pas uniquement la localisation dans le temps et l'espace, elle fait référence au procès de zonage de l'espace-temps en relation avec les pratiques sociales routinisées» (Giddens 1984, p. 173). Pour développer sa conception de la régionalisation, Giddens considère les travaux de la géographie de l'espace-temps. Par ailleurs, il s'en distancie sur plusieurs points afin de développer une conception sociologique de l'espace-temps et de sa régionalisation. L'espace-temps social est relatif aux pratiques sociales routinisées, à l'intégration sociale et systémique, etc., en somme à l'appropriation par les agents des diverses distinctions et localisations spatiales notamment institutionnelles, structurelles ou « naturelles » (politiques, économiques, géographiques, etc.). Dans le cadre de cet article, nous privilégions une approche de la régionalisation du point de vue de l'action sociale plutôt que de ces formes structurelles.

Retour au texte de l'auteur: Paul Sabourin, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 21 avril 2004 21:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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