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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les déboires du syndicalisme nord-américain (1960-2003).
Pourquoi le mouvement syndical canadien se tire-t-il mieux d’affaires que celui des Etats-Unis ?
(2004)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jacques ROUILLARD, Les déboires du syndicalisme nord-américain (1960-2003). Pourquoi le mouvement syndical canadien se tire-t-il mieux d’affaires que celui des Etats-Unis ?”. Article paru dans le Bulletin du Regroupement des chercheurs et chercheures en histoire des travailleurs et travailleuses du Québec, vol. 30, no 1 (79), printemps 2004, p. 4-20) Conférence révisée présentée au Centre d’histoire sociale du XXe siècle, Université de Paris 1, Sorbonne, 4 mai 2004. [Autorisation accordée par l'auteur le 4 décembre 2006 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

Les journaux québécois révélaient en avril 2004 qu’un syndicat international (lire d’origine étatsunienne), les Travailleurs unis de l’Alimentation et du commerce (TUAC), avait échoué dans sa tentative de former un syndicat parmi les travailleurs et travailleuses d’un magasin Wal-Mart à Jonquière par neuf votes seulement [1]. Cet effort pour organiser des employés d’un des super marchés d’alimentation de la chaîne Wal-Mart faisait partie d’une stratégie des TUAC pour vaincre la résistance de ce géant de l’alimentation à accepter la syndicalisation de ses employés. Même si l’entreprise compte 3 000 super marchés aux États-Unis et 230 au Canada, aucun d’entre eux n’est syndiqué, l’employeur ayant la réputation de faire la vie dure à toute velléité d’organisation. L’intérêt des TUAC pour le Québec tient à des événements survenus l’année précédente dans le Sud de la Californie. 

Les 60 000 syndiqués des TUAC y ont soutenu une grève de quatre mois et demi en 2003-2004 où ils ont dû faire des concessions majeures avant de retourner au travail. Le débrayage émanait de la décision de plusieurs grandes chaînes d’alimentation de sabrer dans les conventions collectives de leurs employés pour faire face à la compétition venant de l’ouverture prévue d’une quarantaine de d’hyper­marchés Sam’s Club appartenant à Wal-Mart. La multinationale reconnue pour maintenir ses coûts de main-d’oeuvre très bas avait donc une influence avilissante sur les conditions de travail des travailleurs de l’alimentation non seulement en Californie, mais partout où elle avait des magasins en Amérique du Nord. La direction des TUAC (1,4 million de membres) a alors décidé de syndiquer au plus vite les super marchés Wal-Mart pour éviter un recul général des salaires et des avantages sociaux dans ce secteur. Et pour ce faire, elle a ciblé les magasins au Canada, notamment au Québec, parce qu’elle estimait que les lois du travail rendaient la syndicalisation des employés plus facile qu’aux Etats-Unis [2]. Effectivement, comme nous le verrons, les lois du travail favorisent non seulement le processus de syndicalisation au Canada, mais, en général, elles protègent beaucoup mieux les syndicats. 

C’est pourquoi d’ailleurs le taux de syndicalisation au Canada est plus du double de celui des États-Unis en 2003 (12,9% aux États-Unis contre 30,5% au Canada). Mais il n’en a pas toujours été ainsi comme on peut le noter au graphique 1. La propension à la syndicalisation s’est effectuée de manière comparable dans les deux pays du début du siècle jusqu’au milieu des années 1960. Par la suite, le taux de syndicalisation amorce un recul aux États-Unis qui s’accentue fortement dans les années 1980. En revanche, au Canada, la syndicalisation progresse dans les années 1970 et se maintient dans les années 1980. Depuis peu cependant, elle a tendance à diminuer dans les deux pays quoique le syndicalisme étatsunien soit beaucoup plus mal en point. Et pourquoi donc les syndicats canadiens se tirent-ils mieux d’affaires en Amérique du Nord ? On conviendra que la question n’est pas sans importance car la densité syndicale demeure un ingrédient capital pour mesurer la bonne ou mauvaise santé du syndicalisme et par conséquent pour évaluer dans quelle mesure les syndicats sont capables de bien protéger ou non les travailleurs salariés. 

Graphique 1

Taux de syndicalisation au Canada et aux États-Unis
(en pourcentage).
  

 

Puisque mon propos consiste à parler de déboires du syndicalisme, vous pourriez me faire remarquer que le syndicalisme français est également bien mal en point avec un taux de syndicalisation inférieur même à celui des États-Unis, avec à peine 9% (peut-être encore moins). En effet, la situation n’apparaît donc guère plus reluisante de ce coté-ci de l’Atlantique si je me fie aux études que j’ai consultées. On y parle de crise du syndicalisme français, d’érosion de l’influence syndicale, de démobilisation des syndiqués et de fragilisation des structures syndicales [3]. En mai 2004, le dossier du mensuel Monde Initiatives s’intitulait : «Peut-on se passer de syndicats ?» L’hiver syndical sévit donc également en France.

Cependant, les difficultés du syndicalisme français ont des conséquences beaucoup moins lourdes pour les travailleurs qu’en Amérique du Nord. C’est que l’État en France joue un rôle beaucoup plus considérable en appui aux salariés. Je lisais quelque part que le syndicalisme français s’interpénètre avec l’État pour des raisons historiques. C’est que la longue tradition syndicale française a largement fait porter sur le politique le lieu d’amélioration du sort des travailleurs. Avec comme conséquence que l’État leur a accordé au cours des années une protection sociale étendue, qu’ils soient syndiqués ou pas. En plus des représentants statutaires aux conseils de prud’hommes et aux comités d’entreprise, les salariés peuvent aussi compter sur des délégués du personnel et même sur des représentants aux conseils d’administration des entreprises publiques. De plus, la négociation centralisée à l’échelle nationale dans plusieurs branches d’activités permet généralement au gouvernement d’étendre les conventions collectives négociées à tout un secteur industriel. L’étendue de la protection étatique a eu finalement l’effet pervers que les travailleurs français ont maintenant peu d’intérêt individuel à joindre les syndicats. C’est ce qui expliquerait pour beaucoup le faible niveau de syndicalisation en France. 

La situation est bien différente en Amérique du Nord où le support gouvernemental est loin d’être aussi marqué et où la négociation collective s’effectue de manière très décentralisée. Elle se fait généralement par entreprise et, quand les travailleurs ne sont pas syndiqués, la protection est minimale. Ce caractère volontariste du système de relations de travail rend l’action syndicale d’autant plus importante pour assurer la protection des salariés. L’affaiblissement du syndicalisme en Amérique du Nord est donc beaucoup plus dramatique qu’en France. Fin de la digression.

Le propos de ma communication n’est pas de comparer le syndicalisme français à celui qui prévaut en Amérique du Nord, mais plutôt de suivre l’évolution du syndicalisme canadien et étatsunien. La tâche m’est facilitée car de nombreux travaux ont été publiés au cours des dernières années comparant le syndicalisme entre les deux pays. Ils proviennent à la fois de chercheurs canadiens et américains, surtout des spécialistes de relations industrielles. On s’interroge sur les raisons pour lesquelles le mouvement syndical est en meilleure santé au Canada qu’aux États-Unis alors que pendant longtemps les deux mouvements avaient le même tonus, évoluant en convergence. Voyons donc de plus près l’évolution du syndicalisme dans les deux pays en repérant les grandes phases de croissance qui correspondent à l’organisation de nouvelles catégories de salariés. Elles permettent de relever pourquoi le syndicalisme canadien se tire mieux d’affaires au cours des dernières décennies.


[1]     Le syndicat reviendra à la charge et obtiendra son accréditation du ministère du Travail du Québec en août 2004.

[2]     La Presse, 5 avril 2004, p. A7.

[3]     Voir René Mouriaux, Crises du syndicalisme français, Paris, Ed. Montchrestien, 1998, 156p.; Hubert Landier et Daniel Labbé, Les organisations syndicales en France, Paris, Ed. Liaisons, 1998, 209p.; Dominique Labbé et Maurice Croisat, La fin des syndicats ?, Paris, L’Harmattan, 1992, 236 p.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 23 janvier 2007 9:37
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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