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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Droit, pouvoir et domination (1986)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1992). Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 18, no 1, avril 1986, pp. 33-46. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal. [Autorisation de l'auteur accordée le 9 avril 2004]

Introduction

Au cours du dernier quart de siècle, les sciences sociales, particulièrement la science politique et la sociologie, ont été le lieu d'une intense réflexion et de vifs débats sur le thème du pouvoir. Non pas que ce thème soit nouveau, bien sûr; il a occupé depuis l'Antiquité une place importante dans la pensée de bien des philosophes, et parmi les plus grands. Ce fut particulièrement le cas de ceux d'entre eux qui s'interrogèrent sur les conditions de la «bonne cité» ou de la «cité idéale», sur la société civile et l'État, sur les rapports au sein de la collectivité humaine. Évoquons les noms de Platon et d'Aristote, dans l'Antiquité, de Cicéron et d'Augustin sous l'Empire romain, de Thomas d'Aquin et Abélard au Moyen Âge, Francis Bacon et Thomas Hobbes à la Renaissance. Et plus près de nous, à l'époque contemporaine, Hegel, Marx, Nietzsche, Bertrand Russell.

Mais pour tous ces philosophes, la notion même de pouvoir ne faisait guère problème. Ils employaient le terme dans le sens usuel que lui attribue depuis longtemps le langage courant, c'est-à-dire la capacité de contraindre, par la force ou autrement, et de régir ou dominer les autres. Ou encore, ils désignaient par ce terme tout simplement l'État ou les détenteurs du pouvoir politique. Or, c'est précisément cette notion qui a été reprise et remise en question récemment dans la science politique et la sociologie. Le besoin s'est fait sentir de préciser cette notion, jugée trop facilement équivoque ou trop pluridimensionnelle, compte tenu de l'usage accru qu'on en faisait, soit dans des écrits théoriques, soit dans des recherches empiriques.

La démarche de cette réflexion et les débats qui l'ont entourée sont du plus haut intérêt pour la sociologie du droit. À divers égards, le droit appartient à l'analyse du pouvoir ou des pouvoirs; inversement, l'exercice du pouvoir ou de pouvoirs passe souvent par le droit. On a d'ailleurs eu - et on a encore -beaucoup trop tendance à identifier droit et pouvoir politique, ce qui n'est pas nécessairement faux, mais qui demeure une vue bien partielle des choses si elle empêche de constater que «le pouvoir est partout... qu'il vient de partout (1)» et que les rapports entre le droit et les pouvoirs débordent largement les seuls rapports entre le droit et le pouvoir politique.

Il est donc important pour la sociologie du droit de reprendre le fil du débat sur le pouvoir, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la réflexion sur le pouvoir, dans son sens abstrait et général, aidera la sociologie du droit à échapper à une certaine «idéologie juridique» qui entraîne à ne considérer le droit que dans la seule et trop étroite perspective du pouvoir politique (2). S'il est vrai que le droit est, pour une large part, une émanation de l'État, en même temps qu'il en est sa légitimation, il est essentiel à la sociologie du droit de reconnaître les rapports du droit avec les multiples autres pouvoirs dans la société, particulièrement dans la société moderne. En second lieu, dans la mesure où l'on peut dire du droit qu'il est «un discours de pouvoir (3)», la réflexion déjà engagée sur le pouvoir est peut-être susceptible de contribuer à doter la sociologie du droit de fondements théoriques qui lui font encore gravement défaut. Enfin, on peut aussi espérer que la notion de pouvoir pourra contribuer à cerner d'une manière plus rigoureuse les rapports entre le droit et les autres institutions ou sous-systèmes de la société ou du système social (selon le langage que l'on veut employer).

C'est dans cette perspective et inspiré par ces objectifs que nous nous situons ici. Nous commencerons par revenir sur le débat sur le pouvoir, pour voir ensuite la contribution particulière de Max Weber et enfin en tirer quel-ques réflexions pour la sociologie du droit.


Notes:

(1) Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, la Volonté de savoir, Paris, N.R.F., 1976, p. 122.

(2) Jean-Guy Belley, «Les sociologues, les juristes et la sociologie du droit», Recherches sociographiques (1983), 24, 263-282 et «Du juridique et du politique en sociologie du droit: à propos de la recherche 'Droit et société urbaine au Québec'», la Revue juridique Thémis (1982-1983), 17, 3, 445-459.

(3) Danièle Loschak, «Le droit, discours de pouvoir», dans: Itinéraires. Études en l'honneur de Léo Hamon, Paris, Economica, 1982, pp. 429-444.


Retour au texte de l'auteur: Guy Rocher, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le Samedi 15 mai 2004 08:38
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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