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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de François Rocher et Guy Rocher, “La culture québécoise en devenir: les défis du pluralisme.” Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Fernand Ouellet et Michel Pagé, Pluriethnicité, éducation et société. Construire un espace commun. Chapitre 2, pp. 43-76. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture, 1991, 594 pp. [Le 16 août 2006, M. Guy Rocher nous donnait sa permission de diffuser tous ses articles dans Les Classiques des sciences sociales.].

[43]

François Rocher et Guy Rocher

Respectivement, directeur, Institut d’études politiques,
Université d’Ottawa, d’une part,
et, sociologue, Centre de recherche en droit public,
Université de Montréal, d’autre part.

La culture québécoise en devenir :
les défis du pluralisme
.”

Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Fernand Ouellet et Michel Pagé, Pluriethnicité, éducation et société. Construire un espace commun. Chapitre 2, pp. 43-76. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture, 1991, 594 pp.

Introduction
UNE CULTURE EN PERPÉTUELLE MUTATION
De la culture et de l'ethnicité
De transformations en transformations
Un avenir incertain
Croissance démographique et pluralisme ethnique
LE DÉFI DE L’INTÉGRATION
Plus complexe qu'il n'y paraît
Assimilation, acculturation ou intégration ?
DES PRATIQUES ÉTATIQUES ET SOCIALES À QUESTIONNER
Multiculturalisme à la canadienne ou culture de convergence à la québécoise ?
Les défis du pluralisme
CONCLUSION
Références


INTRODUCTION

Le caractère multiethnique de la société québécoise n'est pas un fait nouveau. Nous pourrions même affirmer qu'il s'agit d'un élément constitutif de notre société. Ce qui est nouveau, par contre, c'est l'intérêt manifesté par la population, et par les leaders d'opinion en particulier, pour ce phénomène. Cet intérêt, parfois teinté d'inquiétude faut-il le reconnaître, n'est pas sans alimenter une réflexion qui aurait dû être entamée depuis déjà longtemps. Trop occupés à définir un projet collectif « national », à rattraper les multiples retards dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'économie, de l'administration publique, les définisseurs de situation se sont rarement posés la question de l'insertion et de la place occupée par les membres des communautés ethniques au sein de la communauté québécoise d'expression française. Le peu de recherches dans cc domaine en témoigne éloquemment. Il aura fallu la crise linguistique de Saint-Léonard, à la fin des années 1960, pour qu'on s'intéresse aux enjeux que pose la présence d'importantes minorités ethniques qui ne sont ni française d'origine ni britannique. Par ailleurs, la nouvelle conjoncture démographique du Québec, associée à la baisse du taux de natalité et ultimement au déclin de la population du Québec, constitue probablement le principal facteur qui explique la découverte de l'« autre » Québec, pour ne pas dire du Québec des « autres ».

La problématique culturelle est celle que nous privilégierons tout au long de notre réflexion. Qui parle de culture parle d'identité, de manières de faire et de percevoir. Il s'agit donc d'une problématique dans la mesure où elle constitue un angle [44] de saisie privilégié. La culture doit aussi être considérée comme une trame puisque nul n'y échappe, elle structure les façons de penser et d'interagir, elle se pose comme la condition d'unification d'une société. Notre réflexion porte donc sur la « trame culturelle » propre au Québec. Non pas que la culture constitue l'aspect le plus important de la réalité, mais plutôt parce qu'elle nous semble avoir été au coeur de l'évolution du Québec des trente dernières années. Les multiples transformations opérées ont bouleversé non seulement les institutions économiques, sociales et politiques, mais à travers elles les paramètres de l'identité collective. C'est donc à travers la trame culturelle qu'il est possible de percevoir avec le plus d'acuité le chemin parcouru et de saisir les enjeux du futur.

Notre réflexion se veut engagée en ce sens qu'elle cherche non seulement à rendre compte de la réalité mais aussi à identifier les voies qui devraient être suivies. Nous optons donc pour une analyse à la fois prospective et normative. Normative en ce sens que la question du pluralisme ethnique, comme toute autre question sociale, renvoie à des choix de société qui reposent sur la subjectivité des acteurs. Que l'on parle, d'une part, de tolérance, d'accueil, de respect des différences ou, d'autre part, d'assimilation, d'acculturation et d'intégration, des choix sont posés quant aux fins visées et aux moyens de les atteindre. Nous reconnaissons d'entrée de jeu que toute société est constituée de groupes dont certains disposent de plus de pouvoir que d'autres dans la fixation des règles du jeu. Nous choisissons quant à nous l'optique de l'affirmation de la culture de tradition française au Québec.

Trois grandes questions alimentent notre réflexion. Le pluralisme ethnique constitue-t-il une menace pour l'avenir de la collectivité d'expression française ? Dans quelle mesure les groupes minoritaires peuvent-ils préserver leur identité ethnique tout en s'intégrant à la société majoritairement francophone ? Comment la société québécoise peut-elle faire face au pluralisme ethnique et favoriser l'insertion des communautés ethniques minoritaires au sein de la composante francophone ?


UNE CULTURE
EN PERPÉTUELLE MUTATION



De la culture et de l'ethnicité

S'il est en sociologie un concept difficile à cerner, c'est bien celui de culture. Certains ont proposé une énumération des [45] éléments qui composent la culture en y incluant entre autres les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale et la religion, la langue, l'ethnie, les coutumes et les modes de vie qu'on retrouve au sein d'une société. D'autres privilégient une classification s'inspirant de la définition de Durkheim à l'effet que la culture engloberait les manières de penser, de sentir et d'agir ainsi que les moyens permettant de les exprimer. C'est notamment le choix fait par les auteurs du livre blanc sur la culture qui définissaient la culture comme « un ensemble de manière de vivre qui répondent aux principaux besoin d'une collectivité », faisant référence à une « mentalité » et à un « climat » qui caractériseraient une collectivité par rapport aux autres (Gouvernement du Québec, 1978, p. 43).

La culture se pose donc comme un construit social qui s'impose aux individus à travers un ensemble de rapports systématisés. Cette vision quelque peu générale et théorique de la culture nous conduit cependant à rappeler deux éléments essentiels à la compréhension de la dynamique culturelle particulière au Québec.

D'abord, que l'ensemble des modèles de comportements qui constituent une culture s'imposent aux individus de l'extérieur, supportés en cela par la langue, l'éducation, les moyens de communication, les arts, la religion, etc. C'est dire que la culture est composée d'un ensemble de « règles du jeu » définies arbitrairement par une collectivité. Nous ne nions pas que la culture d'une société s'enrichit de la contribution de chacun de ses membres, mais au départ les balises normatives et les façons de faire sont socialement prédéterminées.

Ensuite, que la définition de ces « règles du jeu » ne s'établit pas essentiellement de manière consensuelle. Elle s'impose à travers un rapport de force entre classes, sexes, régions, générations et ethnies. Les idées et les comportements dominants sont bien souvent ceux des éléments qui ont réussi à faire valoir leurs intérêts et leurs visions du monde à l'ensemble de la collectivité. Chaque groupe cherche à faire valoir aux autres sa propre définition de la culture. C'est dire qu'une culture n'est jamais monolithique mais comporte des variantes qui contribuent à en changer la configuration avec le temps en fonction de l'évolution des rapports de force que l'on retrouve au sein de chaque collectivité. Ces rapports conflictuels sont évidemment source de tension, mais aussi de vitalité dans la mesure où ils permettent aux sociétés de s'adapter aux défis qui surgissent constamment. Prendre [46] conscience de la dynamique sociale sous-jacente à la culture ne vise pas à justifier la prédominance d'une vision particulière de la culture, c'est tout simplement faire preuve de lucidité et écarter toute vision uniformisante qui serait, en dernière analyse, beaucoup plus coercitive pour les éléments secondarisés de la culture. En somme, s'il est possible de parler d'une culture particulière dans la mesure où elle est acceptée et partagée par l'ensemble, sinon par la majorité, des membres d'une collectivité, il ne faut pas oublier que celle-ci se compose d'éléments multiples dont la hiérarchisation est perpétuellement source de tension.

L'ethnicité représente sans aucun doute un élément important de la culture. Toutefois, il en constitue un élément parmi d'autres. La formation des identités individuelle et collective n'est pas uniquement déterminée en fonction des attributs ethniques. Mais l'appartenance à un groupe ethnique particulier contribue souvent à surdéterminer la culture commune en termes symboliques, idéologiques et institutionnels. En dépit des recoupements, la double appartenance culturelle et ethnique ne renvoie pas à la même réalité. Ainsi, un groupe ethnique peut être composé de plusieurs communautés culturelles et, de la même manière, une communauté culturelle peut rassembler plusieurs ethnies. Ne conserver que l'aspect culturel en évacuant l'ethnicité peut s'inscrire dans une dynamique assimilatrice ou uniformisante. C'est pourquoi les membres de ces groupes préfèrent largement être identifiés en fonction de leurs attributs ethniques plutôt que culturels. Par ailleurs, le recours au seul critère ethnique pour désigner les membres d'un groupe peut masquer le fait que ces derniers vivent des situations économiques et sociales diversifiées. Le recours à cette seule variable ne peut rendre compte de toute la réalité compte tenu des rapports de domination sociale qui existent au sein des groupes et entre ceux qui forment l'ensemble d'une société.

La société québécoise comprend indubitablement plusieurs groupes ethniques. En termes abstraits, tous ces groupes méritent d'être considérés sur le même pied. Toutefois, force est d'admettre que toute société a besoin pour fonctionner d'un minimum de dénominateurs communs. Au Canada, c'est la culture anglo-saxonne qui s'est imposée comme culture dominante à travers notamment la langue anglaise portée originellement par les membres du groupe ethnique d'origine britannique. Au Québec, c'est la culture de tradition française, à travers notamment [47] la langue portée originellement par les membres du groupe ethnique d'origine française, qui constitue celle par laquelle l'intégration devrait normalement se réaliser. Nous reviendrons ultérieurement sur le caractère singulier de la société québécoise à cc chapitre.

La société québécoise est donc composée d'un groupe ethnique français majoritaire, d'un groupe ethnique britannique minoritaire et de nombreux autres groupes minoritaires d'origine diverses. Cette évidence mérite d'être répétée, ne serait-ce que pour mettre fin à une tendance qui veut que cc soient toujours les « autres », incidemment les minorités, auxquels on attribue le qualificatif d'ethnique. L'ethnicité renvoie à tort, plus souvent qu'autrement, à la spécificité et à la différence par opposition à la norme et à la généralité. Comme le soulignait pertinemment Danielle Juteau-Lee (1983) : [il] semble plus fécond d'affirmer que tous les être humains sont porteurs d'ethnicité. Si l'on accepte

[...] que l'ethnie est la forme caractéristique des groupements humains, que le groupe ethnique représente un phénomène historique et que l'ethnicité de chaque être humain reflète l'histoire de la société dont il est le produit, l'on acceptera également que tous les Québécois, qu'ils soient d'origine canadienne-française, canadienne-anglaise, haïtienne, italienne, grecque, etc. sont ethniques (p. 7).

La dimension ethnique s'avère constitutive de toute culture et de toute société. L'ethnicisation fait intégralement partie du processus d'humanisation qui se déploie d'abord au sein de la famille avant de s'étendre à l'ensemble de la société.

Le rapport entre culture et ethnicité en est un de complémentarité. Les nombreuses transformations qui ont affecté le Québec depuis la Révolution tranquille ont contribué à modifier la perception générale à l'égard des communautés ethniques. On ne peut comprendre la place occupée par celles-ci sans saisir, même sommairement, certains aspects de l'évolution rapide et profonde qu'a connue le Québec depuis maintenant trois décennies.

De transformations en transformations

Il est possible d'affirmer la spécificité de la culture québécoise et admettre par ailleurs que cette dernière a grandement évolué depuis son implantation en terre d'Amérique. D'ailleurs, une culture vivante ne peut être que mouvante et se situer dans [48] un processus évolutif. Si la culture renvoie à un système global de référence systématisé à travers un discours explicite, force est d'admettre que c'est ce système qui s'est modifié dans le temps beaucoup plus que les caractères d'une supposée « personnalité collective ». Au-delà de l'énumération des attributs qui composent la personnalité collective des Québécois, il importe de souligner que c'est le caractère français qui en constitue le principal élément. La langue et la tradition française traversent l'univers culturel des Québécois, même si leurs statuts n'ont pas toujours été les mêmes à travers le temps.

L'originalité de la société québécoise contemporaine s'avère différente de ce qui la particularisait il y a seulement trente ans. Les traits culturels distinctifs auxquels on faisait état avant la Révolution tranquille référaient, d'une part, à l'organisation familiale et au type de socialisation qui lui était associé (notamment à l'esprit d'indépendance, à l'attachement à la terre, au primat des relations personnelles dans la conduite des affaires) et, d'autre part, à l'omniprésence de la religion catholique et à la mission spirituelle du Québec en terre d'Amérique. Ces traits furent soit magnifiés afin de garder la culture canadienne-française à l'abri de l'influence matérialiste anglo-protestante et lui permettre ainsi de survivre, soit décriés comme étant la cause du retard économique et social du Québec. Dès l'après-guerre, de multiples bouleversements vont contribuer à modifier l'image que les Québécois de tradition française se faisaient d'eux-mêmes : accélération du processus d'industrialisation et d'urbanisation, attrait de l'american way of life qui découle de l'ouverture du Québec à la réalité continentale, vagues d'immigration, laïcisation des institutions, atténuation de l'emprise de la famille, entrée massive des femmes sur le marché du travail, etc. À travers ces mutations, la culture québécoise est devenue plus perméable aux valeurs dominantes de l'Occident. À l'heure actuelle, son originalité tient de plus en plus à son caractère linguistique particulier sur le continent nord-américain. Il n'est donc pas étonnant que la langue française s'impose comme la valeur principale à protéger et à promouvoir, que les revendications linguistiques deviennent le fer de lance de la promotion des Canadiens français jusqu'alors relégués au second rang sur un territoire où ils étaient pourtant majoritaires.

Au cours de la Révolution tranquille, une nouvelle vision de la société québécoise s'est imposée. Elle se caractérisait par une définition de l'identité moins traditionnelle et défensive et [49] cherchait à mettre de l'avant des revendications politico-économiques qui tentèrent de briser l'image du Canadien français dépossédé et colonisé. La culture québécoise se renouvelle au rythme de la modernisation économique et politique qui traverse la société. Pour être court, cc fut l'époque de la fierté d'être Québécois d'où émergea la nécessité d'affirmer, en Amérique du Nord, une culture originale. Le combat linguistique participa à la lutte pour l'affirmation économique de la « nation québécoise ». Le culturel devint politique et l'État du Québec, seule institution contrôlée par les francophones, s'avéra l'un des outils privilégiés de promotion individuelle et collective. Cette révolution culturelle prit aussi appui sur l'appropriation du pouvoir économique par la communauté francophone et sur l'amélioration du statut socio-économique de ses membres. Pour l'une des premières fois de leur courte histoire, les Québécois francophones cessèrent de se considérer comme minoritaires et agirent en cc sens. Il faut néanmoins rappeler que ce passage du statut de minoritaire à celui de majoritaire s'est réalisé non pas à travers une croissance démographique soutenue, il s'en faut, mais plutôt par l'adoption d'un nouveau territoire de référence : de Canadiens français, il sont devenus Québécois. Cette mutation, bien que symbolique, a eu des implications réelles aux niveaux social et politique.

La quête de l'identité collective et le projet politique nationaliste ont alimenté la culture et le sentiment d'appartenance d'une collectivité unique en Amérique du Nord. Il n'est pas étonnant de constater que dans le bouillonnement de la Révolution tranquille, la réflexion autour du thème de la question nationale ait pris le pas sur celle de l'intégration des communautés ethniques. L'analyse des rapports entre les anglophones et les francophones - qualifiés de domination, d'oppression, de colonisation selon les écoles de pensée - occupa l'avant-scène des préoccupations.

Dans le sillage de ces transformations, la langue française, valorisée pour elle-même, fut à la source de tensions avec les « autres » : anglophones et allophones. Alors que le nationalisme traditionnel affichait de l'appréhension à l'égard de l'immigration et des communautés ethniques, les attitudes vont graduellement changer par suite des vagues successives d'immigration des années 1950 et 1960. L'établissement d'immigrants en terre québécoise a contribué à transformer l'homogénéité nationale et culturelle de la population francophone et a forcé cette dernière à mettre fin à une attitude défensive de repli sur soi. Il devint [50] évident que les Néo-Canadiens représentaient une nouvelle force au Québec et seraient intégrés à l'une ou l'autre des deux majorités du Canada. La faible capacité d'intégration de la communauté francophone plongeait ses racines dans l'infériorité économique du français, principalement à Montréal. Les débats linguistiques de la fin des années 1960 et des années 1970 renvoyaient entre autres à l'incapacité de la société francophone à intégrer à sa culture linguistique les nouveaux venus. La prise de conscience de l'anglicisation massive des nouveaux arrivants au Québec, surtout perceptible à travers le réseau scolaire, a fait que ceux-ci sont devenus malgré eux un enjeu entre francophones et anglophones. Certains éléments des minorités ethniques résisteront à tout processus d'intégration obligatoire au système scolaire francophone, renforçant ainsi leur sentiment d'identité au Canada et à la communauté anglophone. Il faudra de nombreuses tergiversations législatives avant que la situation soit clarifiée avec la loi 101 qui repose sur le principe de l'enseignement en langue française dans les écoles primaires et secondaires au Québec. Au-delà de la crise linguistique, il importe aussi de rappeler que c'est au cours des années 1970 que l'État s'est doté d'une véritable politique d'immigration et mit sur pied des services de sélection à l'étranger, d'accueil, de placement, de formation et d'adaptation culturelle. Parallèlement, le Québec a réussi à récupérer du gouvernement central des pouvoirs en matière d'immigration, notamment en cc qui a trait à la sélection et à l'établissement des immigrants (Harvey, 1987).

En marge de l'acquisition du statut de majoritaire, il ne faut pas négliger le fait que les francophones ont néanmoins toujours conservé le fort sentiment de constituer une minorité dans l'ensemble canadien, sans parler du continent. Ce sentiment se retrouve forcément au cœur de la question des rapports entre les francophones et les groupes ethniques.

Un avenir incertain

L'hétérogénéité ethnique qui caractérise de plus en plus les sociétés occidentales n'est pas sans avoir transformé la dynamique culturelle : chaque groupe tentant de conserver les modes de vie et les représentations qui lui sont propres. Le Québec n'a pas échappé à ce phénomène. La polarisation majorité/minorité est traversée par d'autres tensions - notamment entre les anglophones et les francophones, entre Montréal et les autres régions, [51] entre la classe moyenne et les groupes défavorisés - qui rendent la situation encore plus complexe. C'est à travers ces multiples clivages que se dessinent les contours d'une culture québécoise originale.

Si la collectivité québécoise peut apparaître de plus en plus éclatée, force est de constater que d'autres éléments travaillent en sens inverse. Ainsi, l'urbanisation qui a accompagné l'industrialisation a conduit à une plus grande homogénéisation des modes de vie. La consommation de masse rend moins évidente les différences culturelles. De la même manière, la révolution technologique et la progression des moyens de communication ont contribué à diffuser des manières de penser qui viennent d'ailleurs, pour ne pas dire massivement des États-Unis. Marcel Rioux (1987), à l'instar de bien d'autres, a déjà décrit cette invasion de la culture québécoise par les biens symboliques américains comme un « viol des âmes » (p. 13-14). Cette tendance risque de s'imposer davantage dans l'avenir. Force est de constater qu'à l'heure du libre-échange la continentalisation de l'économie ne pourra aller qu'en s'intensifiant. Dans la foulée de la consolidation de grands blocs économiques, le Canada a opté pour une plus grande identification et pour son intégration au continent.

Malgré les changements passés et à cause des transformations sociales anticipées, plusieurs se disent inquiets face à l'avenir. Si le Québec des décennies 1960 et 1970 s'est retrouvé au centre d'une expérience culturelle et politique originale et dynamique en Amérique, celui des années 1980 est marqué du sceau de la morosité. L'échec de l'option souverainiste lors du référendum, l'essoufflement des pratiques syndicales novatrices, la crise qu'a connue le Parti québécois, l'impasse dans lequel se retrouvent les projets alternatifs et l'incapacité des générations passées à transmettre aux jeunes leurs propres valeurs font croire à une démobilisation vis-à-vis l'engagement politique et social. Le déclin du nationalisme politique marquerait pour plusieurs la mort de l'identité et de la culture québécoise. Ce manque de vision à long terme, l'absence de représentations et de rêves qui confèrent un sens à une collectivité, portent un dur coup à la culture qui puise nécessairement à un imaginaire collectif. L'identité culturelle adopte moins les voies du politique pour s'affirmer. Elle tend maintenant à se constituer à partir de pratiques culturelles particulières (modes de vie), délaissant de plus en plus ses références à l'histoire pour s'ancrer dans la quotidienneté et la [52] spontanéité. Nous assistons à un engouement typiquement nord-américain pour les valeurs du prive axées sur la réussite personnelle et professionnelle. Comme le souligne Fournier (1987), « dans le même mouvement où la culture se dépolitise, la politique elle-même se « déculturalise », elle abandonne la poursuite d'idéaux et la défense d'idées pour ne se préoccuper que de la seule gestion des ressources » (p. 81). Le déclin du nationalisme s'est traduit par un désenchantement général vis-à-vis des valeurs collectives.

Plus que jamais, l'ouverture sur le monde, aussi bien culturel qu'économique, interpelle la culture québécoise. Mais cette interpellation arrive à un moment où les Québécois francophones ne savent plus exactement qui ils sont. C'est dans ce contexte d'incertitude face à l'avenir que l'on s'intéresse aujourd'hui aux communautés ethniques et à leur intégration dans le tissu social francophone. Cette incertitude est alimentée par plusieurs éléments qui contribuent à transformer la dynamique sociale et culturelle québécoise : déclin démographique, venue d'immigrants de plus en plus « visibles », concentration géographique des communautés ethniques, accroissement de la clientèle pluriethniquc dans le système scolaire français et transferts linguistiques favorisant la communauté anglophone. De plus, la continentalisation de l'économie et de la culture fait en sorte que les immigrants, lorsqu'ils choisissent le Canada comme pays d'adoption, sont attirés par le caractère « américain » de la société canadienne. Ce faisant, le Québec peut être davantage perçu comme une porte d'entrée à l'Amérique du Nord que comme un lieu qui s'en distingue par sa culture. Les nouveaux venus doivent composer et s'adapter à une réalité culturelle qui n'est pas conforme à l'image qu'ils se faisaient du continent nord-américain.

Croissance démographique
et pluralisme ethnique


Faire état des mutations récentes pourrait laisser croire que la société québécoise ait atteint son « âge d'or » ou, moins prétentieusement, une certaine maturité. Toutefois, les processus sociaux qui déterminent la culture sont en continuelle recomposition. Des mutations importantes sont en train de s'opérer qui modifieront immanquablement la société québécoise. Pour plusieurs, ces changements sont source d'une vive inquiétude. Au premier chef, vient la question du déclin démographique des francophones et ses multiples conséquences aux plans tant économique [53] et social que politique. C'est un fait maintenant connu et largement médiatisé que le Québec entrerait au tournant du siècle dans une période de décroissance démographique (Henripin, Martin, 1988, p. 235). Au train où vont les choses, il est possible que le Québec compte deux fois moins d'habitants dans un siècle. Alors qu'il s'est longtemps démarqué par une fécondité exceptionnelle, la tendance s'est renversée et il affiche maintenant un taux de fécondité inférieur à celui du Canada anglais. Notons au passage que le taux de fécondité des Québécoises francophones demeure supérieur a celui de leurs concitoyennes anglophones, alors qu'il est nettement inférieur à celui des allophones. C'est donc au Québec que l'on compte le plus petit nombre de naissances par femme. Si la tendance décelée au début des années 1980 se maintient, les familles québécoises seront d'une taille inférieure à la moyenne nationale, ou elles seront plus petites (Romanivc, 1984, p. 17-20).

Le Québec n'est évidemment pas seul dans cette situation qui touche d'autres provinces et de nombreux pays industrialisés. Ce qui étonne, c'est l'ampleur et la rapidité avec laquelle ces changements se sont produits. Il ne nous appartient pas ici d'expliquer cette situation. Il est toutefois fort probable que la modernisation rapide du Québec ait contribué à un réalignement des attitudes sur celle des autres pays industrialisés et alimenté de nouvelles aspirations où la famille et les enfants occupent une place moins importante. La question prend toutefois une tout autre signification lorsqu'on tient compte de la baisse de la proportion des francophones au Canada et de leur situation minoritaire sur le continent.

La stagnation et le déclin démographiques poseront de nombreux problèmes dans le futur. Outre les coûts sociaux liés au fait qu'une proportion de plus en plus restreinte de personnes actives devra supporter une proportion grandissante de personnes inoccupées ainsi que la nécessité de supporter les infrastructures essentielles aux programmes sociaux dont le Québec s'est doté, la croissance économique risque d'être sérieusement grevée par un fléchissement important de la courbe démographique. De plus, en termes strictement géopolitiques, le poids du Québec dans la fédération ne cessera de fléchir. Entre 1979 et 1988, la population du Québec est passée de 26,7% à 25,6% de l'ensemble canadien. À long terme, bien qu'il soit toujours hasardeux de jouer au devin, il nous apparaît clair que la place occupée par le Québec dans les institutions politiques de la fédération ne [54] pourra que suivre cette tendance à la marginalisation. Dans un système démocratique, le poids du nombre est toujours déterminant. Un rétrécissement de la population se traduira inévitablement par une baisse d'influence au sein des lieux importants de prise de décision, tant au niveau de l'exécutif que de la bureaucratie fédérale. Les quelques gains obtenus au chapitre du bilinguisme officiel pourraient fort bien n'être que temporaires. On peut même envisager une recomposition des institutions - Sénat et Cour suprême - au détriment de la minorité francophone, quoique les mécanismes constitutionnels par lesquels de tels changements peuvent s'opérer rendent improbable, à court terme, une telle évolution.

Si la proportion des francophones tend à diminuer dans l'ensemble du Canada, il est important de rappeler qu'elle a légèrement augmenté au Québec. Alors que 80,8% de la population utilisait le français à la maison en 1971, elle était de 82,8% en 1986. Cette progression relative du français s'explique non pas par une croissance naturelle de la population mais plutôt par l'exode des anglophones vers les autres provinces canadiennes, surtout entre 1975 et 1981. Il s'agit donc essentiellement d'un phénomène de concentration géographique des populations (Lachapelle, 1987, p. 109-125). Ces données peuvent toutefois être trompeuses. En effet, si les francophones occupent une place nettement prépondérante au Québec, leur distribution géographique est quant à elle inégale.

Un autre phénomène d'importance doit retenir aussi notre attention. Il s'agit de la concentration de la population en milieu urbain (surtout montréalais) et son corollaire, soit le « dépeuplement » de certaines parties du territoire québécois. Ce phénomène rend compte de l'inégale répartition de l'activité économique au Québec. Cependant, la croissance de la région métropolitaine de Montréal s'accompagne paradoxalement d'une baisse de la population de la ville même au profit de la banlieue. Il faut noter de plus que ce sont surtout les jeunes adultes qui quittent les milieux ruraux et les centre-villes pour aller s'établir en banlieue (Gouvernement du Québec, 1989a, p. 21-47). La question démographique se double donc d'une question spatiale liée à la répartition géographique de la population et des problèmes qui en découlent.

Si les Québécois quittent les milieux ruraux pour venir grossir les rangs de la population urbaine, force est de constater que les membres des communautés ethniques se sont toujours [55] installés dans les zones urbaines, pour ne pas dire massivement dans la région montréalaise. Ce choix n'est pas étonnant compte tenu des caractéristiques professionnelles des immigrants et des possibilités qu'offrent les grandes villes en termes de services et de marché du travail. Cette réalité n'est pas sans poser la question de la situation démo-linguistique particulière de l'île de Montréal. Ce n'est pas pour rien que c'est à Montréal que les combats linguistiques ont toujours été les plus virulents. Le pluralisme ethnique que l'on y rencontre est propice aux brassages culturels, dont la langue constitue un enjeu majeur.

La combinaison de la sous-fécondité des Québécoises et de la propension des francophones à s'installer à l'extérieur de l'île de Montréal contribuera à affaiblir la majorité d'expression française sur ce territoire d'importance capitale pour l'avenir du Québec. Sans vouloir faire un usage abusif des statistiques, rappelons qu'en 1986 seulement 51,6% des francophones de la région métropolitaine résidaient sur l'île comparativement à75,6% des anglophones et 84% des allophones (Paillé, 1989, p. 16-17). Sur le territoire même de la région de Montréal, la concentration des minorités linguistiques dans quelques municipalités est frappante. Ainsi, près de 50% des allophones se retrouvent dans la ville de Montréal (dont la population est à24% allophone) et seulement huit autres municipalités en regroupent un autre tiers. Il s'agit de Saint-Léonard (dont les allophones comptent 45% des résidants), Laval (15%), Saint-Laurent (35%), Montréal-Nord (21%), Lasalle (24%), Dollard-des-Ormeaux (25%), Brossard (19%) et Côte-Saint-Luc (31%) (Baillargeon, 1988). Lorsqu'on tient compte de l'évolution de la population (en fonction de la natalité, de la mortalité, de l'immigration et de l'émigration), il faut noter que l'accroissement de la majorité francophone est moins rapide que celle de la population non-francophone.

La proportion des résidants d'origine ethnique française sur l'île de Montréal a toujours gravité autour du 60% jusqu'au début des années 1970. Elle décroît lentement depuis 1951, alors qu'elle atteignait le sommet de 63,8%, pour se situer à 58,9% lors du recensement de 1986 (Statistique Canada, cat. 93X-941). Cette relative stabilité, en dépit de la forte immigration d'allophones et de l'exode des francophones vers la banlieue, s'est maintenue au cours de la période récente à cause d'une importante émigration des anglophones vers les autres provinces canadiennes. L'importante concentration des communautés ethniques [56] à Montréal renvoie à la problématique de leur intégration à la majorité francophone. Cette concentration est encore plus marquée si on prend en compte l'établissement des populations allophones dans ce qu'il est convenu d'appeler les « quartiers ethniques ». Si ce phénomène s'explique entre autres par la nécessité de recréer des réseaux de services et de maintenir une trame socioculturelle qui permette l'intégration tout en conservant une certaine identité ethnique, il favorise parfois le maintien de ghettos (d'emplois, de résidence, de relations sociales) qui court-circuitent l'enracinement au sein de la société québécoise.

Ce n'est pas faire preuve d'alarmisme que d'affirmer que la situation actuelle et future des francophones de l'île est fragile : le phénomène de la concentration géographique des immigrants contribue à modifier la croissance démographique des non-francophones comparativement à celle des francophones. L'accroissement de la proportion des allophones sur l'île ne signifie pas nécessairement que ces derniers ont moins de contacts avec la majorité. Les milieux de travail et l'école sont des lieux où se côtoient les groupes linguistiques. Toutefois, la mobilité linguistique des non-francophones ne pourra à elle seule contribuer à maintenir l'importance relative des francophones sur l'île de Montréal. En effet, lorsque les allophones opèrent un transfert linguistique, ils choisissent sept fois sur dix l'anglais. En somme, si les tendances actuelles se maintiennent et compte tenu du fait que les nouveaux venus s'établissent trois fois sur quatre sur l'île de Montréal, il est plausible de croire, à moins d'un revirement inattendu de la situation, à un déclin important de la majorité francophone et ce, en dépit d'une augmentation du nombre d'immigrants francophones (Paillé, 1989, p. 93-99).

La politique linguistique du Québec bien entendu a suivi la volonté d'affirmation du français mais a aussi répondu à la nécessité de faire du français la langue commune de toutes les composantes de la société. La loi 101, comme nous l'avons déjà mentionné, avait entre autres pour objectif d'intégrer au système scolaire français les jeunes des communautés ethniques ainsi que les enfants d'immigrants. Cette orientation politique a eu pour conséquence directe de diriger vers les écoles françaises les écoliers allophones qui auparavant s'inscrivaient massivement dans le secteur anglais. Ainsi, dans l'ensemble du Québec, alors que seulement 20,5% des écoliers allophones fréquentaient le secteur d'enseignement français en 1976-1977 (et tombait à 13,1% pour l'île de Montréal), cette proportion était de 67,1% [57] pour 1987-1988 (comparativement à 66,2% des effectifs allophones de l'île de Montréal) et ne cessera de croître au cours des prochaines années pour atteindre vraisemblablement près de 80% à la fin des années 1990 (Paillé, 1989, p. 70). La proportion d'enfants nés à l'étranger s'inscrivant à l'école française est encore plus importante (82,4% pour l'île de Montréal). Cette réorientation massive s'est évidemment traduite par une augmentation des effectifs allophones inscrits dans les écoles de langue française au sein des commissions scolaires de l'île de Montréal. Cela correspond entre autres à des proportions d'allophones de 42,2% pour la C.É.P.G.M., 23,3% pour la C.É.C.M., 30,2% pour Sainte-Croix, 12,6% pour Jérôme-Le Royer (données pour 1986-1987) (Conseil de la langue française, 1987, p. 15-21). Ces dernières données expliquent en particulier la vive opposition de la C.É.P.G.M. à la mise en place des commissions scolaires basées sur la langue plutôt que sur la religion.

Ce revirement de situation a eu pour conséquence de rendre « visibles » les communautés ethniques qui autrefois n'étaient que marginalement présentes dans les écoles françaises. S'il est manifeste que les écoles du réseau français montréalais présentent un caractère pluriethnique, force est de reconnaître que ce phénomène touche davantage certains secteurs de l'île. La concentration dans certaines écoles d'une forte proportion d'écoliers non-francophones a pu laisser croire qu'il s'agissait d'un phénomène généralisé alors qu'en réalité « un bon nombre, sinon la majorité d'entre elles [les écoles], se retrouvent dans des quartiers ou des secteurs diversifiés au plan linguistique ou ethnolinguistique » (Conseil de la langue française, 1987, p. 25).

Bien que la loi 101 ait amené bon nombre d'enfants issus des communautés ethniques à s'inscrire à l'école française, le français n'est pas devenu la langue commune dans les écoles où ces enfants sont fortement concentrés. Dans ce contexte, peut-on penser que l'école soit le meilleur lieu où peuvent s'amorcer les transferts linguistiques, ou à défaut, qu'elle permette une plus grande utilisation du français dans la vie courante ? Il n'est pas possible de savoir à l'heure actuelle si la fréquentation du système scolaire français se traduira par l'adoption à long terme du français comme langue d'usage par les allophones. Il semble toutefois que de plus en plus d'écoliers non-francophones adoptent le français comme langue de tous les jours même si ceux qui fréquentent l'école anglaise opèrent encore davantage de transferts linguistiques vers l'anglais. Ainsi, en dépit des progrès [58] réalisés, on ne saurait compter sur les seuls transferts linguistiques pour compenser la sous-fécondité des francophones et, particulièrement sur l'île de Montréal, maintenir la proportion de ses résidants de langue maternelle française.

Le pluralisme ethnique prend une signification particulière lorsqu'il est considéré dans le contexte du déclin de l'accroissement naturel de la population. En dépit du fait que le nombre d'immigrants au Québec a été faible au cours de la dernière décennie, hors une hausse appréciable depuis 1987, l'immigration constitue aujourd'hui un sujet croissant de préoccupation. La question que plusieurs se posent est évidemment de savoir si la faible croissance naturelle pourrait être compensée artificiellement par l'immigration. Même si le Québec connaît depuis deux ans un solde migratoire de plus de 20 000 personnes, ce bilan est largement atténué par les migrations interprovinciales qui ont toujours défavorisé le Québec. En somme, les départs vers les autres provinces canadiennes (surtout l'Ontario) grugent une bonne partie des nouveaux arrivants (le taux de rétention des immigrants au Québec après une période de dix ans était de 65% en 1986 comparativement à 75% au Canada) (Gouvernement du Québec, 1979). Les migrations interprovinciales reflètent en grande partie le déplacement vers l'Ontario, et surtout la région de Toronto, des pôles de croissance économique. Toutefois, ces départs touchent surtout les anglophones dont la propension à quitter le Québec est généralement treize fois plus élevée que celle des francophones. Or, la population immigrée qui ne connaît que le français a connu une baisse importante au cours des années 1980 alors que celle qui ne connaît que l'anglais est en hausse et que celle qui ne parle aucune des deux langues officielles du Canada représente un peu moins de 40% du total de l'immigration internationale. Ce phénomène est lié à la modification de la provenance géographique des immigrants qui arrivent maintenant au Québec, tout comme dans le reste du Canada d'ailleurs. Contrairement aux vagues précédentes d'immigration composées principalement d’Européens, ces derniers ne constituaient plus qu'environ 20% des nouveaux arrivants en 1987. D'autre part, l'immigration provenant d'Asie, d'Amérique Latine et des Antilles en représentaient plus de la moitié. Comme le souligne Termotte (1988) :

puisque la part de ceux qui comprennent l'anglais parmi les Immigrants est toujours très nettement supérieure à la part des anglophones dans la population totale du Québec, et puisque la [59] part de ceux qui comprennent le français est toujours très nettement inférieure à celle des francophones, il est manifeste que l'impact linguistique de l'immigration internationale est favorable (quoique moins qu'auparavant) à la présence de l'anglais et défavorable à la présence du français (p. 316).

En dépit du fait que les transferts linguistiques profitent généralement à la langue anglaise, ces derniers n'ont eu jusqu'à présent qu'un impact limité sur la progression de l'anglais comme langue maternelle (Lachapelle, 1988, p. 338). La mobilité linguistique vers l'anglais ne profite donc pas toujours à ce groupe dans la mesure où l'adoption de cette langue augmente fortement la propension à quitter le Québec. En d'autres termes, la migration interprovinciale des anglophones depuis le milieu des années 1960 a dépassé largement l'accroissement de ce groupe par suite de la mobilité linguistique.

Au train où vont les choses, s'il voulait seulement compenser la baisse projetée des naissances, le Québec devrait quadrupler le niveau actuel d'immigration. Or, compte tenu essentiellement de l'évolution démolinguistique du Québec et des problèmes socio-culturels découlant d'une entrée massive d'immigrants internationaux, plusieurs jugent cette avenue irréaliste.


LE DÉFI DE L’INTÉGRATION


Plus complexe qu'il n'y paraît

Nous ne pouvons aborder la dynamique ethnique sans faire référence au contexte sociopolitique à l'intérieur duquel elle évolue. Au Québec, la question de l'intégration des minorités ethniques se pose en des termes plus complexes qu'ailleurs au Canada. Les rapports entre une société francophone majoritaire au Québec et une collectivité anglophone majoritaire au Canada teinte nécessairement, que nous le voulions ou non, la façon dont est abordée la problématique de l'intégration des communautés culturelles. Force est d'admettre qu'elle se pose en des termes différents selon les groupes concernés : les anglophones préconisent un libéralisme politique, économique et culturel qui profite évidemment au groupe dominant sur le continent, les allophones cherchent à préserver leur identité propre et mettent de l'avant les vertus du multiculturalisme alors que les francophones, conscients de leur situation, cherchent à intégrer les groupes [60] ethniques selon une dynamique semblable à celle des autres sociétés majoritaires.

Au-delà de ces considérations, il faut tout de même admettre que la réflexion entourant l'intégration des communautés ethniques est alimentée par ce qu'il est convenu d'appeler la question nationale. Or, la problématique nationalitaire tend à nier plus ou moins ouvertement les ethnies au profit de l'intérêt général, lui-même fonction d'un rapport de force qui privilégie le groupe dominant. Du point de vue de la majorité, le pluralisme ethnique oblige à repenser les termes du débat. Le maintien d'une culture québécoise dynamique ne peut se faire en oblitérant une ou l'autre de ses composantes. De plus, le concept de nation mérite d'être redéfini dans une perspective qui rompe avec celle de l'État-nation, héritée du XIXe siècle, qui concevait celui-ci comme un tout homogène.

Forte est la tentation d'aborder la question à travers le prisme de l'opposition dominant/dominé. Toutefois, la multiplicité des conditions de vie des groupes minoritaires, l'ambiguïté entourant la définition de la culture québécoise et la capacité limitée d'intervention de l'État québécois obligent à plus de nuances et de circonspection. Il faut en effet constater que les groupes ethniques minoritaires, tout en s'intégrant plus volontiers à la communauté anglophone, ont su conserver leur identité et l'usage de leur langue d'origine à un niveau beaucoup plus élevé que celui qu'on retrouve dans les autres grandes villes nord-américaines. La mise sur pied d'organisations communautaires et de sous-ensembles économiques de type ethnique a favorisé l'isolement social et linguistique de beaucoup de groupes ethniques. Pour Anctil (1984), la persistance des caractères socio-linguistiques d'origine pourrait en partie s'expliquer par l'ambiguïté du statut des groupes francophone et anglophone. Pour cc qui est de la communauté italienne notamment, il soutient que « les lois linguistiques et le contexte nationaliste des années soixante-dix auraient eu pour effet secondaire de maintenir vivant l'usage de la langue italienne à Montréal, voire même de provoquer un renforcement de sa position par rapport à celle des langues dites officielles » (p. 445). De plus, le fait que Montréal soit pour ainsi dire la seule ville véritablement bilingue au Canada a amené bon nombre d'allophones à développer une habileté linguistique dans les deux langues tout en conservant leur langue d'origine pour ce qui est des contacts familiaux ou ethniques. Ainsi, dans un contexte d'ambivalence linguistique et [61] culturelle, les cultures allogènes ont persisté faute d'être confrontées à une culture unique et à un environnement unilingue.

Assimilation, acculturation ou intégration ?

Les pratiques d'insertion des communautés culturelles ont souvent été abordées de manière univoque : elles s'inscrivaient dans la perspective d'une assimilation. Cette dernière se caractériserait entre autres par une adhésion totale aux règles, modes de vie, valeurs et langue de la société d'accueil. À terme, les minorités ethniques seraient appelées à se fondre entièrement à l'intérieur de la majorité à tel point que les différences culturelles et distinctions ethniques n'existeraient plus. Toutefois, si la théorie de l'assimilation est relativement simple, la réalité ne l'est pas tout autant. En effet, si d'aucuns souhaitent une participation entière à la société, il faut constater qu'il existe des inégalités de pouvoir qui caractérisent souvent les relations entre les membres des communautés minoritaires et ceux qui constituent la « majorité » au sein de la société. Cette majorité contrôle le fonctionnement de l'État (provincial) et de ses appareils idéologiques alors que les minorités ethniques rencontrent parfois de la difficulté à modifier leurs rapports au groupe dominant puisqu'elles ne disposent pas de toutes tes institutions permettant d'assurer leur reproduction.

L'existence de structures sociales autonomes s'avère essentielle au maintien de tout groupe minoritaire ; l'absence de lieux de référence conduit inévitablement à l'acculturation des individus qui, faute d'être exposés à des valeurs, normes et comportements différents, adoptent ceux du groupe dominant. Par ailleurs, les cultures traditionnelles sont constamment confrontées aux multiples moyens de socialisation dont dispose la culture dominante à travers les écoles, les mass-media, les milieux de travail, les loisirs, etc. La préservation de la culture d'origine, dans un contexte où elle entre en concurrence avec la culture de la majorité, devient de plus en plus éphémère et artificielle. La culture et la langue officielle de l'école, du travail et des loisirs fixent une hiérarchisation sociale entre les cultures : celles qui ne se situent pas dans le courant dominant sont soit renvoyées à la sphère du privée, soit tout simplement abandonnées.

Le statut de minoritaire est non seulement culturel, mais aussi social et politique. Il s'accompagne d'un pouvoir social [62] moindre. Le statut de minoritaire se définit essentiellement en fonction des rapports entretenus avec le groupe dominant. Ainsi, il ne suffit pas d'aborder la question de l'insertion des communautés dans une perspective culturelle fiée au maintien des identités particulières, mais aussi en fonction d'un cadre structurel faisant référence aux mécanismes et institutions économiques, politiques et sociaux qui régissent la société.

Il est donc possible d'opérer une distinction entre l'assimilation culturelle et l'intégration structurelle (Roberts, Clifton, 1982, p. 89). La première désigne le processus de désintégration du système de normes et de valeurs propre à chaque groupe minoritaire et renvoie à la problématique générale de l'acculturation. La seconde fait référence à un relâchement de la nécessité de maintenir des rapports économiques et institutionnels étroits avec les autres membres du groupe ethnique par suite d'une insertion sans trop de difficulté dans la société d'accueil et de la capacité de réaliser les projets de promotion individuelle en dehors de toute référence au groupe ethnique. Évidemment, ces deux processus peuvent se manifester indépendamment. Ainsi, les membres de certains groupes ethniques peuvent adopter les normes, valeurs et croyances de la culture dominante sans pour autant être présents au sein des organisations et des institutions de la majorité. Par ailleurs, l'inverse est possible : il peut y avoir intégration structurelle sans nécessairement assimilation culturelle.

Le défi auquel font face tant la société québécoise que les groupes minoritaires s'articule autour des pôles de la préservation de l'identité ethnique et de l'intégration à la société d'accueil. Nous pouvons sans nous tromper affirmer que les membres des minorités ethniques rejettent l'assimilation tout en désirant s'intégrer à part entière. Les conditions sociales et économiques, qui touchent particulièrement les nouveaux venus, rendent toutefois plus difficile cette intégration. Même si les généralisations sont toujours abusives, la population récemment immigrée présentait au début de la décennie un profil socio-économique moins avantageux (niveau de chômage plus élevé, concentration dans des branches d'activité traditionnelles) que les immigrants de longue date et, évidemment, que la population non immigrée (Gouvernement du Québec, 1988, p. 102-104). Bien que cette situation reflète une période normale d'adaptation, la provenance géographique de la population récemment entrée au Québec y est aussi pour quelque chose. La diversification des pays [63] d'origine constitue une nouvelle réalité : alors qu'en 1971, l'Europe et les États-Unis composaient dix-huit des vingt principaux pays de naissance, en 1986, huit pays des Antilles, d'Asie, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient en font partie (Gouvernement du Québec, 1989b et 1989c). Au-delà de ces données, il importe de retenir que c'est souvent la nécessité de survivre et de faire face au choc culturel qui oblige les nouveaux arrivants à s'en remettre aux réseaux ethniques de solidarité - d'ailleurs parallèles aux multiples services gouvernementaux - retardant ainsi leur intégration à la société d'accueil. La marginalisation économique des nouveaux immigrants, par leur insertion dans des ghettos de travail, contribue à rendre laborieuse, sinon impossible, leur intégration culturelle au sein de la société québécoise.

Il y a donc une communauté d'intérêt entre plusieurs membres des groupes ethniques qui relève moins de la culture que du fait d'être exposés à diverses formes de discrimination et de vivre en marge du groupe dominant. Comme le mentionne Moodley (1988), « c'est cette expérience d'un conflit et d'un accommodement malaisé avec la culture environnante qui unifie les minorités » (p. 214). L'atténuation des clivages économiques l'emporte, quant aux préoccupations des membres des groupes ethniques minoritaires, sur la persistance de l'identité culturelle. Dans cette perspective, la quête d'une amélioration du statut économique passe souvent par un abandon des stigmates de l'ethnicité. La priorité va à l'acquisition du savoir faire moderne conjuguée à la conservation des éléments fonctionnels de l'identité ethnique : « ils ont besoin du premier comme outil, pour se tirer d'affaires [...] ; quant aux seconds, ils servent à s'exprimer, une chose dont on est prêt à s'occuper soi-même » (p. 217). C'est à travers l'effort individuel plutôt que par la formulation de revendications collectives touchant le statut ethnique que s'effectue la mobilité sociale. Ainsi, la persistance de l'identité ethnique d'origine relève ultimement d'un choix individuel. Elle devient progressivement une référence symbolique, surtout pour les nouvelles générations. Moins l'insertion dans la société d'accueil est récente (en termes d'années et de générations), plus l'attribut ethnique devient subjectif. il renvoie davantage à une conscience d'appartenance - construit psychologique - qu'à une culture matérielle et à des pratiques observables. Le maintien de l'identité ethnique répond à cc moment à un besoin individuel plutôt que collectif. Dans le cadre des sociétés du capitalisme avancé, l'ethnicité des groupes minoritaires devient symbolique [64] et s'avère peu ou pas contraignante dans la détermination des valeurs, des normes et des modes de vie. Comme l'ont souligné Roberts et Clifton (1982) :

Canadians generally support 'bourgeois-democratic' habits and values. Hardly anyone wishes to disqualify himself from the social and economic advantages offered by a modern society. However, participating in such a society often undercuts the traditional supports provided by integration within an ethnic community. Thus, Canadians of diverse ethnic origins face the dilemna of retaining a link with their heritage while remaining free to share in the benefits of a modem society. The adoption of a symbolic ethnicity is one means of managing this predicament (p. 90).

Nous pourrions affirmer la même chose pour le Québec. En somme, les mutations que traversent les membres des communautés minoritaires renvoient aux changements de l'environnement dans lequel évoluent les groupes ethniques eux-mêmes. Au fur et à mesure que se réalise l'insertion dans la société d'accueil, l'ethnicité devient une composante moins déterminante de la culture individuelle. Il serait toutefois plus juste de dire que les rapports sociaux, politiques et économiques favorisent indubitablement la culture dominante au détriment de l'appartenance à des groupes dont les manières de faire et de penser sont et/ou deviennent marginalisées. C'est dans ce cadre que doivent être appréhendées les pratiques étatiques à l'égard des communautés ethniques minoritaires. De la même manière, leur intégration au sein de la majorité répond à des impératifs qui ont plus à voir avec les intérêts de l'ensemble qu'avec ceux du petit nombre.

DES PRATIQUES ÉTATIQUES
ET SOCIALES À QUESTIONNER


Multiculturalisme à la canadienne
ou culture de convergence à la québécoise ?

La logique de tout État à l'égard des minorités en est une d'inclusion. L'État est toujours l'État de tous les citoyens sans égard à leur origine ethnique. Dans le cadre des États-nations, la tolérance face aux groupes minoritaires est fonction de leur adhésion aux valeurs et modes de fonctionnement déterminés par la majorité. En d'autres termes, le pluralisme culturel n'est possible que là où la cohésion interne, tant aux plans culturel que [65] social, est fortement assurée. C'est pour cette raison que les pratiques étatiques visant les minorités, et plus souvent les immigrants, visent consciemment ou inconsciemment à maintenir et renforcer une certaine homogénéité culturelle. Que cc soit par la voie d'une assimilation brusque suivant le modèle du melting pot ou d'une intégration des communautés ethniques reposant sur un enrichissement mutuel, l'objectif est toujours le même : développer des politiques d'insertion sociales, économiques et culturelles qui ne remettent pas en cause la structure de la société d'accueil.

Pour faire face au défi de l'intégration des communautés culturelles, tant les États canadien que québécois ont développé des politiques ethniques : multiculturalisme du gouvernement fédéral et convergence culturelle du gouvernement québécois.

La politique canadienne du multiculturalisme vise essentiellement à développer et à maintenir l'identité culturelle des groupes ethniques qui se sont implantés au Canada en favorisant leur attachement aux coutumes et à l'histoire de leur pays d'origine. La perspective qui sous-tend la politique canadienne est qu'en assurant aux groupes minoritaires une plus grande sécurité culturelle, ceux-ci seront mieux disposés à s'identifier au Canada (Gay, 1985, p. 82). La politique canadienne repose sur les principes fondamentaux de la diversité, de l'égalité et de la liberté culturelle. La reconnaissance du pluralisme ethnique au sein de la société canadienne a conduit le gouvernement fédéral à adopter une perspective qui s'inspire du relativisme culturel : toutes les cultures sont également importantes et devraient avoir le même poids. Est donc rejetée la définition d'une culture nationale officielle qui irait à l'encontre du principe de la diversité. Notons au passage que l'emploi du terme « officielle » est quelque peu spécieux : il induit une démarche qui contraint inévitablement les autres cultures, ce qui n'est jamais vertueux dans le cadre d'une société qui se veut pluraliste. Au-delà de ces principes, ce qu'il faut souligner c'est l'approche atomiste, asociale, apolitique et ahistorique de la culture qui est privilégiée. Le refus de reconnaître une culture officielle nie la présence d'une culture dominante qui traverse et contribue à remodeler toutes les autres. La promotion de la liberté culturelle s'inscrit donc fort bien dans la vision de l'État issue du libéralisme. Cc sont les citoyens qui déterminent leurs valeurs, attitudes et aspirations ; l'État n'a pas à interférer dans cc processus car cela contribuerait à restreindre la liberté d'expression.

[66]

Il n'est pas inutile de rappeler que la politique canadienne du multiculturalisme fut initialement développée au début des années 1970. Elle reposait moins sur une analyse sociologique de la place des groupes ethniques dans la société canadienne que d'une volonté d'imposer une vision politique du Canada. Elle fut mise de l'avant à l'époque d'un « nationalisme canadien » caractérisé par l'anti-américanisme. La politique canadienne du multiculturalisme permettait de promouvoir une vision de la société en rupture avec le modèle américain de l'assimilation brutale. Par ailleurs, la thèse du multiculturalisme fut développée au moment où le nationalisme politique québécois prenait de l'ampleur. Elle cherchait ainsi à banaliser la place du Québec dans l'ensemble canadien en mettant de côté l'idée des deux peuples fondateurs, des deux sociétés, des deux cultures dominantes. En somme, au-delà des déclarations d'intention, le multiculturalisme présente une vision peu réaliste de la place occupée par les communautés ethniques dans la société canadienne, privilégie une approche qui nie les clivages sociaux et économiques qui traversent les groupes, c'est-à-dire une approche individuelle plutôt que collective du pluralisme.

La politique québécoise à l'égard des communautés culturelles sera élaborée une dizaine d'années après celle du gouvernement fédéral. Elle s'inspirait cependant de la politique du développement culturel établie à la fin des années 1970. Cette dernière reconnaissait dès le départ que si les cultures sont égales en droit, elle ne le sont pas dans les faits. Cela étant, les communautés minoritaires « savent bien que la culture dominante au Canada, en Amérique, est anglaise et que leurs enfants, si légitimement soucieux qu'ils soient de sauvegarder les sources de leur culture d'origine, devront aussi s'intégrer à l'une ou l'autre des plus vastes cultures de tradition ou française ou anglo-saxonne » (Gouvernement du Québec, 1978, p. 45). Au Québec, c'est la première qui s'impose ; la langue française est présentée comme le foyer de convergence pour les diverses communautés qui peuvent par ailleurs maintenir et développer leur spécificité. Alors que la politique canadienne privilégiait une approche individualiste de la culture, la politique québécoise pose clairement la préséance des droits collectifs. En d'autres termes, les groupes minoritaires disposeraient d'une autonomie d'action tout en faisant leurs les règles du jeu qui président au fonctionnement de la société québécoise. Certains ont critiqué cette vision de l'intégration des communautés ethniques en reprochant son biais [67] culturaliste : la culture étant censée être le ciment de la structure sociale et la condition de réalisation ou de satisfaction d'intérêts divers (Gay, 1985, p. 87). La primauté accordée à la culture ferait oublier les problèmes découlant de l'inégalité socio-économique de certains groupes, du racisme et de la discrimination (Ollivier, 1984, p. 82-83). La problématique assimilatrice d'homogénéisation culturelle, développée en réponse aux incertitudes entourant l'identité nationale, prendrait ultimement le pas sur celle du pluralisme. Finalement, on reproche à la politique québécoise de simplement substituer au pôle d'attraction anglo-saxon le pôle français (Constantinides, 1987, p. 242-243 et 1985 p. 67).

Dans l'ensemble, les politiques canadienne et québécoise abordent la question de l'intégration des communautés ethniques dans une perspective culturaliste généralement a sens unique. Tout se passe comme si les membres des groupes minoritaires n'auraient qu'à s'adapter à une société posée dès le départ comme ouverte et accueillante. Or, la double dynamique de la sauvegarde de l'identité ethnique et de l'intégration des membres de ces communautés à un ensemble sociétal plus vaste est nettement plus complexe. D'une part, les groupes ethniques refusent de s'assimiler à une culture qui, de toute façon, n'est pas homogène. Ce refus ne se traduit pas par un rejet des normes dominantes, mais par un attachement à des caractéristiques culturelles spécifiques dont la forme et l'expression peuvent par ailleurs varier selon les groupes et les époques. D'autre part, la question de l'intégration socio-économique est plus litigieuse et fait référence à la possibilité de profiter des bénéfices de la participation à la vie économique et sociale sans avoir à subir de préjudices causés par l'appartenance à un groupe ethnique minoritaire. Les défis posés à la société québécoise par le pluralisme ethnique sont donc de deux ordres : culturel et structurel.

Les défis du pluralisme

Il apparaît clairement que le Québec de demain sera de plus en plus pluraliste : l'immigration occupera certainement une place plus importante que par le passé en raison du déclin démographique ; les minorités ethniques seront de plus en plus « visibles » contrairement aux tendances passées ; la communauté francophone deviendra un pôle d'intégration plus important ; les communautés minoritaires seront de plus en plus revendicatrices. Ainsi, plusieurs communautés ethniques, bien qu'ayant [68] toujours été présentes, se sont donné des porte-parole crédibles auprès de la population et des gouvernements de telle sorte qu'elles ne peuvent plus être considérées comme des quantités négligeables. La question qui se pose est évidemment de savoir de quelle façon il est possible de conjuguer ce pluralisme à une société toujours en quête d'identité. Ces mutations appellent non seulement une transformation des mentalités, mais aussi une adaptation des structures.

La dynamique de l'intégration culturelle appelle un changement des mentalités. D'abord, il faut reconnaître que la culture n'est pas une donnée immuable. L'histoire récente du Québec nous rappelle avec éloquence les multiples transformations qui se sont opérées aux niveaux des façons de pensée et de faire ; le Québec au seuil du XXIe siècle offre un visage tout à fait différent de celui d'il y a à peine cinquante ans. La culture de la majorité ne fait pas qu'absorber passivement les apports culturels des minorités, elle est transformée par eux. De la même manière, elle contribue à enrichir les cultures minoritaires. Au-delà de toutes les politiques qui pourraient apparaître contraignantes pour les membres des minorités ethniques, l'intégration à la majorité ne pourra se réaliser que si celle-ci assume pleinement sa propre identité culturelle, rendant celle-ci attrayante. Cela est évidemment vrai à condition que ne soit pas adoptée une vision ethnicisante étroite de l'identité culturelle. Trop longtemps l'attitude de minoritaire, souvent qualifiée de colonisée, qui a caractérisé les Québécois francophones les ont rendus ambigus face à leur propre culture, les empêchant de concevoir leur identité dans des termes positifs. Comment les Québécois francophones peuvent-ils penser attirer les nouveaux venus s'ils affichent une attitude qui dévalorise leur culture et la présente comme étant sur son déclin ? Si cette condition était pleinement réalisée, les communautés ethniques ne seraient pas perçues comme une menace et un danger pour la langue et la culture majoritaires, mais comme des éléments pouvant à terme les renforcer. Inversement, les membres des communautés ethniques doivent comprendre que le Québec est différent du reste du continent et accepter les règles du jeu permettant de préserver cette identité particulière.

Ce n'est pas l'État qui modèle la culture tout comme ce n'est pas à lui à en définir les contours. Toutefois, il lui incombe d'assurer que toutes les composantes de la société puissent se développer dans le respect de leur intégrité, mais aussi en fonction [69] des balises fixées par l'ensemble de la collectivité. Comme nous l'avons souligné, la situation propre au Québec s'avère plus complexe qu'ailleurs. Le caractère francophone de la société, dans un univers culturel massivement anglo-saxon, nécessite des actions qui favorisent l'intégration des minorités dans une direction qui va à contre-courant de la tendance que l'on retrouve au Canada et, a fortiori, sur le continent.

Le système scolaire joue un rôle central pour l'avenir non seulement de l'intégration des membres des communautés ethniques minoritaires, mais aussi pour le rapprochement entre toutes les composantes de la société québécoise. C'est entre autres à travers l'éducation dispensée par l'école que sont apprises les règles qui gouvernent une société. Cela se fait à l'heure actuelle de manière implicite : à travers les rapports qui s'établissent entre les étudiants et entre ces derniers et le personnel scolaire. Nous croyons que l'école devrait être un lieu explicite d'apprentissage de la vie en société ; des cours « d'éducation civique » devraient être inscrits au programme scolaire. Ces cours familiariseraient les étudiants à leurs droits et devoirs de citoyens et exposeraient les règles du jeu qui déterminent notre société (Charte des droits et libertés, Constitution, etc.). Par ailleurs, l'insertion des enfants d'immigrants dans les écoles françaises implique une redéfinition du rôle et de la place de chacun dans le système. L'éducation interculturelle devrait contribuer largement à faire disparaître les préjugés ethniques en permettant, comme l'a relevé Ouellet (1988), de comprendre les fondements de toutes les cultures, de les interpréter et de les expliquer et, finalement, de reconnaître la relativité de toute culture. En somme, l'éducation interculturelle suppose « que l'on prenne au sérieux la culture des autres, et que l'on soit conceptuellement équipé pour y trouver un sens et pour situer les dimensions culturelles dans l'ensemble de la dynamique économique, sociale et politique dans laquelle s'inscrivent les groupes qui les portent » (p. 119). Pour ce faire, l'école doit modifier son orientation pédagogique pour tenir compte de son caractère pluriethnique : élaboration d'instruments pédagogiques qui, d'une part, mettent l'accent sur la contribution des divers groupes à l'évolution de la société québécoise et, d'autre part, éliminent tout stéréotype à connotation raciste. Elle doit aussi adapter son organisation en favorisant la participation conjointe des parents de tous les groupes aux structures scolaires et en sensibilisant les enseignants et les directions d'école au phénomène interculturel.

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Les institutions scolaires anglophones doivent aussi faire leur part en enseignant à leur clientèle la réalité culturelle de la société québécoise. Nous formulons l'hypothèse que les anglophones qui sont demeurés au Québec, contrairement à ceux qui ont quitté au cours de la vague d'émigration de la fin des années 1970, possèdent une meilleure compréhension de la réalité québécoise. Leur intégration à la société francophone est probablement plus grande que ceux qui ont décidé d'aller s'établir ailleurs, notamment parce qu'ils ont développés des liens plus étroits avec les francophones à travers le travail, les loisirs, les relations de voisinage, les situations de famille, etc.. Ces meilleures dispositions à l'égard d'une société majoritairement francophone doivent être transmises par le système scolaire. Or, les étudiants qui n'ont fréquenté que les établissements anglophones (et l'on retrouve dans certains d'entre eux une forte proportion de membres des communautés ethniques minoritaires) sont parfois fort démunis pour comprendre la réalité sociale québécoise dans laquelle ils évoluent et auront à s'intégrer bon an, mal an. Le même diagnostic peut être formulé pour les écoles françaises de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal (C.É.P.G.M.) qui, bien que linguistiquement francophones, ne favorisent pas l'intégration culturelle. Cette réalité rappelle la nécessité d'adopter des structures scolaires qui reposent sur des clivages linguistiques plutôt que religieux. A cet égard, le Québec doit lever l'hypothèque imposée par la Constitution canadienne.

Nous avons déjà souligné le clivage qui semble de plus en plus se dessiner au Québec entre une région métropolitaine où se concentrent les groupes ethniques et le reste du Québec de plus en plus homogène. Il n'est pas possible d'espérer que les efforts d'intégration soient fructueux si les minorités ethniques ne sont même pas en mesure de fréquenter les membres de la communauté majoritaire. Les expériences passées ont démontré que ce sont dans les régions périphériques que l'intégration la plus harmonieuse s'est réalisée. Même s'il n'est pas question d'obliger qui que ce soit à se relocaliser, la politique d'accueil des nouveaux immigrants devrait adopter une approche beaucoup plus directive à l'égard de leur lieu d'établissement géographique. En d'autres termes, le Québec devrait se doter d'une politique d'implantation des nouveaux venus hors de la zone métropolitaine de Montréal. Par ailleurs, le Québec devrait se doter d'une véritable politique de revitalisation urbaine touchant plus spécifiquement Montréal ; celle-ci permettrait aux francophones [71] d'y demeurer au lieu de s'établir massivement à sa périphérie. Le phénomène des « ghettos » que l'on décrit tant chez certains groupes ethniques n'est pas sans avoir son pendant au sein de la majorité qui cherche à vivre dans un environnement ethnique homogène.

Les milieux de travail sont déterminants quant à l'apprentissage des langues secondes. Il n'est pas possible d'espérer une intégration des minorités ethniques à la réalité sociale française si la langue française n'est pas économiquement indispensable. La loi 101 n'imposait la francisation qu'aux entreprises de cinquante personnes ou plus. Des milliers d'entreprises où travaille une partie non négligeable de la main-d'oeuvre ne sont pas tenues d'opérer en français, ce qui entrave d'autant l'apprentissage de la langue de la majorité pour bon nombre de Néo-québécois.

Par ailleurs, la question de l'intégration ne saurait se limiter à la seule variable culturelle. Nous avons déjà insisté sur la nécessité d'assurer que l'intégration socio-économique se réalise sans discrimination ni racisme. À cet égard, nous partageons la perspective de Moodley (1984) qui se fonde sur le principe fondamental suivant : « minorités arc best protected, not when they arc most vocal, but when the dominant group has learned to accept and live with difference and five by its purported standards of fair play » (p. 802). Cette approche privilégie donc une intégration structurelle des communautés ethniques au sein des institutions économiques et sociales où toute pratique discriminatoire serait négativement sanctionnée. De plus, toute politique d'intégration devrait d'abord viser à outiller le mieux possible tous les Québécois, sans distinction ethnique, pour faire face aux impératifs de la vie économique et sociale. Cela ne veut pas dire que certains groupes ne doivent pas faire l'objet d'une attention spéciale de la part des autorités pour leur assurer une « égalité des chances » en termes de scolarisation, d'habileté linguistique, etc.. Cette perspective met plutôt l'accent sur l'acceptation de critères universels susceptibles de s'appliquer tant aux groupes minoritaires qu'à la majorité. Elle s'oppose donc aux pratiques dites d’« action positive » notamment à cause de l'imprécision entourant la définition des populations cibles et des effets pervers qu'induit ce type d'orientation. Le découpage de la population sur la base de l'appartenance ethnique est trop ambigu pour être fonctionnel et équitable : pendant combien de générations peut-on se référer à une origine ethnique minoritaire ? Où classe-t-on les enfants nés de mariages exogames ? Doit-on privilégier [72] les membres des groupes dits « visibles » et le cas échéant où tracer la ligne de démarcation entre cc qui est visible et ce qui ne l'est plus ? Par ailleurs, ces pratiques peuvent, ultimement, stigmatiser les différences et même alimenter un racisme latent dans la société. Pour reprendre à nouveau Moodley (1988) :

il est difficile de croire qu'on puisse éliminer le racisme durable avec des mesures compensatoires en faveur [des minorités visibles]. On peut même prétendre le contraire : qu'en attachant des privilèges aux distinctions raciales méprisantes, les programmes d'action positive contribuent à les perpétuer : ils institutionnalisent l'appartenance raciale. Les minorités visibles vont trouver un avantage stratégique à se classifier elles-mêmes sur une base raciale tant que les contingentements leur donneront une longueur d'avance sur un marché compétitif (p. 213).

L'ethnicité repose sur des bases trop subjectives pour qu'elle serve de point de départ à des politiques d'action positive. Ce n'est manifestement pas le cas en ce qui concerne le racisme qui renvoie à des caractéristiques anatomiques particulières. Il serait donc beaucoup plus sage d'enrayer la discrimination raciale plutôt que de favoriser des groupes ethniques particuliers.

En somme, l'État québécois doit adopter un certain nombre de mesures qui, tout en prenant en compte le pluralisme ethnique qui caractérise le Québec, encadrent l'intégration des communautés ethniques minoritaires vers sa composante francophone. Ces mesures ne doivent pas viser à aliéner les groupes minoritaires, mais à définir clairement la dynamique qui préside à l'évolution de la société québécoise. En d'autres termes, le respect des différences ne doit pas conduire les communautés à se braquer les unes contre les autres au nom de la sauvegarde de leurs particularités. Les différences existent mais ne sauraient être magnifiées au risque de conduire à une forme d'incommunicabilité : nous sommes tellement différents que nous n'arriverons jamais à nous comprendre. Au contraire, l'approche privilégiée favorise la multiplication des échanges interethniques là où les minorités et la communauté francophone se côtoient quotidiennement (dans les écoles, les lieux de travail, les quartiers, les loisirs, etc.).

CONCLUSION

Nous pouvons tracer un tableau Pessimiste ou optimiste de l'avenir de la culture québécoise selon les attitudes que nous [73] adopterons et les gestes que nous poserons. Si toute la société québécoise ne prend pas conscience aujourd'hui de l'ouverture qu'elle doit manifester à l'égard des groupes ethniques, il y a fort à parier qu'elle sera aux prises avec de graves problèmes de racisme et de discrimination qui ne feront « alimenter un climat de rejet et de violence identique à celui que l'on retrouve dans d'autres sociétés. La rencontre de la différence appelle des attitudes de tolérance et d'accueil à l'égard de communautés qui enrichiront inévitablement la culture commune. Toutefois, la question de l'intégration est trop souvent posée exclusivement du point de vue de la morale et de la vertu. Sans exclure toute référence à la morale sociale, il nous faut constater que la définition d'une identité collective se réalise à travers des rapports de pouvoir entre individus, groupes et collectivités. Compte tenu du contexte nord-américain dans lequel évolue le Québec, si celui-ci n'affirme pas que l'intégration doit s'articuler autour de la culture française, elle se fera nécessairement au profit de la culture anglo-saxonne. Il faut qu'il y ait affirmation d'une identité et que la majorité utilise les sources de pouvoir qu'elle a à sa disposition pour ce faire. Si l'ouverture d'esprit implique nécessairement une redéfinition de l'identité collective à laquelle participeront les groupes ethniques, elle présuppose cependant que les Québécois francophones se posent et agissent comme groupe majoritaire et perçoivent les autres groupes non pas dans un rapport d'altérité mais bien de complémentarité. Cela étant, ceux-ci ne feront plus les frais du conflit opposant les francophones et les anglophones.

Le virage que doit négocier la société québécoise ne se pose pas uniquement au niveau des mentalités. L'intégration ne pourra se réaliser complètement que si la société québécoise traduit cette ouverture par des politiques de lutte contre la discrimination et les injustices socio-économiques. Plus globalement, le Québec doit se doter d'une politique de la population touchant non seulement l'immigration, mais des problématiques aussi diverses et complémentaires que la famille, l'étalement urbain et le dépeuplement des zones moins urbanisées. En somme, le pluralisme pose un défi d'envergure qui, loin de s'adresser d'abord aux membres des communautés ethniques minoritaires, nécessite une prise en main de l'avenir par l'ensemble de la collectivité québécoise.

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Retour au texte de l'auteur: Guy Rocher, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le jeudi 14 novembre 2013 10:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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