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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de François ROCHER, “Le Québec en Amérique du Nord: la stratégie continentale.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec: État et société. Tome I, chapitre 20, pp. 461-484. Montréal : Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 509 pp. Collection: Société: dossiers documents. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Autorisation accordée par Alain G. Gagnon, vendredi le 17 mars 2006, de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[461]

François ROCHER

Professeur titulaire, Directeur de l’École d’études politiques
Université d’Ottawa

Le Québec en Amérique du Nord:
la stratégie continentale
.”

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec : État et société. Tome I, quatrième partie: “L’économie politique”, chapitre 20, pp. 461-484. Montréal: Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 509 pp. Collection: Société: dossiers documents.



Le Québec ne peut faire abstraction de son « destin continental ». Celui-ci est multiforme. Il renvoie bien sûr aux relations économiques et commerciales qui lient le Québec à ses partenaires, soit les autres provinces canadiennes et les États-Unis, mais aussi aux dimensions politiques qui influencent la nature et la profondeur de ces relations. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure le Québec a su assumer son intégration continentale à la lumière des enjeux qui se posent pour l'avenir. En effet, si le Québec doit entretenir, par la force des choses, des rapports privilégiés avec ses partenaires continentaux, il l'a fait de manière diversifiée à travers les époques. Ainsi, le régime fédéral et la dynamique politique interne du Québec ont balisé la façon dont le Québec a historiquement appréhendé son insertion continentale. D'une acceptation résignée des contraintes imposées par cette réalité, le Québec a récemment cherché à en revoir les paramètres.

La prise en considération des enjeux québécois de la réalité continentale soulève quatre questions qui font l'objet du présent chapitre. D'abord, quelle est l'ampleur de l'intégration continentale du Québec ? Cette interrogation renvoie à la structure des rapports économiques qui lient le Québec et ses partenaires continentaux. En filigrane, il s'agit non seulement d'évaluer l'importance des relations commerciales, mais surtout de prendre la mesure des contraintes qu'elles induisent. Ensuite, quelles dimensions structurelles conditionnent l'intégration du Québec à l'économie continentale ? En d'autres termes, le développement économique du Québec se caractérise par un phénomène de double dépendance, d'une part à l'égard du Canada et, d'autre part, à l'égard du marché américain dont on ne peut minimiser l'importance. Ce phénomène pose des limites aux choix politiques qui se sont historiquement offerts au Québec. En outre, de quelle façon les différents gouvernements provinciaux québécois, depuis notamment la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont-ils géré politiquement l'approfondissement des rapports continentaux et ont-ils intégré cette réalité dans leurs stratégies de développement économique ? Les réponses peuvent être multiples et parfois contradictoires. Finalement, comment peut-on évaluer, en termes de rapports socio-politiques, l'adhésion du Québec à la stratégie fédérale qui a conduit à l'adoption de l'accord de libre-échange canado-américain ? Loin de s'expliquer par l'adhésion des élites économiques et politiques aux thèses néo-libérales, la stratégie québécoise d'intégration continentale représente une phase de transition de l'idéologie nationaliste marquée par la maturation du capital francophone qui cherche à revoir son mode d'intégration aux marchés tant canadien qu'américain. La stratégie continentale se situe donc dans la mouvance d'une [462] reconfiguration des rapports de force au Québec. Celle-ci tient compte aussi bien des nouveaux impératifs posés par l'économie mondiale que des problèmes structurels auxquels doit faire face l'économie québécoise.


VUE D'ENSEMBLE
DES ÉCHANGES COMMERCIAUX
DU QUÉBEC


Tout comme celle du Canada, l'économie québécoise est fondamentalement ouverte. Il est par ailleurs étonnant de constater que les analyses portant sur le commerce international du Québec ne sont pas légions (Proulx et Cauchy, 1991, p. 55). Les échanges commerciaux, tant avec les autres provinces qu'avec l'étranger, accaparent une part importante de son produit intérieur brut (PIB). Les exportations du Québec vers les autres provinces et les autres pays représentent environ 40 % de son PIB. Ce ratio est l'un des plus élevés au sein des pays qui connaissent une économie de marché. Parler du Québec dans une perspective continentale ne peut se limiter à prendre en considération les seuls rapports Québec-États-Unis. Nous devons aussi, sinon davantage, considérer les liens économiques qui unissent le Québec au marché canadien, liens qui orientent la façon dont le Québec peut entrevoir son avenir économique. Il s'agira ici d'établir l'ampleur de l'intégration de l'économie québécoise à l'ensemble économique nord-américain et d'en démontrer les forces et les faiblesses. Ces dernières conditionnent donc largement les contraintes auxquelles doit faire face le Québec dans les rapports qu'il entretient à la fois avec les États-Unis et avec le reste du Canada.

Au cours des dernières décennies, les échanges commerciaux ont évolué dans un contexte global marqué, d'une part, par la mondialisation des économies nationales et, d'autre part, par de rapides changements technologiques qui imposent à ces dernières la nécessité d'améliorer leur position concurrentielle. Le Québec ne peut se dissocier de ce processus et de sa proximité géographique avec les États-Unis de sorte que, à l'instar du Canada, sa marge de manœuvre est réduite (Rocher, 1988a, p. 197-220). La valeur des exportations internationales du Québec pour l'année 1991 s'élevait à environ 26 milliards de dollars (Proulx, 1993, p. 26-27). Toutefois, la part du Québec dans les exportations internationales du Canada est moins élevée qu'auparavant. Ainsi, alors qu'en 1968 les exportations internationales du Québec correspondaient à 22,5 % des exportations canadiennes, cette proportion n'était plus que de 16,2 % en 1987 (Québec, 1988a, p. 9). De la même manière, les exportations du Québec vers les États-Unis ne représentaient plus que 16 % des exportations canadiennes vers ce pays, comparativement à 27 % en 1965. C'est dire que si l'économie québécoise est relativement ouverte, sa situation est vulnérable.

On doit considérer plusieurs éléments pour obtenir une image exacte des échanges commerciaux du Québec. Au chapitre des exportations, quatre caractéristiques retiennent particulièrement l'attention.

Premièrement, les échanges commerciaux du Québec se dirigent de plus en plus vers les États-Unis. Alors qu'en 1980, ceux-ci recevaient 58 % des exportations québécoises, cette proportion atteignait 73,5 % en 1991 (ce qui constituait à peu de chose près la même proportion que les exportations canadiennes vers ce pays pour cette même année). Par ailleurs, les exportations québécoises sont nettement plus [463] concentrées que celles du Canada. Les 10 principaux produits accaparaient près de 50 % des exportations internationales totales et les 25 principaux produits plus de 68 %. Pour le Canada, ces proportions étaient respectivement de 32 % et de 54 %. Le Québec exporte plus de matières travaillées non comestibles (49,3 %) que de produits finis non comestibles (37,3 %). Notons que les exportations québécoises étaient surtout concentrées dans trois groupes de produits, le bois et les papiers (24,3 % des exportations totales), les métaux et les minéraux (22,7 %) et le matériel de transport (17,3 %). De la même manière, les exportations vers les États-Unis affichaient un haut niveau de concentration. Ainsi, le Québec exportait surtout du papier d'impression (17,3 % des exportations), de l'aluminium et des alliages (11,5 %), ainsi que des automobiles et des châssis (5,8 %) (Québec, 1988a, p. 9). Par contre, même si les exportations québécoises demeurent très concentrées dans certains secteurs, entre 1968 et 1989 la part des produits finis est passée de 24 à 40 % du total des exportations. Le Québec vend à l'étranger, pour ne pas dire surtout aux États-Unis, de nombreux produits finis comme le matériel de télécommunication, les moteurs et pièces d'avions, les machines et le matériel de bureau, les avions complets et une gamme de produits du papier (Pélouas, 1991, p. C-2). Ainsi, les produits d'exportation tendent à se diversifier, en dépit du fait que les produits fabriqués à base de ressources naturelles demeurent fort importants. L'image voulant que le Québec exporte des matières premières et importe des produits finis est loin de rendre justice à la complexité de la réalité économique (Proulx et Shipman, 1986, p. 79).

Deuxièmement, les exportations du Québec vers les États-Unis sont géographiquement concentrées. Ainsi, la région de l'Atlantique, de la Nouvelle-Angleterre et du Centre Nord-Est constituaient environ 64 % des exportations à destination des États-Unis en 1991 (Proulx, 1993, p. 29-31). À titre de comparaison, les exportations du Canada vers ces trois régions à la fin des années 1980 étaient de l'ordre de 69 %, dont 40 % étaient dirigées uniquement vers le Centre Nord-Est en raison des automobiles que le Canada expédie vers les États-Unis. En somme, la proximité géographique des marchés régionaux américains semble jouer un rôle de premier plan.

Troisièmement, on ne saurait sous-estimer l'importance des exportations réalisées par les petites et moyennes entreprises (PME) à l'échelle du Canada et des États-Unis. Celles-ci sont passées de 1975 à 1986 de 6,6 à 16,8 milliards de dollars. De plus, l'importance relative des exportations des PME destinées au marché international, comparativement à l'ensemble des exportations des PME, est passée de 4,4 % en 1975 à 7,4 % en 1984. Encore ici, c'étaient les États-Unis qui recevaient 78 % des produits exportés par les PME en 1984. Tout comme pour l'ensemble des exportations, les produits expédiés par les PME québécoises sont fortement concentrés. Sept groupes industriels étaient responsables des deux tiers des exportations internationales en 1984, à savoir le bois (15,3 %), les aliments et boissons (14,6 %), la machinerie manufacturière (9,8 %), les produits électriques (6,8 %), les vêtements (6,7 %), le caoutchouc et les plastiques (6,7 %) ainsi que les produits du métal (5,5 %) (Québec, 1988b, p. 182-188). Même si les PME concentrent leurs activités sur le marché domestique, il faut rappeler que leurs activités se composent en grande partie de sous-traitance à destination de grandes entreprises, celles-ci étant davantage tournées vers l'exportation.

[464]

Finalement, si les exportations québécoises sont de plus en plus destinées au marché américain, il importe de souligner que l'économie du Québec fut traditionnellement et dans une large mesure dépendante du marché canadien. En effet, en 1984 les exportations à l'étranger de produits primaires et manufacturés équivalaient à 21,3 % des livraisons totales alors que celles qu'on destinait aux autres provinces étaient de 26,5 % ; pour l'année 1989, ces proportions étaient respectivement de 26,6 % et de 27 % (Statistics Canada, 1993, p. 4).

À la lumière de ces données, nous pouvons affirmer que sur le marché « continental », au sens large du terme, le Québec dépend plus des autres provinces que des États-Unis. En comparaison, l'Ontario est davantage tournée vers son voisin du sud, notamment en raison de l'importance des exportations d'automobiles découlant du Pacte de l'automobile. En fait le Québec est la province qui dépend le plus du marché intérieur canadien, alors que l'Ontario se situe deux points de pourcentage sous la moyenne canadienne de 19 % (Raynauld, 1990, p. 13). La situation est identique pour les PME. Celles-ci expédient surtout leurs produits aux autres provinces canadiennes, soit près de 75 % de leurs exportations. L'Ontario à elle seule accapare un peu moins des deux tiers des exportations des PME vers les autres provinces.

Cette réalité doit toutefois être située dans un contexte plus large qui tient compte des développements récents. Il faut remarquer que, sur une longue période, les exportations internationales du Québec se sont accrues au détriment de celles qui étaient destinées au marché intérieur. Ce phénomène reflète la libéralisation des échanges qui découlent des accords du GATT. Ainsi, au cours de la décennie 1974-1984, les exportations internationales ont augmenté en moyenne de 30 % annuellement, alors que les exportations interprovinciales n'ont crû qu'à un rythme de 3 % par année (Pélouas, 1991, p. C-2). Nous pouvons penser que cette tendance risque de s'accentuer en raison du traité de libre-échange avec les États-Unis, ce qui contribuerait à diminuer l'importance relative du commerce interprovincial. En d'autres termes, si cette tendance se maintient, le Québec exportera dans un avenir rapproché davantage vers l'étranger que vers les autres provinces.

La structure des exportations est donc fortement déterminée par le marché continental, et nous ne saurions sous-estimer la dépendance du Québec à l'égard des marchés canadien et américain. La situation est toutefois quelque peu différente en ce qui concerne les importations. En 1991, la valeur des importations internationales du Québec s'élevait à 32,8 milliards de dollars. Toutefois, elles étaient plus diversifiées que les exportations. Ainsi, près de 44,1 % des importations québécoises provenaient des États-Unis, alors que l'Europe occidentale fournissait 25,5 % des produits que le Québec achetait de l'étranger. Le Québec importait surtout des produits finis (Statistics Canada, 1993, p. 3 ; Proulx, 1993, p. 27).

La structure des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis se caractérise par un phénomène atypique au sein des pays industrialisés, à savoir l'importance du commerce intrafirme. À la fin des années 1970, près de 60 % des exportations canadiennes se réalisaient dans le cadre du commerce intrafirme. De la même manière, 72 % des exportations canadiennes en 1978 étaient réalisées par des filiales de firmes étrangères (Perron, 1985, p. 19-20 ; Bonin, 1984, p. 22-23). La situation du Québec au début des années 1980 ne différait guère de celle de l'ensemble du [465] Canada : près de 40 % des exportations québécoises s'effectuaient dans le cadre d'échanges intrafirmes (Martin, 1993, p. 6).

En somme, le degré d'interdépendance de l'économie québécoise et de l'économie continentale s'avère très élevé. Étant donné l'asymétrie des économies, il est même possible de parler ici de double rapport de dépendance. D'abord, le commerce interprovincial constitue un élément non négligeable de la réalité économique québécoise. Cependant, compte tenu de l'approfondissement des relations économiques du Québec avec l'étranger, cette dépendance à l'égard du marché canadien s'estomperait graduellement. Ensuite, les relations commerciales Québec-États-Unis sont fortement développées, notamment au chapitre des exportations. Cette réalité rend compte non seulement du caractère extraverti de l'économie du Québec, mais aussi de sa dépendance à l'égard du commerce avec ses principaux partenaires. Ainsi, le Québec est particulièrement vulnérable aux ralentissements économiques qui peuvent se produire aux États-Unis, notamment au chapitre des fluctuations de la demande des matières premières. Les problèmes qu'affronte l'industrie de l'amiante en fournissent une éloquente démonstration. La faiblesse de la demande intérieure qui se manifeste aux États-Unis en temps de crise contribue à limiter la croissance des importations et à faire croître les exportations du Québec. Cela illustre la vulnérabilité de l'économie du Québec aux changements conjoncturels qui peuvent se produire chez son principal partenaire commercial étranger.


DIMENSIONS STRUCTURELLES
DES RELATIONS CONTINENTALES


Rendre compte de l'importance quantitative des relations commerciales du Québec à l'échelle continentale ne présente qu'un aspect tronqué de la réalité. Les contraintes structurelles, et donc plutôt d'ordre qualitatif, auxquelles fait face l'économie québécoise ne sont pas sans soulever de nombreux problèmes quant à la nature de cette intégration continentale qui va en s'approfondissant. Nous avons déjà souligné que les exportations québécoises étaient fortement concentrées, qu'elles se dirigeaient surtout vers les États américains du Nord-Est, que le commerce interprovincial était très important et que le commerce intrafirme occupait une place de première importance dans la structure des échanges. Tous ces éléments illustrent la dépendance du Québec à l'endroit de ses principaux partenaires commerciaux et la fragilité de son commerce extérieur, compte tenu de son degré de concentration. On peut aussi prendre la mesure des contraintes qui affectent l'économie québécoise dans le cadre continental en considérant deux autres indicateurs, la composition de la structure manufacturière et son degré de spécialisation ainsi que le contrôle de la propriété des entreprises par des intérêts extérieurs.

L'économie québécoise a longtemps été caractérisée par sa dépendance structurelle à l'égard d'un Canada lui-même économiquement dominé par les États-Unis (Henry, 1976, p. 295). En effet, l'insertion du Québec dans l'économie canadienne s'est traduite par la mise en place d'une structure industrielle tronquée. Les problèmes particuliers du Québec doivent aussi tenir compte d'autres phénomènes dont [466] le déplacement de l'activité économique vers l'Ouest et ce, à l'échelle continentale, et le comportement des entreprises étrangères. Ces divers facteurs ont marqué, à différentes époques, le développement économique du Québec et contribué à modifier les avantages comparés du Québec par rapport aux autres régions.

Au moment où le commerce entre le Canada et l'Angleterre était à son apogée, le Québec possédait un avantage de localisation industrielle sur l'Ontario puisqu'il constituait la porte d'entrée pour le Canada. Avec le déclin de l'Angleterre et l'approfondissement des échanges dans l'axe nord-sud, particulièrement concentrés dans la région des Grands Lacs, l'Ontario a été en mesure de s'emparer du marché situé à l'ouest de Montréal. Cette situation a contribué à marginaliser l'économie québécoise par rapport aux principaux marchés nord-américains (Fréchette, Jouandet-Bernadat et Vézina, 1975, p. 91 ; Gagnon et Montcalm, 1982, p. 32-33). Cet avantage, lié à la situation géographique de l'Ontario, a été approfondi par la concentration des activités financières à Toronto dès la fin du siècle dernier et par l'importance des investissements étrangers, surtout américains. Ces derniers ont dû investir le marché canadien en réponse à la politique nationale, adoptée par le gouvernement fédéral en 1879, qui imposait d'importantes barrières tarifaires. Cette politique eut aussi pour effet de favoriser la mise en place au Québec d'une structure industrielle basée sur les « secteurs mous » (Proulx et Cauchy, 1991, p. 56). De plus, à cause de l'importante dotation du Canada en ressources naturelles, bon nombre d'entreprises étrangères y ont vu l'occasion de s'assurer de bonnes sources d'approvisionnement. Cela ne veut pas dire que le Québec n'ait pas obtenu sa part des investissements étrangers. Toutefois, cela s'est fait dans une proportion nettement moindre et par des entreprises de la Nouvelle-Angleterre, elle-même en déclin par rapport à la région des Grands Lacs. En somme, l'insertion de l'économie québécoise au sein du marché continental s'est réalisée dans des conditions fort différentes de celles de l'Ontario.

Le développement économique du Québec a aussi été marqué par un ensemble de politiques économiques adoptées par le gouvernement fédéral en vue d'accélérer la croissance de l'économie canadienne. Toutefois, l'incidence de ces politiques sur les régions est inégale. En fait, elles ont particulièrement favorisé l'Ontario au détriment du Québec. À titre d'exemple, on peut mentionner la construction de la voie maritime du Saint-Laurent (1959), qui a eu pour effet de diminuer les avantages du Québec en matière de transport ; la politique nationale du pétrole (1961), qui a miné l'industrie pétrolière québécoise ; le Pacte de l'automobile (1965), qui a concentré l'industrie automobile en Ontario ; la politique fédérale de développement régional (1969), qui n'a pas contribué à modifier les faiblesses structurelles de l'économie québécoise ; les politiques monétaires restrictives qui furent adoptées à différentes époques, essentiellement en fonction des conditions économiques sud-ontariennes ; les investissements publics du gouvernement fédéral, notamment en recherche et développement, qui se sont surtout concentrés en Ontario, etc.

C'est dire que, dans l'ensemble, la structure industrielle québécoise a historiquement été pénalisée par des facteurs sur lesquels le Québec a peu d'emprise. Ainsi, les principaux avantages comparatifs dont dispose le Québec ont trait à l'abondance des ressources naturelles, au faible coût de l'énergie hydro-électrique et, jusqu'au milieu des années 1970, à la présence d'une main-d'œuvre bon marché. Par ailleurs, il [467] faut rappeler l'importance des industries traditionnelles pour le Québec (textile, vêtement, bonneterie, chaussure, cuir, etc.). Sa structure industrielle se caractérise par sa concentration dans les secteurs intensifs en main-d'œuvre faiblement qualifiée et à faible capitalisation. Ces producteurs québécois sont donc vulnérables et s'avèrent généralement incapables de concurrencer à l'extérieur du marché canadien, lui-même protégé par des barrières tarifaires et non tarifaires contre les importations provenant soit des nouveaux pays industrialisés qui disposent d'une main-d'œuvre bon marché, soit des États-Unis qui comptent d'importantes entreprises. Bien qu'au cours de la dernière décennie la situation des industries œuvrant dans les secteurs traditionnels se soit améliorée du fait de la modernisation de nombre d'entre elles et de la disparition des firmes les moins concurrentielles, ces industries continuent de compter une proportion de travailleurs supérieure à sa part du produit provincial brut (Hero et Balthazar, 1988, p. 308-309). De plus, ces industries ont historiquement bénéficié d'une importante protection tarifaire, ce qui rend leur intégration dans le marché continental fort problématique. Au contraire, une réduction des barrières commerciales devrait se traduire par une relocalisation de ces activités aux États-Unis, qui disposent de firmes technologiquement avancées, ou vers les pays nouvellement industrialisés où la main-d'œuvre est abondante et coûte peu (Proulx, Dulude et Rabeau, 1978, p. 380).

Les principaux produits manufacturiers exportés en 1986 vers les autres provinces étaient, par ordre décroissant, les aliments et boissons (11,3 % du total des exportations manufacturières), l'industrie chimique (11 %), les papiers et les produits connexes (9,7 %), les vêtements (9,3 %), les appareils et les matériels électriques (8,3 %), les métaux primaires (7,3 %) et le textile (7,1 %). Plusieurs secteurs considérés comme traditionnels y occupent donc une place de choix. La structure des exportations vers l'étranger diffère sensiblement. On y retrouve un haut degré de concentration dans quelques produits, le matériel de transport (25,4 % – en raison du Pacte de l'automobile), les papiers et produits connexes (24,5 %) ainsi que les métaux primaires (19 %). Les secteurs traditionnels n'y occupent qu'une place marginale.

L'importance des barrières commerciales imposées par le Canada explique en partie la situation de dépendance commerciale du Québec à l'égard de l'Ontario. Les entreprises manufacturières qui ont évolué dans les secteurs protégés expédiaient près des deux tiers de leur production ailleurs au Canada, et l'Ontario à elle seule en recevait plus de la moitié. Le haut degré de protection du marché canadien a fait que le Québec expédiait davantage ses produits vers l'Ontario que vers les États-Unis et, dans l'ensemble, davantage vers le Canada que vers l'ensemble des autres pays. En d'autres termes, la structure tarifaire canadienne a contribué à faire du Québec une société économiquement dépendante du reste du Canada. L'ouverture des marchés devra se traduire par une restructuration des entreprises œuvrant dans les secteurs traditionnels par le biais de fusion et de modernisation des installations. Cela se traduira inévitablement par des pertes d'emplois et l'accroissement du secteur tertiaire de l'économie.

Parmi les dimensions structurelles de l'intégration continentale de l'économie québécoise, on doit considérer la question du contrôle de la propriété des entreprises par des intérêts extérieurs. Il est possible de connaître la répartition du contrôle entre les différents types d'employeurs du Québec par secteur et sous-secteur d'activité économique et pour l'ensemble de l'économie. Il est intéressant de noter que dans le [468] secteur privé, 56,3 % de l'emploi en 1987 était sous-contrôle franco-canadien, 33,6 % sous contrôle anglo-canadien et 10,1 % sous contrôle étranger (Vaillancourt et Carpentier, 1989, p. 37). Par ailleurs, si l'on inclut le secteur public, la part des emplois sous contrôle franco-canadien progresse sensiblement aux dépens des deux autres groupes ; ces proportions passent respectivement à 61,6 %, 30,6 % et 7,8 % (Vaillancourt et Carpentier, 1989, p. 39).

Globalement, les emplois sous contrôle francophone sont prépondérants dans les secteurs primaire et tertiaire. La situation qui prévaut dans les industries manufacturières varie grandement selon les sous-secteurs d'activité. Ainsi, à l'exception du sous-secteur des mines, carrières et puits de pétrole, où les emplois contrôlés par des francophones canadiens n'étaient que de 35 % en 1987, la propriété était essentiellement francophone dans le secteur primaire. La situation est quelque peu différente dans le secteur manufacturier. Les francophones ne contrôlaient que 39,3 % des emplois. Toutefois, ils contrôlaient presque totalement l'industrie du bois (90,4 %) et leur situation était favorable dans plusieurs autres sous-secteurs, meubles (65,9 %), imprimerie et édition (60,8 %), aliments et boissons (54,2 %), fabrication de produits minéraux non métalliques (51,2 %) et fabrication de produits en métal (50,3 %). Les Anglo-Canadiens étaient surtout présents dans l'industrie de l'habillement (71,5 %), du textile (66,6 %), du cuir (57,6 %) et du papier (51,8 %). Finalement les non-Canadiens contrôlaient l'industrie du tabac (99,3 %), l'industrie chimique (60,7 %) ainsi que la fabrication des produits du pétrole et du charbon (56,7 %), et occupaient une place importante dans les sous-secteurs de la fabrication des produits électriques (47,2 % de la fabrication d'équipement de transport (43,9 %) et d'équipement divers (43,1 %. La situation de la propriété dans le secteur tertiaire indique que les francophones exercent une grande influence dans les domaines des services d'utilité publique (notamment à cause de la présence d'Hydro-Québec), du commerce de détail (61,7 %), des finances (56,8 %), des assurances (47,2 %) et des affaires immobilières (65,8 %)(Vaillancourt et Carpentier, 1989, p. 21-26).

L'ensemble de ces données met clairement en évidence l'importance du rôle désormais joué par les francophones dans l'économie québécoise. Évidemment, dans certains secteurs, la présence des intérêts anglo-canadiens et étrangers demeure importante. Néanmoins, on a assisté au cours des dernières décennies à une évolution dans l'importance de la propriété francophone dans les secteurs des institutions financières, de la fabrication, de la construction, des mines et du transport, de la communication et des services d'utilité publique. Il est intéressant de noter que, de 1961 à 1978, ces gains se sont surtout réalisés aux dépens des Anglo-Canadiens, alors que de 1978 à 1997, ils ont été faits surtout aux dépens des étrangers. Cette croissance soutenue depuis le début des années 1960 s'explique par la modernisation et la consolidation du secteur public québécois, l'intervention de l'État dans le secteur privé et l'apparition d'entrepreneurs francophones. Elle traduit aussi une plus grande diversification des activités économiques de la part des francophones, ceux-ci étant relativement moins confinés dans les secteurs traditionnels et problématiques (Sales, 1979, p. 182-186).

Cette croissance a modifié la structure de l'entrepreneuriat francophone, de telle sorte que celui-ci est maintenant davantage en mesure de s'insérer dans le cadre de l'économie continentale et que plusieurs entreprises québécoises sont capables de [469] concurrencer les sociétés canadiennes et étrangères. La consolidation de la position des entreprises contrôlées par des francophones, notamment dans le secteur des richesses naturelles (bois, pâtes et papiers, énergie) et dans le secteur manufacturier, s'est faite dans les domaines les plus concurrentiels. Ces succès ont été en partie rendus possibles à cause de la consolidation du pouvoir financier québécois et de la participation de ces institutions financières dans le financement des entreprises (Moreau, 1981, p. 105-113). De plus, et de manière tout à fait paradoxale, la crise du début des années 1980 a favorisé le mouvement de concentration et de regroupement des entreprises, particulièrement dans le secteur tertiaire, et a donc contribué à l'assainir. En somme, les changements survenus dans la structure de propriété de l'économie québécoise au profit des entrepreneurs francophones ont permis à plusieurs de ceux-ci de s'engager davantage dans la vague d'internationalisation des capitaux et ont favorisé leur expansion, notamment vers le marché nord-américain (Bélanger et Fournier, 1987, p. 175-181).

En dépit des changements qui ont affecté la structure de propriété, l'économie québécoise demeure dans une position de fragilité. En effet, le nouveau rôle joué par les francophones québécois dans l'économie n'a pas modifié substantiellement les problèmes structurels auxquels elle doit faire face. Même si la situation semble s'être améliorée, notons qu'à la fin des années 1970, les entreprises détenues par des francophones étaient plus petites, elles affichaient une plus faible productivité du travail, on y retrouvait des salaires moins élevés et elles desservaient principalement le marché local. C'est dire qu'en comparaison avec les entreprises canadiennes-anglaises ou étrangères, les entreprises francophones expédiaient une proportion nettement moins grande de leur production à l'extérieur de la province. Qui plus est, elles n'étaient responsables en 1979 que de 15 % des exportations totales du Québec, alors que les établissements étrangers dominaient au chapitre des exportations (Raynauld et Vaillancourt, 1984, p. 120-123). C'est aussi dire que si un certain nombre de grandes entreprises francophones sont en mesure de faire face à la continentalisation de l'économie, les entrepreneurs francophones sont surtout concentrés dans les PME qui se caractérisent par leur insertion sectorielle dans les industries de biens de consommation traditionnels, le commerce de détail, la construction, les services et la sous-traitance. Elles répondent donc aux besoins des marchés locaux et régionaux ou à ceux de la sous-traitance (Sales et Bélanger, 1985, p. 58-61).

En somme, si la situation s'est améliorée pour plusieurs entreprises francophones québécoises, on ne saurait conclure à un renforcement définitif de la structure industrielle et commerciale du Québec. Au contraire, elle s'est peu modifiée au cours des deux dernières décennies. Les secteurs traditionnels faisant l'objet d'une forte concurrence demeurent toujours fort importants (Romulus et Deblock, 1985, p. 225).


STRATÉGIES POLITIQUES
ET RÉALITÉ CONTINENTALE


Bien que la dépendance du Québec à l'égard du marché continental constitue une réalité établie depuis longtemps, les pouvoirs publics n'ont cherché que relativement récemment à en tenir compte dans leurs stratégies de développement économique.

[470]

La politique économique de l'après-guerre fut marquée par le régime instauré par Maurice Duplessis et l'Union nationale. Tout compte fait, Duplessis a poursuivi la ligne de conduite adoptée par ses prédécesseurs (Roby, 1976). La philosophie mise de l'avant à l'époque était fort simple : l'État doit limiter son intervention directe dans les activités économiques tout en appuyant leur croissance et en assurant des conditions sociales et matérielles favorables. Cette position a alimenté les politiques gouvernementales jusqu'à la fin des années 1950 en favorisant les investissements étrangers et en accordant à ceux-ci d'importantes concessions territoriales pour stimuler l'exploitation des richesses naturelles. L'insistance mise sur le secteur de l'exploitation des richesses naturelles par les entreprises étrangères, surtout américaines, devait provoquer la croissance du secteur manufacturier. Ainsi, cette stratégie s'insérait dans un modèle d'accumulation qui conférait aux investissements directs étrangers le rôle moteur du développement économique. Cela peut s'expliquer par les conditions structurelles de l'économie québécoise, le marché intérieur restreint et la faiblesse des institutions financières locales nécessaires pour soutenir d'importants investissements. La stratégie qui s'offrait alors consistait à se tourner vers le marché continental pour obtenir les stimulations économiques nécessaires à l'industrialisation et à la création d'emplois. L'intégration continentale de l'économie québécoise non seulement était le fruit du libéralisme économique mis de l'avant sous Duplessis, mais était fortement encouragée par le gouvernement, qui y voyait un moyen d'assurer la reconversion de l'économie québécoise. C'est dans cette perspective que le gouvernement sollicitait activement les investissements américains tant pour le secteur manufacturier que pour le secteur des richesses naturelles. Dans ce cas, on peut parler d'acceptation empressée de l'état de dépendance à l'égard des États-Unis (Boismenu, 1981, p. 125).

La prise du pouvoir par le Parti libéral en 1960 a marqué le début de la révolution tranquille. Même si la question de l'intégration économique continentale n'était pas l'enjeu au cœur des nombreuses réformes adoptées, celles-ci ont eu un impact sur la façon dont le Québec va se situer par rapport à son principal partenaire commercial. D'une part, l'économie du Québec présentait des caractéristiques similaires à celles des économies des pays sous-développés. Selon Gaudet (1980, p. 251), « la province manquait d'un élément essentiel à toute économie développée, à savoir une structure commerciale touchant les industries qui soit à la fois cohérente et bien intégrée ». D'autre part, en prenant la mesure de la faiblesse du statut socio-économique des francophones québécois par opposition à la domination exercée par la bourgeoisie anglophone sur la grande industrie, le secteur financier et le commerce, l'État québécois cherchait moins à remettre en question le capitalisme qu'à promouvoir le développement d'une bourgeoisie francophone. De plus, en réaction à la politique d'accueil à l'égard des investissements américains adoptée précédemment, certains ont contesté la surexploitation des ressources naturelles du Québec au nom du nationalisme et ont réclamé l'intervention étatique dans ce secteur.

Face à la domination étrangère exercée sur l'économie québécoise, l'État est apparu comme un moyen d'intervention efficace en mesure de limiter cette présence étrangère massive, de favoriser l'accession de francophones à des postes de direction et, ultimement, de solidifier les assises d'une bourgeoisie francophone. C'est ainsi que la nouvelle élite politique va développer un ensemble d'institutions publiques [471] permettant aux membres de la nouvelle classe moyenne d'occuper des postes de techniciens ou de direction, comme Hydro-Québec, la Société générale de financement, la Caisse de dépôt et placement, etc. L'État cherchait essentiellement à soutenir les petites et moyennes entreprises détenues surtout par des francophones (Pelletier, 1989, p. 202-203). Il s'agissait donc avant tout d'une volonté de reprise en main d'une économie largement contrôlée par le capital canadien-anglais et étranger (Raynauld, 1974, p. 81). C'est ainsi que le projet de nationalisation de l'électricité présenté par le Parti libéral du Québec en 1962 s'inscrivait dans le processus de libération économique du Québec. L'appropriation collective d'une importante richesse naturelle se voulait le premier jalon d'un processus de décolonisation de l'économique. Il importe toutefois de rappeler que la nationalisation de l'électricité ne touchait que les secteurs de la production et de la distribution aux particuliers. Est demeurée sous contrôle privé la production hydro-électrique faite par les entreprises dans le cadre de leurs activités industrielles. Ainsi, le Québec ne s'appropriait pas l'ensemble des ressources hydroélectriques, mais laissait aux entreprises (généralement de type monopoliste et détenues par des intérêts étrangers comme l'Alcan) le soin d'exploiter leurs propres barrages, ce qui représentait 30 % de la production totale au Québec (Brunelle, 1976, p. 145). Par ailleurs, pour limiter la vulnérabilité du Québec à l'endroit du contrôle étranger, plusieurs sociétés de la couronne furent créées et devinrent les pivots de la stratégie économique gouvernementale et de la promotion du statut socio-économique des francophones (Montcalm et Gagnon, 1990, p. 352).

Ce processus n'est pas sans avoir soulevé la difficulté de réconcilier le besoin continu d'obtenir des capitaux étrangers et la volonté de promouvoir une plus grande intégration de ces nouveaux investissements au sein de l'économie québécoise. En effet, la politique de l'État québécois au cours des décennies qui suivirent a toujours cherché à accroître en même temps le contrôle québécois sur l'économie et les investissements étrangers. En d'autres termes, on a constamment essayé de démontrer que le nationalisme québécois pouvait être compatible avec une grande ouverture à l'égard des capitaux provenant de l'extérieur. Ainsi, le gouvernement du Québec s'est toujours refusé à attribuer l'origine de tous ces problèmes économiques à la présence des investisseurs étrangers. Toutefois, il a insisté sur le fait que le développement économique ne pouvait pas continuer à reposer exclusivement sur la capacité d'attirer les capitaux étrangers.

Alors qu'au Canada se manifestait un nationalisme économique, à travers notamment les rapports Gordon (1958), Watkins (1968) et Gray (1972), le gouvernement du Québec n'a pas perçu la question des investissements étrangers dans les mêmes termes. Sa préoccupation concernait davantage la nécessité de participer à son économie que la volonté de limiter, par voie législative, la nature et l'importance de la pénétration des capitaux américains en sol québécois (Gaudet, 1980, p. 253-254). C'est ainsi que la réaction québécoise à l'adoption de la loi créant l'Agence de tamisage des investissements étrangers mettait l'accent sur l'absence d'attention portée par le gouvernement fédéral aux dimensions régionales d'une telle initiative. De plus, le gouvernement du Québec craignait que les critères adoptés contribuent à renforcer la structure industrielle existante au détriment des efforts par le Québec pour modifier sa propre structure industrielle et pour stimuler la participation des entrepreneurs locaux au sein [472] de ce processus. En fait, l'opposition du Québec à l'initiative fédérale reflétait un ordre différent de priorité allant dans le sens d'un accroissement du capital étranger, non vers sa limitation. L'attitude du Québec à l'égard des investissements étrangers renvoie au cadre spécifique de l'économie québécoise. Ainsi, les investissements étrangers continuent à être perçus comme nécessaires au maintien du rythme de croissance de l'économie et à l'accroissement de sa marge de manœuvre à l'égard du Canada anglais. Cette ligne de conduite fut suivie par tous les premiers ministres québécois qui ont succédé à Jean Lesage. D'ailleurs, le gouvernement libéral dirigé par M. Bourassa de 1970 à 1976 a affiché une plus grande ouverture à l'endroit des investissements étrangers.

Le gouvernement du Parti québécois a publié deux énoncés de politique économique dans lesquels il exposait les fondements de sa stratégie industrielle (Québec, 1979 et 1982). La promotion du capital québécois, particulièrement dans les secteurs de base de l'économie et dans les secteurs de pointe, constituait un des axes prioritaires du gouvernement. Dans la lignée du nationalisme économique étaient posés comme objectifs l'accroissement de la part du marché interne du capital québécois dans certains secteurs-clés (télécommunications, transport, finance, sidérurgie) et l'augmentation de la capacité d'exportation du Québec (Romulus et Deblock, 1985, p. 202-203). Toutefois, les domaines des ressources naturelles et de l'hydro-électricité constituaient les deux principales assises de cette stratégie. Ainsi, l'intention d'accroître la présence des intérêts québécois dans la structure de propriété visait clairement le secteur des ressources naturelles. Pourtant, même si la politique gouvernementale cherchait à encourager l'entrepreneurship local, nulle part n'est mentionné que cela allait devoir se faire au détriment des investisseurs étrangers. L'intention était, notamment, de rechercher l'intégration des filiales étrangères, l'accroissement du contenu québécois au sein des produits et l'accessibilité des firmes aux circuits d'achat et d'investissement des multinationales (Romulus et Deblock, 1985, p. 203). Par ailleurs, comme le soulignait Bonin (1984, p. 33-34), « la politique industrielle québécoise n'identifiait pas clairement l'apport souhaité provenant des entreprises contrôlées par des intérêts étrangers ou, plus généralement, des relations avec les partenaires économiques du Québec à l'étranger ».

Bien que l'interventionnisme étatique ait visé tous les secteurs d'activité, les résultats furent les plus probants dans le secteur des richesses naturelles. D'ailleurs, c'est dans les secteurs de la forêt et des mines que le capital francophone s'est le plus accru au cours des vingt dernières années. Ainsi, les emplois sous contrôle étranger dans le secteur de la forêt sont passés de 37,7 % en 1978 à 0 % en 1987, et de 64,9 % à 24,6 % pour le secteur des mines (Vaillancourt et Carpentier, 1989, p. 53). Cette croissance exceptionnelle du rôle joué par les francophones est en grande partie attribuable à la stratégie étatique, mise en place au cours des années 1960, qui visait à l'établissement d'infrastructures nécessaires à une meilleure exploitation des ressources naturelles. Si le Québec s'est doté de nombreuses entreprises publiques dans un grand nombre de secteurs économiques, celui des richesses n'a pas échappé à cette stratégie. On y retrouve, entre autres, la Société québécoise d'exploration minière (SOQUEM), la Société québécoise d'initiative pétrolière (SOQUIP), la Société de récupération et d'exploitation forestière (REXFOR), la Sidérurgie du Québec [473] (SIDBEC) et la Société de développement de la Baie James (SDBJ). Ces multiples sociétés d'État ont permis au Québec de mieux contrôler l'exploitation des ressources naturelles. Le marché de prédilection pour écouler ces ressources demeure les États-Unis, mais leur exploitation ne dépend plus des stratégies élaborées outre-frontière. Incidemment, le gouvernement du Québec s'est fait beaucoup plus interventionniste que celui de l'Ontario en matière de ressources naturelles, ce qui reflète une tendance plus marquée du Québec à agir pour encourager et régler le secteur de l'extraction des ressources (Finbow, 1983, p. 126).

En somme, la stratégie gouvernementale cherche moins à diminuer la dépendance du Québec à l'égard du marché américain qu'à s'assurer que les francophones occupent une meilleure position à l'intérieur de l'espace économique québécois. La croissance des emplois sous contrôle francophone s'explique donc par des prises de contrôle d'entreprises étrangères soit par l'État (achat d'Asbestos Corporation et d'autres mines d'amiante par des francophones ; prise de contrôle de Domtar par la Caisse de dépôt et placement), soit par d'autres entreprises (entreprises papetières par Cascades) ou par l'expansion de certaines firmes (Noranda, Cambior).

La gestion gouvernementale de la dépendance de l'économie québécoise à l'égard de l'économie continentale a pris aussi d'autres formes. Le gouvernement du Québec a établi de nombreuses délégations aux États-Unis (notamment à New York, à Boston, à Chicago, à Los Angeles, à Atlanta) et celles-ci ont, entre autres missions, celles de promouvoir les échanges commerciaux, de rechercher de nouvelles technologies et d'être à l'affût d'éventuels investisseurs intéressés par le Québec. De plus, ces délégations offrent une assistance technique aux gens d'affaires québécois qui veulent pénétrer le marché américain (Québec, 1988b, p. 188-190). Ces initiatives québécoises répondaient aux doléances formulées par le monde des affaires francophone à l'égard du manque d'engagement et des problèmes d'assistance venant d'Ottawa, particulièrement lorsqu'ils voulaient concurrencer les producteurs provenant des autres provinces canadiennes (Balthazar, 1984, p. 223).

Même si l'ouverture de l'économie québécoise aux influences étrangères a été considérée par certains comme un frein à un développement économique autocentré (Parenteau, 1970, p. 679-696), l'intérêt porté à l'accroissement des relations commerciales Québec-États-Unis insistait surtout sur les avantages offerts par un cadre continental par opposition aux contraintes imposées par la politique canadienne qui a historiquement privilégié l'axe est-ouest. C'est ainsi qu'en 1983, le ministre péquiste du Commerce extérieur, Bernard Landry, se déclarait en faveur de l'établissement d'un marché commun entre le Québec et les États-Unis. Les arguments avancés avaient trait à la volonté d'abaisser le coût des produits importés en réduisant les tarifs et d'intégrer davantage les marchés, ce qui devait se traduire par une plus grande intégration des processus productifs (Perron, 1985, p. 24). Toutefois, les Américains ont rejeté l'ouverture faite par le Québec, prétextant qu'ils préféraient négocier avec tout le Canada, et donc le gouvernement central, plutôt qu'avec l'un des gouvernements provinciaux (Balthazar, 1984, p. 220). Devant l'impossibilité de s'entendre directement avec le gouvernement américain, le soutien au projet de libre-échange présenté par le gouvernement Mulroney apparaissait comme une alternative valable aux yeux de certains nationalistes québécois.

[474]

Le débat québécois sur le libre-échange a toujours été lié à la question de la nature des relations économiques que le Québec entretient avec le reste du Canada. Deux problèmes furent soulevés. D'abord, l'approfondissement des relations économiques selon l'axe nord-sud implique une remise en cause de l'axe traditionnel est-ouest. Ensuite, le débat doit être situé dans la dynamique imposée par le cadre constitutionnel canadien. Il peut apparaître étonnant de lier cette dernière question au débat sur le libre-échange. Mais il faut rappeler que le gouvernement central établissait une équation entre l'élimination des barrières interprovinciales au commerce, qui contribuent à fragmenter la structure industrielle canadienne, et l'instauration du libre-échange. Ainsi, les problèmes économiques spécifiques au Québec ont toujours conduit les gouvernements québécois à revendiquer non seulement une plus grande marge de manœuvre dans l'administration des politiques définies au palier fédéral, mais aussi un respect de l'actuel partage des compétences constitutionnelles. Les positions présentées par le Parti québécois et le Parti libéral du Québec sur l'union économique et le libre-échange lors des audiences de la commission Macdonald reprennent, avec des nuances, ces deux problèmes.

Le Parti québécois, dans son mémoire déposé lors des audiences de la commission Macdonald, soulignait la nécessité pour le gouvernement du Québec de contrôler entièrement les politiques de main-d'œuvre, d'éducation et de formation professionnelle dans le but de compenser pour les déséquilibres causés par la moins grande mobilité de sa population (Parti québécois, 1983, p. 28-30). En ce sens, la stratégie québécoise s'opposait en partie à la logique canadienne, qui accorde une prédominance à la mobilité de la main-d'œuvre en fonction de l'offre de travail. Elle mettait plutôt l'accent sur la création des emplois au Québec pour rétablir les équilibres sur le marché du travail. Dans cette perspective, le Parti québécois revendiquait une décentralisation des pouvoirs. Deux années plus tard, le premier ministre Pierre-Marc Johnson réitérait l'appui gouvernemental à la stratégie fédérale libre-échangiste en l'assortissant d'un certain nombre de conditions. Précisément, il demandait que le Québec soit associé au processus des négociations, que les mesures de transition soient développées conjointement par le fédéral et les provinces, que le gouvernement fédéral respecte la constitution de sorte que le Québec ne se considère lié dans les secteurs de sa compétence que dans la mesure où il aurait donné son accord et, finalement, que certains secteurs fassent l'objet de considérations spéciales (par exemple, l'agriculture et certains secteurs fortement protégés tels le textile, le vêtement et la chaussure) (Conférence annuelle des premiers ministres, 1985, p. 41-42).

L'accord de principe de certains nationalistes, comme Parizeau et Landry, à une politique libre-échangiste se situe dans le cadre d'un renforcement des relations économiques Québec-États-Unis sans pour autant y associer une réduction des pouvoirs de l'État québécois au profit du gouvernement fédéral. Les péquistes font donc un calcul stratégique qui pourrait être favorable, à long terme, au projet de souveraineté politique du Québec. Les flux commerciaux naturels suivent davantage l'axe nord-sud que l'axe est-ouest, ce dernier ayant été en quelque sorte imposé à l'aide des mesures protectionnistes de la politique nationale. Un rétablissement de l'axe naturel pourrait se traduire par un affaiblissement important de l'assise économique sur laquelle repose le Canada, ce qui permettrait au Québec de s'en dégager plus [475] facilement (Rocher, 1987, p. 151-168). La reconfiguration de l'espace économique canadien pourrait éventuellement être favorable au projet souverainiste et diminuer les coûts de transition. C'est ainsi qu'il n'y a pas nécessairement de contradictions entre les principes libre-échangistes et ceux qui sont véhiculés par les nationalistes québécois (Martin, 1993).

Si l'argumentation du Parti québécois tourne essentiellement autour de la problématique centralisation-décentralisation, la position du Parti libéral du Québec (PLQ) vise surtout à faire des recommandations afin de garantir le marché commun canadien. Cependant, pour y arriver, le PLQ rejette l'établissement de nouvelles règles constitutionnelles limitant les pouvoirs des gouvernements provinciaux (Bourassa, 1984, p. 21-22). Ainsi, il n'est pas question pour le PLQ que l'État québécois se départe de leviers économiques essentiels au développement du Québec. Par ailleurs, la position du PLQ n'a pas toujours été libre-échangiste. Au moment où Robert Bourassa était chef de l'opposition, il manifestait certaines inquiétudes à l'égard du glissement possible de l'union économique vers l'union politique et finalement monétaire. Toutefois, à la lumière des sujets faisant l'objet de négociation, le chef du PLQ a adouci sa position. Prenant en considération le fait que l'on négociait plutôt la libéralisation du commerce, et ce sur une base sectorielle dont était exclue la culture, et qu'il était même question d'une période de transition, le libre-échange ne mènerait pas à une association politique (Blouin, 1986, p. 101). De plus, le PLQ considérait qu'une entente visant la libéralisation commerciale pouvait contribuer à améliorer et à garantir l'accès de la production québécoise au marché américain. Finalement, un éventuel gouvernement du Parti libéral n'entendait pas pousser l'intégration économique au point de confier au gouvernement central un rôle déterminant dans la définition des stratégies d'intervention économique de l'État québécois.

Une fois au pouvoir, le Parti libéral a conservé la même ligne de conduite. Les conditions énumérées par le gouvernement du Parti libéral sont demeurées à peu de choses près les mêmes que celles qui avaient été énoncées par le gouvernement précédent à l'exclusion de la requête d'une participation provinciale au processus de négociation. La position du Québec sur le libre-échange posait des limites à l'intégration continentale puisqu'elle se fondait sur trois éléments : le respect intégral du cadre constitutionnel et des compétences législatives du Québec, la nécessité de conserver au gouvernement une marge de manœuvre suffisante pour travailler au renforcement de son tissu industriel et de sa base technologique, en pensant particulièrement aux petites et moyennes entreprises les plus vulnérables, et, finalement, la nécessité absolue de prévoir des périodes de transition et des programmes d'assistance pour certains secteurs touchés par le nouveau cadre (Québec, 1987a, p. 83-85). Une position similaire fut mise de l'avant par le gouvernement du Québec à l'endroit de l'accord de libre-échange nord-américain (Québec, 1993, p. 14-17).

La nécessité d'établir une période de transition assez longue reposait sur la reconnaissance de la disparité des économies et le fait que le Canada connaît un degré de protection plus élevé. Par ailleurs, lorsque le gouvernement du Québec parle de la nécessité de maintenir une marge de manœuvre suffisante, il entend la capacité d'intervenir dans les mécanismes du marché, notamment par les programmes d'aide à l'entreprise et de développement régional. La possibilité de maintenir de telles [476] politiques impliquait que le gouvernement canadien tente de négocier des clauses d'antériorité (grand-fathering clause) de telle sorte que les gouvernements puissent continuer à soutenir le développement économique par le biais de programmes aux critères d'accessibilité plus généraux. Cette capacité d'intervention ne devait pas se traduire par une clause qui permettrait au gouvernement américain d'abuser du recours à des mesures de sauvegarde (Québec, 1993, p. 70-74).

L'évaluation du gouvernement libéral du contenu de l'accord canado-américain fut très positive. Cela tient au fait que le partage des compétences législatives et constitutionnelles ne fut pas affecté par l'accord et que les modifications législatives que les provinces devaient faire pour s'y conformer étaient plutôt limitées. De plus, en se fondant sur le libellé de l'entente, le gouvernement du Québec soutenait qu'aucune de ses dispositions n'entraînait des modifications touchant les secteurs des politiques sociales, des communications, de la langue et de la culture. Le gouvernement a ainsi pu prétendre avoir conservé sa marge de manœuvre pour atteindre ses objectifs de modernisation et de développement économique (Québec, 1987b, p. 25).

L'option libre-échangiste a réussi à rallier derrière elle les deux principaux partis politiques du Québec ainsi qu'une bonne fraction de la classe d'affaires. Puisque d'importants leaders d'opinion ont fait campagne pour une plus grande ouverture des marchés, certains y ont vu une preuve d'appui absolu de la part des Québécois (Resnick, 1989). Même s'il est vrai que les Québécois se sont montrés plus ouverts à l'idée de libre-échange que ne l'ont été les autres Canadiens lors de l'ouverture des négociations bilatérales (58 % se sont déclarés en faveur et 35 % s'y sont opposés au Québec contre 46 % et 50 % pour l'ensemble du Canada et 36 % contre 60 % pour l'Ontario – cité par Martin, 1993, p. 4), il faut toutefois rappeler qu'un important mouvement d'opposition au libre-échange s'est constitué au Québec, dirigé principalement par les principales centrales syndicales. Ce mouvement a repris l'essentiel des arguments avancés ailleurs au Canada par les opposants à cette option. On y dénonçait notamment les concessions exigées par les Américains, qui étaient vues comme autant de façons de réduire le pouvoir des gouvernements (fédéral et provinciaux) pour y substituer un développement industriel porté uniquement par les forces du marché et de réduire toute intervention de l'État pour orienter ou diriger le sens de l'évolution de l'activité économique (Coalition québécoise d'opposition au libre-échange, 1987, p. 15-22 ; Bakvis, 1993). Aux yeux des opposants, le Québec ne pourrait plus utiliser les mesures d'ajustement industriel (comme les programmes d'achat public, la fourniture d'électricité à bas tarif, les programmes de promotion et de développement des marchés d'exportation, les subventions à l'activité industrielle et les programmes de modernisation sectoriels), le Québec était la province qui avait le plus à perdre puisqu'elle avait mis de l'avant une politique cohérente et ciblée pour répondre à la faiblesse structurelle de son économie. On craignait pour l'avenir des programmes sociaux et des industries culturelles qui ne feraient pas le poids devant les exigences du géant américain. En somme, les opposants au libre-échange établissaient une équation simple entre cette solution et le retour aux seules forces du marché comme mécanisme de régulation économique et social. Ils privilégiaient plutôt une libéralisation multilatérale des échanges et une amélioration des règles du commerce dans le cadre du GATT. De plus, ils appelaient les gouvernements à adopter une stratégie de [477] développement économique qui viserait à renforcer la structure industrielle et la productivité pour faire face à la mondialisation des économies nationales.

Compte tenu des implications du libre-échange sur la souveraineté politique du Canada, et donc du Québec, ainsi que des réaménagements qu'il imposera au chapitre de l'interventionnisme étatique, Brunelle et Deblock ont fait remarquer que cette stratégie continentale contredisait les thèses nationalistes fondées sur le recours à l'État (Brunelle et Deblock, 1989, p. 131-132). Ce changement s'expliquerait notamment par l'échec de l'interventionnisme étatique mis en place depuis la révolution tranquille. C'est donc dire que l'option continentale traduit une reconfiguration du nationalisme des années 1960 et 1970 qui reposait sur des mesures publiques d'intervention dans l'économie, la société et la culture.


NÉO-NATIONALISME
ET INTÉGRATION CONTINENTALE,
OU LA GARDE MONTANTE AU POUVOIR

Il serait tentant de réduire la position des libre-échangistes à celle des néo-libéraux qui prônent un retour aux seules forces du marché comme mécanisme de la régulation économique et sociale. Toutefois, le débat qui s'est déroulé au Québec sur cette question n'a jamais mis de l'avant un retour à la stratégie de porte ouverte inconditionnelle préconisée au cours de la période qui a précédé la révolution tranquille, notamment sous le régime de Maurice Duplessis.

Le soutien d'une large fraction du patronat québécois à la stratégie continentaliste manifeste la nouvelle maturité acquise par le capital francophone. On peut penser que cette maturité s'est traduite notamment par la nécessité de renforcer les secteurs où les entreprises québécoises disposaient d'un avantage concurrentiel par rapport à ses compétiteurs étrangers. C'est dans cet esprit que la classe d'affaires québécoise s'est rangée derrière l'entente Mulroney-Reagan au cours de la campagne électorale fédérale de 1988. Ainsi, en réponse à la publicité négative véhiculée par les centrales syndicales québécoises, le monde des affaires a créé le Regroupement pour le libre-échange et financé une campagne de publicité favorable à cette solution. Néanmoins, le discours tenu par les grandes associations patronales illustre la complexité du débat. Compte tenu des problèmes structurels que connaît l'économie québécoise, il n'est pas étonnant de constater que les entreprises évoluant dans les secteurs fragiles ont exercé des pressions afin que l'appui des grandes organisations patronales soit pour le moins nuancé.

Il serait donc exagéré de prétendre que le monde des affaires s'est rangé unanimement derrière l'option continentaliste. Des clivages importants peuvent être décelés, tant au Canada qu'au Québec, au sein de la bourgeoisie. Deux aspects méritent ici d'être soulignés. D'une part, plusieurs études ont démontré que l'impact du libre-échange serait variable selon les secteurs. Ainsi, d'après le ministère québécois de l'Industrie et du Commerce, des 18 secteurs industriels examinés, le libre-échange aurait des effets bénéfiques pour 4 (produits minéraux non métalliques ; articles de sport ; fabrication de carreaux, de dalles et de linoléum ; industrie du bois), il aurait des [478] effets négatifs pour 12 (imprimerie et édition ; bijouterie-orfèvrerie ; fabrication d'instruments ; produits en caoutchouc et en matière plastique ; produits électriques ; informatique ; produits en métal ; transformation première des métaux ; chaussure ; fabrication de machines ; meuble ; vêtement) et n'aurait aucun effet pour 2 autres (produits et intrants agricoles et industrie des jeux et jouets) (Blouin, 1986, p. 102-103). Par ailleurs, la prise en considération d'indicateurs généraux tels que la croissance des exportations, la proportion de la population hautement scolarisée, l'effort de recherche et de développement et les dépenses d'immobilisation montre les problèmes de concurrence auxquels le Québec devra faire face. Les firmes perdantes n'étaient évidemment pas enthousiastes à l'idée d'affronter de nouveaux concurrents sur un marché qui leur était traditionnellement acquis ou sur lequel elles détenaient une longueur d'avance. D'autre part, au-delà du bilan des gagnants et perdants probables, le clivage au sein de la classe d'affaires s'est effectué entre les entreprises qui sont déjà orientées vers le marché continental, soit directement comme exportateur ou indirectement à titre de sous-traitant de firmes liées à ce marché, et les autres qui desservent principalement le marché intérieur (Rocher, 1988b, p. 119-155). C'est dire que les grandes entreprises ne profiteront pas toutes du resserrement des liens commerciaux avec les États-Unis. De la même manière, bon nombre de petites et moyennes entreprises bénéficieront d'une telle stratégie, étant donné qu'elles sont déjà structurées en fonction du marché continental. On peut penser que ce sont les porte-parole de ces entreprises qui ont réussi à dominer le débat public sur le libre-échange et à imposer leur vision aux autres composantes de la classe d'affaires québécoise. Ce sont eux aussi qui composent la garde montante au Québec, à savoir les entrepreneurs francophones en mesure non seulement de s'imposer sur le marché local mais aussi d'occuper une position privilégiée au sein de l'économie continentale et, pour certains d'entre eux, de l'économie internationale.

Le soutien apporté par le monde patronal fut conditionnel à l'adoption de mesures gouvernementales permettant d'opérer une transition douce vers l'intégration continentale. En ce sens, pour minimiser les effets négatifs du libre-échange, le monde patronal a demandé une aide gouvernementale pour les secteurs à faible capacité concurrentielle et des actions pour accroître le virage technologique (Guay, 1989, p. 154155). De plus, plusieurs intervenants, dont le Conseil du patronat du Québec (CPQ), ont réclamé, entre autres choses, que les gouvernements mettent sur pied des centres d'information afin de préparer la main-d'œuvre aux changements qui surviendront, qu'ils adoptent une politique de main-d'œuvre et que l'État soutienne les entreprises appartenant aux secteurs fragiles (Conseil du patronat du Québec, 1988, p. 8). En outre, pour faire face à la continentalisation de l'économie, le monde des affaires a aussi réclamé des stratégies d'interventions gouvernementales dans différents secteurs, notamment en ce qui concerne la modernisation technologique des équipements industriels et le financement des universités.

Sur le plan idéologique, les milieux d'affaires affichent un discours continentaliste qui ne rompt toutefois pas avec la nécessité d'obtenir un soutien étatique. Celui-ci est posé comme nécessaire à la progression des entreprises et à l'amélioration de leur capacité concurrentielle, Il serait donc abusif de considérer le courant libre-échangiste comme un simple néo-libéralisme. De plus, l'État doit jouer un rôle de première importance [479] dans l'appui à apporter aux entreprises québécoises qui cherchent à pénétrer le marché américain ainsi que dans la protection de l'économie et de la société face aux réajustements internes qui découleront de l'ouverture du marché québécois aux firmes américaines (Brunelle et Deblock, 1987, p. 32).

Si l'aide aux entreprises est toujours posée comme une condition à l'ouverture du marché québécois, il n'en demeure pas moins que derrière cette stratégie peut se cacher une volonté de voir réduire le rôle joué par l'État, notamment en ce qui a trait à l'ensemble des programmes qui forment le filet de sécurité sociale pour l'ensemble de la population. Bien que cette question n'ait pas fait l'objet de discussion dans le cadre de l'accord de libre-échange, pour plusieurs entrepreneurs québécois, la ponction fiscale opérée par l'État pour financer ces programmes constitue un facteur qui peut nuire à leur compétitivité. Dans ce contexte, les termes de l'alternative sont simples : ou bien l'État réduit ses programmes destinés aux secteurs des affaires sociales et de la santé, ou bien il en transfère les coûts aux usagers ou aux contribuables. Cela a été clairement illustré dans le cas du débat concernant la question du financement des universités. Le milieu d'affaires est intervenu pour souligner l'importance de la formation dans le contexte du virage technologique, élément essentiel afin d'améliorer le rendement des entreprises. Or, le CPQ a fortement suggéré d'augmenter les frais de scolarité et d'accorder aux institutions universitaires la liberté de fixer leurs tarifs, quitte à devoir fermer certains départements dans les institutions les moins performantes. En somme, si le monde des affaires s'est dit favorable à l'interventionnisme étatique, c'est essentiellement dans un cadre sélectif reposant sur le critère de l'adaptabilité aux nouvelles conditions posées par l'économie continentale, voire mondiale.

Au total, il est donc possible de parler de néo-nationalisme pour décrire la position de la classe d'affaires à l'égard de la stratégie continentale. Elle supporte l'action de l'État à condition que celle-ci soit la moins contraignante possible tout en soutenant les entreprises québécoises dans leur processus d'ajustement aux réalités économiques contemporaines. Par ailleurs, le processus d'intégration continentale est perçu comme un moyen de renforcer, à terme, les assises du capital francophone. Peu importe que celui-ci soit surtout constitué d'entreprises de petite et de moyenne envergure dont plusieurs développent des activités de sous-traitance. Car il faut admettre que le succès remporté par quelques grandes entreprises québécoises contrôlées par des francophones (telles que Bombardier, SNC, Cascades) ne saurait faire oublier que l'essentiel du capital francophone se trouve ailleurs. De plus, même si l'ouverture manifestée par le Québec à l'endroit des États-Unis est loin d'être aussi inconditionnelle que celle de Duplessis, elle n'est jamais allée jusqu'à remettre en question l'importance des investissements étrangers au Québec qui, bien que déclinants, n'en demeurent pas moins importants. Finalement, on peut attribuer le succès remporté au Québec par l'option continentale à la garde montante qui s'est jointe aux éléments dominants de la classe d'affaires canadienne dans ce débat et qui a su convaincre les agents politiques, tant canadiens que québécois, de son fondement.

[480]


CONCLUSION

Le Québec a, de tout temps, cherché à prendre en considération son insertion économique continentale. Il a dû le faire dans le cadre d'un régime politique qui a été un vecteur d'inégalité régionale et qui a conditionné le développement de la structure industrielle du Québec, celle-ci ayant historiquement été marquée par l'importance des secteurs qui posent des problèmes. Ainsi, cette insertion continentale est marquée par un ensemble de facteurs qui contribuent à limiter les choix politiques possibles pour en atténuer les effets non désirés. En effet, la structure des exportations du Québec est largement déterminée par le marché continental. Le Québec est l'une des provinces canadiennes qui exporte le plus vers le marché canadien, bien que cette tendance tende à s'atténuer. Par ailleurs, les exportations du Québec vers les États-Unis sont fortement concentrées alors que les importations sont nettement plus diversifiées. Cela souligne la fragilité de la base exportatrice du Québec aux soubresauts qui peuvent se produire chez son principal partenaire commercial. Cette fragilité est d'autant plus grande que le Québec entretient des relations avec les États américains limitrophes qui, eux-mêmes, doivent faire face à un problème de marginalisation dû au déplacement des grands centres de croissance vers l'Ouest. De plus, l'importance relative du contrôle anglo-canadien et américain sur l'économie québécoise ainsi que la nécessité de faire appel à des capitaux étrangers pour financer d'importants investissements publics contribuent à limiter la marge de manœuvre dont pourrait disposer un État québécois qui voudrait réduire la dépendance de l'économie québécoise à l'endroit du marché continental. Le choix de réduire la dépendance économique n'a jamais été en termes d'autarcie ou d'économie ouverte. La situation géo-économique du Québec ne permet pas de considérer, même l'espace d'un instant, cette alternative.

En bout de ligne, la stratégie adoptée par l'État québécois à l'égard de l'intégration continentale s'est caractérisée par deux attitudes. La première, qui fut celle de Duplessis et de ses prédécesseurs, fut d'accueillir indistinctement et avec un minimum de contraintes les investissements étrangers. Ce choix s'inscrivait dans la perception du libéralisme classique que l'on se faisait de l'intervention de l'État. La seconde, qui s'est manifestée au moment de la révolution tranquille et qui fut suivie par les gouvernements successifs, cherchait moins à limiter la dépendance économique du Québec à l'égard du marché continental qu'à s'assurer que le capital francophone jouerait un rôle plus important dans ce processus. En d'autres termes, il s'agissait non pas de transformer de fond en comble le tissu économique et industriel du Québec, bien que cet objectif ait été soulevé de temps à autre sous le vocable de virage technologique, mais plutôt d'accroître le statut socio-économique des francophones par l'intermédiaire d'un État interventionniste qui tentait de surcroît d'atténuer les effets pervers causés par la faiblesse structurelle endémique de l'économie québécoise. Car, tout compte fait, le succès remporté par le capital francophone au cours des dernières décennies n'a que faiblement modifié la structure industrielle du Québec et les problèmes auxquels elle doit faire face.

Le fait que le Québec ait adhéré pleinement à la stratégie libre-échangiste du gouvernement fédéral apparaît au premier abord paradoxal. L'apparent paradoxe tient à la [481] double dynamique économique et politique associée à ce courant. Sur le plan économique, l'approfondissement des échanges commerciaux continentaux va dans le sens d'un renforcement des rapports selon l'axe nord-sud au détriment de l'axe est-ouest. Cette tendance, perceptible avant la signature de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, ne peut que se renforcer. Elle contribue à atténuer la dépendance plus que séculaire du Québec à l'endroit du marché canadien en diversifiant la structure des échanges. En ce sens, elle renforce le désir d'autonomie partagée par une large part de la population québécoise et véhiculée par les deux principaux partis politiques. Sur le plan politique toutefois, le libre-échange peut éventuellement diminuer la marge de manœuvre de l'État québécois en soumettant ce dernier à de nouvelles règles de conduite édictées par les termes de l'accord ou ses interprétations par de nouvelles instances bipartites Canada-États-Unis. Il renforce aussi la capacité du gouvernement central de se poser comme le seul définisseur de la politique commerciale canadienne. La logique libre-échangiste ne peut lever ce paradoxe que si elle se situe dans le sillage de la quête d'une plus grande autonomie politique pour le Québec. La réduction de la dépendance à l'endroit du marché canadien prend son sens dans un accroissement de la capacité d'intervention de l'État québécois. De plus, elle reflète l'illusion d'optique que constitue l'accroissement du contrôle par le capital francophone sur l'économie québécoise. Cette nouvelle réalité a alimenté une attitude volontariste de la classe d'affaires fière de ses succès et convaincue que les lendemains seront faits des mêmes succès. Le Québec cherche donc à établir des relations économiques avec le reste du Canada sur des bases semblables à celles qui lient le Québec aux États-Unis.

Finalement, le Québec ne cherche pas à rompre le rapport de dépendance qui caractérise son insertion continentale. Il tente plutôt de revoir les modalités de celui-ci au profit non pas du capital anglo-canadien mais du capital québécois. Dans ce processus, l'État du Québec a joué un rôle important. Compte tenu des fragilités de l'économie québécoise et des assises du capital francophone, la classe d'affaires continuera à réclamer un soutien étatique, préférablement dans des termes qui lui agréent.


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NOTES SUR
LES COLLABORATEURS


François Rocher

François Rocher est professeur agrégé au département de science politique de l'Université Carleton. Il s'intéresse particulièrement aux dynamiques sociales et politiques inscrites dans le processus de continentalisation des économies canadienne et québécoise ainsi qu'au fédéralisme canadien. Il a dirigé Bilan québécois du fédéralisme canadien et co-dirigé New Trends in Canadian Federalism. Il compte de nombreuses publications dans des revues scientifiques et des ouvrages collectifs.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 1 janvier 2013 19:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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