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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LETTRES À JEAN-ÉLIE. Clin d’oeil aux amants de la sagesse. (2007)
Préface, de Jacques T. Godbout


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Suzie Robichaud, LETTRES À JEAN-ÉLIE. Clin d’oeil aux amants de la sagesse. Chicoutimi, Ville de Saguenay, Québec, Les Éditions JCL inc., 2007, 234 pp. [Autorisation accordée par l’auteure le 2 novembre 2009 et par l’éditeur, Les Éditions JCL inc. le 14 décembre 2009, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Préface

de Jacques T. Godbout

Jamais les fleurs du temps d’aimer
n’ont poussé dans un coeur fermé.
La nuit, le jour, l’été, l’hiver,
il faut dormir le coeur ouvert.

Il m’arrive souvent de penser à Suzie Robichaud lorsque je fredonne cette chanson de Gilles Vigneault, dont les paroles auraient pu être d’un grand auteur classique fréquenté par elle. Suzie dort le coeur ouvert. J’ai rarement rencontré une personne aussi spontanément généreuse, sensible aux autres, de bonne humeur, optimiste, ouverte, sans arrière-pensées, sauf de bonnes.

Toutes ces qualités semblent tellement lui aller comme un gant qu’on a l’impression qu’elles lui sont naturelles et qu’elle n’a aucun besoin de les cultiver. C’est pourquoi on reste surpris, lorsqu’on la connaît un peu mieux, de s’apercevoir qu’après un sourire, au détour d’une phrase, pour répondre à une question, pour nous en poser une, pour conclure une conversation, elle se met tout à coup à citer Alain, Sénèque, Plutarque, Marc Aurèle, Montaigne et autres sages de l’histoire de l’humanité. Suzie est en vérité la seule personne que je connaisse pour qui leurs pensées lui viennent si naturellement à l’esprit et aux lèvres qu’on a l’impression qu’elle est en dialogue constant avec eux et qu’ils font partie de sa vie quotidienne. Ils l’habitent.

Je n’ai donc pas été étonné d’apprendre qu’elle avait eu la bonne idée de pousser sa générosité un peu plus loin : au lieu de nous les présenter goutte à goutte et un à un, au fil de la conversation, elle nous donne aujourd’hui, dans ce petit ouvrage, une vue d’ensemble de ses réflexions en leur compagnie. Sous forme de lettres à son père, elle met en scène différents personnages. Mêlant ses réflexions sur les événements de la vie quotidienne aux grandes questions auxquelles l’humanité a toujours été confrontée, la souffrance, la mort, le don, le bonheur, elle nous familiarise avec eux, ses amis, comme elle le dit.

Tout cela est bien sympathique, me rétorquerez-vous. Les pensées profondes de ces philosophes étaient certes très utiles aux hommes et aux femmes de leur époque. Mais le monde a tellement changé. Tout sages qu’ils fussent, comment quelqu’un qui a écrit il y a deux mille ans – et même il y a cent ans, avec « l’accélération de l’histoire »... – peut-il nous aider à affronter les problèmes actuels ? Comment ces auteurs pourraient-ils encore être pertinents dans ce monde postmoderne régi par les règles de la mondialisation marchande et confronté au réchauffement de la planète ?

Je suis loin d’avoir fréquenté tous ces sages comme Suzie l’a fait. Permettez-moi toutefois de vous faire part d’une expérience à cet égard. Je fais des recherches sur le don dans la société actuelle depuis des années. Pour ce faire, j’ai lu de nombreux ouvrages. Apprenant que je travaillais sur ce thème, un de mes amis m’a recommandé de lire un livre de Sénèque : Des bienfaits. Considérant qu’un tel ouvrage ne pouvait être conforme au sujet traité, je n’avais pas donné suite à la suggestion. Il y a quelque temps, j’ai enfin décidé d’y jeter un coup d’oeil. La lecture de cet ouvrage m’a non seulement passionné, elle m’a paradoxalement presque découragé. Sénèque discute tous les problèmes et tous les aspects du don. Alors que ce sage vivait à l’époque de l’empire romain, j’ai souvent eu l’impression en le lisant qu’il n’avait rien omis sur le sujet ! Vous en doutez ? Et si je vous disais que Sénèque aborde même le problème du don face au marché et qu’il parle du danger de le transformer en marchandise en rendant l’équivalent : « Rends ce que tu dois semble une maxime absolument équitable. [...] Eh bien elle est souverainement honteuse lorsqu’il s’agit d’un bienfait (don). [...] Rendra-t-il la vie, s’il la doit ? l’honneur, la santé ? Rendre est précisément impossible toutes les fois que les bienfaits sont parmi les plus grands. Du moins en échange, dit-on, doit-on rendre un service qui en soit l’équivalent ! Voilà bien ce que je disais : toute la dignité de ce geste sera perdue si de ce bienfait nous en faisons une marchandise. »

« Si beneficium mercem facimus. » Transformer le don en marchandise : y a-t-il réflexion plus actuelle ? Si donc vous avez l’impression que les amis de Suzie sont dépassés, que leurs réflexions ne s’appliquent plus, lisez ce petit livre. Vous m’en donnerez des nouvelles.

Jacques T. Godbout


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 13 janvier 2010 10:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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