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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Désastres et sinistrés. Essai. (2001)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Danielle Maltais, Suzie Robichaud et Anne Simard (chercheures à l’Université du Québec à Chicoutimi), Désastres et sinistrés. Essai. Chicoutimi, Québec: Les Éditions JCL inc., 2001, 407 pp. Collection: Au cœur des catastrophes. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée conjointement le 22 juillet 2010 par l’auteure et l’éditeur, Les Éditions JCL inc., de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[17]

Introduction

Un retour sur deux récentes catastrophes :
les inondations de juillet 1996
et la tempête de verglas de 1998
.


Aucun individu ni aucune communauté d'ici et d'ailleurs ne sont à l'abri d'événements traumatisants comme les catastrophes naturelles ou technologiques ou celles causées par la négligence ou le désespoir humain. Les événements récents survenus au Canada, tels les inondations du Saguenay et du Manitoba, la tempête de verglas sur le territoire du grand Montréal et de la Montérégie ainsi que les vents violents ou les tornades en Alberta et au Québec, témoignent de la fragilité des individus, des intervenants et des communautés vis-à-vis des catastrophes qui menacent l'état de santé de la population. D'ailleurs, les médias rapportent fréquemment des désastres majeurs affectant des individus et des communautés entières. Les changements climatiques associés à l'activité humaine croissante provoquent des catastrophes qui sont de plus en plus souvent imprévisibles, violentes et destructrices, et dont les conséquences sur la santé biopsychosociale des individus, des intervenants et des communautés sont dramatiques (Maltais et al., 1998 ; Bravo et al., 1990 ; Green et Lindy, 1994). Les problèmes vécus par les individus sinistrés et leur collectivité peuvent persister sur une très longue période, altérant non seulement la santé psychologique, mais compromettant également leur santé physique et leurs dynamismes sociaux et familiaux (Green et Solomon, 1995 ; Belter et Shannon, 1993 ; Bolin, 1982).

Rappelons qu'en juillet 1996, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, plusieurs rivières ont débordé, causant des dommages majeurs [18] aux infrastructures communautaires et sociales. Des milliers de maisons et de terrains ont disparu ou ont été lourdement abîmés. Dans l'ensemble, 39 municipalités ont été touchées à des degrés divers et plus de 16 000 personnes ont dû être évacuées de leur domicile pour des périodes qui ont varié de quelques jours à plusieurs mois. Plusieurs sinistrés ont dû, en pleine nuit et à toute vitesse, quitter leur domicile, n'apportant avec eux que le strict minimum pour survivre. Devant l'impossibilité de retourner à leur domicile, ces sinistrés ont été hébergés dans des centres communautaires, puis chez des amis ou chez des membres de la famille immédiate ou élargie. Le bilan de ce désastre est lourd pour la région : en plus de deux pertes de vie, des centaines d'entreprises commerciales et agricoles ont subi des dommages, des milliers d'emplois ont été perdus ou perturbés à court ou à moyen terme, des routes et des ponts ont été détruits, etc. Le gouvernement du Québec estime d'ailleurs avoir déboursé près de 129 millions de dollars en aide financière aux communautés, aux individus et aux entreprises (Ministère de la Sécurité publique, 2000).

Le début de l'année 1998 fut également marqué, pour l'ensemble de la population du Québec, par une crise sans précédent. Si ce sont les populations du sud-ouest de la province qui furent les plus affectées par la crise du verglas de janvier, une forte proportion des Québécois a vécu dans l'attente angoissante de voir rétablir un service public des plus essentiels en cette période de l'année : l'électricité.

En janvier 1998, la manifestation de systèmes climatiques inhabituels provoqua des précipitations de neige fondante et de pluies verglaçantes pendant plusieurs jours, lesquelles s'accumulèrent sur une importante partie du réseau de transport et de distribution d'énergie électrique d'Hydro-Québec. Cette accumulation graduelle de verglas - que l'on estima comme ayant atteint jusqu'à 75 mm en certains endroits [1] (Mann et Drapeau, 1998) - contribua à l'écrasement d'environ 1 000 pylônes et [19] nécessita la reconstruction de 600 kilomètres de lignes de transport d'énergie électrique ainsi que de plus de 3 500 kilomètres de lignes de distribution (Mann et Drapeau, 1998).

Au moment le plus fort du désastre, 1,4 million d'abonnés furent privés d'électricité dans 700 municipalités du Québec. Si l'absence de ce service essentiel n'affecta que pour quelques heures ou quelques jours la plupart des personnes, des entreprises, des commerces et des institutions québécoises publiques, il n'en demeure pas moins que des milliers de personnes furent grandement touchées pendant des périodes qui se sont prolongées jusqu'à plusieurs semaines (Drapeau, 1998).

Pendant cette tempête, des milliers de sinistrés ont vu leur qualité de vie et leur santé physique, psychologique ou sociale lourdement affectées. Ceux-ci sont demeurés dans l'attente d'un rétablissement du service et dans la crainte d'en subir à nouveau la perte une fois celui-ci rétabli.

En plus d'être exposés à de nouveaux risques inhérents aux mesures et tentatives pour suppléer au manque d'électricité, dans le but de se réchauffer, s'éclairer et se nourrir, les sinistrés ont aussi eu à faire face à d'autres difficultés telles l'absence de moyens de communication et d'information (Lacroix, 1998). Nombre d'individus ont aussi dû se réfugier, pour des périodes de durée variable, dans des abris communautaires, chez de la parenté ou des amis. Par peur du vandalisme ou parce que leur domicile constituait leur lieu de travail (fermes, commerces, etc.), certains sinistrés sont demeurés chez eux pendant toute la crise, en dépit de l'absence d'électricité. Les conséquences négatives de la crise du verglas sont aussi décelables par les nombreuses pertes matérielles encourues par les sinistrés.

Une vingtaine de décès ainsi que de nombreuses blessures et des intoxications au monoxyde de carbone découlant de la [20] crise du verglas furent enregistrés chez la population sinistrée (Blanchet, 1999). Les déplacements étaient également difficiles en raison des voies de circulation glacées et des problèmes de signalisation. De plus, les risques encourus par les chutes de branches d'arbres glacées ou par l'effondrement de toitures se sont également ajoutés aux menaces environnementales présentes pendant la crise du verglas (Legault Faucher, 1999 ; Le Journal de Québec, 1999 ; National Geographic Society, 1998). De telles conditions hivernales difficiles, ainsi que leurs conséquences, ont donc constitué une menace importante à la sécurité et à l'intégrité physique et psychologique des individus, au même titre que divers autres types de catastrophes naturelles ou environnementales (Center for Disease Control, 1998 ; Helburn, 1982 ; House of Representatives, 1984 ; Lacroix et Boivin, 1991 ; Le Journal de Québec, 1999 ; Mitchell et Everly, 1995).

L’intérêt pour la recherche sur les conséquences des catastrophes naturelles ou technologiques est assez récent au Québec et au Canada. Des événements comme les inondations du Saguenay-Lac-Saint-Jean ainsi que la tempête de verglas de janvier 1998 ont d'ailleurs forcé les chercheurs et les intervenants à se pencher sur les répercussions à court, à moyen et à long terme des sinistres sur la santé des individus.

Au Québec, il n'y a pas réellement de culture des désastres (Nicolet, 1999). Soulignons toutefois que les compétences du Québec au plan de la planification et de l'application des mesures de soutien psychosocial offert lors de désastres ont récemment été évaluées comme étant pertinentes et avant-gardistes (Martel, 1999).

Ce présent ouvrage vise à fournir des informations pouvant permettre une meilleure compréhension de l'ampleur des difficultés rencontrées par les sinistrés qui sont touchés à divers degrés [21] par des désastres collectifs, de cause naturelle ou technologique. Il s'inscrit également dans une mise en évidence des séquelles et des traumatismes potentiels que peut receler le fait d'être exposé à une situation de ce genre, tant au plan individuel que communautaire. Plus précisément, cet ouvrage se propose de décrire la manière dont les victimes de sinistres peuvent être affectées au plan de leur santé physique, psychologique et sociale. Ce document vise également à accroître les connaissances quant aux divers modes ou méthodes d'adaptation utilisés par les individus qui font face à des situations où leur intégrité physique ou psychologique est menacée.

Dans un premier temps, un exercice de définition des termes le plus souvent utilisés dans les recherches sur les désastres permet de constater qu'il existe différents points de vue quant à la conceptualisation de la problématique. Par la suite, les chapitres subséquents présentent les effets des désastres sur la santé physique, psychologique et sociale des victimes tout en montrant les principaux problèmes pouvant se manifester à court, moyen et long terme. Puis, les principaux déterminants de la vulnérabilité des adultes seront abordés pour ensuite examiner les effets des désastres sur la vie familiale et sociale des individus. Les principales stratégies d'adaptation adoptées par les sinistrés ainsi que le degré d'efficacité de celles-ci sont également considérés. Finalement, le dernier chapitre permettra d'aborder les conséquences des catastrophes sur le fonctionnement des communautés.

Afin de recenser les écrits relatifs aux désastres naturels ou reliés à l'intervention humaine, en fonction de leurs effets sur la santé psychologique, physique et sociale des individus ainsi que sur le vécu individuel et collectif des populations affectées, plusieurs banques de données spécialisées ont été consultées : Amicus, Hazlit, Medline, Pilot et Psycho-Info. Les banques de données des centres de recherche sur les désastres de l'Université [22] du Delaware et de l'Université du Colorado ont également été examinées. Plus de 500 références ont ainsi été répertoriées.

Pour ce volume, les recherches portant sur les intervenants (secouristes, ambulanciers, personnel du secteur de la santé, intervenants sociaux, bénévoles, policiers, pompiers, etc.) ont été exclues, de même que celles qui rapportent des résultats obtenus auprès de victimes de torture, de terrorisme et d'autres désastres se rapportant à des violences interpersonnelles.



[1] Selon les probabilités statistiques estimées, une telle accumulation peut se produire une fois aux 500 ans.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 3 janvier 2013 19:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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