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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La Vierge est une Amérindienne: Kateri Tekakwitha,
à l’extrême imitation de Jésus et de Marie
” (2005)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Bernadette Rigal-Cellard, “La Vierge est une Amérindienne: Kateri Tekakwitha, à l’extrême imitation de Jésus et de Marie”. Un article publié originalement sous le titre: «Le futur pape est québécois: Grégoire XVII». In ouvrage sous la direction de Bernadette Rigal-Cellard, Missions extrêmes en Amérique du Nord: des Jésuites à Raël. Bordeaux: Éditions Pleine Page, 2005, pp. 124-156.

Introduction

 

Mon intérêt pour Kateri remonte à un voyage dans la région de Montréal, alors que je visitais avec mon époux le théâtre des durs affrontements entre les Mohawks et les Montréalais qui s'étaient déroulés peu avant, au début des années 1990. En traversant la réserve de Kahnawake (« lieu du rapide », autrefois écrit Caughnawaga ; ce que les pionniers français nommaient Sault Saint-Louis) pour voir le fameux pont Mercier que les Mohawk avaient barricadé afin de soutenir leurs amis d’Oka sur l'autre rive du Saint-Laurent, et alors que nous méditions sur la portée des affiches postées à tous les carrefours, arborant une tête d'Iroquois peu engageante et l'inscription « No trespassing: You are on Indian land! » (« Interdiction de passer, vous êtes en terre indienne ! » [1], nous sommes tombés sur la mission Saint François-Xavier, belle église catholique en pierre, si familière à nos yeux qu’elle en était terriblement incongrue en ce lieu. Il nous parut encore plus étrange qu’une terre si ouvertement hostile aux Blancs pût héberger le sanctuaire d’une Indienne déclarée bienheureuse par le Vatican, Kateri Tekakwitha. Fascinée par une statue qui ressemblait étrangement à celle de Bernadette Soubirous, les tresses en plus, et par ce qui demeure toujours pour nous un mystère, l’entreprise missionnaire, je me suis penchée sur l’itinéraire de cette Indienne et sur sa place à l’intérieur de l’Église catholique. [2] 

La vie de cette jeune Mohawk à la dévotion chrétienne hors du commun, trouve un écho considérable dans les terres catholiques indiennes d’Amérique du Nord. [3] De très nombreuses paroisses, des hôpitaux et divers centres d’activité sont placés sous sa protection. Par leur goût très prononcé pour l'iconographie et la statuaire saint-sulpiciennes colorées, les églises catholiques nord-américaines ressemblent à celles de nos provinces avant le grand nettoyage iconoclaste et calviniste de Vatican II, et Kateri y joue le rôle qu’occupaient chez nous tout à la fois Sainte Thérèse de Lisieux, Sainte Bernadette et la Vierge de Lourdes. Elle compte parmi les six personnalités du catholicisme nord-américain qui ont l'insigne honneur de figurer sur le grand portail de bronze dont est dotée depuis 1949 la cathédrale St-Patrick’s de New York. Seule Indienne, elle y est à égalité avec Mère Elizabeth Seton, « Fille de New York », Sainte Françoise Cabrini, mère des immigrants [4], Saint Isaac Jogues, premier prêtre du futur État de New York, jésuite martyr de la tribu du père de Kateri, Saint Joseph et Saint Patrick, le saint patron des millions de catholiques américains d’origine irlandaise. Seules les tresses distinguent Kateri des autres personnages. 

Cette étude va tenter d’éclairer le mystère de cette manifestation de l’extrême religieux au Canada : comment une jeune Indienne put-elle mener dès la plus jeune enfance une vie si proche de l'idéal monastique avec simplement quelques rudiments d'enseignement catholique ? Comment les pères jésuites, le clergé canadien et les laïcs alimentèrent-ils sa légende qui mènera à sa béatification en 1980 ? Pouvons-nous savoir pourquoi le pape Jean-Paul II lors de sa visite au Canada pour les Journées Mondiales de la Jeunesse en juillet 2002, n’a toutefois pas annoncé comme tous les catholiques indigènes l’espéraient, sa canonisation ? Enfin, comment de nos jours son culte populaire offre-t-il un des meilleurs exemples de l'inculturation du christianisme en Amérique du Nord, prêtant ainsi le flanc aux attaques des Autochtones traditionalistes ?


[1]    Les Mohawk utilisent comme arme contre la domination québécoise l'anglais que leur ont enseigné les missionnaires protestants qui remplacèrent les catholiques, ainsi que le drapeau américain planté devant de nombreuses maisons. Les événements d’Oka, ou Kanesatake en iroquois, banlieue nord-ouest de Montréal, débutèrent avec le projet d’agrandissement d’un terrain de golf, ce qui impliquait mordre sur un petit bois adjacent à un cimetière mohawk (cimetière chrétien et traditionnel toujours utilisé). Les Mohawk refusèrent. Les autorités d’Oka affirmaient qu’il s’agissait d’un terrain d’ancienne seigneurie prêté aux Autochtones et non légué de toute éternité. La zone s’enflamma, des barrages routiers furent édifiés, la Sécurité de Québec intervint manu militari, les barricades se renforcèrent, les Mohawk de la rive sud du Saint-Laurent bloquèrent le gigantesque Pont Mercier,

[2]    Je remercie chaleureusement le père Paolo Molinari, S.J., postulateur général de la cause de Kateri à la Congrégation pour les Causes des Saints, pour son accueil à Rome en avril 2002 et pour avoir mis à ma disposition à la Curie Généralice de la Société de Jésus la Positio et son immense érudition. Je dois au C.E.C. d’avoir financé ma propre « mission » au Vatican. Je remercie également mes étudiants Sébastien Ratinaud et Cécile Feilles d’avoir fait à leur tour le pèlerinage de Kahnawake pour ramener des documents et rencontrer les paroissiens.

[3]    L’émotion des Canadiens, autochtones ou non, qui ont entendu différentes versions de cette étude, ou avec qui j’ai correspondu, m’a confirmée dans ma voie. Qu’on manifeste à Kateri un profond intérêt en dehors de leur pays apporte à leurs yeux la preuve d’un début de véritable reconnaissance internationale, et j’ai rarement reçu autant de marques de gratitude pour une recherche universitaire. J’ai présenté sa vie en mai 2002 à Langres, au Congrès « Nouvelle-France-Autochtones, XVIIe-XVIIIe siècles », ainsi qu’à Middelburg (Zélande) au congrès NASA/Canadian Studies sur les rencontres entre les Européens et les Indigènes. Des Micmac, des Iroquois, une Choctaw et une Inuk étaient présents.

[4]    Mère Elizabeth Ann Seton (1775-1821), née dans le futur État de New York, fonda les Sœurs de la Charité et fut canonisée en 1975. Mère Frances Xavier Cabrini (1850-1917), née en Italie, fonda les Sœurs missionnaires du Sacré Cœur de Jésus, et fut canonisée en 1946. Les trois autres saints de ce pays sont l’évêque John Nepomucene Neuman (1811-1860), canonisé en 1977 ; Sœur Rose-Philippine Duchesne (1769-1852), une Française qui fonda la première école gratuite à l’Ouest du Mississippi, et fut canonisée en 1988 ; Katharine Drexel(1858-1955), qui a fondé les Sœurs du Saint-Sacrement consacrées à l’aide aux Noirs et aux Indiens nécessiteux, fut béatifiée en 1988 puis canonisée en 1999.

            Kateri et Isaac Jogues sont comptés aussi bien aux États-Unis qu’au Canada donc. Le Canada compte très peu de saints également : Sainte Marguerite Bourgeoys (1620-1700), saints Jean de Brébœuf et Isaac Jogues et leurs compagnons, et Marie Marguerite Dufrost de Lajemmerais d’Youville (1701-1771).


Retour au texte de l'auteure: Bernadette Rigal-Cellard, Bordeaux 3. Dernière mise à jour de cette page le lundi 26 novembre 2007 20:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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