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http://dx.doi.org/doi:10.1522/030155367

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de M. Ivo RENS, “Libéralisme, néolibéralisme et ploutocratie.” Un article publié dans la revue, L’Essor, La Chaux-de-Fonds, no 3, juin 2010. [Autorisation formelle accordée le 24 juin 2010 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.].

Ivo RENS (2010)

Libéralisme, néolibéralisme et ploutocratie.”

Un article publié dans la revue, L’Essor, La Chaux-de-Fonds, no 3, juin 2010.


“C'est bien en comprenant la société civile comme marché que Smith a révolutionné le monde.” Pierre Rosanvallon, La capitalisme utopique, Critique de l'idéologie économique, Seuil Paris, 1979, p. 62.

“Trop longtemps les économistes ont prêché en faveur de la maximisation de nos propres profits. Il est grand temps que l'on sache que la conduite la plus rationnelle consiste à minimiser les regrets.” Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie. Ecologie, Economie, Ed. Jacques Grinevald et Ivo Rens, 3e édition revue et augmentée, Editions Ellébore-Sang de la Terre, Paris, 2006, p. 185. (Ed. or. 1979)

Qu'est-ce que le libéralisme ? Il est habituel de distinguer le libéralisme politique du libéralisme économique. Pourtant, dans l'histoire, l'un et l'autre apparaissent au XVIIe siècle puisque l'ouvrage posthume de  William Petty, l'Arithmétique politique, qui fut l'un des premiers à expliciter la notion de lois naturelles de l'économie, est paru en 1690, soit la même année que l'Essai sur le gouvernement civil de John Locke, le plus célèbre théoricien de l'anti-absolutisme. L'auteur de la Richesse des nations (1776), Adam Smith, considéré comme le fondateur de la science économique, est d'ailleurs un philosophe avant d'être un économiste libéral. En réalité, le libéralisme s'est affirmé au XVIIIe siècle comme un mouvement philosophique et sociologique visant à substituer aux aléas suspects de la politique les lois objectives et impersonnelles du marché. Certes des marchés avaient existé dans les cités de l'Antiquité, mais la notion de lois du marché était au XVIIIe siècle une idée neuve qui semblait promettre aux individus, avec le “doux commerce”, un cadre socio-politique autorégulé exempt d'arbitraire.

Ce sont ces valeurs dont se réclament les libéraux  des XIXe et XXe siècles, avec toutefois d'infinies nuances qui s'expliquent surtout par la mutation anthropologique intervenue subrepticement au cours du XIXe siècle du fait de la rapide diffusion en Europe et en Amérique du nord de la révolution industrielle. Celle-ci se caractérise non seulement par la substitution progressive, dans la production artisanale, puis agricole, de machines mues par l'énergie fossile - le charbon, en attendant le pétrole et le gaz - mais aussi par la substitution progressive de sociétés de capitaux aux entreprises individuelles, familiales ou aux sociétés de personnes. La combinaison de ces deux changements se traduisit notamment par l'apparition d'une nouvelle classe sociale, le prolétariat ouvrier dont le paupérisme et la misère suscitèrent la naissance des doctrines socialistes, mais aussi l'interventionnisme limité de nombre de libéraux comme John Maynard Keynes avec la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) ou encore Karl Popper avec La Société ouverte et ses ennemis (1945).

Antérieurement à cette orientation, parfois même socialisante, du libéralisme, l'économie néoclassique d'un Jevons, d'un Walras ou d'un Pareto avait entrepris une mathématisation de la science économique sur le modèle de la physique newtonienne, se réclamant aussi du libéralisme, mais assimilant progressivement toutes les relations sociales aux lois du marché, les désirs solvables aux besoins, les valeurs aux prix et les ressources naturelles au capital. L'oeuvre de Friedrich von Hayek et celle de Milton Friedman de l'Ecole de Chicago, préconisaient une réduction drastique du rôle de l'Etat qui se traduisit par les politiques de déréglementation et de mondialisation de Margaret Thatcher (1979-1990) et de Ronald Reagan (1981-1989), avant-garde de la vague néolibérale qui s'étendit depuis lors à l'immense majorité des Etats. La dérive ploutocratique du libéralisme triomphait.

La Révolution industrielle au XIXe siècle et son expansion mondiale au XXe siècle furent principalement conduites par des pouvoirs se réclamant de diverses variantes du libéralisme, mais dans un contexte où les individus étaient toujours plus supplantés par les prétendues “personnes morales” que sont les sociétés de capitaux. Ses bienfaits pour de larges secteurs des premiers pays industrialisés et de quelques autres doivent être mis à son crédit. Mais, en regard, que de misères sociales et de dégâts infligés à la nature et surtout quelle effroyable perspective que celle de l'effondrement inéluctable de la civilisation industrielle ! En effet, le système capitaliste se réclamant du libéralisme ne peut prospérer et même survivre qu'en poursuivant la croissance économique et en la maximisant. Or la croissance illimitée dans un environnement limité est évidemment impossible. Toutefois, la prise de conscience par l'opinion publique des dommages causés par le système industriel à l'environnement accuse plus d'un siècle de retard par rapport au décollage de l'industrialisation. C'est en effet bien après la IIe Guerre mondiale que naquit l'environnementalisme et la sensibilisation de larges secteurs socio-politiques à l'écologie.

En ce début de XXIe siècle, les impasses s'accumulent: explosion démographique à l'échelle planétaire, passée de 1,75 milliard en 1910 à près de 7 milliards en 2010, pénurie croissante d’eau douce, prochaine déplétion du pétrole, menace climatique, déforestation, disparition accélérée de très nombreuses espèces végétales et animales, dégradation des milieux aquatiques et des sols du fait notamment du recours croissant aux engrais chimiques et aux pesticides, impasses qui ne peuvent qu'aggraver les antagonismes politiques préexistant entre les Etats. La biosphère est malade de l’homo industrialis. Faute d’écocivisme biosphérique, l'avenir de l’humanité est passé du rêve américain  au cauchemar de la fin d’un monde, le nôtre !

Genève, 1er mai 2010.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 26 octobre 2010 7:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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