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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Ivo RENS, “Lamarck (1744-1829) fondateur de la biologie et du transformisme.” Un article publié dans FRANCE MAGAZINE, le magazine des Français établis hors de France, no 27, hiver 2009. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 5 janvier 2010 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Ivo RENS (2009)

Professeur honoraire de l'Université de Genève

Lamarck (1744-1829)
fondateur de la biologie et du transformisme
.”

Un article publié dans Le FRANCE MAGAZINE, le magazine des Français établis hors de France, no 27, hiver 2009.


Nombreuses ont été, cette année, les commémorations du 150ème anniversaire de la parution de L’origine des espèces, voire du 200ème anniversaire de la naissance de Charles Darwin. Plus rares ont été les commémorations du 200ème anniversaire de la parution de la Philosophie zoologique de Jean Baptiste Pierre Antoine de Monet de Lamarck, le premier théoricien scientifique du transformisme. Relevons toutefois que l’Ecole normale supérieure de Paris lui a consacré un séminaire international le 29 juin 2009 qu’elle annonçait comme “lié au bicentenaire de la naissance de Darwin”.

"Le problème est que l'héritage de Lamarck, qui est pourtant capital, a été évacué par les successeurs de Darwin. Les Anglo-saxons sont parvenus à réaliser une sorte de hold up dans ce domaine parce qu'à mon sens, les travaux de Lamarck sont au moins aussi importants que ceux de Darwin. Je dirais même que c'est la contribution de Lamarck qui est aujourd'hui démontrée de la façon la plus rigoureuse et non celle de Darwin," analyse Denis Duboule, directeur du Département de zoologie et de biologie animale de la Faculté des sciences de l'Université de Genève et du Pôle de recherche national «Frontiers in Genetics». [1]

Rappelons qui fut Lamarck.

Né en Picardie d’une famille de petite noblesse désargentée originaire du Béarn, il fréquenta un collège jésuite à Amiens. A 16 ans, il entama une carrière militaire qui prendra fin en 1768 ensuite d’un accident. C’est peu après qu’il se lia avec Jean-Jacques Rousseau et herborisa avec lui aux environs de Paris puis qu’il rencontra le célèbre naturaliste Buffon (1707-1788), le véritable créateur du Jardin des plantes, alors Jardin du Roi, qui lui procura un poste modeste dans cette institution et l’honora de sa protection. C’est grâce à cette dernière que parut, aux frais de l’Etat, la Flore françoise, où Lamarck prenait quelques libertés avec la taxonomie, c’est-à-dire la classification des végétaux, de Linné (1707-1778). Parallèlement Lamarck s’intéressait à la météorologie et collectionnait les coquilles fossiles. Sur le plan intellectuel, il était influencé par les philosophes des Lumières, mais surtout par Condillac.

Favorable à la Révolution, il prit part à la transformation en 1793  du Jardin des plantes en Muséum d’histoire naturelle lequel lui attribua l’une des douze chaires créées, avec le titre de “professeur d’histoire naturelle des insectes, des vers et des animaux microscopiques”. Il débuta dans cet enseignement en 1794 à l’âge de cinquante ans. Peu après, le jeune Georges Cuvier (1769-1832) fut nommé à la chaire d’anatomie comparée du Muséum. Leurs relations, d’abord cordiales se gâtèrent après que, en 1800, Lamarck abandonna la traditionnelle conception fixiste des espèces végétales et animales et se prononça pour le transformisme, dont il devint le principal théoricien, alors que Cuvier restait attaché au fixisme qu’il considérait comme seul en accord avec l’enseignement de la Genèse et du christianisme, nonobstant quoi il figure néanmoins comme l’un des plus grands naturalistes de son temps. Certes, d’autre auteurs avaient précédé Lamarck dans cette voie, à commencer par Erasmus Darwin (1731-1802), le grand-père de Charles Darwin, qui avait publié en 1794 Zoonomia, or the Laws of Organic Life, mais Lamarck n’en eut pas connaissance; il ne cite, dans cet ordre d’idées que le Genevois Charles Bonnet (1720-1793) dont il critique d’ailleurs l’idée d’”échelle des êtres” et le vitalisme.

Le transformisme de Lamarck s’inscrit dans une perspective et même une discipline nouvelles, pour laquelle il forge le terme de “biologie” qui est la science des êtres vivants. Celle-ci prend place dans son oeuvre aux côtés de l’hydrogéologie, c’est-à-dire de la science de la Terre et de la météorologie, c’est-à-dire de la science de l’atmosphère qui, toutes trois, relèvent de l’histoire naturelle. Contrairement aux vitalistes dont il avait partagé les idées dans sa jeunesse, il estimait que le vivant ne comportait nul principe extra-matériel mais s’expliquait par l’organisation soit végétale soit animale de la matière, qu’il était apparu dans un passé infiniment lointain, qu’il s’était diversifié, complexifié et perfectionné avec le temps,  en interaction avec les changements des milieux maritimes terrestres et atmosphériques. De ce fait, Lamarck figure à bon droit comme un précurseur de l’écologie.

Certes, son système comporte ce qui nous apparaît a posteriori comme des faiblesses, à savoir l’adhésion à l’idée des générations spontanées et l’hostilité à la nouvelle chimie de Lavoisier (1743-1794); toutefois il analyse la respiration en se référant à l’oxygène et la compare à une combustion. (Philosophie zoologique) En contrepartie, il comporte une intuition géniale, celle que les forces qui ont façonné la Terre et le vivant sont les mêmes que celles qui sont encore à l’oeuvre, mais qu’il faut les concevoir à une échelle temporelle sans commune mesure avec nos références historiques. “Oh ! qu’elle est grande, l’antiquité du globe terrestre ! et combien sont petites les idées de ceux qui attribuent à l’existence de ce globe une durée de six mille et quelques cents ans, depuis l’origine jusqu’à nos jours !” (Hydrogéologie) Autrement dit, Lamarck figure également, tout juste après James Hutton (1726-1797) qu’il ne connaissait pas, comme un précurseur des doctrines uniformitaristes et actualistes qui sont à la base de la géologie moderne. Le fondateur de cette dernière, Charles Lyell (1797-1875) lui rendra d’ailleurs justice dans ses Principles of Geology (1830-1833). Tel ne fut guère le cas de Charles Darwin qui, s’il admirait hautement Lyell, dépréciait volontiers Lamarck, son prédécesseur en transformisme. Une légende veut qu’ils s’opposaient sur l’hérédité des caractères acquis, propre à Lamarck seulement. Or c’était là une idée commune à tous deux. La principale innovation de Charles Darwin réside dans la sélection naturelle, inexistante dans la pensée de Lamarck.


L’opposition intellectuelle entre Lamarck et Cuvier est passée dans l’histoire sous l’appellation de la controverse sur le catastrophisme. Cuvier considérait que la configuration du Globe s’expliquait par de grandes catastrophes, dont le Déluge biblique eût été la dernière, et que ces catastrophes avaient entraîné l’extinction de nombreuses espèces dont nous ne connaissons que les restes fossiles, alors que Lamarck était anti-catastrophistes et niait les extinctions, les fossiles ne constituant, selon lui, que les formes anciennes d’espèces toujours présentes. Les sciences du vivant ont depuis longtemps donné raison pour l’essentiel à Lamarck, mais non point sur sa réfutation des extinctions. Après la mort de Lamarck, le débat sur le catastrophisme reprit en 1830 entre Cuvier et Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), un autre transformiste français tributaire de Lamarck, et il passionna l’Europe savante, y compris le vieux Goethe (1749-1832) qui tenait pour Geoffroy Saint-Hilaire. Il ne fut tranché par la géologie et la paléontologie qu’un peu plus tard sous l’influence de Lyell.

Il s’en faut de beaucoup que Lamarck n’ait rien à dire pour notre époque. Dans son dernier livre publié alors qu’il avait 76 ans, Lamarck écrivait:

L’homme par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce. En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité ce sol qu’il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance, et fait que de grandes parties du globe, autrefois très-fertiles et très-peuplées à tous égards, sont maintenant nues et stériles, inhabitables et désertes. Négligeant toujours les conseils de l’expérience, pour s’abandonner à ses passions, il est perpétuellement en guerre avec ses semblables, et les détruit de toutes parts et sous tous prétextes: en sorte qu’on voit des populations, autrefois considérables, s’appauvrir de plus en plus. On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable.

(Système des connaissances positives de l’homme)


Principaux ouvrages de Lamarck

Flore françoise, 3 vol., Paris 1778.

Annuaires météorologiques, 11 vol., Paris, 1800-1810.

Système des animaux sans vertèbres, précédé du Discours d’ouverture du cours de zoologie de l’An VIII (1800), Paris, An IX (1801).

Recherches sur l’organisation des corps vivans, Paris, An X (1802)

Hydrogéologie, Paris, An X (1802).

Philosophie zoologique, 2 vol., Paris, 1809.

Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, 7 vol., Paris, 1815-1822.

Système analytique des connaissances positives de l’homme, Paris, 1820.

Bibliographie sommaire sur Lamarck

Packard, A. S., Lamarck the Founder of Evolution: His Life and Work, with Translations from his Writings on Organic Evolution, New York, NY, 1901, Longmans and Greens.

Szyfman, L., Jean-Baptiste Lamarck et son époque, Masson, Paris, New York..., 1982, 448 pages.

Jordanova, L.J., Lamarck, Past Masters, Oxford University Press, 1984, 118 pages.

Laurent, Goulven, La naissance du transformisme. Lamarck entre Linné et Darwin, Vuibert/Adapt, Paris, 2001, 153 pages.

Corsi, Pietro, Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme. 1770-1830, Ouvrage traduit de l’italien par Diane Ménard, avec le concours du Centre national du livre, CNRS Edition, Paris 2001, 434 pages.


[1] Tiré de l’article «Nous cherchons du sens là où il n'y en a pas», in Campus, Genève, numéro 95 de juin-août 2009.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 8 février 2010 19:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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