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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Frédéric Langer, “Vision apocalyptique et optimisme volontaire. La crise de l'énergie et l'avenir du monde”. In Le Monde diplomatique, mars 1975, page 6. [En ligne] Consulté le 23 avril 2017.

“Vision apocalyptique et optimisme volontaire

La crise de l’énergie
et l’avenir du monde
.”

Par Frédéric Langer

Mots-clés: Énergie, démographie, idées, littérature, livre, matières premières.

In Le Monde diplomatique, mars 1975, page 6. [En ligne] Consulté le 23 avril 2017.

La réflexion sur l’avenir est un genre ouvert à tous, mais ceux qui y réussissent le mieux sont ceux qui ne cherchent pas à parer leurs théories du prestige de la connaissance exacte – sans pour autant négliger les résultats de la science. C’est le cas de M. François Meyer, professeur à l’université de Provence. Le point de départ de la rêverie qu’il nous propose dans la Surchauffe de la croissance (1) est l’expansion démographique de l’humanité. Le taux de croissance de la population mondiale est lui-même en accroissement – contrairement aux chiffres avancés par les prévisiounistes de l’O.N.U. dont les estimations sont toujours en deçà des réalités. Si l’expansion démographique continue à prendre ainsi la forme d’une courbe surexponentielle, dès 2025 il n’y aura plus que... 0,2 mètre carré par habitant sur notre planète.

Ce préamhule ne conduit pas toutefois le professeur Meyer à s’enrôler dans l’armée des apôtres de la limitation des naissances. La réflexion qu’il propose est d’un autre ordre. Dans l’hypothèse ou une série de catastrophes naturelles ou artificielles ne vient pas résoudre le problème par l’élimination physique de l’excédent humain, que peut-il se passer ? M. François Meyer répond : de même que la technologie basée sur la production et la mobilisation d’une quantité croissante d’énergie a servi dans le passé de relais à une expansion démographique qui sans cela aurait plafonné comme celle des espèces animales, de même on peut imaginer un « grand relais », changeant les bases mêmes de la technologie (relais de la technologie énergétique par la cybernétique et l’informatique), de la société (relais sociologique préparé par la contestation actuelle et l’effritement des structures intellectuelles et sociales) et de la nature humaine, qui pourrait s’écarter définitivement des finalités biologiques déjà fortement entamées (le remplacement d’une grande partie de l’hérédité génétique par l’héritage culturel en est un exemple).

En bref, puisque le prolongement de la courbe mène à une impasse, ce sont les axes du graphique qui vont changer. Mais. « s’il doit y avoir relais (...), il faut comprendre que ce relais serait d’une toute autre nature et d’une toute autre envergure que tous ceux dont l’histoire nous donne l’exemple ». Ce petit livre, bourré d’idées, tranche sur une production actuelle marquée en général par un ton apocalyptique et expiatoire et qui cherche à provoquer une véritable terreur de l’an 2000 au profit d’idéologies diverses qui ont intérêt, précisément, à exorciser un avenir ressenti comme menaçant. Telle est la démarche du Deuxième rapport au Club de Rome (2). Habilement interrogé pendant trois ans par deux « experts » en la matière, notamment à propos de la pénurie des matières premières, et en particulier du pétrole, un ordinateur a répondu que l’augmentation unilatérale du prix d’une matière première, si elle est trop forte, annulera à l’avenir le gain des pays producteurs (sic, p. 105). L’ordinateur n’a pas « raisonné » autrement que M. Henry Kissinger.

N’étant pas « futurologue », M. Thierry de Montbrial n’a pas eu besoin de solliciter l’avenir pour proférer la même mise en garde (3). La théorie économique, selon le chef du centre d’analyse et de prévision du ministère des affaires étrangères, veut en effet que « la notion de propriété privée », pas plus que celle de « souveraineté sur les ressources naturelles », ne doive impliquer une interférence avec les prix : « La propriété ne donne droit ni à la fixation des prix ni à celle des quantités. » A bon entendeur salut ! Mais la portée de cet avertissement sévère ne risque guère de dépasser celle des arguments théoriques qui le soutiennent.

L’approche marxiste de la crise de l’énergie, dont un exemple nous est donné par un ouvrage récent de Gus Hall, secrétaire général du parti communiste américain (4), est à tout prendre plus réaliste. La défaite subie sur le plan économique par l’impérialisme américain au Proche-Orient n’est pas sans réjouir cet auteur, qui cerne avec minutie les péripéties de la lutte des « sept voleurs » (lire : les sept grandes sociétés pétrolières internationales) contre les pays producteurs. Si les mouvements progressistes n’ont « pas encore » réussi à prendre le pouvoir dans certains pays pétroliers (l’Arabie Saoudite est l’exemple cité), il ne fait pas de doute pour M. Gus Hall que les liens de ces pays avec le bloc socialiste vont se resserrer au grand dam du capitalisme. Malheureusement, il n’est pas sûr que les pays socialistes cherchent vraiment aujourd’hui à provoquer la crise du capitalisme et ce n’est pas – en tout cas – en prenant systématiquement le contrepied des thèses adverses qu’on arrive nécessairement à une analyse plus lumineuse de la réalité. Les mouvements politiques qui se font jour dans les pays producteurs seront-ils assez forts pour éviter une récupération de grande envergure, par les grandes sociétés internationales, des chances de véritable développement de la région ?

Au milieu de cette bataille idéologique centrée sur le pétrole et l’avenir du monde, dont témoignent les trois ouvrages ci-dessus, le livre de Robert Jungk, Pari sur l’homme (5), paraît relativement inoffensif. L’analyse sur ordinateur de l’électro-encéphalogramme des moines Zen en méditation et la reproduction à volonté de cet état par une machine qui irradie des ondes alpha, la pédagogie nouvelle, l’étude de la prise de décision chez les Esquimaux, la mise en valeur de l’imagination créatrice, et bien d’autres expériences qui se poursuivent de par le monde, sont pour cet auteur autant : de présages annonçant la naissance d’un « homme nouveau » qui « seul sera capable de corriger une évolution qui tend actuellement vers la catastrophe ». Même si ces expériences sont intéressantes en elles-mêmes, l’inquiétude millénariste ne suffit pas à donner un fil conducteur satisfaisant à un ouvrage essentiellement journalistique et mal traduit de l’allemand. Au demeurant, les lecteurs français – riches d’une expérience récente à cet égard – auront moins d’enthousiasme, a priori, pour le « changement » général et indéterminé...



(1) La surchauffe de la croissance (essai sur la dynamique de l’évolution), par F. Meyer, Fayard, Paris 1974, 140 pages, préface de Rémy Chauvin.

(2) Stratégie pour demain, deuxième rapport au Club de Rome, par M. Mesarovic et E. Pestel, Seuil, Paris 1974. 205 pages.

(3) Le désordre économique mondial, par Thierry de Montbrial, Calmann-Lévy, Paris 1974, 192 pages, 27 F.

(4) The Energy Rip-off – Cause and Cure, par Gus Hall, New-York, 1974, International Publishers, 238 pages, 1.75 dollar.

(5) Pari sur l’homme (l’Optimisme comme défi), par Robert Jungk, Robert Laffont, Paris, 1974, 292 pages. 36 F.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 23 avril 2017 10:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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