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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Luc Racine, “La terre-mère et les mères végétales en Océanie et en Asie du Sud-est : symbolisme et analogie.” Un article publié dans la revue L'Ethnographie, tome LXXXII, nos 98-99, 1986, pp. 27-50. Paris: Société d'ethnographie. [Autorisation accordée par les ayant-droits de l'auteur le 9 septembre 2011 de diffuser la totalité de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[27]

Luc Racine

Sociologue, Département de sociologie, Université de Montréal

La terre-mère et les mères végétales
en Océanie et en Asie du Sud-est :
symbolisme et analogie
.

Un article publié dans la revue L'Ethnographie, tome LXXXII, nos 98-99, 1986, pp. 27-50. Paris : Société d'ethnographie.

Introduction

I.  ANALOGIE ET MÉTAPHORES
II. LES PLANTES ALIMENTAIRES COMME ENFANTS DE LA TERRE

1. Gestation et enfantement
1. La mère des kumaras (Pani).
2. Le corps de la femme et la terre cultivée.
2. Porter dans ses bras : les soins post-nataux

III. LES MÈRES VÉGÉTALES
1. Le symbolisme de l'arbre
Mahatala et l'arbre de vie.
Celle qui naquit d'un cocotier.

2. Les plantes alimentaires

L'âme ou enfant du riz en Malaisie.
Déesses indonésiennes du riz.
Bibliographie


Introduction

Le travail qui suit se veut la poursuite d'une réflexion faite par Mauss à la fin d'un compte rendu critique d'un ouvrage aujourd'hui classique, consacré au symbolisme de la terre-mère [1] (Dieterich 1913) :

Si précise pourtant que soit l'image de la mère-terre, il ne faudrait pas croire qu'elle est la seule image de maternité qu'ait conçue l'humanité même antique, ou le folklore, même moderne. Les rapports entre la semence et la plante, entre l'espèce et l'individu, etc., ont été eux aussi figurés sous la forme de l'enfantement : la mère riz, la mère maïs, les mères du rituel agraire européen, sont importantes et nombreuses. Il faut encore ici enrichir de toutes les vertus du principe de la végétation notre description de la notion primitive de maternité (Mauss 1970 : 139).

Sauf mauvaise information de notre part, ce programme n'a malheureusement connu qu'un début de réalisation systématique [2], et ce aussi bien dans la remarquable étude de Margot-Duclos et Vernant (1946) que dans celle de Hatt (1951). Entrepris dès 1938, sous l'instigation directe de Mauss, le premier de ces travaux analyse les rapports entre la génération humaine et la reproduction végétale : partant d'un examen détaillé des faits trobriandais, néo-calédonien et néo-zélandais, les auteurs montrent comment la « catégorie du sexe » regroupe, au sein de ces trois sociétés, les données concernant les théories indigènes de la reproduction humaine, les rites agraires, le culte des ancêtres et les mythes, et ils dégagent le fondement sociologique [28] de ce système de représentations [3]. Quant à l'étude de Hatt, il s'agit d'un travail comparatif et très bien documenté, portant sur un ensemble de récits concernant les mères du maïs, du riz, etc., en Amérique et en Océanie.

C'est donc compte tenu des résultats auxquels sont parvenus les auteurs précédents que nous reprendrons ici le propos de Mauss, avec le souci toutefois de certains acquis méthodologiques plus ou moins récents dans le champ d'analyse des représentations collectives. En ce domaine, en effet, il semble bien que le traitement en termes d'analogies diverses, générant chacune une série d'expressions de type métaphorique, soit extrêmement fructueux, à des fins aussi bien analytiques que comparatives [4]. L'étude des faits culturels en termes d'analogie et de métaphore [5] semble bien à la fois permettre un traitement formel relativement simple [6] et faciliter un type de comparaison sachant respecter le mode de pensée des sociétés considérées. Ainsi, à partir de faits principalement polynésiens, mélanésiens et indonésiens, notre tâche sera d'établir : a) que le rapport mère-enfant, cette « notion primitive de maternité » dont parlait Mauss, peut être vu aussi bien en termes de gestation que de soins post-nataux (porter dans ses bras, etc.) [7] ; b) que ce même rapport peut être homologue non seulement de la relation existant entre la terre et ses produits, mais aussi de celles existant entre la racine et la plante, l'arbre et ses fruits ou ses pousses, la plante et son produit.


I. ANALOGIE ET MÉTAPHORES

La description ou l'analyse des représentations collectives en termes d'analogie ayant souvent souffert d'imprécisions quant au sens donné à la notion même, nous dirons ici d'entrée de jeu ce que nous entendons dans ce travail par analogie et par « expressions de type métaphorique ». Un exemple fixera tout de suite les idées.

Aux Trobriands, pendant la phase inaugurale du cycle de jardinage (yowota), consacrée à la préparation du sol et à la plantation des ignames, [29] la magie des jardins comporte des invocations où le sol du jardin est explicitement comparé au ventre de la femme enceinte :

Le ventre de mon jardin s'enfle,
Le ventre de mon jardin s'enfle comme s'il allait enfanter.
Je te frappe, ô sol, ouvre-toi et laisse entrer les plantes. Tremble, ô sol, enfle, ô sol, enfle comme si tu portait un enfant.
(Malinowski 1974 : 93, 98)

On écrit alors la formule analogique : le sol du jardin (A) contient les semences d'ignames (B) comme le ventre de la femme enceinte (C) contient l'embryon (D). Dans le symbolisme A/B  C/D, on appelle éléments du thème les termes du membre de gauche et éléments du phore les termes du membre de droite : thème et phore relèvent toujours de deux domaines différents, entre lesquels l'analogie effectue justement un rapprochement (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1958 : 501). Ce rapprochement s'opère par l'homologation de deux relations : le même rapport existe entre A et B et entre C et D (dorénavant, le symbole h, ou son inverse h-1, désignera ce rapport commun). Par contre, ce rapprochement a lieu entre des paires de termes dont chacune appartient à un domaine différent. Dès que l'on admet qu'il n'y a pas d'incomparabilité entre thème et phore (ce qui détruirait l'analogie), et qu'il n'y a pas non plus confusion (ce qui renverrait à la loi de participation), il en découle que le même rapport relie B à D et A à C : ce rapport, que nous symboliserons dorénavant par d (ou d-1), recoupe exactement la distinction entre les deux domaines. Dans notre exemple, le rapport d indique le passage du végétal à l'humain, quant à la reproduction de la vie, tandis que h renvoie à la relation entre contenant (générant) et contenu (généré). (fig. 1a).

Fig. 1.
Terre : semence :: femme : embryon.


h : rapport de contenant (générant) à contenu (généré) ; h-1 : rapport de contenu à contenant ; d : passage du domaine de la reproduction végétale à celui de la reproduction humaine ; d-1 : passage de la reproduction humaine à celle des végétaux.

[30]

Toute minimisation ou abstraction de la distinction d rend équivalents, du point de vue de h, les termes A et C et B et D. En ne retenant que la distinction h, A et C deviennent substituables l'un à l'autre, de même que B et D, ce que nous écrirons :

(1) A h C (ou C h A)
(2) B h D (ou D h B)

L'abstraction du rapport d met donc l'accent sur la ressemblance existant entre A et C et B et D, ce qui permet une série d'expressions que nous dirons de type métaphorique. Dans notre exemple, il s'agira de toute expression assimilant ou identifiant terre et femme d'une part, igname et enfant de l'autre.

Il est essentiel de tenir compte du processus d'abstraction de la distinction entre le phore et le thème, si l'on veut pouvoir comprendre des expressions qui, dans une analogie du type die celle que nous avons choisie comme exemple, se formuleraient comme suit : a) des enfants croissent dans le ventre de la terre ; b) une femme est enceinte d'une plante alimentaire (fig. lb). En effet, les règles de substitution (1) et (2) permettent d'écrire :

(3) A__ h D (ou D__h-1 A)
(4) C__ h B (ou B__h-1 C)

Ainsi, par exemple, l'expression (a) s'écrit D   h-1   A), tandis que (b) s'écrit B__h-1 C.

Si l'on ne veut pas céder à l'impasse exemplaire qui consiste à doter les représentations collectives des sociétés primitives ou archaïques d'un fonctionnement par participation mystique, il faut donc concéder la possibilité de poser puis d'abstraire des différences. On comprend alors que, si les Bororo disent qu'ils sont des aras, ce n'est pas parce qu'ils sont insensibles ou indifférents à la contradiction. C'est que la femme bororo entretient avec ses perroquets domestiques le même genre de rapport (nourrir, héberger, etc.) que l'épouse entretient avec son mari (Crocker 1977 : 188-92). Malgré de louables efforts, ni von den Steinen ni Lévy-Bruhl n'avaient réussi à saisir en quoi les Bororo pouvaient bien se comparer aux aras, et c'est à Crocker que l'on doit d'avoir démontré, sur la base de l'enquête ethnographique, qu'il s'agit non de participation totémique mais de métaphore rapprochant les hommes bororo des perroquets domestiques (Crocker 1977 : 164-92). Pour dire que les hommes bororo sont des perroquets domestiques, il faut évidemment faire abstraction de la différence entre le domaine conjugal et le domaine de la domesticité animale, pour ne retenir que la distinction h (hébergeant-hébergé, etc.). On comprend ainsi pourquoi Mauss disait que la participation n'est pas seulement confusion, tant « elle suppose un effort pour confondre et un effort pour faire se ressembler » (Mauss 1970 : 130). À propos des rituels totémiques, Mauss parle en effet d'une volonté originelle de lier, d'efforts pour identifier les choses et les hommes : « ... l'homme s'identifie aux choses et identifie les choses à lui-même en ayant à la fois le sens et des différences et des ressemblances qu'il établit » (Mauss 1970 : 130). Tel que nous l'avons définie ici, l'analogie est un système comportant [31] deux différences (h et d) et la possibilité de transformer l'une d'elles en ressemblance, par abstraction de la distinction introduite par l'autre.


II. LES PLANTES ALIMENTAIRES
COMME ENFANTS DE LA TERRE


Bien des choses résidant sous la terre peuvent être symboliquement considérées comme embryons ou foetus ; mais, parmi celles-ci, les métaux et les semences ou racines végétales constituent deux catégories privilégiées. Une étude portant principalement sur le symbolisme de la terre-mère devrait sans doute accorder une égale importance à ces deux catégories. Mais, du point de vue où nous nous plaçons ici, donnant la priorité au symbolisme végétal, aux images végétales de la maternité, il n'est pas indispensable de considérer tout ce qui fait des métaux, et particulièrement de l'or, des enfants de la terre. Il importe seulement de souligner que le végétal peut être à la fois considéré comme enfant, parce que sa semence et ses racines sont portées et croissent dans le sein de la terre ; et comme mère, parce que la plante émerge de la racine, la tige ou le tronc de la racine, le fruit de la branche, la branche du tronc, le grain de l'épi, etc., comme un enfant de sa mère. Dans cette partie, nous décrivons les analogies relevant du premier système, où prime l'équivalence terre = mère :

- la terre porte les plantes alimentaires en son sein et en accouche comme la mère d'un enfant ;

- après la récolte, on prend soin d'une plante alimentaire comme une mère d'un jeune enfant.


1. Gestation et enfantement

Avec notre premier exemple, pris aux Trobriandais, nous avons déjà vu un cas d'analogie où la terre du jardin contient la semence d'igname comme le ventre de la mère son enfant (fig. 1a). On retrouve le même type d'analogie chez les Orokaivas de Nouvelle-Guinée, sous la forme : le taro croît dans l'eau comme l'enfant dans le sein de sa mère (Schwimmer 1973 :165). La croissance du taro demande beaucoup d'eau et on transpose cette situation à la situation de l'enfant dans le sein de sa mère.

Mais ce sont sans doute les faits néo-calédoniens qui s'avèrent le plus explicites quant à ce type d'analogie. Selon Leenhardt, en effet, « il y a identité de structure entre la femme qui enfante et la terre féconde » entre la gestation des récoltes et la gestation de la femme » (Leenhardt 1977 126, 129). Un même bouquet symbolique, dit koea, est utilisé pour aider à la bonne formation de l'igname dans la terre et de l'enfant dans le ventre de sa mère (Leenhardt 1937 : 144 ; Métais 1966 : 120). De plus, les tabous concernant l'homme commencent à partir du moment où le « fruit » que porte la femme devient évident, de même qu'à partir du moment où la jeune igname [32] a pris sa forme finale dans la terre (Métais 1956 : 84). Le rapport h est ici clairement la gestation dans un contenant nourricier, puis l'accouchement ; d marque le passage de l'horticulture à la puériculture, plus précisément de l'activité génésique végétale à l'humaine, à l'instar de la symbolique trobriandaise.

Mais l'analogie n'en reste pas là, et se développe encore plus avant :

La présence successive du chaud (mâle) et de l'humide (femelle) provoque l'enfantement de la terre. Pour un Néo-calédonien, la substance vivante qui anime l'homme et celle qui anime les cultures vivrières sont identiques. Dès lors, de même que l'union du sec (mâle) et de la femelle (humide) suscite la vie, de même la présence du chaud et de l'humide dans la terre détermine son enfantement (Métais 1956 : 127).

On dit aussi que la femme est « le champ fertile de l'homme » qui, semblable à l'horticulteur, « ameublit le champ féminin » (Métais 1956 : 83, 84). L'analogie est complexe et comme dédoublée. Le parallélisme entre le domaine de l'horticulture et celui de l'activité génésique humaine peut s'écrire : l'action d'un élément chaud (A') sur un élément humide (A") produit la croissance des semences dans la terre (B) comme l'action de l'homme (C) sur la femme (C") provoque la formation de l'embryon (D). Un même rapport h, d'ameublissement et de roboration, relie A' à A" et C' à C". Si maintenant on représente par A le premier membre de cette analogie (A' __h A") et par C le second (C' __h C"), on obtient une autre analogie où un même rapport h', de production et de facilitation de la croissance, relie A à B et C à D (fig. 2a et 2b).

À partir de l'analogie voulant que les végétaux naissent de la terre comme l'enfant de sa mère, il est possible d'obtenir, par abstraction de la différence entre les domaines comparés, des expressions de type (3) (et 4), comme nous l'avons souligné plus haut. Ainsi, par exemple, en Nouvelle-Calédonie toujours, l'enfant une fois né est assimilé à la jeune igname issue du champ ou du tertre qui l'a contenue et nourrie (Métais 1956 : 43, 70, 93) : la terre (a) a accouché (h) d'un enfant humain (D), soit A__h D. Nous allons examiner ici des récits où joue implicitement l'expression complémentaire C__h B (la femme accouche de végétaux). La provenance de plantes alimentaires à partir du corps d'une femme peut revêtir deux modalités

1) le végétal provient du vagin de la femme ;
2) le végétal sort des cavités sur le corps de la femme.


1. La mère des kumaras (Pani).

On remarque dans le langage des Maoris de Nouvelle-Zélande une association étroite entre la terre et la femme : ewe désigne à la fois le placenta, la terre natale, la mère et l'utérus, tandis que le synonyme whenna désigne de même le placenta et le sol natal [8]. Plus spécifiquement quant à notre propos, l'origine de la patate douce (kumara) est attribuée à Pani-tinaku.

[33]

Fig. 2.
- Chaud : humide : igname :: homme : femme : enfant.


h : agir sur, roborer, ameublir ; h-1 : être agi, roboré, ameubli ; h' : produire, faciliter la croissance ; h'-1 : être produit ; d : passage du végétal à l'humain ; d-1 : passage de l'humain au végétal :

Le terme tinaku veut dire germer, il désigne aussi les semences de tubercules et la parcelle cultivée : Pani est « celle qui germe », on la nomme Mère de la patate douce, son ventre est un entrepôt de kumaras (Best 1925 : 50-51).

Pani [9] est l'épouse de Rongo-maui, frère cadet de Whanui (l'étoile Véga) ; elle est aussi la sœur de Tangaroa-i-te rupetu, père des frères Maui. Quand disparaissent les parents de ceux-ci, c'est Pani qui les prend en charge. Devenus pêcheurs, les orphelins reprochent à Rongo de ne pas participer à la recherche de nourriture. Face à ces accusations, ce dernier décide de monter au ciel et de prier Whanui de lui laisser emporter sur terre certains enfants kumaras ; mais Whanui refuse sa demande et son frère cadet vole les enfants. Whanui punit ce vol en expédiant sur terre divers parasites qui encore aujourd'hui attaquent les enfants kumaras de Pani et Rongo.

[34]

Dès son retour sur terre, Rongo insère les enfants kumaras dans son pénis (ure) et couche avec sa femme. Quand vient pour celle-ci le temps d'accoucher, son mari lui dit d'aller aux eaux de Mona-ariki. Parvenue là-bas, Pani pénètre dans l'eau et, debout, commence à réciter le charme de la naissance. Il y a dans ce charme une allusion directe au fait que les patates douces sortent du vagin de Pani : « ils sortent de mon aro (vagin) » (Best 1925 : 49). Ainsi naissent les enfants kumaras et leurs noms sont ceux-là même que portent aujourd'hui les diverses variétés de patates douces.

Ravis de la nouvelle nourriture que leur prépare Pani, les frères Maui lui demandent où elle se la procure. Pani ne voulant pas répondre, l'un des frères décide alors de la suivre, un matin qu'elle se rend à Mona-ariki : il la voit ainsi entrer dans l'eau, réciter son charme magique et donner naissance aux kumaras. Il s'écrie alors : « Nous sommes nourris par les déjections (paraheka) de Pani ! » (Best 1925 : 51). Celle-ci éprouve une grande honte en voyant qu'on l'a épiée. Elle se retire dans le monde souterrain où, après l'avoir suivie, Maui découvre qu'elle cultive des champs de patates douces.

Selon une autre version du même récit (Best 1925 : 49), la patate douce est enfant de Pani et de Huruka (le fils de Tiki, lui-même personnification du pénis). Huruka ne comprend pas comment sa femme se procure la nourriture qu'elle prépare. Il l'épie, la voit descendre dans l'eau et se frotter le basventre. Puis, peu après, il la voit en train de remplir des paniers de kumaras.

On sait que la patate douce croît dans un milieu sec. Le fait que la déesse accouche dans l'eau s'explique sans doute par des raisons d'ordre historique : hors de Nouvelle-Zélande, Pani-tinaku fut peut-être liée à une plante alimentaire poussant dans un milieu saturé d'eau (Best 1925 : 49). Compte tenu de cela, l'analogie sous-jacente au récit pourrait s'exprimer comme suit : la patate douce sort de la terre comme l'enfant du vagin de la femme (fig. 3a). Abstraction faite de la distinction entre le domaine végétal et le domaine humain, du point de vue de l'activité génésique, il est alors possible d'affirmer que Pani accouche de patates douces. La ressemblance entre la terre et Pani permet de substituer la deuxième à la première : puisque Pani terre, on obtient Pani __ h kumaras (fig. 3b).

Fig. 3.
- Terre : kumara : femme : enfant.


h : accoucher ; h-1 : être accouché ; d : passage de l'agriculture à la procréation humaine ;

d-1 : passage de la procréation humaine à l'agriculture.

[35]

C'est de la même façon que, chez les Orokaivas de Nouvelle-Guinée, la femme est identifiée à la déesse du taro, celui-ci apparaissant alors comme le fruit de son sein (Schwimmer 1973 : 118). Mais c'est sans doute chez les Toradjas des Célèbes que l'on trouve le récit le plus proche de celui des Maoris (Kruyt 1938 : 272 ; Hatt 1951 : 884). Une femme savait préparer une délicieuse bouillie de sagou et tous les gens de la maisonnée se demandaient comment elle pouvait bien s'en procurer les ingrédients, puisqu'elle ne sortait jamais. Après l'avoir épiée, on découvre qu'elle tire directement le sagou de son vagin.

2. Le corps de la femme et la terre cultivée.

La nature de la relation h est ici légèrement modifiée : au lieu que le végétal sorte du vagin de la femme, il sort des cavités diversement réparties sur la peau de son corps. Un exemple pris chez les Arapesh du nord de la Nouvelle-Guinée est typique de ce genre d'analogie :

Grimpant à un cocotier, une femme nommée Sherok échappe à l'inondation qui emporte tous les gens de son village. Une fois les eaux retirées, elle descend de son arbre et bourre d'ignames des cavités qu'elle a partout sur le corps (elle a en effet les doigts, les orteils, les pieds, et même les cheveux, creux). Apparaissant sur son corps comme des furoncles, les ignames lui donnent une allure répugnante. Elle réussit malgré cela à se faire adopter dans un village où les gens se nourrissent d'une soupe faite à partir de copeaux de bois. Sherok leur prépare alors une soupe avec les ignames qu'elle tire de son corps, puis elle leur enseigne comment les cultiver (Fortune 1942 : 217-219 ; Gerstner 1939 : 260-264 ; Hatt 1951 : 889).

Un récit semblable existe chez les Kais de l'hinterland de Finshagen :

Sans amis et sans parents, une femme se rend affreuse en glissant des ignames sous la peau de ses bras, de ses jambes et de tout son corps. Après avoir rencontré un homme compatissant à son sort, elle se départit de ses ignames et les fait cuire pour nourrir les gens, ce qui lui redonne sa beauté (Keysser 1911 : 222-225 ; Hatt 1951 : 889-890).

Ainsi, l'analogie sous-jacente pourrait sans doute se formuler ainsi : la terre recèle sous sa surface des ignames comme la femme des enfants. L'équivalence terre femme est centrale, d'où, après abstraction de la distinction entre les domaines, l'expression femmes__h ignames. On ne peut toutefois pas exclure ici le jeu possible d'une analogie du type « la terre nourrit les hommes comme une femme ses enfants », avec femme__h hommes (h : nourrir et d : passage de l'agriculture à la puériculture).


2. Porter dans ses bras : les soins post-nataux

Une fois le végétal séparé du sol natal, il arrive qu'il soit traité comme un tout jeune enfant, comme un nouveau-né. Ainsi, par exemple, aux îles Trobriands : lors de la récolte des ignames, on porte les longs tubercules (kuwi) dans les bras et cette action est désignée par le terme kopo'i, qui sert aussi à désigner le fait de porter un petit enfant et d'en prendre soin (Malinowski 1935 : 137-38). Même comportement en Nouvelle-Calédonie, [36] où la ressemblance de forme entre l'igname et le nouveau-né explique que, aux récoltes ou aux offrandes, on les tient de la même manière (Métais 19 56 : 51). Voici la remarquable description de Leenhardt :

Il se penche sur elle, il cherche l'endroit le plus solide de la faible contexture du long tubercule : il glisse sa main sous l'extrémité qu'on appelle la tête, afin de la soutenir et d'éviter qu'elle se brise sous son propre poids. Il la tient ainsi avec la douceur que l'on met à porter un enfant nouveau-né dont on soutient la tête de peur qu'elle ne tombe. Mal tenir une igname est aussi grave que mal tenir un enfant. On écarte le maladroit pour prendre sa place, exactement comme on écarte un maladroit qui soulève mal un enfant (Leenhardt 1947 : 122).

Beaucoup plus détaillée que celle de Malinowski, la description permet de définir plus complètement la relation h. Non seulement porte-t-on l'igname et l'enfant avec adresse et douceur, mais aussi avec finesse et tact, tendresse et délicatesse :

On juge encore de la finesse d'une personne et de son tact à la façon dont elle porte une igname, comme on juge de la délicatesse d'une femme à la façon dont elle soulève un enfant. L'igname requiert la douceur de toucher que requiert un enfant. Eue requiert encore la tendresse que la femme met à le prendre (Leenhardt 1947 : 123).

L'analogie ne comporte que trois termes distincts : l'être humain (homme ou femme) porte l'igname comme il porte l'enfant nouveau-né. La relation h consiste à porter dans ses bras avec douceur, délicatesse, etc. ; la relation d indique la distinction entre les activités horticoles et la puériculture. On constate ainsi que le terme répété (être humain) n’est pas pris tout-à-fait dans le même sens selon qu'il apparaît dans le thème (activité humaine dans l'horticulture) et dans le phore (activité humaine de puériculture). Mieux vaut donc opter pour une représentation à quatre termes distincts (fig. 4a et 4b).

Dans ce type d'analogie, le rapport h peut être généralisé au point de comporter l'ensemble des soins assurant la croissance (de l'enfant et du végétal). Un récit des Orokaivas de Nouvelle-Guinée développe avec force détails la métaphore taro enfant, cette métaphore relevant d'une analogie du type « la jardinière prend soin des taros comme la mère prend soin de ses enfants ». Le récit décrit les principales activités de la femme lors du jardinage, domaine où l'homme se borne au défrichage : tant que le taro est en terre, il est assimilé à un enfant dont la femme prend soin, tandis que, une fois récolté, cette ressemblance n'a plus cours et le taro est alors assimilé à une victime que l'on tue, que l'on cuit et mange, à un présent que la femme offre à l'homme (Schwimmer 1973 : 117).

Un homme couche avec sa femme, qui plus tard tombe enceinte et accouche d'un garçon [10]. Son mari lui demande d'où vient l'enfant, ce à quoi elle répond qu'elle vient tout juste de lui donner naissance. « Alors il est à moi pour que je le mange, dit -le mari. Coupe-le et, quand il sera mort, tranche-le en morceaux et fais-le cuire pour moi ». La femme est triste de devoir tuer et faire cuire son enfant.

[37]

Fig. 4.
- Être humain : ignames : être humain : enfants.


h : prendre et porter avec soin ; h-1 être pris et porté avec soin ; d : passage de l'horticulture à la puériculture ; d-1 passage de la puériculture à l'horticulture.

Les Orokaivas disent qu'un esprit vivant réside dans les feuilles du taro qui pousse ; celui-ci ne meurt qu'à partir du moment. où ses feuilles sont coupées, après la récolte. L'expression « coupe-le » signifie donc ici « enlève-lui ses feuilles ».

La même femme donne plus tard naissance à une fille, qui subit le même traitement que le garçon. Puis la femme accouche de deux jumeaux ; lorsque le mari vient les chercher, il ne les trouve pas car leur mère les a cachés près de la racine d'un arbre et couverts de mauvaises herbes (bivese).

Le terme bivese désigne un monceau de mauvaises herbes laissé dans le champ après défrichage, et la femme s'en sert. comme d'une couverture protégeant les plants de taro une fois ceux-ci en terre. Les jumeaux sont ainsi traités comme semences de taro mises en terre.

Les jumeaux croissent à l'abri, sous la surveillance régulière de leur mère. Le mari, à qui elle a raconté les avoir jetés à l'eau parce qu'ils n'étaient pas bons, commence à se douter de quelque chose. Une fois les enfants parvenus à maturité, leur mère les conduit au loin dans la montagne où elle les laisse. A son retour, son mari lui demande pourquoi [38] elle a été partie si longtemps. La femme lui dit s'être mise en route pour la maison tout de suite après avoir planté ses semences (bere kovitie). Mais l'homme ne la croit pas et s'en va.

Une fois arrivés à maturité, les rejetons poussent sur le rhizome principal du taro et c'est la femme qui se charge alors de bouturer la plante ; les boutures servent pour un nouveau jardin, à une certaine distance du premier.

Les deux enfants se font un jardin et parviennent à se nourrir de ses produits. Mais l'homme les découvre : la jumelle (du ate) partie cueillir des taros, le garçon (du bite) dort dans l'abri (gaga). L'homme mange le cœur et les intestins du garçon, puis laisse les restes du corps en prévision pour le lendemain.

C'est la femme qui, après l'avoir récolté, met le taro en réserve dans un abri, où il demeure jusqu'au moment d'être emporté à la maison, cuit et mangé.

Comme on le constate, le récit explore assez systématiquement le parallélisme existant entre les soins que la femme, en tant que jardinière, donne au taro et ceux qu'en tant que mère elle donne à son enfant. Le rapport h peut donc se définir ici comme « donner des soins qui assurent la croissance », d représentant la distinction entre l'horticulture et la puériculture. Une fois abstraction faite de cette dernière distinction, on obtient, fondée sur la métaphore taro = enfant, l'expression mère__ h taro. Nous avions déjà fait remarquer plus haut (Il, 1) que, pour les Orokaivas, la terre porte le taro en son sein comme une mère son enfant : on retrouve cette analogie au début de notre récit, où la femme accouche d'enfants homologués au taro. Mais la suite du récit développe une seconde analogie ou la métaphore terre = femme cède le pas à la métaphore enfant taro, la relation h passant de la gestation aux soins postnataux.


III. LES MÈRES VÉGÉTALES

Les analogies que nous venons d'examiner homologuent le végétal et l'enfant, la terre et la mère, sous les rapports de la gestation, de l'enfantement ou des soins postnataux. Quant au symbolisme que nous abordons maintenant, c'est à une partie du végétal qu'il donne le rôle de mère et à une autre partie le rôle d'enfant : semences face aux racines, arbre par rapport à ses pousses ou à ses fruits, épi par rapport à ses grains, etc. La relation h continue à en être une de gestation ou de soins postnataux, mais la différence de domaines n'est plus nécessairement celle qui permet de passer de l'agriculture à la puériculture : il peut s'agir simplement de la distinction entre le végétal et l'humain, du point de vue de l'activité génésique. Nous étudierons maintenant ces nouvelles images de la maternité en deux étapes : arbre d'abord, plantes alimentaires ensuite.

[39]

1. Le symbolisme de l'arbre

Ce symbolisme est très vaste et nous n'en retiendrons que les éléments pertinents pour notre propos [11]). L'essentiel repose sur les métaphores mère arbre et enfant pousses (ou fruits, etc.). En Nouvelle-Calédonie, par exemple, l'enfant est considéré comme fruit, graine ou pousse (poara) d'un arbre (Métais 1956 : 50, 70). On y trouve d'ailleurs un parallélisme plus général entre l'arbre et l'homme : un jeune homme est un arbre qui pousse frais et vert (na kani na koru), un homme fort et solide est un arbre très résistant (gaïac), etc. (Métais 1956 : 50, no 1).

Mahatala et l'arbre de vie.

Les Ngaju de Bornéo disent que les premiers hommes sont nés de l'arbre de vie ; sur leurs dessins, cet arbre est représenté avec Mahatala [12] à son faîte, des enfants tombant des branches comme des fruits mûrs (Schärer 1963 : 32, 39, 85). L'arbre de vie est souvent illustré par un figuier (lunok) et fréquemment assimilé à la femme : si un bébé meurt, par exemple, son petit cercueil est pendu aux branches et on dit qu'à sa prochaine grossesse l'âme de cet enfant reviendra à sa mère sous la forme d'un anak buli (enfant qui est revenu) (Schärer 1963 : 77).

Plus généralement, d'ailleurs, on dit que les humains sont dans les bras de Mahatala comme des enfants sur le sein de leur mère (Schärer 1963 : 137). Ainsi, certains chants religieux présentent l'organisateur de la cérémonie funéraire du tiwah comme un enfant (entang, tuyang) encore trop jeune pour se tenir debout ou pour marcher, et que sa mère doit porter sur son sein. Portant l'homme de la même manière, la divinité l'aide à passer de l'obscurité à la lumière, de la maladie à la santé, de la mort à la vie ; ce que l'être humain fait, ce n'est pas de son propre chef, mais uniquement de par la divinité qui le porte et lui assure sécurité, aux allées et venues de laquelle il ne fait que participer (Schärer 1963 : 137).

L'analogie globale est ici : Mahatala porte les humains comme un arbre ses fruits et une mère ses enfants. Cette analogie peut se décomposer. Avec d défini comme passage de l'ordre religieux à l'ordre profane, on a Mahatala portant les humains comme une mère son enfant ; avec h défini comme passage du végétal à l'humain, on obtient l'arbre portant ses fruits comme une mère son enfant. Dans le second cas, Il a le sens de porter dans ses bras ou à ses branches ; dans le premier, Il a le sens plus général de porter dans ses bras, protéger et guider, etc. On constate évidemment le rôle de charnière que joue le rapport mère-enfant. De plus, dans la seconde analogie, l'abstraction de la distinction d permet de substituer l'arbre à la mère, et de poser arbre__ h enfant, comme on le voit dans les dessins des Ngaju (Schärer 1963 : pl. X).

[40]

Celle qui naquit d'un cocotier.

Le récit de Hainuwele, recueilli jadis par Jensen à Ceram ouest, illustre bien la possibilité de combiner l'analogie voulant qu'un arbre produise ses fruits comme une femme ses enfants avec celle voulant que la semence soit au végétal ce que la mère est à l'enfant. Le début du récit développe la première de ces analogies [13].

Aneta [14] n'avait ni femme ni enfants. Un jour qu'il va à la chasse avec son chien, celui-ci poursuit un cochon sauvage jusqu'à ce que ce dernier finisse par se noyer dans un étang. Aneta trouve alors une noix de coco sur l'une des défenses du cochon. De retour à sa hutte, il place sa noix sur un support et la couvre d'une étoffe portant un motif en forme de serpent. Pendant la nuit, un homme lui apparaît et lui conseille de placer la noix en terre, afin qu'elle pousse.

Aneta suit le conseil. Six jours plus tard, le cocotier est déjà arrivé à maturité. Aneta l'escalade pour se procurer de quoi préparer une boisson. Mais il se coupe le doigt et le sang gicle sur une feuille. Quand il revient à l'arbre trois jours plus tard, le sang sur la feuille s'est mêlé à la sève et la figure d'un être humain est apparue. Trois jours plus tard encore, le tronc tout entier de la personne s'est dégagé et, à sa visite suivante, Aneta s'aperçoit qu'une petite fille s'est ainsi formée à partir de son sang versé.

La nuit suivante, l'homme lui apparaît de nouveau et lui dit de prendre l'étoffe à motif de serpent, d'envelopper l'enfant avec précaution et de la ramener chez lui. Aneta s'exécute dès le matin suivant et nomme la fillette Hainuwele (« feuille de cocotier »).

On a ainsi l'analogie : le cocotier porte son fruit [15] comme une femme son enfant. Abstraction faite de la différence entre reproduction humaine et végétale, il devient possible de substituer l'arbre à la mère et de poser, selon la formulation du récit : cocotier__h petite fille.

La seconde partie du récit développe ensuite une autre analogie. Assimilée à un fruit, Hainuwele, une fois plantée en terre, donnera naissance aux diverses plantes alimentaires.

Hainuwele grandit très vite. Trois jours après avoir été recueillie par Aneta, elle est nubile. De plus, un don extraordinaire lui fait excréter, à la place de fèces, divers objets précieux (gongs, vaisselle de Chine, etc.). Son père adoptif s'enrichit.

Puis arrive, pour les sept familles humaines primordiales, le temps de célébrer les danses du Maro. Lors de ces danses, qui se déroulent pendant neuf nuits, et à chaque nuit sur un terrain différent, les femmes sont assises au centre du terrain de danse et donnent du bétel aux hommes qui forment une spirale. Hainuwele joue ce rôle mais, d'une nuit à l'autre, au lieu de bétel, elle donne aux danseurs des objets de plus en plus précieux.

Les gens sont très jaloux des pouvoirs de Hainuwele. Après la huitième nuit, on décide de la tuer, à l'occasion de la dernière nuit de danse. Les hommes creusent un trou profond sur le terrain de la neuvième danse et, lorsque celle-ci arrive, les danseurs poussent lentement la jeune fille vers le trou où elle finit par tomber. On la couvre avec de la terre, que tasse le pas des danseurs.

[41]

À la fin du festival, Aneta ne voit pas sa fille adoptive revenir et sait qu'elle a été tuée. Après avoir découvert le lieu du meurtre par des procédures divinatoires, il prend neuf fibres d'une feuille de cocotier et se rend sur le terrain de la dernière danse. Il plante chaque fibre en terre, jusqu'à ce que la dernière ressorte couverte du sang et des cheveux de Hainuwele. Aneta la déterre, coupe son corps en morceaux, qu'il enterre ensuite un peu partout dans les environs du terrain de danse. Ces morceaux se transforment en plantes alimentaires.

Une fois admise l'assimilation de Hainuwele à une noix de coco et à ses débris enfouis en terre, on s'attend à ce que ce soit un cocotier qui croisse à partir du corps démembré de la divinité dema, et non des tubercules. Mais l'analogie sous-jacente est plus générale : la semence d'un végétal est à celui-ci comme une mère à son enfant. D'où, dans ces conditions, par abstraction de la différence entre génération végétale et humaine et remplacement de la semence végétale par la mère, la formulation de cette seconde partie du récit : un végétal naît du corps démembré d'une jeune fille nubile, ainsi considérée comme mère (mère__ h végétal).

L'un des intérêts du récit de Hainuwele est de combiner deux analogies qui ailleurs restent souvent séparées au sein d'une même histoire. Ainsi, à Buin, dans les îles Salomon, on conte qu'après avoir tué leur mère et brûlé son corps, deux frères enterrent ses os et les entourent de pierres : les premiers cocotiers poussent alors à partir des os de la femme (Thurnwald 1912 : 399 ; Hatt 1951 : 891). Par contre, chez les Toradjas des Célèbes, on dit qu'une princesse naquit d'une feuille d'arbre à pain (Kruyt 1938 : 18 ; Hatt 1951 : 884).


2. Les plantes alimentaires

Il s'agit ici encore d'un vaste domaine, où nous ne retiendrons que ce qui concerne les images de la maternité [16]. Comme nous le verrons, peuvent être homologuées au rapport mère-enfant les relations racine-tige, épi-grains, plante-pousse, etc. L'idée générale est que, comme l'expliqua jadis si clairement à Fortune l'un de ses informateurs, les plantes se reproduisent à la manière des humains :

Les ignames sont des personnes. Comment en serait-il autrement ? Comme les femmes, elles donnent naissance à des enfants. De même que ma grand-mère a mis au monde des enfants, parmi lesquels ma mère qui me donna naissance à moi et de même que ma fille portera des enfants qui mettront au monde mes arrière-petits-enfants quand je serai mort. C'est aussi la manière des ignames (Fortune 1972 : 136-137).

Chez les Ilongots des Philippines (Nord Luzon), les êtres humains sont désignés par des noms de plantes, dans le langage des invocations magiques : « jeune pousse » veut dire foetus ou enfant, « jeune feuille » veut dire enfant [42] qui grandit (Rosaldo 1972 : 91). Aux Trobriands, les racines de taro que l'on plante en terre et qui produisent de nouvelles racines poussant à partir d'elles sont appelées woma. L'une des nouvelles racines devient peu à peu le taro principal, produisant la nouvelle plante., Cette racine principale est appelée mère (ina-la), tandis que les autres racines qui poussent à côté d'elle à partir du même woma, et donnent les taros secondaires, sont nommées latu-la : selon leur ordre d'apparition, on les désigne comme enfants aînés (tuwa-la) ou cadets (bwada-la) (Malinowski 1935 : 105-106). De plus, tout ce qui pousse à partir de là où commence la tige de la plante nouvelle est dit « enfant du taro » (Malinowski 1935 : 106).

Chez les Arapesh de Nouvelle-Guinée, par ailleurs, on rapporte un récit où une femme se change en casoar pour enseigner à ses fils comment se chasse cet animal. Mais elle finit par se prendre elle-même dans un piège et, quand ses fils la trouvent, elle est déjà en voie de décomposition. Les deux garçons la couvrent alors avec des arbres et, une fois la décomposition achevée, mettent ses os dans un pot qu'ils gardent chez eux. Les os se transforment en ignames que l'on plante alors en terre (Fortune 1942 : 231-32) [17].

On a donc ici affaire à plusieurs analogies apparentées, ayant toutes comme distinction d le passage de la reproduction végétale à la reproduction humaine :

a) Ilingots : la plante est à ses pousses (ou feuilles) comme une mère à son enfant ; h : fait croître à partir de soi.

b) Trobriands 1 : la racine principale du taro est à ses racines secondaires comme une mère à ses enfants ; h : primauté de croissance / croissance secondaire.

c) Trobriands 2 : la racine est à la tige de taro comme une mère à son enfant ; h : fait croître à partir de soi.

d) Arapesh : la semence d'igname est au plant comme une mère à son enfant ; h : se transformer en. Par substitution de mère à semences, on obtient l'expression mère__ h ---> ignames.

*
*    *

Mais c'est sans doute chez les cultivateurs de riz que le parallélisme est le plus explicite entre fertilité végétale et fertilité humaine. Chez les Sassaks de Lombok, par exemple, près de Bali, on appelle inan paré les neuf premières pousses que le cultivateur cueille dans la pépinière pour ensuite aller les planter dans une partie de la rizière située tout près du canal d'irrigation ; une fois toute la rizière plantée, on fait à l'inan paré une offrande elle-même constituée de riz que l'on présente sous différentes formes ; quand les tiges commencent à se gonfler, on dit que le riz est gros comme une femme [43] enceinte et on lui donne les mêmes genres de soins qu'à celle-ci (offrandes de bouillie de riz, d’œufs et de fruits acides) (van Eerde 1902 : 563-65).

Il en va sensiblement de même chez les Ilongots des Philippines, où les épis prêts à être récoltés sont dits « gros » (Rosaldo et Atkinson 1975 : 59-60). Chez les Mu'ò'ng de l'ancienne Indochine française, le même terme (ch'ua : pleine, enceinte) désigne aussi bien le riz arrivant à maturité que la femme enceinte : « les épis sont gros de la vie qu'ils entretiennent, comme une femme est grosse de la vie qu'elle porte en son sein (Cuisinier 1946 : 137, 537 no 1). Lors de la moisson, une prière rituelle au riz tendre commence par ces mots :

Aujourd'hui, en ce jour,
Nous mangeons le riz du paddy tendre,
L'enfant du paddy nouveau (Cuisinier 1946 : 555).

En Malaisie, enfin, on invoque lors de la plantation du riz un génie nommé Sri Dangomala Sri Dangomali, lui demandant de faire en sorte que naisse un bébé de neuf mois, c'est-à-dire que le riz porte des grains en abondance (Shaw 1911 : 15 ; de Jong 1965 : 287). De plus, quand on entre dans la rizière, les tiges des plants de riz sont embrassées comme un petit enfant, en disant : « Glousse, glousse, âme de mon enfant » (Skeat 1900 : 249).

La même analogie se retrouve à travers ces quelques exemples : le plant de riz est gros de son grain comme la femme d'un enfant. Dans l'invocation demandant la naissance d'un bébé bien dodu, on retrouve l'expression plant de riz __ h ---> enfant, par substitution de la mère végétale à la mère humaine.

L'âme ou enfant du riz en Malaisie.

Les rites agraires impliquant l'âme ou enfant du riz sont très répandus dans l'ensemble de la péninsule et de l'archipel malais (Blagden 1897 : 301-304 ; Skeat 1900 : 235-49 ; Wilkinson 1906 : 50-51 ; Shaw 1911 : 20-25 ; Winstedt 1925 : 84-89 ; Hill 1951 : 66-75 ; Winstedt 1961 : 49-53) ; et on rencontre des pratiques similaires à Bornéo (Evans 1923 : 25-26) et aux Philippines (Cole 1913 : 97, 174 ; Rosaldo et Atkinson 1975 : 59-60).

Lorsque le riz est mûr, il faut d'abord retirer l'âme du riz de toutes les parcelles du champ de culture ; pour ce faire, on choisit la place où le riz est le plus beau, où le bouquet de tiges est le plus fourni et où la tige porte sept nœuds ; ou bien encore en portant attention à la conformation des épis (Skeat 1900 : 225, 247-248 ; Shaw 1911 : 23 ; Windstedt 1961 : 49). Une fois trouvé un bouquet de ce genre, on coupe sept tiges représentant l'âme du riz, et une autre poignée représentant la gerbe-mère pour l'année suivante (Skeat 1900 : 225-226). Comme nous allons le voir, cette coupe s'accompagne de tout un rituel [18].

[44]

Après avoir coupé le bouquet, la pawang (sage-femme) le frotte d'huile et le fumige avec de l'encens, puis l'enveloppe d'un linge blanc et le dépose dans le papier qui lui servira de berceau (Skeat 1900 : 236-244). En coupant le bouquet de sept épis, elle récite trois fois l'invocation suivante :

Salut à toi, mon enfant, qui te nommes Seri Bumi.
Je t'appelle vers ta mère !
Tu as sept mois.
Viens, retournons ensemble à la maison [19] (Hill 1951 : 69 ; notre traduction).

Une fois ce cérémonial accompli, la pawang et sa première assistante prennent le chemin de la demeure du propriétaire du champ, l'assistante tenant une ombrelle au-dessus de la corbeille où se trouve l'enfant du riz, afin de le protéger du soleil (Skeat 1900 : 243). Au seuil de la demeure, la femme de la maison et d'autres femmes de sa famille attendent et les accueillent en demandant trois fois : « Quelles nouvelles ? » (apa khabar) ;trois fois la pawang leur répond : « Tout va bien » (baïk). La femme de la maison dit alors :

Voilà qu'arrive quelqu'un en balançant ses bras ;
Voilà un enfant qui, je crois, m'appartient. (Skeat 1900 : 243 ; notre traduction).

La pawang entre alors et dépose l'enfant du riz, toujours dans son berceau, sur un lit neuf portant des oreillers à sa tête ; elle procède de nouveau à des fumigations et couvre l'enfant d'une grande étoffe blanche (Skeat 1900 : 243). À partir de ce moment, et pour les trois jours qui suivent, la femme de la maison doit observer certaines règles, presque identiques à celles qui suivent un accouchement : une lampe est placée au chevet du lit où repose l'enfant du riz et elle doit brûler toute la nuit, le foyer ne doit s'éteindre ni de jour ni de nuit, etc. (Skeat 1900 : 243-244). Quant à la gerbe-mère, demeurée dans le champ, elle est considérée comme une femme qui vient d'accoucher : on lui administre pendant quelques jours une mixture en plusieurs points similaire à celle que l'on donne à une nouvelle accouchée (Skeat 1900 : 248-249).

Comme on le voit, tout ce rituel développe très richement les deux métaphores femme = plant de riz et enfant = épi : l'épi de riz est séparé du plant comme un enfant qui naît de sa mère.

Déesses indonésiennes du riz.

Le Wawatjan Sulandjana, poème épique de Sunda, conte comment la déesse Nji Pahatji Sanjang Sri est à l'origine du riz (Gelpke 1874 : 119-125 ; Hidding 1929 : 9 ; De Jong 1965 : 284). Le dieu Guru reçoit en cadeau un oeuf, duquel émerge une petite fille, qui est alors nourrie au sein et éduquée par sa femme. La petite fille grandit et devient si belle que Guru cherche à [45] l'épouser. Pour empêcher une telle union, presque incestueuse, un autre dieu tue la fille. On l'enterre et de son corps surgissent toutes sortes de plantes : le cocotier de sa tête, le riz de ses yeux, le bambou de ses jambes.

Un récit semblable se trouve dans le Manik Maya javanais (Wirz 1927 : 221-228 ; Hidding 1929 : 21 ; de Jong 1965 : 284-285). Batara Guru reçoit en cadeau une pierre précieuse : il la brise et assiste ainsi à la naissance de Tisnawati. Celle-ci meurt et est enterrée après des événements analogues à ceux du récit précédent. Après un certain temps, le roi du pays où elle a été enterrée s'aperçoit qu'une vive lumière provient de sa tombe : il s'approche et constate que de sa tête est né un cocotier, et de son corps des plants de riz.

On retrouve ici une analogie du même genre que celle développée dans la seconde partie du récit de Hainuwele : la semence mise en terre produit la plante comme une mère son enfant. Le riz (et d'autres végétaux) pousse à partir du corps enterré de la déesse. La substitution femme = semence permet la formulation corps de la femme__ h plant de riz.

*
*   *

Quelques remarques en guise de conclusion. Les analogies relevant du symbolisme de la terre-mère et celles relevant du symbolisme des mères végétales ont beaucoup en commun. Dans un cas comme dans l'autre, les domaines comparés sont ceux du végétal et de l'humain, par mise en rapport des activités génésiques et reproductives, de la croissance et de l'enfantement, des soins donnés à la progéniture, dans l'un et l'autre domaine. Dans les deux cas aussi, le terme relationnel central (« porter ») peut prendre deux significations différentes et complémentaires : porter en son sein ou porter sur son sein (dans ses bras). Qu'il s'agisse de la terre ou des mères végétales, enfin, l'abstraction de la différence entre les domaines considérés permet le Même genre d'expressions : un enfant pousse d'un arbre ou sort de la terre, une femme accouche de végétaux, etc. Comme nous l'avons souligné, la différence majeure entre les deux symbolismes tient au fait que la femme et l'enfant sont assimilés à des termes partiellement différents dans un symbolisme et dans l'autre : s'il s'agit de la terre-mère, les métaphores seront terre mère et végétal enfant ; tandis que, s'il s'agit des mères végétales, c'est une partie du végétal considéré qui sera identifiée à la mère (par exemple : plant de riz = mère) et une autre partie du même végétal qui sera identifiée à l'enfant (par exemple : épis enfants). Nous avons ainsi affaire à deux sous-ensembles d'un même symbolisme, celui-là même auquel Mauss se rapportait en parlant d'images de la maternité. Mais, de ce point de vue, le système que nous venons d'analyser est lui-même partiel. Un traitement complet supposerait en effet d'intégrer :

- une bonne partie du symbolisme de la forge et des mines (la terre porte les métaux comme une mère son enfant ; les produits du four sont assimilés à l'embryon) ;

- une bonne partie de la symbolique initiatique, où le rapport entre initiant et initié est homologué à la relation mère-enfant, d'une manière ou d'une autre ;

[46]

- l'ensemble des croyances où la divinité est aux humains comme une mère à ses enfants.

L'intégration de ces aspects nous ferait toutefois sortir du domaine végétal, qui a sa cohérence propre et que nous avons seul voulu considérer ici. Mais, et même si cet élargissement nous ferait aussi considérer des sociétés en général d'un type différent, il demeure intéressant de souligner qu'aucune nouvelle modalité du rapport mère-enfant (engendrant-engendré, etc.) ne serait sans doute introduite : seuls des termes et des domaines nouveaux devraient être pris en considération (travail des métaux, etc.).

Une dernière remarque, en ce qui concerne le traitement des données ethnographiques. A ce propos, il est bien clair que le traitement analogique n'épuise nullement la richesse du symbolisme considéré ; de plus, il est évident que le modèle analogique dont nous nous sommes servi n'a pas à être directement imputé aux représentations conscientes ou inconscientes des populations étudiées. De ce point de vue, il nous suffit que ce modèle suppose une capacité d'abstraction pratique, et qu'il semble jusqu'à maintenant le plus apte à rendre compte d'un certain nombre de phénomènes symboliques.

Par ailleurs, et cela nous semble le plus important, les résultats obtenus devront être confrontés à l'épreuve d'études de cas Précis. Si nous avons choisi nos illustrations en Océanie et en Asie du Sud-Est, c'est parce que ces régions ont jusqu'à maintenant fourni des études ethnographiques nombreuses et fouillées traitant du symbolisme qui nous intéressait ; un travail du même genre aurait pu se fonder sur des illustrations africaines ou nord-américaines. Le plus urgent nous semble maintenant de mettre à l'épreuve les résultats provisoires auxquels nous sommes parvenu et ce à la lumière d'études de cas approfondis (chez les Hopis, les Maoris ou les Dogons, par exemple). Seul un travail de ce genre pourra permettre de comprendre comment s'articule, en une culture donnée, le système dont nous n'avons fait qu'esquisser les grands traits.


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[1] On regroupe en général sous ce titre le symbolisme mettant en jeu l'analogie voulant que la terre Porte ses fruits (plantes, arbres, métaux, etc.) comme une femme son enfant. Cf. entre autres, Dieterich (1913), Nyberg (1931) et Granet (1953).

[2] Cf. toutefois Mannhardt (1875) et Frazer (1935). Sur l'assimilation de l'être humain et du végétal, on verra aussi Viennot (1954), Bosch (1960), Tuzin (1972), Atkinson et Rosaldo (1975), Fox (1977).

[3] On trouvera dans Eyde (1983) une tentative, malheureusement décevante, d'appliquer la même méthode aux données recueillies par Firth à Tikopia.

[4] Grâce surtout aux travaux de Lévi-Strauss (1962a, 1962b) et de Needham (1973, 1980 : 41-62). Sur la définition de l'analogie, on verra Perelman et Olbrecht-Tyteca (1958 : 499-549) et Sapir (1977).

[5] Parmi les plus représentatifs de ces travaux, on pourra consulter : Köngas Maranda (1969), Rosaldo (1972), Tuzin (1972), Dumézil (1973 :305-330), Atkinson et Rosaldo (1975), Fox (1977), Sapir et Crocker (1977), Ott (1979), Basso (1981), Berque (1981), Zimmerman (1981), Racine (à paraître).

[6] À ce jour, le meilleur traitement de la logique de l'analogie se trouve dans l'ouvrage de Lorrain (1974 :17-54). On verra aussi Piaget (1972 : 120-173), Bril (1977), Houle et Racine (1983).

[7] Déjà, Frazer parlait de « l'imagination primitive voyant dans l'épi fécond une ressemblance avec le sein fécond de la femme et dans l'épi mûr sur sa tige, un enfant dans les bras ou sur le dos de sa mère » (Frazer 1935 : 110).

[8] Il en va de même à Tahiti (fenua) et à Hawaï (pufenua) (Babadzan 1983 : 87).

[9] Le résumé qui suit s'inspire de Best (1925 : 49-51).

[10] Nous résumons et commentons d'après Schwimmer (1973 : 114-18). Voir aussi l'excellent travail d'André Iteanu (La ronde des échanges, Paris, M.S.H. : 31-44 et 291-295).

[11] Sur le symbolisme de l'arbre, cf. Viennot (1954) et Bosch (1960).

[12] Mahatala est la divinité androgyne créatrice du monde (Schärer 1963 : 85, 88).

[13] Nous résumons d'après Jensen (1949 : 34-48) et Campbell (1959 : 173-176).

[14] Aneta veut dire sombre, noir, nuit.

[15] Il pourrait aussi s'agir de la feuille, mais c'est peu probable vu la seconde partie du récit.

[16] En ce qui concerne l'homologation de la plante et de l'être humain, cf. Rosaldo (1972), Tuzin (1972) et Fox (1977).

[17] On trouve un récit semblable recueilli dans le district voisin de But (Gerstner 1939 : 264-265).

[18] Sauf mention contraire, la description qui suit est tirée de Skeat (1900 : 235-249). Voir aussi Endicott (1970 : 146-153).

[19] Seri veut dire enfant et bumi veut dire terre. Une invocation du même type est récitée par la pawang lors de la plantation (Hill 1951 : 65).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 novembre 2012 16:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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