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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Luc Racine, “Investissements américains, nationalisme économique et fédéralisme.” Un article publié dans la revue Parti pris, revue politique et culturelle, vol. 4, nos 7-8, mars-avril 1967, pp. 90-92. Chronique: “Les essais.”. [Autorisation accordée par les ayant-droits de l'auteur le 9 septembre 2011 de diffuser la totalité de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[90]

Luc Racine

Sociologue, Département de sociologie, Université de Montréal

Investissements américains,
nationalisme économique et fédéralisme
.”

Un article publié dans la revue Parti pris, revue politique et culturelle, vol. 4, nos 7-8, mars-avril 1967, pp. 90-92. Chronique : “Les essais.”



Il semble bien que, par l'entremise d'une collection (Aujourd'hui) spécialement désignée à cette fin, les éditions H.M.H. aient décidé de nous mettre au courant des préoccupations les plus récentes de la bourgeoisie anglo-canadienne. La traduction de A Choice for Canada [1] (1), ouvrage de M. Walter Gordon, qui est, comme on le sait, l'un des représentants les plus éminents de cette bourgeoisie, en est un signe tout clair. Nous allons enfin pouvoir profiter de la publication de ce livre pour nous initier à la connaissance des douloureux problèmes de la classe dirigeante du Canada et à l'examen critique des solutions proposées par l'ex-ministre des Finances de ce jeune pays à l'avenir économique si prometteur grâce au regard plein de sollicitude de "nos voisins et amis, les États-Unis, (qui) sont de loin la nation la plus puissante du globe" [2]...


le problème

Il est fort simple : devant `l'influence pénétrante et la pression croissante de notre puissant voisin du sud... les Canadiens se demandent s'ils ne se sont pas libérés de l'influence coloniale de la Grande-Bretagne pour tomber sous le joug de l'impérialisme économique américain" [3]. Ces accents évoquant la théorie de la décolonisation ont de quoi surprendre, proférés par la bouche (ou glissant sous la plume) d'un homme tel que M. Gordon. Que le lecteur (et Jacques Berque) toutefois se rassure : l'attitude de M. Gordon par rapport à "nos voisins et amis" n'emprunte rien aux perspectives de La lutte tricontinentale (livre d'A.-P. Lentin sur la conférence de La Havane) ni à celles de Mao (ou de l'interprétation de sa pensée par les J. S.Q.). À preuve ceci : pour l'ex-ministre des Finances, le [91] fait que les Etats-Unis soit la plus grande puissance du monde conduit à la déclaration suivante : "Ceci est d'importance primordiale, ceci transcende tout. Nous pouvons nous considérer fortunés qu'en défendant l'Amérique du nord, il est dans l'intérêt des États-Unis de nous protéger aussi ... Il y va de l'intérêt des États-Unis de pouvoir compter sur notre bon vouloir et notre coopération. Mais il nous appartient de nous rappeler que les États-Unis étant plus grands et plus forts que nous, nous ne devons jamais chercher à leur en imposer." [4] Sous ce pseudo-réalisme se dissimule la servilité hargneuse du plus petit capitaliste face au plus gros capitaliste ; et ce, malgré le fait que le petit dit toujours au gros que "nous n'avons aucune raison d'être obséquieux" [5] : comme l'aurait sûrement dit Marie-Chantal, l'à-plat-ventrisme trop ouvert, ma chère, c'est dégoûtant...


le problème (suite)

Ce qui titille l'ex-ministre des Finances, ce n'est pas seulement, le pauvre homme, que les investissements américains au Canada soient omniprésents. C'est, très très très intéressant, que certains Canadiens tirent les conclusions logiques (du point de vue de leur portefeuille) d'un pareil état de choses : "Ils mettent en doute la sagesse qu'il y aurait à résister, ou même à essayer de résister, à la puissance économique et financière des États-Unis ... Du reste, beaucoup d'entre eux croient inévitable quelque sorte d'amalgamation ou d'intégration de l'économie canadienne au sein d'un système continental nord-américain" [6]. Ce qui désole notre ex-ministre, c'est qu'« un défaitisme de cette nature peut malheureusement prévaloir, si un nombre suffisant de personnes partageant une opinion contraire, refusent ou sont incapables de se faire les avocats d'un Canada fier et souverain » [7]. M. Gordon pense peut-être à des gens comme MM. Trudeau et Marchand.

Ainsi, le but de l'ouvrage de M. Gordon sera alors de montrer que l'intégration de l'économie canadienne à l'économie américaine n'est pas inévitable si le Canada adopte au plus tôt un nationalisme économique de bon aloi. Et, comme il le rappelle lui-même, l'auteur est bien placé pour traiter de cette question. En effet, son séjour au Ministère des Finances lui a permis de constater l'influence exercée sur la politique et sur l'opinion canadienne (sic !) par les intérêts financiers et commerciaux des États-Unis. En certaines occasions, cette influence elle-même s'est trouvée renforcée par des interventions du Département d'État américain et de tout l'appareil administratif des États-Unis. À ceci s'ajoutait le poids de ceux qui dirigent les entreprises américaines au Canada, de leurs conseillers techniques, des financiers dont l'intérêt s'identifiait directement ou indirectement à la fortune d'es investissements américains au Canada, de certains fonctionnaires influents de [92] notre propre gouvernements, des représentants du monde universitaire, et d'une partie de la presse" [8].

On voit donc l'ampleur et la source des tracas de notre ex-ministre. Si "d'aucuns peuvent croire qu'il est inutile de continuer à préconiser la nécessité de conserver au Canada son indépendance" [9], M, Gordon, lui, juge que "considérant le rythme accéléré de la perte de cette indépendance ... nous nous devons d'alerter l'opinion publique. Qui mieux est, prendre les mesures nécessaires pour inverser le cours actuel des choses" [10].


le problème
(suite et fin)

Le lecteur de l'ouvrage de M. Gordon, en examinant les diverses mesures centralisatrices préconisées par ce dernier pour restreindre le contrôle des investissements américains sur l'économie canadienne, pourra facilement comprendre pourquoi, de ce point de vue, il est essentiel que le Québec ne se sépare pas politiquement (et économiquement) du Canada afin que les intérêts du nationalisme économique, fédéralisant et centralisateur de la bourgeoisie anglo-canadienne puisse avoir quelques chances d'y atteindre à ses fins : "Si tant est que les Canadiens anglophones tiennent réellement à l'unité nationale, ils devront apprendre à traiter leurs compatriotes de langue française, et plus spécialement encore ceux qui sont résolus à participer à la politique fédérale, avec plus de sympathie et de compréhension" [11]. Plus clair encore, le mot de la fin : "Si nous avons à Ottawa un gouvernement faible, les Canadiens devront compter sur le leadership des gouvernements provinciaux. Ce-la contribuera à renforcer les régionalismes au moment où un nationalisme canadien de bon aloi est absolument essentiel à l'unité du pays et à la réalisation de ses immenses possibilités[12].

l.r.



[1] Walter Cordon, Le Canada à l'heure du choix, trad. H.J. Gagnon, H.M.H., Coll. Aujourd'hui, Montréal, 1966.

[2] Id., ibid., p. 22.

[3] Ibid., p. 10.

[4] Id., ibid., pp. 22-23.

[5] Id., ibid., pp. 22-23.

[6] Id., ibid., pp. 10-11.

[7] Id., ibid., p. 11.

[8] Id. ibid., p. 19.

[9] Id. : ibid., p. 18.

[10] Id., ibid., p. 18.

[11] Id. ibid., p. 39. Souligné par nous.

[12] Id. ibid., p. 40. Souligné par nous.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 novembre 2012 9:15
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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