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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Luc Racine, “L’archétype de l'enfant divin et la symbolique du renouveau.” Un article publié dans la revue Cahiers internationaux de symbolisme, nos 45-46-47, 1983, pp. 197-228. [Autorisation accordée par les ayant-droits de l'auteur le 9 septembre 2011 de diffuser la totalité de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[197]

Luc Racine

Sociologue, Département de sociologie, Université de Montréal

L’archétype de l'enfant divin
et la symbolique du renouveau
.

Un article publié dans la revue Cahiers internationaux de symbolisme, nos 45-46-47, 1983, pp. 197-228.

Introduction
1. COSMOGONIE ET ENFANCE DU MONDE
2. TOTALITÉ
3. COSMOGONIE, ANTHROPOGONIE ET SYMBOLISME EMBRYOLOGIQUE
4. L’ENFANCE ET LA SYMBOLIQUE DU RENOUVEAU
Bibliographie


Introduction


L'archétype de l'enfant est assez peu étudié jusqu'ici : l'essentiel tient dans quelques travaux (Jung et Kerényi) (1974), Franz (1970), Hillman (1973 et 1978), Hillman et al. (1979)). Mis à part quelques exceptions (Jung et Kerényi (1974) et Hillman (1973 », ces études concernent d'ailleurs plus la figure de l'adolescent ou du jeune homme (puer aeternus) que celle de l'enfant. Et presque toutes s'inspirent directement de la psychologie de C.G. Jung (seul Kerényi fait exception).

Pour donner une description phénoménologique de la symbolique de l'enfant divin, nous avons dû recueillir nos matériaux un peu au hasard, et faire une part assez large aux textes littéraires et poétiques. En histoire des religions, les nombreux faits et remarques parsemés tout au long des travaux de M. Eliade nous ont été d'un secours inestimable.

Nous ne présenterons pas ici toutes les facettes de l'archétype de l'enfant divin. Nous étudierons les liens entre la figure de l'enfant, l'infinité cosmique, la cosmogonie et l'anthropogonie, ces aspects représentant les préliminaires indispensables à l'approche de la valeur de renouveau du symbole de l'enfant. D'autres aspects de l'archétype - androgynie, opposition puer-senex, enfance spirituelle, etc. - seront abordés dans un travail ultérieur.


1. COSMOGONIE
ET ENFANCE DU MONDE

En tant que début et premier temps de la vie humaine, l'enfance peut symboliser tout moment créateur, principiel, auroral, selon un système analogique plus ou moins élaboré. L'enfant engendré au tout début de l'histoire du cosmos, présidant parfois à sa naissance, constitue l'un des aspects les plus importants de l'archétype que nous étudions.

[198]

Dans l'Égypte ancienne, on croyait que le monde avait été créé à partir du « Lotus originel portant le soleil enfant » [1] : Harpocrate, l'enfant solaire, y était représenté assis dans une fleur de lotus [2]. En moyenne Égypte fut élaborée la doctrine dite de l'Ogdoade (huit dieux originels auxquels vint se joindre Ptah), qui raconte comment émergea dans le lac d'Hermopolis le lotus d'où sortit « l'enfant sacro-saint, l'héritier parfait enfanté par l'Ogdoade, semence divine des tout premiers Dieux  antérieurs », « celui qui noua les germes des dieux et des hommes » [3].

Un récit du même genre se retrouve au Tibet, bien que ce soit ici l'oeuf, et non pas le lotus, qui donne naissance à l'enfant originel. Un grand oeuf sort d'abord de l'essence des éléments primordiaux, puis dix-huit autres oeufs viennent du jaune du premier. L'un de ces dix-huit oeufs, celui du milieu, est un oeuf de conque qui se sépare des autres : « À cet oeuf de conque, des membres poussèrent, puis les cinq sens, tout parfait, et il devint un jeune garçon d'une beauté tellement extraordinaire qu'il paraissait exaucer un vœu » [4].

Cette association de l'oeuf et de l'enfant originel existe également en Inde. Dans le Rig-Véda (X, 121), l'Embryon d'Or, le dieu Hiranyagarbha, vole au-dessus des eaux originelles et les féconde pour qu'elles enfantent Agni, le dieu du feu. Dans l'Atharva Véda (X, 7, 28), l'Embryon d'Or est identifié au Pilier cosmique. Dans le Rig-Véda (X, 82, 5), on associe le premier germe reçu par les eaux et l'Artisan universel (Visvakarman). Eliade croit qu'il s'agit là des variantes d'un mythe originel présentant l'Embryon d'Or comme la semence du dieu créateur planant sur les eaux originelles [5]. Comme le remarque le même auteur, dans l'Inde classique l'Embryon d'Or deviendra I'oeuf cosmique engendré par les eaux [6].

L'image de l'enfant proprement dit apparaît avec Nârâyana, le tout divin dans sa manifestation originelle (il est nommé Prajâpati dans les Brâhmanas). Sorti de l'oeuf formé dans les eaux originelles, l'enfant repose sur le dos des bêtes aquatiques et navigue dans le calice des fleurs d'eau. D'après Kerényi, il s'agit là de « l'enfant originel dans la solitude originelle de l'élément origine : l'enfant originel qui est le déploiement de l'oeuf originel, à la façon dont le monde entier l'est aussi » [7]

On retrouve cet enfant décrit par un chant des anciens Arméniens (avant leur christianisation). Au début, le ciel, la terre et la mer tournaient en cercle. Dans la mer, un roseau rouge comme le sang va enfanter : une fumée s'en échappe, une flamme en jaillit. Puis de la flamme sort un enfant de feu : « Et de la flamme sortit un garçon : / il avait du feu pour chevelure, il portait du feu pour barbe, / et ses petits yeux fermés étaient des soleils » [8].

Les images de l'enfant engendré au début du monde par l'oeuf, le lotus, le roseau ou la mer ne sont pas propres à l'Orient. En Finlande, on assiste aussi à la création du monde à partir des eaux, et à la naissance [199] de l'enfant divin à partir de l'oeuf. Nommé Munapojka ou bien Kullervo, cet enfant est celui pour lequel l'océan lui-même ne contient que trois cuillerées d'eau [9], c'est lui que rencontre à l'origine le chaman Vâinämöinen à sa sortie de l'eau [10]. Mais c'est sans doute dans un récit mythologique polynésien que la naissance de l'enfant divin à partir de la mer est le plus clairement explicitée. La mère divine de Maui le met au monde avant terme sur le bord de la mer, l'enveloppant de ses propres cheveux coupés. Plus tard, l'ancêtre divin de Maui le trouve dans les algues et l'enfant fait à sa mère le récit de sa gestation dans les eaux : « ... je fus précipité dans l'écume du ressac. Les algues me formèrent et me donnèrent mon aspect. Les vagues qui se brisent m'enveloppèrent dans le fouillis de varechs et me roulèrent d'un côté sur l'autre ; finalement, les vents qui glissent sur les eaux me portèrent de nouveau à terre, de molles méduses me couvrirent et me protégèrent sur la plage de sable » [11].

La naissance de l'enfant des origines du monde ne fait pas toujours intervenir les images aquatiques, ou l'image de l'oeuf. Dans la tradition juive, par exemple, la création du monde est directement assimilée à la croissance d'un embryon : « Le Très Saint a créé le monde comme un embryon. Tout comme l'embryon croît à partir du nombril, de même Dieu a commencé à créer le monde par le nombril et de là, il s'est répandu dans toutes les directions » [12]. Dans la pensée gnostique, par contre, c'est l'Homme primordial que Dieu engendre comme un enfant dont il s'éprend de la beauté : « Or le Noûs, Père de toutes choses, étant Vie et Lumière, enfanta un Homme semblable à lui, dont il s'éprit comme de son propre enfant, car il était très beau, reproduisant l'image de son Père : car même Dieu, en vérité, s'éprit de sa propre forme, et il lui livra toutes ses oeuvres » [13]. Valentin, pour sa part, identifie le Logos créateur a un enfant nouveau-né, « un petit enfant montant de la matrice » [14].

Dans la plupart des exemples que nous avons vus jusqu'à maintenant, l'enfant divin représente l'une des premières manifestations de la création cosmique, il est l'une des figures des origines du monde sans pour autant en être le créateur. Mais le passage est facile entre les deux représentations et, dans certains cas, la divinité créatrice du monde est figurée par un enfant, comme dans la légende de Saint-Christophe, mise par écrit au 13e siècle par Jacques de Voragine. Une nuit qu'il dort dans sa cabane de passeur, Christophe entend une voix qui Pagelle au dehors : « Christophe, viens et fais-moi traverser le fleuve ! » [15]. Après quelques recherches, le saint, sorti de sa cabane, découvre l'enfant qui l'appelle ainsi. Il le prend alors sur ses épaules et, armé d'un bâton, entreprend le passage du fleuve. Mais l'eau se met à enfler, l'enfant devient de plus en plus lourd et Christophe commence à craindre pour sa vie. Enfin parvenu sur l'autre rive, il s'écrie : « Ah ! mon petit, tu m'as mis en grand danger, et tu as tant pesé sur moi que, si j'avais porté le monde entier, je n'aurais pas eu les épaules plus chargées ! », ce à quoi l'enfant répond : « Ne t'en étonnes pas, Christophe ; car non seulement tu as porté sur tes épaules le monde entier, mais aussi celui qui a créé le monde. je suis en effet le Christ, ton maître... » [16].

[200]

Le motif de l'enfant créateur et architecte des mondes se trouve admirablement illustré par un poète et essayiste québécois contemporain : « à l'écart de la vue / tu brilles / et tu engendres / les soleils / l'un après l'autre / sans fatigue, / sans monotonie, / architecte enfant, ingénieur de 12 ans / rieur / efficace / et souverain » [17]. Ce passage évoque les textes indous que nous avons cités plus haut, en particulier en ce qui concerne le caractère solaire de l'enfant ingénieur des mondes. Le poète revient plusieurs fois sur ce thème et associe souvent l'enfant ingénieur et l'enfant joueur : « l'ingénieur cosmocratique fourre ses grands ongles partout comme un enfant éclabousse tout sur son passage en faisant de la digitalo-peinture » [18]. Et, dans un autre passage, ce sont les extra-terrestres qui se substituent aux divinités habituelles comme créateurs-enfants de l'humanité, qui utilisent les manipulations génétiques à des fins néoténiques : « D'innéité extra-terrestre. Nos grands ancêtres ouraniens - anges, élohim, dieux - nous ont « semé » en ce globe. Eux, ils ne vieillissent pas, ils sont des enfants pour toujours ; ils ne meurent pas. Ils peuvent cela. Ils sont venus, ils ont provoqué, dans une race d'anthropoïdes, l'accident néoténique. Ils nous ont engendré : leur façon de nous avoir ensemencé, c'est d'avoir modifié le « programme »génétique animal » [19]


2. TOTALITÉ

Le lien entre enfance et cosmos ne se fait pas uniquement sur le plan de la cosmogonie, par la figure de l'enfant originel et cosmocrate. L'enfant peut en effet aussi symboliser la totalité du cosmos ou de l'un de ses plans, en représenter la vastitude infinie et les potentialités jamais épuisées.

Dans l'Inde ancienne, cette symbolisation de la totalité cosmique prend un tour vraiment grandiose, comme en témoigne le récit de la rencontre entre Mârkandeya et Narâyana. Mârkandeya, l'ermite éternellement jeune, croit que l'histoire entière est son propre rêve (tandis qu'il n'est en fait lui-même que le rêve de Vishnou, l'être suprême) ; Narâyana, le tout vêtu de jaune, se présente comme un enfant, il est le premier homme cosmique. Le récit de la rencontre se trouve dans le Mârkandeyasamasyâparvan du Mahâbhârata". [20]

Tandis qu'il erre sur l'océan originel, l'ermite arrive près d'un arbre sur lequel repose et joue un petit garçon. Avalé par ce dernier, l'ermite a alors une vision impressionnante de la totalité du monde : « À l'intérieur, dans son ventre, je vois le monde entier, avec ses royaumes et ses villes, avec le Gange et les autres fleuves et la mer, les quatre castes, chacune à son travail, des lions, des tigres et des sangliers, Indra et toutes les cohortes des dieux, les Rudras, les Adityas et les pères, des serpents et des éléphants, - en peu de mots, ce que j'ai vu du monde, je le vis dans son ventre pendant que j'y errais. J'y errai pendant plus de cent ans sans arriver au bout de son corps » [21]. Mârkandeya comprend la leçon : [201] le seconde fois où l'enfant lui offre de l'avaler, il se contente de prendre repos dans un coin solitaire à l'intérieur du corps de Narâyana.

Cette découverte de l'immense au sein du petit constitue une leçon d'humilité où l'enfant divin se présente comme la synthèse du petit garçon et du géant - ogre, ainsi que le fait remarquer Kerényi [22], et n'est as sans évoquer l'image du Christ enfant infiniment lourd sur les épaules du géant Christophe.

En Inde, on connaît une autre leçon d'humilité où l'infinité des temps et des mondes se voit révélée par un enfant divin. Il s'agit d'un récit du Brahmavaivarta Purâna [23]. L'être suprême Vischnou y prend l'apparence d'un enfant pour s'entretenir avec Indra, le roi des dieux. Après avoir vaincu le dragon Vrta, Indra décide de faire améliorer la résidence des dieux. Une fois une année de travail effectuée par l'artisan divin Viçvakarman, Indra n'est toujours pas satisfait. Épuisé, Viçvakarman se plaint à Brahma, le dieu créateur, qui transmet les doléances de l'artisan divin à Vishnou, seul habilité pour faire entendre raison à Indra.

Un peu plus tard, le roi des dieux reçoit dans son palais la visite d'un garçon déguenillé qui, sans révéler son identité véritable, appelle Indra « mon enfant » et lui parle des innombrables rois des dieux qui ont jusqu'alors peuplé les innombrables univers : « Mais qui estimera le nombre des Univers, chacun ayant son Brahma et son Indra ? Au-delà de la plus lointaine vision, au-delà de tout espace imaginable, les univers naissent et s'évanouissent indéfiniment. Comme des vaisseaux légers, ces univers flottent sur l'eau pure et sans fond qui forme le corps de Vishnou. De chaque pore de ce corps, un Univers monte un instant et éclate. Auriez-vous la présomption de les compter ? Croyez-vous pouvoir dénombrer les dieux de tous ces univers - les univers présents et les univers passés ? » [24].

Pendant que le garçon s'adresse en ces termes à Indra, une lignée de fourmis large de deux mètres défilent sur le plancher de la salle du palais où ils se tiennent. En la remarquant, le garçon éclate de rire. À Indra, qui lui demande la raison de cette joie soudaine, il répond : « J'ai vu les fourmis, ô Indra, défilant en une longue parade. Chacune avait été autrefois un Indra. Comme vous, chacune, par la vertu de sa piété, était montée autrefois au rang d'un Roi des dieux. Mais maintenant, après de multiples transmigrations, chacune est redevenue fourmi. Cette armée de fourmis est une armée d'anciens Indras » [25]. Le roi comprend alors la vanité de ses ambitions. Il dédommage généreusement l'architecte et renonce définitivement à agrandir le palais des dieux...

Le rapport entre enfance et totalité s'établit ailleurs sans une telle élaboration mythique. J. Böhme parle ainsi de « l'Enfant amoureux qui réside en toutes choses » [26], donnant un caractère enfantin à l'omniprésence divine. Plus proche de la vision chrétienne du Christ enfant, Silésius et Novalis lui attribuent également une omniprésence dont l'aspect [202] cosmique est évident. Ainsi, chez le premier : « Tu dis que le grand ne peut être dans le petit, qu'on n'enclôt pas le ciel dans le point de la terre. Viens, vois l'Enfant de la Vierge : tu verras au berceau reposer le ciel et la terre, et cent Mondes » [27]. On reconnaît ici le motif de la présence de l'immense dans le petit, que nous avons déjà notée dans la légende de Christophe et dans les exemples indiens. Ce motif est moins sensible chez Novalis, sans que cela affecte la dimension cosmique de l'enfant « Il est toute étoile ; il est le soleil ; / Il est la source éternelle de vie. On voit luire à travers plantes et pierres, / Lumière et mer, son visage d'enfant. / Son enfance est là, dans toutes les choses » [28].

On retrouve cet enfant de la totalité chez d'autres poètes plus récents. Fernando Pessoa parle de « L'Enfant Nouveau qui vit en ma demeure / me donne une main à moi / et l'autre à tout ce qui existe » [29], faisant de l'enfant le guide vers la présence à la totalité des choses et du monde. Et W. Whitman parle, pour sa part, d'un enfant qui devient tout ce qu'il regarde : « Il y avait un enfant qui sortait chaque jour, / Et le premier objet qu'il regardait, il devenait cet objet, / Et cet objet devenait une part de lui pour tout le jour ou une partie du jour, / Ou pour nombre d'années ou d'immenses cycles d'années » [30]. Devenant ce qu'il regarde et regardant tout de qu'il rencontre, l'enfant devient tout : animaux, plantes, gens, etc. : « Tout cela devint une part de cet enfant qui sortait chaque jour, / et qui sort à présent et sortira à jamais chaque jour » [31].


3. COSMOGONIE, ANTHROPOGONIE
ET SYMBOLISME EMBRYOLOGIQUE

« La fréquence des images embryologiques n'est pas sans une signification religieuse profonde. C'est comme si tout le grand drame cosmogonique était interprété en termes de procréation, de grossesse, de vie foetale et de parturition ».
M. Eliade, (1972), p. 51


À la lumière de ce que nous avons déjà vu concernant le rapport entre l'archétype de l'enfant et la cosmogonie, on ne s'étonnera pas de rencontrer divers récits mythiques homologuant la naissance d'un enfant, celle de l'univers et celle de l'humanité, ni de toute la symbolique obstétrique et embryologique que de telles croyances impliquent.

Chez les Osage d'Amérique du Nord, par exemple, la coutume était de faire venir, dès la naissance d'un enfant, « un homme qui a parlé avec les dieux ». Devant le nouveau-né, cet homme se mettait alors à faire le récit de la création du monde et des animaux terrestres. Et le petit était ensuite allaité pour la première fois. Plus tard, pour que l'enfant puisse boire de l'eau, il fallait à nouveau convoquer un tel nomme, qui devait d'abord réciter la création du monde et des animaux tout en ajoutant l'histoire de l'origine de l'eau. Et la même procédure se répétait lorsque l'enfant allait manger des aliments solides pour la première fois, moment [203] avant lequel on reprenait le récit de la création suivi de celui de l'origine des céréales et des autres aliments [32].

Commentant cet exemple, M. Eliade fait remarquer qu'une telle récapitulation de la cosmogonie avait pour but d'introduire rituellement le petit « dans la réalité sacramentelle du monde et de la culture, et, ce faisant, de valider son existence en la proclamant conforme aux paradigmes mythiques » [33]. Pour commencer quelque chose, il faut en savoir l'origine : « En « commençant » à téter, ou à boire de l'eau, ou à manger des aliments solides, l'enfant est projeté rituellement à l'« origine », lorsque le lait, l'eau et les céréales sont apparues pour la première fois » [34]. L'origine de la vie humaine et ses premières étapes importantes sont assimilées symboliquement aux origines des divers plans cosmiques, chaque niveau reprenant et justifiant l'autre.

Ce genre de récit récapitulatif de la cosmogonie se fonde assez souvent sur une imagerie obstétrique. À Hawaï, quand une princesse était enceinte, des bals composaient des chants rituels rattachant sa famille aux dieux, aux chefs divinisés, aux astres et aux étoiles, aux animaux. Les textes étaient ensuite lus par des danseurs et des danseuses qui les récitaient sans arrêt jusqu'à ce que l'enfant naisse. Comme si le développement du futur chef à l'intérieur du sein maternel devait être accompagné d'une récapitulation de la création du monde, de l'humanité, de a tribu et de la famille royale, ces récits utilisaient très nettement l'analogie entre la naissance du monde et celle de l'enfant royal : « De même que l'univers céleste Wakéa brise les chaînes de la nuit et surgit du sein des eaux qui le retenaient prisonnier des ténèbres, de même l'enfant brise l'enveloppe qui le retenait prisonnier dans le sein de sa mère et accède à la lumière, à la vie, au monde de l'entendement » [35].

D'autre part, plusieurs traditions mythiques illustrent le cas d'une anthropogonie chtonienne, où la naissance de l'humanité à partir de la terre est rapprochée de celle de l'enfant qui sort du ventre de sa mère. Selon les Lenni Lenape d'Amérique du Nord [36], le Créateur fit d'abord résider les humains pendant un certain temps dans le ventre de la terre, pour qu'ils s'y développent et mûrissent avant d'émerger à la surface et de jouir de tout ce qui avait été préparé pour eux [37]. Commentant des croyances analogues chez les Zuñi d'Amérique du Nord, M. Eliade note que « l'image de la Terre recouvre parfaitement celle de la Mère et l'anthropogonie est présentée en termes d'ontogénie. La formation de l'embryon et l'enfantement répètent l'acte exemplaire de la naissance de l'humanité, conçue comme une émersion de la plus profonde caverne-matrice chtonienne » [38].

En tel rapprochement entre la gestation de l'enfant et celle de l'humanité est particulièrement développé dans les croyances des aborigènes d'Australie, dans les diverses tribus arandas et chez les Unambals du nord-ouest de l'île. Pour les Arandas, par exemple, il n'y avait sur terre à l'origine que des embryons d'enfants à moitié développés, que [204] l'on trouvait aux futurs emplacements des lacs salés et des points d'eau. Ces embryons ne croissaient ni ne vieillissaient, la vie et la mort n'existant pas encore sur la terre [39]. Il y avait aussi sous terre des êtres surnaturels, non créés, « enfantés par leur propre éternité » dans un sommeil éternel. À leur réveil, émergeant à la surface de la terre, ils prirent des formes multiples : Kangourous, émeus, hommes et femmes parfaits, etc. Ce furent les ancêtres totémiques, ils donnèrent son aspect actuel au centre de l'Australie [40]. Parmi eux, certains furent des héros civilisateurs : « ils découpèrent la masse que constituait alors l'humanité de façon à en dégager des individus, encore à l'état d'embryons ; puis ils coupèrent les ligaments joignant leurs doigts de mains et de pieds et leur ouvrirent les oreilles, les yeux et la bouche » [41]. Chez les Achilpa, un groupe aranda, on rapporte que les deux êtres surnaturels des origines, les Niembakullas, créèrent l'humanité en se servant d'un matrice embryonnaire vivante, cette création étant d'ailleurs représentée par des dessins symboliques sur les tiurungas [42].

Entre les embryons humains des origines et la naissance des enfants actuels, les Arandas établissent un rapport explicite. D'après eux, en effet, l'être humain possède deux âmes. La première, mortelle, prend existence au même moment que l'embryon, à la suite du coït. Le seconde, qui représente une part de la vie de l'ancêtre est reçue d'une manière ou d'une autre par la femme, une fois enceinte [43]. À ce sujet, M. Eliade fait justement remarquer qu'il est possible d'affirmer « que chaque conception reproduit l'activité primordiale des Ancêtres : au commencement, ils trouvèrent une masse amorphe et préhumaine qu'ils transformèrent en de véritables êtres humains ; après la disparition des Ancêtres, des particules de leur « vie » (autrement dit les âmes immortelles) entrent dans l'embryon (déjà animé par les âmes mortelles) et créent véritablement l'homme parfait » [44].

Dans le nord-ouest de l'Australie, chez les Unambals, on retrouve des croyances assez semblables, avec toutefois une association beaucoup plus évidente entre l'embryon, l'enfant et la fertilité. On nomme wondjinas des images anthropomorphes qui, sur les rochers et les parois des cavernes, personnifient la pluie. Après avoir reçu vie de l'un des dieux créateurs (Ungud, le Serpent d'Arc-en-ciel), les wondjinas cheminèrent sur la terre en suscitant des pluies, créant collines et plaines. Puis ils s'étendirent sur des pierres humides, laissant les traces constituées par les premières peintures rupestres. Depuis, ils vivent sous terre, sous les nappes d'eau liées à ces peintures, et ils créent sans cesse de nouveaux « germes d'enfants » [45].

D'après les croyances des Unambals, chaque être humain commence en effet son existence sous la forme d'un « germe d'enfant » (jallala). Son père fait deux rêves. Dans le premier il le trouve et, dans le second, il le fait passer dans sa femme. Le germe constitue une partie d'un wondjina vivant dans un point d'eau et aussi une partie d'Ungud. Prenant forme humaine, le germe est alors dit jajanu, il est la part d'Ungud présente [205] en chacun, la part de son âme provenant du dieu créateur. À la mort, le germe retourne au point d'eau d'où il est venu, et attend une nouvelle incarnation [46].

Dans le nord du Kimberley, de plus, chez les Ungarinyins, on pense que l'homme qui touche une peinture rupestre appartenant à son clan provoque la venue de la pluie et l'incarnation des enfants-esprits (on croit aussi que le fait de peindre des animaux et des végétaux entraîne leur reproduction) [47]. Elkin rapporte que celui qui trouve un enfant-esprit doit aller toucher dans une caverne l'image d'Ungud, et tracer une représentation de l'enfant pour que le Serpent Arc-en-ciel puisse maintenir constante la réserve d'enfants-esprits [48].


4. L’ENFANCE
ET LA SYMBOLIQUE DU RENOUVEAU


« Chaque enfant recommence le monde »
(Thoreau [49])


Nous abordons maintenant l'un des aspects les plus importants de l'archétype de l'enfant, où ce dernier se fait signe annonciateur du renouveau, du retour de l'âge d'or, de la régénération du monde par répétition de la cosmogonie. Nous sommes ici au sein d'un système d'images et de croyances qui, partant de l'analogie entre la création de l'univers, celle de l'humanité et la naissance humaine, considère l'enfant comme provenant de la terre-mère, dont le symbolisme de fertilité et de régénération périodique (cycle saisonnier des récoltes) est bien connu [50]. Ce symbolisme était déjà présent dans certaines croyances anthropogoniques examinées plus haut et il est indispensable de l'étudier d'abord avec quelques détails avant de passer à la symbolique du renouveau liée directement à la figure de l'enfant.

L'enfant et la terre-mère :
fertilité et périodicité végétales


Grâce aux travaux de Dieterich et de Nyberg [51], on sait que la croyance en une provenance tellurique des enfants humains est très répandue : enfants nés des cavernes, des grottes, des fentes, et aussi des eaux terrestres (mares et sources, rivières, etc.) [52]. De plus, l'aspect régénérateur de la terre-mère est particulièrement évident dans certains rituels, comme l'inhumation des cadavres d'enfants. Selon les lois de Manou, par exemple, il était interdit d'incinérer les enfants morts, il fallait les inhumer (ce qui ne valait pas pour les adultes). Chez les Hurons d'Amérique du Nord, les enfants morts étaient enterrés sous le chemin pour qu'ils puissent renaître en se faufilant à l'intérieur des passantes. Chez les Andamans, par contre, ils étaient enterrés dans la hutte, sous le foyer. Dans bien des cas, on donnait à l'enfant une position fœtale pour que la terre le mette de nouveau au monde [53].

Certains sacrifices étaient censés avoir des vertus curatives et régénératrices. Au Groënland, on enterrait vif l'enfant si son père était très [206] malade. En Suède, on a connu un cas où deux enfants furent enterrés vivants lors d'une épidémie de peste. Et les anciens Mayas pratiquaient aussi de tels sacrifices lors des grandes sécheresses [54].

Dans bien des langues, l'association est très étroite entre terre et enfant : ainsi chez les Maori, où le même terme désigne la terre et le placenta [55]. Parfois, enfin, le lieu chtonien d'où viennent les enfants est le même que celui où l'on retourne après la mort : chez les anciens Mexicains, c'était le cas du lieu dit Chicomoztoc, l'« endroit des sept grottes » [56].

Mais si le sacrifice des enfants redonnés à la terre peut parfois assurer la guérison des malades ou la régénération des récoltes en temps de sécheresse, on connaît aussi des cas où la terre peut guérir des enfants malades. Des rites Populaires attestent cette croyance, comme celui où l'on fait passer l'enfant malade par une fente de la terre, à travers un rocher troué ou le creux d'un arbre. Le transfert de la maladie sur la terre peut être vu comme un pseudo-accouchement, et la guérison s'effectuerait alors par une nouvelle naissance [57]. Dans certaines régions, on croit que les petits malades guériraient si on pouvait les enterrer et semer sur eux des graines ayant le temps de germer et de pousser [58].

En plus de porter et de guérir les enfants, la terre les protège, les nourrit et décide souvent de leur destin. C'est à de telles croyances que se rattache en effet la pratique du berceau chtonien, le fait de laisser les petits dormir et se reposer en contact direct avec la terre, ou sur une couche végétale, dans des fosses. Ce type de berceau était connu aussi bien des Australiens et des peuples turco-altaïques que des Incas et d'autres civilisations développées [59]. Dans ce contexte, l'abandon ou l'exposition des enfants signifiera qu'on laisse la terre décider de leur sort (chez les Grecs, par exemple, les enfants abandonnés n'étaient pas tués mais laissés par terre [60]). Le fait d'être ainsi délaissé, de devenir orphelin et de survivre grâce à la protection de la terre et des éléments cosmiques menait souvent à une vie hors du commun, l'enfant qui avait connu ce sort devenant souvent héros, roi ou saint, à l'image de beaucoup de divinités ayant connu elles aussi l'abandon [61].

M. Eliade dégage bien le sens existant entre l'archétype de l'enfant, son abandon à la terre et le destin exceptionnel de l'homme qu'il deviendra. L'aspect dramatique de l'abandon est compensé par « la grandeur mythique de l'« orphelin », de l'enfant primordial, dans son absolu et invulnérable solitude cosmique. L'apparition d'un tel « enfant » coïncide avec un moment auroral : création du Cosmos, création d'un monde nouveau, une nouvelle époque historique (Jam redit et virgo...), une « vie nouvelle » à n'importe quel niveau de la réalité. L'enfant abandonné à la terre-mère, par elle sauvé et élevé, ne peut plus partager le destin commun des hommes, car il répète le moment cosmologique des commencements et pousse au milieu des éléments et non pas au milieu de la famille » [62].

[207]

Ce motif de l'enfant auroral, annonciateur du renouveau ou de la fondation d'un monde, n'est pas indispensablement relié à celui de l'abandon. Car l'enfant peut naître directement de la terre, être orphelin sans avoir pour autant été abandonné. Le cas de l'enfant Tagès, Chez les Etrusques, illustre bien cette situation : il émergea un jour comme par magie d'un sillon qu'on homme était en train de tracer. Ayant l'apparence d'un enfant et la sagesse d'un vieillard (thème du puer-senex), il dicta aux gens assemblés autour de lui l'enseignement sacré des Etrusques [63].

L'enfant des eaux et de la végétation

Il n'y a pas que la terre à entretenir des associations avec l'enfant pris comme symbole de renouvellement périodique et de fertilité. La végétation et les eaux peuvent jouer le même rôle que la terre. L'arbre, par exemple, porte et protège les enfants [64]. On sait que c'est en s'agenouillant sur sol et en se tenant à un palmier sacré que Leto mit au monde Artémis et Apollon et que c'est au pied de l'arbre sâla que MahâMayâ enfanta le Bouddha [65].

Le lien entre l'enfant et la végétation se trouve renforcé dans les pratiques d'emmaillotement et de frottement du nouveau-né à l'aide d'herbes, de paille, de branches vertes, le contact entre ces éléments végétaux et le petit ne pouvant qu'aider ce dernier. Souvent, d'ailleurs, les berceaux archaïques étaient faits de branches et d'épis : comme tous les enfants de la Grèce ancienne, Dionysos fut mis dès sa naissance dans une corbeille servant également à porter les prémices des récoltes. Et, à Sumer, un hymne racontait comment Tammuz fut placé dès sa naissance dans une corbeille servant de même à ramener les céréales des champs. De telles pratiques se retrouvent aussi dans l'Inde moderne et dans quelques autres régions [66].

L'arbre ou la végétation en général peuvent guérir, à l'instar de la terre ou des eaux. L'Arbre de Vie est le modèle de toutes les plantes miraculeuses liées aux idées de guérison et de régénération [67]. En Afrique et au Sindh, par exemple, on guérit l'enfant en le faisant passer entre deux arbres fruitiers, la maladie restant prise dans les arbres. Et, en Scandinavie, ce sont non seulement les enfants mais aussi les adultes qui pouvaient obtenir la santé en passant dans le creux d'un arbre. [68]

L'arbre et l'enfant

Par ses associations multiples avec les symboles de la fertilité, de la régénération, de la mort et de la renaissance périodiques, l'enfant peut devenir l'un des plus importants signes annonciateurs du renouveau.

Un cas qui illustre bien le passage de la symbolique de la fertilité et celle du renouveau, par l'intermédiaire de la figure de l'Arbre de Vie portant un enfant, se trouve dans la légende médiévale concernant le [208] voyage de Seth au Paradis, où l'apparition d'un jeune enfant sur l'Arbre annonce la mort prochaine d'Adam et la venue du Sauveur.

Après avoir vécu près de mille ans, Adam tombe gravement malade et demande à son fils Seth d'aller quérir l'huile de la miséricorde, détenue par l'ange qui garde l'entrée du Paradis terrestre. Une fois parvenu là, Seth fait sa demande à l'ange et se voit répondre de regarder à trois reprises à l'intérieur du Paradis. La première fois, il voit l'Arbre desséché au-dessus des quatre fleuves ; la seconde, il aperçoit le serpent qui s'enroule autour du tronc ; la troisième fois, enfin, l'Arbre s'élève jusqu'au ciel, portant à son sommet un nouveau-né, tandis que ses racines se prolongent jusqu'aux enfers. L'ange explique alors à Seth ce qu'il a vu et lui annonce la venue d'un rédempteur. Puis il lui donne trois grains du fruit de l'arbre auquel avait goûté ses parents, et lui recommande de les mettre dans la bouche d'Adam, qui ainsi mourra trois jours plus tard. À son retour, Adam écoute le récit de son fils et rit pour la première fois depuis son expulsion du Paradis : il comprend que les humains connaîtront le salut [69].

Cette association de l'Arbre de Vie, de la symbolique de la regénération avec celles de l'enfant et du Paradis n'est pas propre au christianisme. On la retrouve à l'autre bout du monde, dans les Indes hollandaises. Un mythe y prophétise que le héros Mansren plantera un arbre qui traversera le ciel puis s'inclinera sur l'île où naquit le héros. Sur le tronc de l'arbre, on verra s'avancer en courant le miraculeux enfant Konor. Son arrivée marquera le retour de l'Age d'Or : les morts reviendront sur la terre, les malades seront guéris, les vieux rajeuniront, il n'y aura plus ni travail ni impôts, mais plutôt abondance généralisée. Selon les plus récentes versions du mythe, l'arrivée de Konor modifiera non seulement les conditions de la vie humaine et de l'organisation sociale, mais aussi la structure du cosmos : tubercules Poussant dans les arbres tandis que les fruits croîtront comme des tubercules, animaux terrestres qui deviendront marins et vice-versa. Tout sera renouvelé par cette radicale inversion et le monde actuel sera détruit pour être remplacé par un nouveau. [70]

Dionysos enfant

On retrouve le culte de Dionysos enfant en Béotie, en Crète et en Grèce [71]. Y sont présents aussi bien la valeur de renouveau de l'enfant divin que le lien avec la fertilité, la terre, le renouvellement périodique et les cycles saisonniers. Mais le plan où se situe le renouveau porte aussi des valeurs sociales et personnelles plus marquées que dans les exemples précédents.

Sur le plan social et cosmique, tout d'abord, il est indéniable que la figure de l'enfant Dionysos symbolise le renouveau. Certains textes orphiques présentent en effet le dieu enfant comme Roi des temps nouveaux que, malgré son jeune âge, Zeus a fait régner sur tous les autres dieux [72]. M. Eliade écrit à ce sujet que « l'épiphanie de l'enfant divin [209] annonce la nouvelle jeunesse de l'Univers », que « les espérances attachées au triomphe de Dionysos, donc à une régénération périodique du monde, impliquent la croyance dans un retour imminent de l'âge d'or » [73]. Au début de l'ère chrétienne, plusieurs personnages historiques se sont attribué, ou se sont vus attribuer, le titre de Nouveau Dionysos [74].

Mais le mythe avait également une valeur de renouveau personnel et spirituel, impliquant tout un scénario de mort et de renaissance. [75] Cela apparaît clairement dans le récit du démembrement de Dionysos-Zagreus [76]. Sous l'instigation de Héra, les Titans attirent l'enfant avec des jouets, le tuent et le coupent en morceaux qu'ils font cuire afin de les manger (seul le coeur est sauvé du massacre et placé en lieu sûr par Athéna Rhéa ou Démèter, selon les variantes). Zeus, informé de ce qui s'est passé, foudroie les Titans [77].

Au sujet de l'épisode où les Titans font littéralement une préparation culinaire de l'enfant massacré, Jeanmaire remarque que la cuisson au chaudron et le passage par le feu sont des rites conférant l'immortalité, et M. Eliade ajoute que le démembrement, la cuisson et le passage au feu font partie des initiations chamaniques ; les Titans, se comportant en maîtres d'initiation, « tuent le novice afin de le faire renaître » à un mode supérieur d'existence » [78]. Ils confèrent à Dionysos divinité et immortalité, deux attributs majeurs de l'archétype de l'enfant.

Bien que les auteurs chrétiens n'offrent pas de témoignage sur la résurrection de Dionysos enfant, on en possède de la part d'auteurs plus anciens. L'épicurien Philomène, contemporain de Cicéron, mentionne en effet les trois naissances du dieu : par sa mère, par la cuisse et lorsque Rhéa rassemble ses membres dépecés par les Titans et lui redonne vie [79].

L'enfant de la IVe Églogue

Un des cas les plus frappants d'enfant pris comme signe du renouveau et du retour de l'âge d'or est celui dont il est question dans la IV' Églogue de Virgile [80]. Le poète en fait nettement le symbole du renouveau périodique lié à la terre et à l'agriculture. Dès le début du texte, le retour imminent de l'Age d'Or est annoncé, avec la venue de l'enfant qui « gouvernera l'univers pacifié par les vertus de son père » [81]. La prédiction de Cumes s'accomplit : « ... voici que recommence le grand ordre des siècles. Déjà revient aussi la Vierge [82], revient le règne de Saturne. Déjà une nouvelle race descend du haut des cieux ». L'enfant divin sera le gage de ce retour : « Cet enfant dont la naissance va clore l'âge de fer et ramener l'Age d'Or dans le monde entier, protège-le seulement, chaste Lucine [83]. (...) Cet enfant aura la vie des dieux ; il verra les héros mêlés aux dieux, ils le verront eux-mêmes parmi eux ». Ainsi, même si sa filiation et sa nature divine ne sont pas précisées, la proximité de l'enfant d'avec les héros et les dieux ne saurait laisser de doute.

À mesure qu'il grandira, on verra un véritable paradis s'instaurer sur terre : « La terre, enfant, féconde sans culture, t'offrira pour prémices [210] les lierres rampants avec le baccar. (...) D'elles-mêmes les chevrettes rapporteront du bercail leurs mamelles gonflées de lait, et les troupeaux ne craindront plus les lions puissants. De lui-même ton berceau se couvrira de fleurs caressantes ; plus de serpents, plus d'herbes au poison trompeur ». [84]

Dès le jeune âge de l'enfant, la nature sera ainsi clémente et fertile sans qu'il soit nécessaire de la travailler. Cette image de fécondité et de fertilité magiques se précise avec l'adolescence de l'enfant, où « on verra la campagne blondir peu à peu sous les moissons ondoyantes, la grappe rougissante pendre aux buissons incultes et les chênes durs distiller une rosée de miel ».

Il restera néanmoins « quelques vestiges de l'ancienne perversité », qui disparaîtront complètement de la terre lorsque l'enfant aura atteint l'âge de l'homme. Le règne d'une nature complètement régénérée sera alors établi : « le passager lui-même renoncera à la mer ; le pin navigateur n'échangera plus les marchandises ; toute terre produira tout. Le sol ne souffrira plus du hoyau, ni la vigne de la faucille, et le robuste laboureur délivrera ses taureaux du joug ».

On comprend aisément que, devant de telles promesses, le Cosmos tout entier aspire à la venue de l'enfant et a sa régénération : « Monte, il en sera temps bientôt, aux honneurs suprêmes, ô fils chéri des dieux, rejeton puissant de Jupiter ! Vois tressaillir de joie et le monde à la masse convexe et les terres et l'immensité de la mer et le ciel profond ; vois comme tout l'univers se réjouit dans l'attente de ce siècle ! ».

L'enfant royal

À l'instar de ce qui se passe dans la IVe Églogue de Virgile, il arrive souvent que la figure de l'enfant pris comme symbole de renouveau soit liée au thème d'un roi dont la venue instaurera un âge de bonheur, de bonté et de justice. On connaît, par exemple, les deux fameuses prophéties d'Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné. L'empire a été placé sur ses épaules ; et on l'appellera merveilleux, conseiller, Dieu, fort, père du siècle à venir, prince de la paix » (IX, 6). Et aussi ces quelques lignes où la signification même d'Emmanuel (« Dieu parmi nous ») rendait facile d'assimiler la prophétie à une annonce de la venue du Christ : « la jeune fille est enceinte / et va enfanter d'un fils qu'elle appellera Emmanuel (VII, 14) [85].

En Iran et en Inde, l'institution même de la royauté rapprochait les images de l'enfant, du roi et du sauveur de la thématique &une régénération périodique de l'univers. Par exemple, à l'approche de sa consécration, le souverain Parthe allait se retirer dans une grotte où ses sujets le vénéraient comme un enfant nouveau-né, d'origine surnaturelle. Tandis que, selon la tradition arménienne, on connaissait une caverne où était enfermé le roi une fois l'an, et dont il ressortait « né à nouveau », identifié à la figure de Mithra (Méher, en arménien) [86].

[211]

En Inde, le sacre du roi impliquait une nouvelle création du Cosmos tout entier. Lors des différentes phases du rituel, on assistait à la régression du futur souverain au stade foetal, à sa gestation durant un an et puis à sa renaissance en tant que cosmocrate identifié à Prajâpati (le dieu du Tout) [87].

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Comme l'illustrent ces scénarios initiatiques de mort et de renaissance périodique, la signification régénératrice de l'enfant n'est pas nécessairement liée de façon directe au cycle agraire et saisonnier. La référence peut se faire directement aux cycles cosmiques, comme dans ce texte de Sri Aurobindo, où le symbole de l'enfant annonce la venue imminente d'un âge nouveau, mettant fin à l'âge des ténèbres [88] : « descendant un escalier rouge Or, tournent / les radieux enfants du Paradis / claironnant la fin des ténèbres » [89]. L'imagerie évoque ici la Fin des Temps chrétiens : anges claironnants, escalier reliant la terre aux cieux. Dans un autre texte, le même auteur utilise des figures solaires et présente la venue des enfants de l'âge nouveau comme annonciatrice de lumière, d'immortalité, de spiritualité incarnée et de joie : « je les ai vus passer le crépuscule d'un âge / Les enfants aux yeux de soleil d'une aube merveilleuse... / Puissants briseurs des barrières du monde... / Architectes de l'immortalité... / Corps resplendissants de la lumière de l'Esprit / Porteurs du mot magique, du feu mystique / Porteurs de la coupe dionysiaque de la joie » [90].

En tant que signe du renouveau cosmique, l'enfant peut aussi être identifié à l'étoile, comme en fait foi une légende sur la nativité du Christ (probablement influencée par le récit iranien de la naissance du Cosmocrate-Rédempteur [91]). L'auteur de l'Opus imperfectum in Matthaeum rapporte en effet que douze Rois Mages, vivant près du Mont des Victoires, connaissaient la révélation que l'ange gardien du Paradis terrestre avait faite à Seth, concernant la venue prochaine du Messie [92]. Chaque année, ces Mages allaient au sommet de la montagne et y priaient trois jours durant en attendant l'apparition de l'Étoile. Celle-ci apparut enfin sous la forme d'un petit enfant qui dit aux Rois Mages de se rendre en Judée. Guidés par l'étoile-enfant, ceux-ci voyagèrent deux ans et, une fois rentrés chez eux, racontèrent à tous le prodige [93].

Les croisades d'enfants

Dans le christianisme, la figure du Christ enfant comme symbole du renouveau et du salut du monde est très présente, bien que l'on n'ait plus ici affaire à une conception d'un renouveau cyclique (l'histoire est sainte et linéaire) [94]. Malgré cela, toutefois, les croisades d'enfants qui surprirent la chrétienté durant l'année 1212 fournissent un exemple éclatant de la valeur de renouveau eschatologique que peut revêtir l'image de l'enfant dans la piété populaire médiévale [95]. En France comme en [212] Allemagne, guidés par des petits que la légende dit thaumaturges et miraculeux, des troupes d'enfants assez considérables prennent leur départ vers la Terre Sainte, dans la stupeur et souvent dans la désapprobation générale. Ils sont sans armes. Là où tous les autres ont échoué, eux pensent réussir [96].

En France, selon l'Anonymus Laudunensis, c'est dans le village de Cloyes, en juin 1212, qu'un petit pâtre nommé Étienne voit le Seigneur lui apparaître sous la forme d'un pauvre pèlerin, qui accepte un peu de pain de la part de l'enfant et lui confie des lettres pour le roi. Plus tard, pendant qu'Étienne se rend auprès du roi avec quelques garçons de son âge, trente mille personnes se rassemblent autour de lui à travers diverses régions du pays [97]. Il s'agit de jeunes pauvres, en général des petits pâtres. Ils sont suivis par des domestiques et des servantes, mariés ou célibataires, par des gens qui délaissent leurs outils, leurs champs ou leurs troupeaux au passage du cortège [98]. L'intention de tous ces gens « était de passer le mer, et, ce que les puissants et les rois n'avaient fait, de reprendre le sépulcre du Christ » [99]. Mais, arrivés auprès du roi, ils ne furent obtenir ni son aide ni son approbation ; les clercs et les laïcs des lieux où ils passaient furent en général assez réticents face à eux [100].

Il semble bien que certains enfants quittèrent la troupe presque dès le début de l'équipée et que, en cours de route, plusieurs autres l'abandonnèrent à cause de la faim et retournèrent chez eux. Albéric des Trois-Fontaines conte qu'après avoir descendu la vallée du Rhône une troupe nombreuse parvint à Marseille, où elle prit entente avec des armateurs pour être conduite sur mer. Deux des sept vaisseaux conduisant les pèlerins s'échouèrent après une tempête sur l'île Saint-Pierre, non loin de la Sardaigne et tous les passagers se noyèrent (quelques années plus tard, le pape Grégoire IX fit bâtir dans l'île une église des Saints-Innocents, où l'on enterra lés corps des enfants rejetés par la mer). Les navires intacts se rendirent jusqu'à Bougie et Alexandrie, où les enfants furent vendus comme esclaves à des marchands et à des chefs sarrazins [101].

En Allemagne, la Croisade se mit en marche à l'été puis à l'hiver de 1212, dans la région de Cologne, et elle eut là aussi pour guide un enfant miraculeux, dont les Annales Scheftlarienses écrivent : « La même année (1212) apparut un enfant du nom de Nicolas qui rassembla autour de lui une multitude d'enfants et de femmes. Il affirmait que, sur l'ordre d'un ange, il devait se rendre avec eux à Jérusalem pour libérer la croix du Seigneur et que la mer, comme autrefois au peuple israélite, leur livrerait passage à pied sec » [102]. C'est de cet enfant que les chroniques génoises racontent 'arrivée, en août 1212, à la tête d'une procession d'enfants [103]. On a en lui la parfaite image de l'enfant-roi, de l'enfant-élu : les croisés sont ses enfants, il est visionnaire et mystique, il marie et baptise [104].

La croisade allemande connut un sort analogue à celui de la croisade française. Au départ, les autorités laïques et religieuses lui sont assez hostiles mais le peuple la soutient largement, fournissant vivres et accueil (il ne faut pas oublier que, comme dans le cas français, la croisade allemande [213] était surtout le fait de pauvres et de domestiques, femmes, enfants, petits bergers) [105]. Mais les réactions populaires vont changer à l'arrivée de la troupe en Italie du Nord : là, les populations sont hostiles, refoulant, asservissant ou dépouillant les petits. Ceux qui réussissent à atteindre Gênes ou Pise ne sont guère plus heureux : à Gênes, par exemple, on les refoule hors de la ville, autant par méfiance envers des enfants germaniques, dont l'empereur est alors en conflit avec l'Église que par crainte que leur affluence ne fasse monter le prix du grain. Et c'est fors que la troupe commence à s'éparpiller. Ceux qui parviennent à se rendre jusqu'à Rome ne reçoivent du pape que des marques de désapprobation. Ils retraversent les Alpes en novembre, on les laisse mourir de froid et de 106 faim sur les routes et les places des villages [106].

Les contemporains n'ont guère compris sur le coup le sens de cette croisade étrange, y voyant la plupart du temps une intervention du diable [107]. La croisade ne fut toutefois pas la seule manifestation de cortèges d'enfants au moyen âge, et c'est en la rapportant à d'autres manifestations collectives de l'enfance à cette époque qu'il est possible d'en entrevoir le sens.

Depuis près d'un siècle avant la croisade s'était développé, en Normandie et ailleurs, le phénomène des enfants pénitents et bâtisseurs. Ceux-ci traînaient avec eux des chariots plein d'outils, de pièces et de mortier pour aider à construire ou à remettre en état certains lieux de culte. Passant une rivière a gué ou à sec, ils s'arrêtaient souvent pour prier et apparaissaient facilement dans l'imagerie populaire comme de nouveaux Hébreux traversant la mer pour se rendre vers la Terre promise. On trouvait souvent parmi eux un enfant miraculeux et thaumaturge : « Enfants bâtisseurs ou enfants croisés, c'est bien, comme le dit Robert de Torigny des pénitents bâtisseurs, « un grand miracle de la foi », et dans cette puissance de l'enfance surgie au service des mythes usés sans doute pour des générations plus vieilles, le signe d'une élection de l'enfance comme la jeunesse sans cesse renouvelée de cette société médiévale et la preuve même du miracle » [108].

D'après Haimon de Saint-Pierre-sur-Dive, ces pénitents de dix à douze ans se flagellaient et invoquaient la Vierge pour les malades, la priant ainsi : « Pourquoi n'avez-vous point d'égard à la dévotion de vos petits Innocents et à leur humilité ? » [109]. Toujours en se flagellant, les enfants faisaient une adresse du même type aux Saints Innocents [110].

Depuis le XIe siècle, le culte des Innnocents, reconnus comme les plus jeunes membres de l'Église, a porté celle-ci à donner une forme bien particulière à la fête des Innocents. Le 28 décembre était le jour des enfants de choeur qui, la veille, avaient élu parmi eux un évêque, revêtu de tous les apparats du titre (étole, mitre, etc.). Après l'avoir sacré, on le promenait en ville au son des cloches et de divers autres instruments. Le jour de la fête, l'évêque des enfants célébrait l'office, la place des chanoines étant alors prise par les enfants de choeur. Au début du XIIIe [214] siècle encore, tel que l'illustrent les Carmina Burana, le prestige de cet évêque enfant demeurait entier [111].

Liée au culte des Saints Innocents, la cérémonie que nous venons de décrire éclaire l'aspect sacrificiel de la Croisade des Enfants : « Les jeunes pénitents de Saint-Pierre-sur-Dive qui montrent le sang de leurs épaules déchirées devant l'autel des Innocents se comparent aux hosties enfantines qui tombèrent sous les coups des soldats d'Hérode. Les Croisades d'enfants portent la marque constante de cette identification » [112]. Quand Grégoire IX élève une chapelle pour les petits croisés péris en mer, il la consacre aux « Nouveaux innocents ». [113] Par leur croisade, les enfants s'offrent comme victimes à l'instar des Innocents de l'Évangile : « Quoi que Dieu veuille faire de nous, nous l'accepterons en toute joie » [114]. Le sacrifice des petits s'effectue pour le salut de la chrétienté, c'est comme s'ils « devaient décider de l'œuvre sainte » [115].

Il y a là très certainement la manifestation aussi d'un véritable messianisme de l'enfance, comme en fait foi la personnalité même des enfants qui guident les troupes. Nicolas, par exemple, porte une croix en tau comme signe de sainteté et de puissance miraculeuse, lui permettant le passage à sec de la mer et la conduite de ses troupes jusqu'à la libération de la ville sainte, où il règnera lors de la défaite de l'Antéchrist [116].

Mais on ne voit pas se révéler dans ces phénomènes seulement le caractère de guide et de rédempteur sacrifié de l'enfant. La symbolisation du renouveau y est également très marquée : « À la veille d'une croisade, la vieillesse du monde se marque par une dégénérescence physique de l'homme. Que parte la Croisade, c'est la jeunesse qui s'accomplit » [117]. On ne doit pas oublier que le phénomène général des Croisades s'inscrit dans le cadre religieux de l'attente du retour du Christ, la libération de la Ville sainte devant préluder à la venue d'un règne millénaire de justice précédant la Fin des Temps [118]. L'échec des croisades précédentes et l'estompement progressif du rêve millénariste mena ainsi à un dernier sursaut où seul les enfants pouvaient assurer le renouvellement du monde chrétien et l'idée même de Croisade : « Ces enfants veulent la victoire, comme ils savent qu'elle ne dépend plus que du miracle, celui de leur croisade même. Jérusalem est tombée par les péchés des grands et des orgueilleux. La reconquête des Lieux Saints ne peut plus être attendue que du miracle - et le miracle ne peut plus se produire qu'en faveur des plus purs, des enfants et des pauvres » [119].

Et il n'est pas sans intérêt de constater que, lors du débat concernant le maintien de l'institution d'un évêque des enfants, Joachim de Flore, qui annonçait l'arrivée imminente sur Terre du règne de l'Esprit, se prononça énergiquement en faveur de ce maintien, tant est forte l'association entre enfance et millénarisme [120]. Comme l'affirmait Pierre de Blois, le salut ne peut plus venir que des pauvres, des simples et des petits, car « les riches ignorent le don de pénitence, la force et le nombre Tés armées ne sont rien devant Dieu. Ce sont les pauvres, les plus faibles, qui auront [215] le royaume de Dieu et la Terre Sainte, les deux Jérusalem, la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste. Déjà, pour secourir son héritage, Dieu ne s'est-il pas servi de valets et même de femmes ? [121] »

C'est dans ce contexte symbolique de renouvellement, de rédemption et d'attente eschatologique que prend son sens le côté sacrificiel de la croisade, l'identification des petits croisés avec les Innocents et l'identification du sacrifice des Innocents avec celui de Jésus. Les enfants imitent le Christ en se sacrifiant pour la chrétienté [122].

On sait que, malgré le sursaut des Pastoureaux un siècle plus tard, cette espérance de renouveau ne fut pas comblée et que le sacrifice fut inutile [123].

Enfance et renouveau chez Novalis

La valeur de renouveau et de rédemption du symbole de l'enfant ne disparaît pas à la fin de la période médiévale. Le thème de l'enfant est par exemple très présent dans la poésie mystique allemande, mais c'est souvent la valeur de rédemption et de salut qui, par le biais de la figure du Christ enfant, l'emporte sur la valeur de renouveau périodique. Dans le Pèlerin Chérubinique, par exemple, Angelus Silésius écrit : « Vois, dans la calme nuit Dieu naît comme un enfant, et voici regagné ce qu'Adam a perdu » [124]. La naissance du Christ enfant annonce la rédemption de la faute d'Adam, la valeur de renouveau n'est qu'implicite.

Chez Novalis, par contre, on retrouve des images où le motif du renouveau périodique, à base de cycles saisonniers, est encore bien présent. Le poète parle en effet de celui qui « contemplait de son oeil prophétique l'Enfant en fleurs, les jours de l'avenir au loin dans la postérité de sa divine race » [125]. On retrouve ici conjointes les figures de l'enfant divin, de l'avenir, de la floraison et de la postérité de l'humain. Ces mêmes thèmes sont aussi liés, mais de manière négative, dans un autre passage où la sortie de l'enfance évoque le défleurissement du paradis et fa fin du monde ancien : « Le monde antique inclinait sur sa fin. Les jardins de délices de la jeune lignée défleurissaient ; - plus haut, cet espace vacant, désert, les hommes qui grandissaient loin de l'esprit d'enfance aspiraient à l'atteindre. Les dieux et leur cortège s'en étaient allés ». [126]

Novalis associe d'ailleurs souvent l'âge d'or à un retour vers la nature et l'état d'enfance. Il affirme, par exemple, que « seul un coeur calme et gonflé de jouissance peut comprendre le monde des plantes, un enfant joyeux, seul, ou un sauvage, peut comprendre les animaux » [127]. Le poète, qui sent les choses comme les enfants, « rend hommage à leur amour et cherche, par ses chants, à transplanter ce germe de l'Age d'Or en d'autres temps et en d'autres lieux » [128], remplaçant les anciens prophètes.

Et, lorsqu'il utilise une imagerie plus chrétienne, Novalis évoque la naissance du Christ comme salut et régénération totale du monde :

[216]

« Ainsi sera livré le saint combat,
Mâtée ainsi la fureur de l'enfer,
Et s'en reviendra l'ancien Paradis
Pour toujours fleurir partout par ici.
La terre entre en vie, et vibre et verdit,
Tout le monde espère, empli par l'Esprit,
Donner au Sauveur l'accueil de l'amour
Et passionnément lui ouvre les bras.
L'hiver faiblit, une nouvelle année
Est là, près de la crèche, au maître-autel,
Et cette année est l'an premier du monde
Selon que vient de l'instaurer l'Enfant » [129]


Comme on peut aisément s'en rendre compte, la venue de l'enfant sauveur est ici clairement associée au renouveau saisonnier et à la fondation d'un âge nouveau. Un autre des Chants religieux aborde d'ailleurs le même sujet, représentant la venue du Christ enfant comme le signe du rajeunissement du monde et le gage d'une vie nouvelle :

« Au loin, à l'est, le jour blanchit,
La nuit des temps se rajeunit ;
Longue et profonde, une gorgée
Aux claires sources irisées !
Voici le vieux désir comblé, sanctifié,
Le doux amour divinement transfiguré.
Sur la terre Il descend enfin
L'Enfant béni de tous les cieux
De nouveau souffle autour du monde
Le vent de vie, inspirateur du Chant
Rassemblant les cendres éparses du passé,
Il les ranime et fait jaillir la flamme neuve.
Partout surgissent des profondeurs
Un sang nouveau, une nouvelle vie » [130]


Enfance et salut chez G. Bernanos

Peu à peu, à l'époque moderne et contemporaine, la valeur de renouveau de l'archétype de l'enfant va perdre toute référence d'ordre cosmologique, toute attache avec les symboles naturels du renouvellement périodique, et même toute référence au sacré. L'enfant va devenir symbole du nouveau, gage de la continuité vers un avenir valorisé positivement. Mais avant d'en venir à quelques exemples de cette symbolique profane, il est intéressant d'examiner comment la figure de l'enfant sauveur se présente chez un écrivain chrétien de notre siècle.

Bernanos ne traite guère de l'enfance du Christ [131]. Pour lui, c'est l'image de la Vierge enfant qui prédomine souvent, image parfaite de [217] l'innocence et illustrant l'infinie miséricorde divine. Un passage du Journal d'un curé de campagne est fort éloquent à cet égard. Lors d'une visite à ses paroissiens, le curé d'Ambricourt se retrouve en pleine campagne, pris d'une attaque aiguë du mal qui finira par l'emporter. Rentrant de sa tournée et comme il se sent de plus en plus malade, il voit l'image de la Vierge enfant, telle que la lui avait présentée auparavant le curé de Torcy, lors d'un entretien [132]. Son délire et sa douleur le font hésiter à parler de vision. Au moment où il sent qu'il va perdre connaissance, il prend l'une des mains de l'enfant. Il s'aperçoit qu'il s'agit d'une main d'enfant pauvre, déjà usée par le travail, et que le visage est d'une tristesse qu'il ne connaît pas, une tristesse sans révolte, toute faite de douceur et d'acceptation : « Elle faisait penser à je ne sais quelle grande nuit douce, infinie » [133].

Puis, reprenant conscience après un long évanouissement, le curé se retrouve près de la maison Dumouchel, où la petite Séraphita a laissé une lanterne près de lui. Puis il voit s'approcher cette petite fille avec laquelle il a déjà eu bien du fil à retordre à cause de sa conscience précoce du mal : « sa maigre petite figure n'était guère moins rusée que d'habitude, mais ce que je remarquai d'abord était un air de gravité douce, un peu solennelle, presque comique » [134]. Tout en admettant qu'elle lui a fait toute sorte d'ennuis au catéchisme parce qu'elle était jalouse, la « petite Samaritaine » lui lave la figure, lui dit de faire attention de ne pas tomber en rentrant chez lui, lui dit de se coucher et déplore qu'il n'ait pas de femme à la maison pour prendre soin de lui [135].

À la fois contrastée et s'attirant l'une l'autre, les images de la Vierge enfant et de la petite Séraphita évoquent plus celle de l'enfant sauveur que celle de l'enfant porteur de renouveau, illustrant bien que renouveau et salut par l'enfant ne s'impliquent pas nécessairement.

Mis à part la figure de la Vierge enfant, on voit ailleurs chez Bernanos les petits investis d'une valeur symbolique rattachée au motif du rachat. Mais ce ne sont pas les enfants qui sauvent ; ce sont plutôt eux qui, en ce monde, sont les plus dignes d'être sauvés. Sur l'album d'une jeune brésilienne, par exemple, Bernanos écrit : « N'oubliez plus désormais que ce monde hideux ne se soutient encore que par la douce complicité - toujours combattue, toujours renaissante - des poètes et des enfants » [136]. Dans la préface aux Grands cimetières sous la lune, il affirme que sa « certitude profonde est que la part du monde encore susceptible de rachat n'appartient qu'aux enfants, aux héros et aux martyrs » [137]. Et, dans Jeanne relapse et sainte, il revient encore sur cette idée : « N'était ce doux scandale de l'enfance, l'avarice et la ruse eussent, en un siècle ou deux, tari la terre » [138].

Le rapport entre l'enfance, le salut et l'eschatologie se fait très net dans certains autres passages. Dans une lettre du 27 mai 1934, Bernanos affirme que, au paradis, nous redeviendrons tous des enfants, il parle du « plus secret des anges, celui qui au jour de la résurrection refera de nous [218] des enfants » [139]. Et, avec plus de précision encore, il écrit dans Nous autres Français, que la vie éternelle est simple, qu'elle commencera avec la fin du règne du diable, et que nous y redeviendrons des enfants ». [140]

Dans tout ce qui précède, l'idée de renouveau est à peine présente de façon explicite. Ce qui l'emporte, c'est le thème du salut final, qui sera assuré grâce à l'infinie miséricorde de Dieu et à la Vierge enfant intercédant en notre faveur auprès de Lui. Les propos affirmant que les petits sont au monde la seule part vraiment digne de rachat constituent une interprétation particulière des affirmations de jésus voulant que les enfants soient très proches du Royaume. Mais l'affirmation voulant qu'après la résurrection nous retrouvions nos corps d'enfants est plus spécifique à Bernanos, liant le salut et le paradis final à un retour vers l'état d'enfance [141].

L'enfant et la pensée moderne :
progrès et espoir d'un avenir meilleur


Il ne saurait évidemment être question d'étudier ici le processus général de laïcisation du symbole de l'enfant dans la pensée occidentale depuis quelques siècles, étude dans laquelle il faudrait accorder sans aucun doute une grande importance à la pédagogisation, à la familialisation et à la scolarisation progressive des petits [142]. Ce qui nous importe ici, ce sont les traces de la valeur de renouveau de l'enfant qu'il est encore possible de retrouver au sein même de ce processus général. L'enfant y devient en effet le symbole et le gage de l'espoir en un avenir meilleur, l'amélioration de sa condition (de manière autoritaire ou libertaire) s'y présente comme condition du progrès.

Chez le poète libanais Khalil Gibran, par exemple, les enfants sont « les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même », ils apparaissent comme symbole de l'avenir et de la continuité de la Vie ; et leurs parents ne doivent pas essayer de les retenir, ni même de les comprendre

« Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas mêmes dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie de va pas en arrière, ni se s'attarde avec hier. » [143]


Pour le philosophe E. Bloch, l'enfance est naturellement liée à une impatiente attente de l'avenir : « Tout enfant déjà nous sommes constamment impatients, attendant de trouver enfin une confirmation à notre attente. Il subsiste dans l'homme quelque chose de cet élan passionné et énigmatique qui le samedi soir nous faisait sursauter à chaque coup de sonnette dehors, comme si c'était enfin le bon. Ainsi partout où commence une vie nouvelle s'ouvre ce questionnement ouvert, cette effervescence, ce dévoilement voilé, qui est généralement l'attente de ce qui est en route. » [144]

[219]

Pour R. Laing, par contre, la naissance de chaque enfant représente la chance de l'espoir, d'un nouveau départ : « Chaque fois qu'un enfant naît apparaît une possibilité de sursis. Chaque enfant est un être neuf, un prophète potentiel, un nouveau prince de l'esprit, une nouvelle étincelle de lumière éclatant dans les ténèbres extérieures. Comment pouvons-nous décréter que cela est sans espoir ? » [145].

Le lien entre l'enfant, le progrès et l'espoir en un avenir meilleur se retrouve aussi chez E. Morin, pour qui le progrès « doit être l'émergence d'un monde enfantin dans la vie adulte » [146]. Et M. McLuhan ajoute que demain, ce seront les enfants qui trouveront des solutions à des problèmes radicalement neufs, que les enfants « chercheront par eux-mêmes des solutions à des problèmes peut-être jamais encore envisagés » [147].

On est loin ici du renouveau périodique, des figures cycliques de la régénération du cosmos. Dans une conception linéaire et positive d'un temps irréversible, qui est celle à la fois du christianisme et de la pensée moderne [148], il est en effet impossible que l'enfant symbolise le retour de quelque chose de meilleur originellement situé dans le passé : l'avenir ne répète pas le passé, l'enfant symbolise le radicalement neuf.

Vers un nouveau messianisme de l'enfance ?

Les quelques exemples que nous venons de donner ne prétendent évidemment pas épuiser la thématique de l'enfance comme valeur de renouveau dans le monde moderne. Mais ils suffisent à indiquer que, malgré l'emprise du processus de laïcisation, malgré aussi l'hégémonie du savoir rationnel et scientifique, la symbolique du (re)nouveau y reste profondément liée à la figure de l'enfant. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'on assiste à l'élaboration d'un nouveau messianisme de l'enfance, à caractère nettement religieux, en une époque où l'ébranlement de l'hégémonie des valeurs de la technique et de la science est lié à une situation de crise généralisée dans presque tous les secteurs de la vie sociale et humaine.

Déjà, dans la première moitié du XXe siècle, Ralph Chubb prédisait la venue imminente du règne de l'Esprit-Saint, déjà prophétisé au XIIe siècle par Joachim de Flore, règne dont l'annonciateur devait être un jeune adolescent : « J'annonce la venue du troisième règne, le règne du Saint-Esprit sur cette terre, sous l'aspect d'un adolescent de treize ans, nu, parfait, immaculé. » [149]

Mais c'est sans nul doute le poète québécois Paul Chamberland qui a récemment développé de la manière la plus riche et systématique la figure messianique de l'Enfant divin, de « l'enfant royal, l'Horus vainqueur qui reçoit en héritage le monde achevé, le Royaume » [150], de « l'Enfant absolu, la figure qui signe électivement le destin de l'humanité » [151].

[220]

Cet Enfant sauveur de l'humanité s'avance sous le signe de la régénération et de la rejuvénation complètes : « Le divin se communique dans la figure du Pubère capable de régénération, « fixé » dans cette aptitude. Le Néotène. Le « fils des philosophes ». Et le Fils de l'Homme » [152]. Il s'agit aussi de l'enfant-père de l'homme, du guide vers le Royaume :

« il est l'Enfant-Père
il donne la communion de son corps
à tous ceux qu'il séduit
il les libère il les guérit
il en fait des Princes dans son Royaume ». [153]


Le salut qu'apporte l'Enfant implique une réconciliation de la chair et de l'esprit : « Esprit et chair s'épouseront, fusionneront à travers le corps éblouissant d'un Enfant qui séduira tout le monde en consacrant dans l'Extase sensuelle intégrale la jouissance souveraine de l'Énergie » [154]. Et, dans cette réconciliation, « le Mystère du Monde s'accomplira dans un Corps d'universelle volupté », le corps nouveau primera nettement : « A la fin, il apparaîtra avec évidence que Dieu possède un corps, et que ce corps est irrésistiblement aimable et désirable, souverainement apte à la jouissance, qu'il est substance de l'Eucharistie véritable. Tous découvriront alors que c'est dans le corps que réside le pouvoir de réaliser la joie et la suprême vérité » [155]

Le stade final de l'humanité en sera un de communauté réalisée, de liberté et d'innocence, de rajeunissement et d'immortalité, de retour au corps glorieux et à l'esprit de l'enfance :

« et tous ne formeront plus que le seul corps glorieux de l'Espèce humaine enfin rendue à la liberté complète, à l'innocence intégrale de l'Enfant

la volonté du corps universel opèrera, à travers chaque corps individuel, le rajeunissement progressif qui doit conduire à l'immortalité et ils auront tous, même les plus âgés, la forme et le dynamisme du corps enfant » [156].

L'Enfant divin se forme à travers les âges successifs du monde, et le caractère cosmique de son apparition ne saurait faire le moindre doute [157]. Mais cet Enfant est également parfait symbole de la totalité cosmique, lui dont l'apparition concilie le masculin et le féminin, le ciel et la terre, le haut et le bas [158]. Son développement équivaut au déploiement de l'Univers et à sa pleine réalisation :

« Tous les boutons de roses de tous les temps quand ils s'ouvrent n'auront jamais annoncé que ce moment-là : l'Oeuf-Terre s'entrouvre pour livrer passage à l'Enfant. Avec une souveraineté tout de suite parfaite, l'Etre nouveau se dégage et paraît. Un corps de gloire, fait de toutes les fréquences lumineuses du spectre. L'œil s'ouvre, et le rayon qu'il émet réunit à lui seul le laser et le velours. Est-il seulement possible d'entendre des paroles dont chaque son peut former le noyau d'une nébuleuse. » [159]

[221]

Les premières paroles que prononce l'Enfant soulignent cette synthèse finale de la totalité cosmique. L'Enfant représente le monde et l'humanité achevés enfin : « D'âge en âge, j'ai prépare ma croissance a travers les corps d'innombrables hommes. J'ai formé chacune de mes cellules dans le coeur de tout vivant livré à l'attraction solaire. Aujourd'hui, j'assiste à ma naissance éternelle » [160]. Vient ensuite un passage où sont reprises les figures et les images de l'enfant-tout :

« Je regarde et je suis ce que je regarde. J'écoute, et je suis ce que j'écoute. Je bouge, et je deviens ce qui bouge avec moi. Je ne me distingue pas de l'Univers qui m'a engendré, j'en suis la synthèse impérissable. » [161]


et de l'enfant-créateur des mondes

« D'un seul mouvement de ma volonté, je fais passer à l'existence tous les êtres que rêve mon désir, et à travers lesquels explose et se répercute ma joie parfaite. Les plus lointaines étoiles s'inscrivent dans la chair de mon cerveau. je respire et les mondes pulsent. J'en fais un chant d'amour pour ma mère l'Univers, dont j'embrasse l'immense corps enfin rendu à son repos » [162].

Cette longue déclaration n'est pas sans évoquer la révélation de K

rishna à Ardjuna, dans la Baghavad-Gîta, et elle se termine par une invitation a chacun pour qu'il réalise en lui-même l'Enfant divin : « À tous les frères de gloire j'ouvre les portes de la création, qu'ils gagnent eux aussi et à jamais leur taille et leurs pouvoirs de dieux » [163].

[226]


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[1] Texte cité par Sauneron et Yoyote (1959), p. 37.

[2] Kerényi (1974), p. 76.

[3] Textes cités par Sauneron et Yoyote (1959), p. 59.

[4] Texte cité par McDonald (1959), p. 428.

[5] Eliade (1976), p. 237.

[6] Eliade (1976), p. 237.

[7] Kerényi (1974), p. 69.

[8] Texte cité par Kerényi (1974), p. 58.

[9] Kerényi (1974), p. 69.

[10] Kerényi (1974), p. 65.

[11] Texte cité par Grey (1921), p. 290. Traduit in Kerényi (1974), p. 75.

[12] Texte cité par Eliade (1965), p. 41.

[13] Poïmandrès d'Hermès Trismégiste, 12. Cité par Jonas (1978), p. 200.

[14] G. Leisegang (1951), p. 200. Hippolyte écrit (Elenchos, VI, 42, 2) : « Valentin prétend qu'ayant vu un enfant nouveau-né, il lui demanda qui il était ; celui-ci lui répondit qu'il était le logos ». On a aussi ces vers de Valentin, rapportés  par Hypppolyte (Elenchos, VI, 36, 7) : « je vois tout mêlé au pneuma dans l'éther, / je vois dans l'esprit tout porté par le pneuma : / la chair suspendue à l'âme, / l'âme emportée par l'air, / l'air suspendu à l'éther, / des fruits sortant de l'abîme, / un petit enfant montant de la matrice ».

[15] Voragine (1913), p. 362.

[16] Voragine (1913), p. 363.

[17] Chamberland (1974), p. 86.

[18] Chamberland (1976), p. 149.

[19] Chamberland (1981a), p. 258.

[20] Je résume d'après Kerényi (1974), pp. 64-65.

[21] Kerényi (1974), p. 65.

[22] Kerényi (1974), p. 65.

[23] Récit résumé et commenté par Zimmer (1946), pp. 3 ss. Je cite la traduction d'Eliade (1952), pp. 77-79.

[24] Eliade (1952), p. 78.

[25] Eliade (1952), p. 78. L'idée voulant que ce soit la figure d'un enfant divin qui permette d'aller au-delà des cycles cosmiques et des éternelles transmigrations de l'âme se retrouve chez Sn Aurobindo : « L'idée d'une éternelle récurrence fait frissonner le mental qui vit retranché dans la minute, l'heure, les années, les siècles, tous les bastions irréels du fini. Mais l'âme forte, consciente de sa substance immortelle et de l'océan inépuisable de ses énergies à jamais vives, est saisie d'un ravissement inconcevable. Elle entend par-derrière le rire d'enfant et l'extase de l'infini » (Aurobindo (1959), p. 105 ; traduit in Satprem (1970), p. 332).

[26] La signature des choses, cité in Chamberland (1981a), p. 37.

[27] Silésius (1946), 111, 29.

[28] Novalis (1975), pp. 173-74 (chant religieux XI).

[29] Pessoa (1960), p. 51.

[30] Whitman (1964), p. 152.

[31] Whitman (1964), p. 155.

[32] Fletcher et Laflesche (1911), p. 116, note a.

[33] Eliade (1963), p. 47.

[34] Eliade (1967), p. 48.

[35] Beckwith (1951), p. 7. Cité in Eliade (1963), pp. 34-35.

[36] Il s'agit d'un groupe Delaware habitant autrefois ce qui est devenu l'état de Pennsylvanie (U.S.A.). Cf. Eliade (1965), p. 119.

[37] Eliade (1965), p. 119.

[38] Eliade (1977), pp. 32-33.

[39] Strehlow (1964), p. 727 ; Eliade (1972), p. 55.

[40] Eliade (1972), pp. 55-56.

[41] Strehlow (1964), p. 728 ; Eliade (1972), p. 56 et 59.

[42] Spencer et Gillen (1927), pp. 307 ss ; Adam (1958), pp. 36 ss ; Eliade (1972), pp. 78-79.

[43] Eliade (1972), pp. 78-79.

[44] Eliade (1972), p. 78.

[45] Eliade (1972), p. 79.

[46] Eliade (1972), pp. 78-79.

[47] Eliade (1972), p. 88.

[48] Elkin (1964), p. 201. On trouve des croyances similaires dans les tribus proches des Ungarinyins : Cf. Petri (1954), pp. 88-89.

[49] Eliade (1971), pp. 186-87.

[50] Sur la théorie des âges cycliques de l'humanité et la rénovation périodique de l'univers, cf. Eliade (1963, 1968, 1969) ; cf. aussi Racine (1983). Sur la terre-mère et le symbolisme de la fertilité, cf. Eliade (1968), chap. V-IX.

[51] Cf. Dieterich (1925) et Nyberg (1931).

[52] Eliade (1965), pp. 119-120.

[53] Eliade (1968), p. 217.

[54] Eliade (1968), p. 217.

[55] Eliade (1968), p. 218.

[56] Eliade (1968), pp. 218-219.

[57] Eliade (1968), p. 218.

[58] Eliade (1968), p. 217.

[59] Eliade (1968), p. 216.

[60] Eliade (1968), p. 216.

[61] Eliade (1969), 216. Cf. aussi Rank (1959). Dans la liste des dieux, demi-dieux ou héros abandonnés peu après leur naissance à la terre, aux eaux ou aux éléments en général, on trouve : a) Zeus, Poséidon, Dionysos, Attis, Persée, Ion, Atalante, Amphion, Zéthos et Oedipe ; b) Romulus et Rémus ; c) Moïse ; d) Massi (chez les Maoris) ; e) Väinämöinen (en Finlande).

[62] Eliade (1968), pp. 216-217.

[63] Cicéron. De div., II, 23, 51 ; Ovide, Met. XV, 553. Cf. Eliade (1978), p. 128 et Kerényi (1974), p. 47.

[64] Eliade (1968), p. 261.

[65] Eliade (1968), p. 261. D'après Eliade (1968, p. 261), il s'agit alors de naissances où c'est l'arbre qui est en fait la vraie mère (ou la terre, ou la végétation, dans d'autres cas analogues).

[66] Eliade (1968), p. 261.

[67] Eliade (1968), p. 249.

[68] Eliade (1968), p. 261-62.

[69] Graf (1925), pp. 59 ss.

[70] Kamma (1952), pp. 148-160 Worsley (1957), pp. 126 ss., pp. 136-37.

[71] Eliade (1976), pp. 382-83.

[72] Cf. fr. orph. 207.

[73] Eliade (1978), p. 274. Sur le culte de Dionysos enfant, cf. Turcan (1966), pp. 394 ss., 405 ss., 433 ss. ; et Costa (1952).

[74] Jeanmaire (1951, p. 416) mentionne Ptolémée XI, le triumvir Antoine, Trajan, Adrien et Antonius.

[75] M. Eliade (1976, p. 383) écrit : « L'enfant divin est, partout dans le monde, chargé d'un symbolisme initiatique révélant le mystère d'une « renaissance » d'ordre mystique ».

[76] Le récit est connu surtout par les témoignages des auteurs chrétiens (Firmicus Maternus, De errore prof. relig. 6 ; Clément d'Alexandrie, Protrept., II, 172 ; 198, 2 ; Arnobe, Adv, Nat., V, 19).

[77] Eliade (1976), pp. 383-84.

[78] Eliade (1976), pp. 385.

[79] Cité par Jeanmaire (1951), p. 382.

[80] On croit généralement que Virgile y faisait allusion au fils d'Asinius Pollion (40), consul avant la victoire définitive d'Octave. Sur l'enfant de la IVe Églogue, cf. Norden (1924), Jeanmaire (1939) et Carcopino (1943).

[81] Je cite d'après l'édition des Bucoliques et des Georgiques établie par M. Rat (Garnier-Flammarion, Paris, 1967, pp. 53-54).

[82] Il s'agit d'Astrée, la justice, la Dikê des anciens Grecs.

[83] Il s'agit d'une déesse présidant aux naissances.

[84] Ce thème de l'âge d'or, conçu comme un temps où la nature bienveillante protège même le plus petit enfant abandonné à elle est assez répandu. On le retrouve par exemple, chez Isaïe CI, 6-8) : « Le loup habite avec l'agneau / la panthère près du chevreau se couche, / veau et lionceau paissent ensemble / sous la conduite d'un petit garçon. / La vache et l'ours lient amitié : / ensemble gîtent leurs petits. / Le lion mange de la paille comme le boeuf. / Le nourrisson s'amuse sur le trou du cobra, / sur le repaire de la vipère / le marmot met la main ».

[85] Sur l'interprétation de cet oracle, cf. Eliade (1976), p. 362.

[86] Widengren (1962), p. 269 ; Eliade (1978), p. 309.

[87] Eliade (1963), p. 54.

[88] Il s'agit du Kali-Yuga, équivalent de l'âge de fer des anciens Grecs.

[89] Aurobindo (1981), p. 55.

[90] Aurobindo (1954) ; p. 389. Traduit in Satprem. (1970), p. 405.

[91] Eliade (1978), p. 386.

[92] Cf. note 69.

[93] Eliade (1978), p. 387.

[94] Racine (1983).

[95] Pour tout ce qui concerne les croisades d'enfants, je suis Alphandéry et Dupront (1959).

[96] Alphandéry et Dupront (1959), pp. 115-118.

[97] Alphandéry et Dupront (1959), p. 118.

[98] Alphandéry et Dupront (1959), p. 119.

[99] Reinier, cité in Alphandéry et Dupront (1959), p. 120.

[100] Alphandéry et Dupront (1959), p. 121.

[101] Alphandéry et Dupront (1959), p. 122.

[102] Alphandéry et Dupront (1959), p. 123.

[103] Alphandéry et Dupront (1959), p. 123.

[104] Le chant de la troupe des petits croisés parle de Nicolas en termes fort caractéristiques :

« Nicolas serviteur du Christ part pour la Terre Sainte.
Avec les Innocents il entrera à Jérusalem.
À pieds secs il marchera sur la mer sans rien craindre.
Il unira chastement jeunes gens et jeunes filles.
En l'honneur de Dieu, il accomplira des choses si grandes
Que retentiront les cris de : Paix ! jubilation ! Louange au Seigneur
Les païens et les perfides, tous seront par lui baptisés.
Tout homme en Jérusalem chantera ce chant.
La paix est aux Chrétiens, Christ va venir.
Il glorifiera ceux qui sont rachetés par le sang.
Il glorifiera ceux qui sont rachetés par le sang.
Tous les enfants de Nicolas, tous il les couronnera »
(cité in Alphandéry et Dupront (1959), p. 125.

[105] Alphandéry et Dupront (1959), pp. 124-125.

[106] Alphandéry et Dupront (1959), p. 127.

[107] Ou encore l'expliquant par l'effet des rythmes saisonniers, les départs d'enfants étant censés se produire de dix ans en dix ans, à l'instar de certaines migrations animales. Cf. Alphandéry et Dupront (1959), p. 129 et 132.

[108] Cité par Alphandéry et Dupront (1959), p. 137.

[109] Cité par Alphandéry et Dupront (1959), p. 137-38.

[110] Alphandéry et Dupront (1959), p. 138.

[111] Alphandéry et Dupront (1959), p. 138-139.

[112] Alphandéry et Dupront (1959), p. 139.

[113] Il y avait d'ailleurs beaucoup d'Innocents au sens liturgique du terme dans la troupe des petits croisés, c'est-à-dire des enfants de choeur. Cf. Alphandéry et Dupront (1959), p. 139.

[114] Cité in Alphandéry et Dupront (1959), p. 141.

[115] Alphandéry et Dupront (1959), p. 142.

[116] Alphandéry et Dupront (1959), p. 143.

[117] Alphandéry et Dupront (1959), p. 144.

[118] Sur le millénarisme au Moyen Age, cf. Colin (1970).

[119] Alphandéry et Dupront (1959), p. 145.

[120] Alphandéry et Dupront (1959), p. 146.

[121] Alphandéry et Dupront (1959), p. 146.

[122] Alphandéry et Dupront (1959), pp. 146-48.

[123] Alphandéry et Dupront (1959), pp. 257-87.

[124] Silésius (1946), III, 8.

[125] Novalis (1975), p. 134.

[126] Novalis (1975), pp. 32-33. Le vieillissement et la fin d'un monde peuvent être aussi évoqués par l'image de l'enfant-vieillard. Au IIIe siècle, St-Cyprien de Carthage écrit à Dimitrianus : « Nous voyons des enfants qui sont déjà tout blancs. Leurs cheveux périssent avant qu'ils soient venus et ils commencent par la vieillesse au lieu de finir par elle. Ainsi toute chose dès à présent se précipite vers la mort, se ressent de l'épuisement général de ce monde » (cité r Lacarrière (1975), p. 26) : Dans la Politique, Platon élabore sur le même reine : les hommes naissent vieux, puis rajeunissent et rentrent dans le ventre de la terre-mère. Platon explique cela par le retrait des dieux : abandonné à lui-même, l'univers tout entier régresse (cf. Lacarrière (1975), p. 26, note 1).

[127] Novalis (1975), p. 69.

[128] Novalis (1975), p. 73.

[129] Novalis (1975), pp. 173-174.

[130] Novalis (1975), p. 153.

[131] Mais cela lui arrive parfois. Et il établit alors le lien entre enfance et rédemption. Ainsi, les paroles du Christ en croix, accomplissant le rachat de l'humanité, sont des paroles d'une simplicité enfantine : « Même sur la Croix, accomplissant dans l'angoisse la perfection de sa Sainte Humanité, Notre-Seigneur ne s'affirme pas victime de l'injustice : Non sciunt quod facient. Paroles intelligibles aux plus petits, paroles qu'on voudrait dire enfantines » (Bernanos (1936), p. 312).

[132] Bernanos (1936), p. 232.

[133] Bernanos (1936), p. 234.

[134] Bernanos (1936), p. 237.

[135] Bernanos (1936), p. 237.

[136] Cité par Balthazar (1956), p. 284.

[137] Bernanos (1938), p. 9.

[138] Bernanos (1934), pp. 10-11.

[139] Cité par Balthazar (1956), p. 288.

[140] Bernanos (1939), pp. 39-40.

[141] On retrouve parfois chez Bernanos le lien entre enfance et renouveau périodique. M. Ouine, par exemple, qui est aussi loin de Dieu et de l'enfance qu'il est possible de l'imaginer, déteste le temps de l'enfance et de l'espérance « dont il ne reste pas une miette chaque soir, et qui se retrouve mystérieusement chaque matin » (Bernanos (1946), p. 286.

[142] Sur l'enfant dans le monde moderne, cf. Boas (1966), Racine (1982) et Stoffer (1964). Cf. aussi Ariès (1973), pour l'Ancien Régime.

[143] Gibran (1967), pp. 19-20.

[144] Cité in Chamberland (1981a), p. 244.

[145] Cité in Chamberland (1974), p. 202.

[146] Cité in Chamberland (1974), p. 279.

[147] Cité in Chamberland (1974), p. 146.

[148] Cf. Racine (1983).

[149] L'Évangile éternel de J. de Flore a été partiellement traduit par E. Aegerter (Rieder, Paris, 1928, t. II). Je cite Chubb d'après King (1974), p. 222.

[150] Chamberland (1981b), p. 163.

[151] Chamberland (1981b), p. 164.

[152] Chamberland (1981b), p. 102.

[153] Chamberland (1976), p. 127.

[154] Chamberland (1976), p. 228.

[155] Chamberland (1976), p. 228.

[156] Chamberland (1976), p. 228.

[157] « En l'an du Taureau, le chaos assoiffé se souleva des ténèbres et put jouir enfin du grand bain d'énergie. Il désira et il but. En l'an du Bélier, les roues de l'univers s'ébranlèrent pour donner naissance au feu, au verbe-sperme. En l'an des Poissons, la mère émit l'eau de régénération pour que naquit l'embryon divin. En l'an du Verseau, la lumière - Kali – pénètre la matière et libère l'enfant divin de son limon natal » (Chamberland (1974), p. 131.).

[158] « L'androgyne permutateur des mondes réconcilie le ciel et la terre, le haut et le bas » (Camberland (1974), p. 131).

[159] Chamberland (1974), p. 128.

[160] Chamberland (1974), p. 129.

[161] Chamberland (1974), p. 129.

[162] Chamberland (1974), p. 129.

[163] Chamberland (1974), p. 129.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 novembre 2012 14:11
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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