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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Laurence Pourchez, “La réinterprétation réunionnaise des apports de la biomédecine dans le domaine de la naissance et de la petite enfance.” Un texte publié dans l'ouvrage Santé, société et cultures à la Réunion. Anthropologie médicale, psychiatrie. Textes coordonnés par Jean Benoist, pp. 75-90. AMADES-CERSOI-ARERP. Paris: Karthala, 2001, 150 pp. [Autorisation accordée par l'auteure le 28 juin 2010 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[75]

Laurence Pourchez

La réinterprétation réunionnaise
des apports de la biomédecine
dans le domaine de la naissance
et de la petite enfance
.”

Un texte publié dans l'ouvrage Santé, société et cultures à la Réunion. Anthropologie médicale, psychiatrie. Textes coordonnés par Jean Benoist, pp. 75-90. AMADES-CERSOI-ARERP. Paris : Karthala, 2001, 150 pp.



Cet article a pour objectif de tenter d'identifier et d'analyser les mécanismes à l'œuvre à l'île de La Réunion, dans le (ou les) processus de réinterprétation des apports de la biomédecine dans le domaine de la naissance et de la petite enfance. Dans cette île de l'océan Indien, département français depuis 1946, la présence de représentants de la « médecine savante » est à la fois ancienne et particulièrement récente. Ancienne, car des médecins et des sages-femmes jurées [1] sont signalés à La Réunion depuis le début du peuplement (Barassin 1989 : 141), récente car les quarante dernières années ont été le théâtre de bouleversements importants dans le domaine sanitaire et social avec une « explosion » du nombre des praticiens qui officient dans l'île. Nous allons donc tenter d'étudier les modifications qui se sont opérées dans les représentations et les pratiques familiales depuis l'entrée de la médecine dite moderne dans les foyers. Notre approche, qui postule que l'arrivée d'un système exogène ne détruit pas nécessairement le système préexistant, nous amènera à examiner la manière dont les femmes ont réinterprété les apports extérieurs et les ont intégrés à l'ensemble de leurs représentations. Elle se fera en deux temps : il s'agira tout d'abord de retracer brièvement les pratiques « tradition­nelles » [2] réunionnaises, [76] puis de chercher, au travers de quelques exemples précis empruntés à des données collectées auprès de jeunes femmes (20-40 ans), à expliciter les mécanismes en oeuvre dans la constitution de nouvelles croyances, de modifications des pratiques et des représentations qui sont la conséquence des apports biomédicaux des vingt ou trente dernières années. Nous nous démarquons en cela [3] de l'hypothèse de L. Boltanski (1976) selon laquelle les croyances et représentations de la médecine populaire sont un héritage de la médecine savante du ou des siècles passés. Il apparaît en effet que Boltanski omet, dans son analyse, de tenir compte des aspects contemporains des pratiques, des dynamiques en cours qui ne peuvent entrer dans son schéma théorique.


Contexte historique

Une présence à la fois ancienne...

L'historien J. Barassin (1989), note qu'au début du XVIIIe siècle, les sages-femmes sont inscrites à Saint-Denis dans un registre paroissial avec la mention « obstetrix probata ». Ainsi, Nicole Coulon et Jeanne Arnoult sont déléguées d'office pour examiner une jeune fille impliquée dans une affaire criminelle et désignées comme « femmes sages » et expérimentées [4]. Le rôle des sages-femmes était alors essentiellement d'empêcher les avortements et les infanticides qui étaient, semble-t-il, assez nombreux [5].

La première formation officielle de sages-femmes date de 1904, date de création de la maternité coloniale. Mais cette maternité terrorisait, on n'y allait que par nécessité absolue [6]. Dans les années 1930, le docteur Raymond Vergès, alors directeur de la santé, met en place une seconde formation, du type « médecins aux pieds nus », destinée à pourvoir en sages-femmes les endroits les plus isolés de l'île. Néanmoins, l'île a souffert, jusque dans les années 1970, d'un [77] manque de médecins et de professionnels de la santé, et la période grossesse-naissance-petite enfance est demeurée, jusqu'à cette décennie qui a vu le début de l'accouchement massif des femmes en maternité, une affaire essentiellement familiale à laquelle était associée la matrone de l'îlet [7], la « femme qui aide », et, en dernier recours, le médecin. Mais les femmes lui préféraient les matrones ; elles ne lui faisaient pas toujours confiance. On ne l'appelait que pour décider de l'envoi de la parturiente à l'hôpital quand l'accouchement se passait mal, ou le plus tard possible. Les accès aux îlets étaient difficiles, il n'y avait pas de route.

... et récente

En l'espace de quarante ans, le paysage sanitaire et social de l'île s'est trouvé profondément bouleversé. Rappelons quelques chiffres :

- Alors que quarante médecins étaient présents sur l'île il y a trente ans, on en dénombre environ 1400 en 1998 - généralistes et spécialistes confondus.

- Les sages-femmes, qui étaient 60 pour l'ensemble de l'île en 1948, sont à l'heure actuelle 155, dont 23 en secteur libéral (Rabouille 1996).

- En 1946 (année de la départementalisation), l'île comptait 242 000 ha. Elle en compte aujourd'hui plus de 600 000 [8].

- En 1947, la mortalité infantile était de 144 %o, elle est descendue à un peu moins de 7%.

- L'indice de fécondité, qui était d'environ 7 enfants par femme en 1965 est à présent proche de 2,4 (Lopez 1995). Car il y a trente ans, les familles de 14 voire 16 enfants n'étaient pas rares...

Jusqu'aux années 1970, le médecin arrivait souvent pour couper le cordon [9], l'accouchement ayant déjà été pratiqué par la matrone, « femme-sage » qui était alors, outre la parturiente, le personnage central de la naissance. C'est également elle qui transmettait les traditions rituelles et thérapeutiques. Ce contexte a commencé à se transformer à l'entour des années 1960 quand, conséquence des modification du contexte sanitaire et social de l'île, l'importance du rôle des sages-femmes s'est accru. Ces bouleversements se sont intensifiés au cours de la décennie suivante avec la systématisation des accouchements en milieu hospitalier, le suivi médical de la grossesse, la préparation à l'accouchement, la mise en place des consultations de PMI.

[78]

Mais revenons aux pratiques traditionnelles afin de mettre en évidence la base, la logique sur laquelle s'appuient les réinterprétations produites par les jeunes femmes.


Les pratiques traditionnelles

Un système traditionnel de précautions,
d'interdits symboliques et alimentaires


Le temps qui entoure la naissance était, et reste, une période extrêmement ritualisée, au cours de laquelle dominent des précautions et de nombreux interdits, liés à des conduites, à des rituels. Ce système traditionnel présente d'importantes interconnexions entre les pratiques familiales et thérapeutiques, la sorcellerie. L'objectif principal des usages familiaux est généralement de protéger la mère et l'enfant, d'un point de vue à la fois physique, par la régulation thermique du corps de la mère et de l'enfant, et spirituel (se garder des risques de possession par des âmes errantes ou des mauvais esprits).

Nos informatrices rapportent que, pendant la grossesse, le sang des règles n'évacue plus la chaleur du corps de la mère. Il convient donc de la « rafraîchir » au moyen de tisanes, de lui « nettoyer le sang », un corps trop chaud étant porteur d'un sang épais, nécessairement vecteur d'impuretés à l'action négative sur le développement et la santé à venir de l'enfant.

« Rafraîchir »

La future mère va donc, pendant le temps de sa grossesse, être amenée à absorber diverses tisanes dont la fonction sera de lui « nettoyer le sang », de la purifier. Un rapport s'établit alors selon les oppositions suivantes, l'idéal étant l'équilibre entre les deux pôles :

sang liquide

sang épais

frais

chaud

pureté

état d'impureté

il faut « réchauffer »

il faut « rafraîchir »


Les plantes (regroupées sous le terme générique de zerba) sont le plus souvent infusées, soit seules, soit sous forme de komplikasion, préparation composée qui réunit diverses plantes, généralement en nombre impair ou multiple de trois, nombre à la fonction bénéfique, réputé augmenter le pouvoir des préparations. De très nombreux végétaux sont utilisés. Parmi les plus employées, citons : [79] les stigmates du maïs (barb maïs) [10], les racines raquettes (rasin rakèt) [11], sorte de cactus, le col-col (kol-kol) [12], herbe que l'on trouve au bord des chemins dont les graines s'accrochent aux vêtements, les herbes à bouc (zèrb a bouk) [13], le lingue café (ling kafé) [14], sorte d'arbuste aux baies comestibles (Clémence, 60 ans, recommande de l'utiliser à raison de trois feuilles mises à infuser dans de l'eau bouillante), le bois de maman (bwa de momon) [15] qu'il faut consommer avec prudence en début de grossesse en raison de ses propriétés abortives, le bois cassant (bwa kasan) [16]. Certaines plantes, comme la liane d'olive (liait doliv) [17] possèdent une double fonction : nettoyer le sang de la mère, traiter préventivement l'enfant contre le tanbav [18], accélérer son développement intra-utérin (en termes de poids).

À ces pratiques dont l'objectif est de maintenir l'équilibre thermique du corps de la mère et, par prolongement, celui du corps de l'enfant [19], s'ajoutent divers interdits alimentaires :

INTERDITS

CONSÉQUENCES POUR L’ENFANT

Ne pas consommer de citron,

ils provoqueraient des contractions et l'enfant naîtrait avec la peau fripée.

Ne pas manger de crabe ou de crustacés (crevettes, chevaquines [20]),

l'enfant aurait à la naissance une peau rouge et abîmée, qui, deux ou trois jours après la naissance, commencerait à peler. Risque de gratel [21].

[80]

Ne pas manger de brèd sonj [22],

l'enfant aura la peau rugueuse et fripée, de la gratèl.

Ne pas manger de zourit [23],

même raison que précédemment.

Ne pas manger d'aubergines
(brinzèl),

la peau de l'enfant serait rouge et fripée.

Ne pas manger de margoz [24],

la peau de l'enfant aurait l'aspect du margoz, elle serait granuleuse.

Ne pas manger de piment,

risque « d'échauffement » du corps de la mère, l'enfant risque de naître couvert de gratèl.

Ne pas manger de gingembre,

l'enfant risquerait de naître avec des doigts ou des orteils surnuméraires.

Ne pas manger de brèd [25] en général, de brèd shoushou [26] en particulier,

à la naissance, l'enfant risque d'avoir la colique.

Ne pas manger de civet de canard,

l'enfant serait victime de diarrhées.


Outre l'évidente importance de l'aspect esthétique de l'enfant, de la contagion par magie sympathique qui s'opère entre l'aliment prohibé et le risque encouru (si la mère consomme des crustacés, l'enfant aura la peau rouge et fripée), une continuité semble exister entre la nécessité de la régulation thermique du corps de la mère et les risques encourus par l'enfant en cas de rupture, par la génitrice, de l'interdit alimentaire. En effet, l'étiologie de la gratèl, souvent invoquée, la définit comme la conséquence d'une impureté intérieure, d'un sang trop épais. Les aliments prohibés sont donc ceux qui risquent, soit de transmettre leurs propriétés à l'enfant, soit de « l'échauffer ».

Ce premier axe de cohérence étant dégagé, penchons nous sur la seconde des clés d'analyse des pratiques de la grossesse : la nécessité de protéger la mère et l'enfant, par des précautions de type préventives visant à permettre un bon déroulement de l'accouchement, à les garder des attaques maléfiques, des mauvais esprits et des âmes errantes.

[81]

Protéger la mère et l'enfant

Divers interdits ont été répertoriés dans un tableau

Interdits

Conséquences sur l'enfant

Ne pas s'asseoir sur le seuil de la porte,

l'enfant naîtrait avec le cordon ombilical en bretelle.

Ne pas laisser un enfant faire le tour d'une femme enceinte,

le foetus risquerait de s'étrangler avec le cordon ombilical.

Ne laisser personne enjamber une femme enceinte,

l'enfant pourrait venir au monde prématurément ou avec le cordon ombilical en bretelle.

Ne pas s'asseoir sur le « moulin maïs » [27],

l'enfant ne sortirait pas (cet interdit a tendance à tomber en désuétude en raison de la disparition des « moulins maïs »). le bébé ne grossirait pas.

Ne pas s'asseoir sur la table,

le bébé ne grossirait pas.

Ne pas se faire soigner les dents,

ça « porterait » sur le bébé.

Ne pas sortir après six heures du soir et en cas de rupture d'interdit, entrer dans la maison à reculons,

l'enfant risquerait d'être « pris » par une mauvaise âme.

Ne pas regarder de spectacles effrayants,

les images « marquent » l'enfant.

Éviter toute fatigue, toute contrariété,

risque de fausse couche, de malformation de l'enfant.

Ne pas passer sous certains arbres, manguiers et tamarins notamment,

les mauvaises âmes prendraient l'enfant, le feraient naître fou ou malformé.

Ne pas retourner le pilon dans le kalou [28],

l'enfant viendrait au monde prématurément.

Ne pas s'asseoir sur la pierre la plus proche du foyer (touk [29] en créole),

la femme attraperait des « clous » et l'enfant naîtrait avec la gratelle.

[82]

Interdits également valables pour le géniteur de l'enfant

Ne pas entrer dans un cimetière,

une âme errante pourrait prendre possession du corps de l'enfant.

Ne pas assister à un enterrement ou à une veillée mortuaire,

l'âme du défunt pourrait voler le corps de l'enfant.


Ces divers interdits mettent en évidence plusieurs points : il y a d'une part, réapparition du danger d'un déséquilibre thermique : celle qui attrape des klou [30] parce qu'elle s'est assise près du foyer a accumulé la chaleur de son corps plus celle du feu. De son sang, devenu trop épais, proviennent les klou, étiologie classique des maladies de peau en général, des boutons et éruptions en particulier. Le soucis des femmes de se protéger d'un mauvais accouchement se dégage également des interdits (faire attention à ce que l'enfant ne reste pas bloqué, à ce qu'il naisse à terme - le pilon retourné risque, par analogie, de provoquer un accouchement prématuré). Troisième point important, l'enfant. Il est fragile, il ne faut pas l'exposer aux mauvais esprits (après six heures, sous un arbre), il faut lui permettre de se développer normalement. Le rôle du père apparaît également : il est, même si sa part est moindre, associé aux interdits prénataux, présence qui se confirme dans les descriptions que font nos informatrices de l'accouchement traditionnel, et qui, nous le verrons, apparaît (ou réapparaît dans l'accouchement « moderne »).

À cette logique de la grossesse répondait, jusqu'à ce que les femmes accouchent de manière massive en maternité, celle de l'accouchement à domicile.

L'accouchement à la caz [31]

Les acteurs

Jusqu'au début du dernier quart de siècle, les accouchements étaient pratiqués à domicile par des matrones, femmes d'expérience choisies en raison de leur sérieux, de leur âge et souvent du nombre de leurs enfants (une importante progéniture semble avoir été au nombre des critères de choix). Ces femmes, gardiennes d'un savoir rituel et thérapeutique, étaient généralement secondées par une « femme-qui-aide », par la mère ou la belle-mère de la parturiente, par le géniteur de l'enfant qui avait un rôle de soutient (au sens propre car il était fréquemment amené à supporter le corps de sa femme lorsque celle-ci accouchait assise). Le père, qui évitait souvent d'assister à l'expulsion de l'enfant (en raison des interdits liés à la vision du sang lochial) aidait également à la préparation de l'accouchement, amenait l'eau, le linge, pourvoyait à la nourriture des autres [83] enfants, à celle des femmes présentes dans le cas d'un accouchement long et difficile. Ces présences physiques étaient complétées par une présence spirituelle, par des prières, divers procédés magico-religieux destinés à hâter et à faciliter l'accouchement.

Pratiques magico-religieuses et tisanes

Des ceintures bénies étaient utilisées, commandées dans la région parisienne et diffusées par les Frères spiritains [32]. S'y ajoutaient l'utilisation de garanti, petits sachets contenant une prière, souvent une prière de la Sainte-Croix, à Sainte Marguerite ou Sainte Vivienne (ce qui explique la fréquence, dans une tranche d'âge donnée - naissances antérieures à 1970 - de certains prénoms dans la population), ainsi que la consommation de tisanes destinées à accélérer et à renforcer les contractions (on peut noter l'utilisation massive du jus de citron à cette fin). Puis, la logique thérapeutique d'équilibre thermique, l'importance de la purification reprenaient leur place.

Après la naissance

Purifications pour la mère et l'enfant

Il convenait avant tout, une fois le placenta enterré, d'évacuer le sang lochial vicié de la mère (fané le san). Cette opération était facilitée par l'absorption de rhum accompagné de sel, de tisanes parfois à base de romarin [33], destinées à accélérer l'expulsion du sang par des contractions. Le bébé était quant à lui (mais cette pratique perdure) débarrassé du méconium présent dans ses intestins au moyen de la tisan tanbav, préparation qui, bien que possédant certaines variations de famille à famille, comprenait généralement les mêmes ingrédients : « cœurs de pêche » [34], ayapana [35], huile Planiol ou ricin, « petite fleur bleuette » [36], « lanis » [37].

[84]

Rétablir l'équilibre thermique

Le temps qui suivait la naissance était celui du rétablissement de l'équilibre thermique de la mère, dont l'accouchement avait provoqué la rupture par une perte de chaleur, de l'enfant qui, coupé de sa mère et considéré comme inachevé, ne pouvait réguler seul la température de son corps. Il convenait donc de « chauffer » la mère et l'enfant. Une réclusion de quelques jours suivait la naissance, de dix à quinze jours suivant les témoignages. La mère et l'enfant étaient confinés dans la chambre, à l'abri de l'air et de la lumière, tous deux protégés du froid par de la layette, un bonnet pour l'enfant, des vêtements chauds, de grosses chaussettes de laine pour la mère. Si la mère allaitait son enfant, un système d'interdits et de précautions se mettait en place, du même type que celui présent lors de la grossesse [38] comprenant des aliments prohibés, tels que chou, margoze, piment, épices en général, ainsi que d'autres aliments prescrits (lentilles de Cilaos, morue, « bâtons mouroung [39] si possible cuisinés avec de la morue).

Les objectifs

Divers objectifs présidaient alors au développement de l'enfant. Une priorité était donnée au « durcissement » du nouveau-né et une attention particulière était portée à ses membres, afin de favoriser la marche, par des bains, diverses pratiques magico-religieuses telles que l'immersion dans l'eau de la Vierge Noire située à La Rivière des Pluies, haut lieu religieux de l'île, à sa fontanelle, dont la fermeture était importante (les mères laissaient comme en France il y a quelques décennies - Loux 1978 -, une couche de crasse sur la fontanelle afin de la protéger, de hâter sa fermeture). Le « durcissement » de l'enfant était également lié à la sortie des dents, qui, dans les représentations populaires, préfiguraient la marche. En outre, un enfant gras était valorisant pour ses parents et certaines familles donnaient très tôt à l'enfant du riz écrasé, du pain trempé dans du lait (les panades européennes) quand les familles étaient aisées - le pain était rare -, des crèmes concoctées à base d'arrow-root (rourout) [40] dont le rôle était également de « rafraîchir » l'enfant, de nettoyer son sang.

Ce système traditionnel d'actes et de représentations s'est trouvé perturbé par l'arrivée massive de la médecine dite moderne dans les foyers. Aussi, examinons à présent la manière dont s'effectue le passage entre pratiques traditionnelles et biomédicales, les mécanismes à l'œuvre dans l'introduction des données [85] nouvelles, principalement véhiculées par les médecins, généralistes et pédiatres, les sages-femmes, les puéricultrices des maternités, mais aussi les livres, les médias, au travers de quelques exemples de réinterprétation de ces apports.


Quelques exemples de réinterprétation

Quand le schéma logique initial n'est pas contrarié

Pendant la grossesse : la mère et l'enfant

L'une des avancées majeures des dernières décennies a été le suivi médical de la grossesse, par les divers contrôles du bon déroulement de la gestation, par les analyses sanguines. Ce rapport au sang, au soucis de le purifier (même si le sens donné au terme purifier diffère du sens réunionnais), s'intègre parfaitement au schéma préexistant et les femmes interprètent les résultats d'analyse selon la représentation classique sang liquide/sang épais. Si les analyses sont normales, c'est que tout va bien, que le sang est liquide, exempt d'impuretés. Mais en cas de taux d'albumine ou de triglycérides trop élevé, il est épais, donc « sale ». Le système des rafraîchissants se met alors rapidement en place et les femmes consomment, en fonction du problème identifié, de la tisane à base de « barbe maïs » (pour le gonfman [41]), d'« herbe à bouc » ou d'autres « rafraîchissants ».

Cette réinterprétation « immédiate » peut également s'opérer dans le système des interdits. Nous avons ainsi noté chez les femmes les plus jeunes l'interdit suivant : il ne faut pas, lorsque l'on est enceinte, s'asseoir sur une table, l'accouchement serait difficile et nécessiterait une césarienne. Le rapport entre la table sur laquelle il ne faut pas s'asseoir et la table d'opération, donc la césarienne, est ici évident et le rapport métaphorique correspond au schéma logique traditionnel.

La même intégration de données issues des conseils des professionnels de la santé se retrouve au travers des précautions alimentaires et thérapeutiques. Ainsi, au souci traditionnel de fortifier l'enfant in utero par des tisanes ou divers aliments comme le bœuf qui rend fort (quand cette viande n'est pas proscrite pour raison religieuse), la patte du kari poulet qui donne la beauté, viennent s'ajouter la consommation intensive, par des jeunes femmes aux revenus plus que modestes, de jus de fruits vitaminés achetés en pharmacie, afin que le bébé soit en bonne santé. Ce soucis préventif se retrouve également dans l'intégration d'apports biomédicaux dans les tisanes elles-mêmes. En effet, certaines absorbent, à partir du sixième mois de leur grossesse, une tisane à base de « barbe maïs » et de lactose afin d'empêcher que l'enfant ne souffre de jaunisse (ictère) à la naissance Or, selon le témoignage d'Henrietta, 83 ans, ancienne sage-femme [86] l'ictère était, il y a une trentaine d'années, soigné dans les maternités au moyen de lactose. Les femmes ont interprété cette utilisation et l'ont intégré à leur représentation thérapeutique : l'enfant est jaune, c'est qu'il est trop « chaud », que son sang est trop épais. Il faut donc, afin de prévenir l'ictère, que la femme enceinte absorbe un « rafraîchissant », la « barbe maïs », associé à un remède préventif, le lactose.

Ces nouvelles données s'intègrent puis coexistent avec les précautions initiales car elles ne modifient pas le schéma logique, la cohérence du système. Elles peuvent également venir renforcer une représentation existante.

Renforcement d'une représentation déjà présente :
l'exemple de l'échographie


Les témoignages des aînées prêtent une vie physique à l'enfant à partir du moment où il est formé, globalement à partir du troisième mois de gestation, quand il se manifeste au travers des envies et des dégoûts. La vie spirituelle ne commencera, quant à elle, qu'après le baptême, les deux représentations n'étant apparemment pas incompatibles. L'échographie vient renforcer la première opinion, montre l'enfant qui vit, qui bouge (à plus forte raison quand les praticiens offrent aux jeunes femmes la cassette vidéo de leur échographie sur laquelle elles peuvent voir leur enfant évoluer in utero). Cette image de l'enfant influence également la représentation que se font certaines jeunes femmes de l'avortement qui leur apparaît criminel dès lors qu'il est pratiqué sur un foetus formé (dans le cas d'interruptions de grossesse pour raison thérapeutique par exemple). Cet apport récent de l'image semble influencer les opinions quant à l'avortement.

De plus, une sacralisation de l'image s'opère à partir des photographies ou des cassettes vidéo : on ne les montre pas à n'importe qui, une mauvaise utilisation pourrait en être faite... Cette attitude renforce une représentation apparemment assez récente mais bien implantée dans la population quant au danger de l'image en général, de la photographie en particulier, susceptible d'être utilisée dans les pratiques sorcellaires, liée à des interdits (ne pas photographier une femme enceinte, ça risquerait de « porter » sur le bébé, ne surtout pas photographier un bébé qui est né avec le cordon ombilical en bretelle avant qu'une cérémonie conjuratoire ait pu avoir lieu, l'oncle maternel de l'enfant pourrait mourir [42]).

Mais d'autres mécanismes sont à l'œuvre comme, dans le cas du rôle attribué au père, celui lié à la réappropriation d'un espace donné.

[87]

Un mécanisme de réappropriation d'un espace donné :
le rôle du père dans le processus de la naissance


Lors de la création des maternités et à partir du moment où le schéma de l'accouchement traditionnel s'est trouvé perturbé, les pères ont « disparu » de la naissance.

Alors que les aînés rapportent l'importance de leur rôle à la naissance, des comportements de couvade caractérisée, les pères appartenant à la tranche d'âge qui a connu les premiers accouchements à la maternité (ceux qui ont environ une cinquantaine d'années) semblent n'être intervenus, lors de la venue au monde de leur enfant, que de manière beaucoup plus restreinte, voire pas du tout. Ils étaient à ce moment, exclus du processus de la naissance, comme l'étaient au milieu du siècle leurs homologues métropolitains, condamnés, pour cause de risque microbien, à griller cigarette sur cigarette dans le couloir, exclus des manuels de puériculture (Delaisi de Parseval et Lallemand 1980 : 49-68), comme si la naissance d'un enfant était exclusivement une affaire féminine.

Or l'on assiste, depuis une quinzaine d'années, à une tentative parfois maladroite de réintroduire le père dans les maternités (après l'en avoir chassé...). Maladroite, car, en demandant aux pères d'assister à la naissance de leur enfant, on les place souvent face à l'expulsion de l'enfant, face au sang... Or, quand on connaît les risques et les interdits liés au sang lochial... les réactions parfois vives de certains jeunes pères s'expliquent. Parallèlement, cette tentative de « réintroduction »du père semble avoir déclenché d'autres phénomènes. Alors que les phénomènes de couvade semblent ne pas apparaître chez les pères qui avaient été exclus de la naissance, ils sont fréquents, voire systématiques chez les plus jeunes, qui présentent, outre les phénomènes recensés chez les aînés, mal aux dents (plus encore lorsqu'il s'agit du premier enfant, d'un « primipère »selon la belle formule de Delaisi de Parseval (1981), mal aux reins, tâche sur le front, symptômes vécus sur un mode presque rituel, en termes de rite de passage, des phénomènes qui pourraient relever de ce que Delaisi de Parseval (1981 : 79) nomme la « couvade psychosomatique ». Nous avons en effet relevé chez un père des vergetures (qui disparaissent après l'accouchement), chez un autre une prise de poids importante (qui s'annule après la naissance de l'enfant), plusieurs cas « d'envies » paternelles, dont un grain de letchi sur la fesse d'un petit garçon car son père avait eu une « envie » de ce fruit quand sa femme était enceinte, l'envie n'avait pas été satisfaite et s'était imprimée par contagion sur le corps de l'enfant, à l'endroit du corps où le père avait posé la main.

Ce saut d'une génération dans les pratiques de couvade nous semble être le symptôme d'une réinterprétation des données exogènes (la réintroduction du père dans les maternités, les cours d'accouchement sans douleur) sur la base d'une réappropriation d'un espace perdu pendant plusieurs décennies.

[88]

Les pères reviennent à la maternité. Et les grands-mères, et les pratiques traditionnelles ? Ont-elles pour autant disparu ? Penchons nous à présent sur les aménagements qui s'opèrent dans les conduites traditionnelles, sur la manière dont les femmes et les anciens usages « investissent » l'espace médical.

Les aménagements du nouveau contexte
créé par l'accouchement en maternité


L'observation des pratiques féminines en maternité, les discussions avec les jeunes femmes et leurs mères, montrent que les pratiques traditionnelles perdurent, qu'elles sont juste « passées en souterrain », qu'elles se sont faites discrètes. Les mères, qui parfois assistent à l'accouchement de leur fille, apportent toujours du citron pour accélérer les contractions (il est facile de l'administrer en l'absence de la sage-femme...), des petits flacons de tisane de romarin (dans le sac) ou de gingembre pour « réchauffer » la jeune femme après l'accouchement. Les petits biberons de « tisane tanbav » sont dissimulés et administrés au bébé à la maternité (quoique certaines craignent les réactions du personnel médical et ne le fassent qu'à leur retour à la maison) car il est, en principe, préférable de traiter le bébé dès la naissance, avant qu'il n'ait bu du lait. Un jeu se joue également du point de vue de l'aération des pièces : les mères sont parfois choquées du fait que, dans les maternités, les fenêtres restent ouvertes, chose inconcevable dans un contexte traditionnel et domestique, car l'enfant, à la naissance, n'est pas considéré comme « thermiquement stable »et il risque de se « refroidir ». Un étonnant ballet s'amorce alors entre le personnel médical qui entre dans la pièce, trouve l'atmosphère étouffante, ouvre les fenêtres, découvre les bébés, et les mères (et les grands-mères) qui se hâtent, dès que l'aide-soignante ou la puéricultrice est sortie de la pièce, de fermer soigneusement les fenêtres, de tirer les rideaux, de recouvrir l'enfant, le spectacle se prolongeant bien souvent pendant cinq jours, jusqu'au retour à la maison de la mère et du nouveau-né.

Nous avons, jusqu'alors détaillé différents mécanismes qui se mettent en place lorsque les données extérieures peuvent s'intégrer au modèle préexistant. Mais dans certains cas, l'incompatibilité est totale. Il nous a alors semblé que, soit l'apport biomédical était purement et simplement rejeté (au moins au début), soit il s'intégrait sous une forme particulière, totalement inverse de la représentation traditionnelle.

Les compensations par rupture d'interdit

Notre démonstration s'appuie ici sur les soins liés à la tête. Selon l'ancienne représentation, également présente en Europe (Loux et Motel 1976), la couche de crasse, présente sur la fontanelle, protégeait l'enfant. Il ne fallait en aucun cas l'éliminer car la fontanelle (fontèn en créole) aurait pu ne pas se refermer, voire se percer. Les conseils donnés par les médecins d'enlever [89] systématiquement cette pellicule, désorientent les femmes et nous notons, chez les mères les plus jeunes, la représentation suivante : il faut absolument enlever les petites croûtes de la tête du nouveau-né faute de quoi sa tête va pourrir (« li sa gagn in pourisman »), et sa fontanelle ne se refermera pas. Nous assistons ici à un retournement complet de la croyance. Tout se passe comme si, en deux générations et afin de calmer l'angoisse provoquée par la rupture d'interdit, les femmes avaient procédé à une sorte de compensation en termes de croyance. Ce phénomène d'inversion s'observe dans d'autres pratiques généralement liées au corps, à la toilette de la mère et de l'enfant.


Conclusion

Ces quelques exemples ont tenté de mettre au jour quelques-uns des mécanismes à l'oeuvre dans les processus de transformation des pratiques familiales. Pour l'instant, il semble que malgré l'intégration de données nouvelles la logique inhérente au système ne varie que peu ou pas, qu'elle soit toujours basée sur un principe qui privilégie le rôle, la recherche d'un équilibre entre le chaud et le froid, le pur et l'impur, le liquide et l'épais (le liquide étant plutôt assimilé au froid alors que l'épais relève du chaud), fondements des pratiques familiales qui sont à la base des représentations et des conduites thérapeutiques. Quand les apports extérieurs sont par trop éloignés des pratiques premières, ils sont soit rejetés, soit intégrés après ce que l'on pourrait nommer un « retournement »de représentation, comme si cela procédait d'une rupture d'interdit.

Mais les transformations sont rapides, les influences multiples, davantage, peut-être, dans les Bas que dans les Hauts, avec un rôle important des médias, des journaux, des ouvrages de vulgarisation, des modes (nous nous retrouvons à nouveau dans L'art d'accommoder les bébés), et rien ne permet d'affirmer que ces mécanismes ne vont pas, eux-aussi, s'adapter petit à petit à la « modernité ».


Références bibliographiques

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[90]

 

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1980 L'art d'accommoder les bébés. Paris, Seuil.

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1996 De la pénurie sanitaire à la médecine de pointe, Le Quotidien, 15 mars 1996.



[1] Jurés car inscrits et recensés dans les registres paroissiaux.

[2] L'emploi du ternie « traditionnel », comme nous en convenions récemment avec P. Cohen, est discutable dans le contexte réunionnais, que ce soit dans le domaine de l'alimentation (voir à ce sujet Cohen 1993) ou dans celui de l'anthropologie médicale. Il ne nous semble cependant pas qu'un autre mot puisse être choisi, qui rende Compte de la spécificité de la situation réunionnaise, d'une société dont la « tradition » s'est constituée sur la base d'apports de diverses origines. A. Babadzan résout le problème, pour le contexte polynésien, en différenciant les Traditions, « vision du monde déterminée par l'interaction de principes et de catégories ; elle s'exprime et s'affirme dans des pratiques qui mettent en jeu, donnent à penser, commentent ou recombinent les catégories et les principes transcendants qui la constituent. Ces pratiques sont effectivement en rapport avec la Tradition, lui sont nécessaires et conditionnent en partie sa reproduction et sa permanence. » (1984 : 310), des traditions, apparition de pratiques nouvelles qui perdurent dans le temps.

[3] Mais d'autres l'on fait avant moi (cf. Loux et Morel 1976).

[4] Le terme créole fam-saj désigne la sage-femme, mais plus souvent la matrone, femme elle aussi sage et expérimentée. Peut-être est-ce là l'origine du vocable réunionnais.

[5] Quatorze jugements pour infanticide entre 1827 et 1880, deux procès pour avortement... et des témoignages innombrables.

[6] Les femmes étaient effrayées car, dans la maternité coloniale, les placentas étaient brûlés. Or, la tradition voulait que le placenta reste dans un endroit humide, faute de quoi celle qui venait d'accoucher allait, elle aussi, se dessécher...

[7] Terme créole qui désigne le hameau.

[8] 597 828 ha au recensement de 1990 (cf. INSEE 1994-95 : 46).

[9] Cette donnée, récurrente dans nos entretiens, est du reste tout à fait intéressante. Tout se passe ici comme si le médecin était investi d'un rôle rituel, celui, en quelque sorte, de pratiquer une première mise au monde sociale.

[10] Barb maïs : Zea mays. Les noms scientifiques des plantes proviennent essentiellement de Lavergne 1990. Les noms de plantes sont écrits en créole basilectal et suivi de leur appellation scientifique.

[11] Rasin rakèt : Hylocereus undatus (cactaceae).

[12] Kol-kol : également nommé gérivit, Siegesbeckia orientalis (Asteraceae).

[13] Zerb a bouk : Ageratum conyzoïdes (Asteraceae).

[14] Ling kafé : Mussaenda arcuata Poiret (Rubiaceae).

[15] Bwa de momon : Maillardia borbonica Duchartre (Moraceae).

[16] Bwa kasan : Psathura borbonica J.F. Gmelin (Rubiaceae).

[17] Lian doliv : Secamone volubilis (Lam.) Marais (Asclepiadaceae).

[18] Maladie du nouveau-né, culture-bound syndrome. Voir notre article à paraître dans Sciences Sociales et Santé, Tanbav, sens et étiologie d'une maladie infantile à l'île de La Réunion.

[19] Le terme de prolongement est en fait particulièrement approprié car les représentations émiques du lien mère-enfant accordent une grande importance au cordon ombilical, au sang qui passe de la mère à l'enfant.

[20] Petites crevettes des rivières des Hauts de l'île.

[21] Le mot gratèl peut être analysé en termes de culture-bound syndrome, au sens de Yap (1967), Classification of the culture-bound reactive syndromes, Australian and New Zealand Journal of Psychiatry, I, cité par J. Benoist et O. Sturzenegger 1995 : 73. La définition de ce terme et son étiologie mériteraient un article à part entière. Il désigne généralement l'ensemble des affections cutanées se manifestant par la peau qui pèle, qui gratte, qui devient rouge.

[22] Feuilles de taro (Colacasia) consommées en fricassée.

[23] Zourit : poulpe (Octopus).

[24] Margoz : Momordica balsamina, de la famille des cucurbitacées, légume à peau granuleuse, qui présente de nombreuses aspérités. Le margoz est consommé en salade ou en achards.

[25] Le terme de brèd est utilisé de manière générique pour toutes les sortes de feuilles comestibles (généralement préparées et cuisinées avec de l'ail, de l'oignon, du gingembre, parfois de la tomate).

[26] Brèd shoushou : feuilles de la liane de « chayote », Sechium edule.

[27] Moulin composé de deux épais disques de pierre, qui servait à moudre le maïs. Les grains étaient versés dans le trou situé au centre des disques, puis écrasés entre les deux blocs de pierre.

[28] Mortier.

[29] Du malgache, toko, qui désigne les pierres qui forment le foyer.

[30] Furoncles.

[31] Maison.

[32] Cette donnée est confirmée par le père L. Rigollet, curé de la paroisse de la Rivière des Pluies.

[33] Romarin : Rosmarinus officinalis (Lamiaceae).

[34] « Cœurs de pêche », Kèr d'pesh : ce sont essentiellement les feuilles qui sont utilisées et non pas le noyau de la pêche (toxique), le mot kèr désigne les bourgeons terminaux.

[35] Ayapana, iapana : Eupatorium triplinerve (Asteraceae).

[36] Huile Planiol, luile Planiol du nom de la première marque d'huile d'olive importée à La Réunion ; ricin, tantan ou luile tantan : Ricinus communis ou palmachristi, l'huile achetée toute prête est le plus souvent utilisée mais elle est parfois tirée des graines. Les feuilles semblent également servir dans certains cas, notamment pour des cataplasmes ; « petite fleur bleuette », tit flèr bléèt : aussi appelée zépi-blé, Sachytarpheta, aux fleurs d'un bleu intense.

[37] Lanis : Faeniculum vulgare (Apiaceae).

[38] Il nous est impossible de détailler ici l'ensemble de ces précautions qui seront développées dans une publication ultérieure.

[39] Mouroung ; arbuste originaire de l'Inde dont les brèd (petites feuilles en forme de médailles) et les gousses (baton mouroung) sont comestibles, Moringa pterygosperma.

[40] Rourout : Arrow-root, Maranta arundinacea.

[41] Les œdèmes, considérés comme la conséquence d'un sang trop épais.

[42] Nous ne pouvons malheureusement pas développer ici cet interdit, présent sur l'ensemble du continuum de la population (en termes de pratiques religieuses), prohibition particulièrement intéressante car elle met en scène l'importance de l'oncle maternel. Nous y reviendrons dans une publication ultérieure.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 5 janvier 2013 16:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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