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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Laurence Pourchez, “Adoption et fosterage à la Réunion : du souci de préserver les équilibres sociaux”. Un texte publié dans De l'adoption. Des pratiques de filiation différentes. Textes réunis par Isabelle Leblic, pp. 29-47. Clermont-Ferrand: Les Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, 340 pp. Collection Anthropologie. [Autorisation accordée par l'auteure le 28 juin 2008 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[29]

Laurence Pourchez

Adoption et fosterage à la Réunion :
du souci de préserver les équilibres sociaux
”.

Un texte publié dans De l'adoption. Des pratiques de filiation différentes. Textes réunis par Isabelle Leblic, pp. 29-47. Clermont-Ferrand : Les Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, 340 pp. Collection Anthropologie.


Les conduites relevant d'une circulation des enfants sont attestées dans la plupart des aires géographiques. Elles sont pratiquées selon des motivations familiales et des finalités variables d'une société à l'autre. Leur ancienneté à l'île de La Réunion est confirmée par l'écrivain et folkloriste Daniel Honoré qui, commentant le proverbe créole Papa nana bonpé ! Momon nana in sèl (« On peut avoir de nombreux pères ! Mais on n'a qu'une seule mère »), écrit :

N'oublions pas que dans notre société, un enfant peut avoir plusieurs familles : il peut grandir chez ses grands-parents, chez ses parrain et marraine. Il peut même grandir chez des étrangers qui deviennent ses vrais parents... (Honoré, 1992 : 222).

Dans ce département français de l'océan Indien, les "génitrices" ne sont donc pas toujours les "éducatrices" [1]. Toujours en usage à La Réunion, le placement temporaire ou définitif d'un rejeton par ses parents biologiques a néanmoins tendance à se raréfier et, depuis les années 1970, la circulation des enfants s'effectue (au moins officiellement) dans le cadre institutionnel de la DASS (Direction de l'action sanitaire et sociale).

Mon intention est ici de détailler, dans le contexte réunionnais, quelques-unes des raisons susceptibles de justifier le don irrévocable ou provisoire d'un ou de plusieurs membres d'une même fratrie par leurs géniteurs. Puis, je tenterai de dégager la logique sous-jacente aux différents cas étudiés.

Les conduites familiales liées à l'adoption sont, à La Réunion, difficilement quantifiables. Elles n'ont jusqu'à présent fait l'objet d'aucune étude. Il n'existe ni statistiques précises, ni données quantitatives officielles relatives à cette question. Cependant, la circulation des enfants s'est, dès le début de mon enquête de terrain (voir Pourchez, 2002) et [30] ]durant les cinq années de cette recherche, imposée comme une composante fondamentale de la vie familiale réunionnaise. Nombreux sont ceux qui, parmi mes interlocuteurs et interlocutrices, déclaraient avoir été éduqués par d'autres personnes que leurs géniteurs, sans que jamais la raison de ce placement n'ait été évoquée devant eux. La circulation des enfants m'est apparue comme un phénomène de grande ampleur : quasiment chaque unité domestique visitée pouvait citer l'exemple d'un don d'enfant au sein de la parenté. De ces placements, certains apparaissaient transitoires, du type fosterage, alors que d'autres étaient définitifs, parfois officialisés. Plusieurs cas de figures se sont présentés : placement temporaire ou définitif chez la grand-mère maternelle, au domicile des parents spirituels (souvent suite au décès de l'un des géniteurs de l'enfant et au remariage de l'ascendant survivant), placement résultant d'un choix de l'enfant, envoi du petit auprès des membres d'une fratrie moins nombreuse - souvent chez une sœur de la mère -, fosterage ou don d'un membre de la fratrie à une parente demeurée inféconde.

Cet article est bâti autour de témoignages représentatifs des situations évoquées précédemment. Je tenterai tout d'abord à partir de matériaux recueillis sur le terrain, de dégager les divers objectifs sous-jacents aux placements évoqués :

- compensation de la perte d'une fille partie vivre chez son époux, dans le cas des enfants confiés à leur grand-mère maternelle,

- choix dans la relation de parenté quand un enfant décide de vivre chez sa grand-mère ou ses parents spirituels,

- évitement de l'abus sexuel dans le cas de ceux qui sont éloignés après le remariage du géniteur survivant,

- rééquilibrage social entre couples pourvus d'une progéniture et couples sans enfants par la prévention de jalousies éventuelles, donc par l'évitement d'attaques sorcellaires.

Puis, j'aborderai les formes actuelles de circulation des enfants (placements en familles d'accueil effectués par les services sociaux) et montrerai dans quelle mesure elles Peuvent être envisagées comme des réinterprétations de conduites culturelles préexistantes. Il s'agira enfin, à partir de l'émergence de ces objectifs et de leur mise en réseau, de mettre en évidence les logiques et cohérences associées aux transferts d'enfants.

[31]

MOTIVATIONS FAMILIALES ET FINALITÉS

Les motivations et les finalités du placement d'un enfant hors de sa famille biologique apparaissent changeantes selon que l'on se situe d'un point de vue émique (discours des familles) ou étique (discours du chercheur). Le point de vue émique, rarement évoqué dans les écrits, est souvent restitué par rapport à la coutume, à une obligation dont on ne connaîtrait pas la raison, même lorsque celle-ci est vécue comme un déchirement (Jeudy-Ballini, 1998 : 24). Parfois, c'est le choix de l'enfant lui-même qui est invoqué.

Pour les chercheurs, il s'agit de rechercher le lien présent entre les logiques de l'adoption et la structure sociale elle-même. Françoise Lauwaert (1992) interprète, dans la Chine classique, l'adoption du garçon par rapport à la nécessité de prolonger le lignage. Suzanne Lallemand quant à elle, pose l'hypothèse d'une circulation des enfants qui pourrait ne pas être, hors des sociétés occidentales, motivée dans le cadre exclusif de "carences, de dysfonctionnements familiaux ostensibles (donner des parents à un orphelin, donner un descendant à des couples sans progéniture)" selon un processus vu "comme un palliatif, un faux-semblant, une feinte de consanguinité" (1994 : 8). L'adoption et le fosterage pourraient, toujours selon Suzanne Lallemand, être examinés en fonction de logiques liées à l'alliance ou à des facteurs d'ordre économique, comme la rétrocession du premier-né à ses grands-parents maternels, compensation matérielle du départ de l'épouse. Dans ce cas, comme le rappelle Agnès Fine, les géniteurs de l'enfant "ne disposent en ce domaine, que d'une liberté relative. Ils sont soumis aux contraintes de leur propre parenté, à qui les coutumes donnent une sorte de pouvoir sur leur progéniture" (1998 : 3). Enfin, Bernard Saladin d'Anglure envisage l'adoption, non en fonction des objectifs ou des motivations des familles, mais par rapport à son rôle au sein de la société. Il situe la circulation des enfants au cœur des phénomènes sociaux :

[l'adoption] devrait être perçue comme un lieu d'articulation et de chevauchement des unités domestiques et des générations, dans l'espace et dans le temps ; comme un élément clé de la structure sociale, au même titre que les transferts de biens (partage du gibier) et les transferts de conjoints (échanges rituels ou privés). (1998 : 128)

La fonction première de l'adoption serait alors de resserrer le lien social.

[32]

CIRCULATION DES ENFANTS
ET PARENTÉ  SPIRITUELLE


À La Réunion, une corrélation apparaît, à un premier niveau, entre placement familial et parenté spirituelle. Plusieurs interlocuteurs et interlocutrices déclarent avoir été confiés de manière temporaire ou définitive à leurs parrain ou marraine. Yolaine (36 ans), aînée d'une fratrie de neuf enfants, a été élevée de manière exclusive par sa marraine (qui est également sa grand-mère maternelle), de l'âge de 2 ans - du sevrage – à son mariage, intervenu alors qu'elle avait 17 ans. Jean (45 ans) a vécu toute son enfance avec son parrain (frère aîné de sa génitrice), avant de retourner, à l'âge de 16 ans et après le mariage de deux frères aînés, auprès de ses parents biologiques. La parenté spirituelle semble, dans ces divers cas et tant aux dires des adoptés que de ceux des parents biologiques ou des personnes chez qui les enfants ont été placés, avoir constitué un facteur déterminant dans le choix des éducateurs. Quelles sont les raisons de cette importance accordée aux parents spirituels ? Qui sont-ils ?

Un premier élément de réponse est certainement à rechercher dans l'histoire religieuse de l'île : en effet, la religion catholique s'est, dès les débuts du peuplement de ce qui était alors nommée île Bourbon, imposée comme la religion officielle et obligatoire. Chaque enfant, libre ou esclave, devait être baptisé et inscrit sur les registres paroissiaux. L'espérance de vie était alors limitée pour les tout-petits, mais également pour leurs géniteurs. Les mères qui mouraient en couche étaient nombreuses. Il s'agissait donc de choisir un parrain et une marraine équivalents spirituels et suppléants possibles des parents biologiques. Mais d'autres facteurs étaient également pris en compte, comme la nécessité de consolider les liens familiaux.

B.D. Paul (1942, cité par Fine, 1994 : 31), premier anthropologue à avoir étudié le compérage latino-américain, considère deux formes possibles de cette institution, un compérage "intensif", quand les parrains choisis dans la parenté ont un rôle de renforcement des relations familiales existantes ; un compérage "extensif" dont l'objectif est de créer de nouvelles relations sociales, au-delà de la parenté. Agnès Fine ajoute à cette dichotomie la distinction entre le "compérage horizontal", qui s'opère lorsque les deux compères sont issus du même groupe social et le "compérage vertical" lorsque le choix s'effectue à l'extérieur du groupe social (1994 : 31). Ainsi, la seconde naissance est créatrice d'une parenté symbolique, "aussi intime, aussi obligatoire, aussi indissoluble que celle qui unit le père et le fils [...] lien plus puissant même que le lien du sang" [33] (Gélis, 1984 : 527), qui se superposait à la parenté chamelle. Il revenait au parrain et à la marraine de façonner l'enfant afin de le mener à l'âge adulte puis au mariage (Fine, 1994 : 39).

En Europe, ces pratiques tendent aujourd'hui à disparaître n'en demeure pas moins que le baptême, rite de passage, phase d'agrégation de l'enfant à la communauté, constitue une seconde naissance qui complète, par l'institution de la parenté spirituelle, la naissance physique.

À La Réunion, la parenté spirituelle était, il y a une cinquantaine d'années [2], soumise à des règles assez précises : pour la naissance du premier enfant, les parrain et marraine étaient les grands-parents, souvent les parents de la mère. L'importance accordée à la grand-parentalité peut être mise en relation avec d'autres données, issues d'informateurs de différentes générations, aînés de leur fratrie, qui disent avoir été élevés, sur un mode souvent plus proche du fosterage, du placement temporaire, que de l'adoption, par leur grand-mère maternelle. Sur la base de ces témoignages, j'émets l'hypothèse d'une règle, qui n'a pas totalement disparu et qu'il conviendrait de vérifier et d'approfondir, de rétrocession du premier-né à la grand-mère maternelle. Un très grand nombre d'enfants, premiers-nés, qu'ils soient de sexe masculin ou féminin, sont toujours confiés à la garde de leur grand-mère maternelle, même si les raisons invoquées pour justifier ce placement diffèrent quelque peu [3] des données anciennes. Les grands-mères disent quant à elles réclamer la garde de l'enfant et les raisons avancées sont, soit d'ordre pratique (aider la jeune mère inexpérimentée), soit liées à la tradition. Le placement chez la grand-mère paternelle semble par contre plus rare. Une maman précise même qu'il lui aurait semblé dangereux de confier l'un de ses enfants à sa belle-famille, par crainte de jalousie, de sorcellerie. Du reste, les suspicions liées à des sorts jetés le sont souvent par les mères, à l'encontre de la génitrice de leur mari, ou de belles-soeurs envieuses et désireuses de se venger de la présence, chez un de leurs germains, d'une progéniture qu'elles-mêmes ne parviennent pas à obtenir avec leur propre conjoint.

Tout se passe en fait comme si, par un effacement des générations et un resserrement de la relation de parenté, le bébé prenait la place de sa mère, comme si le premier-né d'une fratrie venait, chez ses grands-parents [34] maternels, en compensation de l'épouse offerte. Les termes d'adresse employés par les enfants viennent à l'appui de cette hypothèse : la grand-mère n'est plus, dans ce cas, systématiquement nommée grand-mère ou mémé, mais plus souvent marraine voire momon (forme créolisée de maman).

L'enfant serait donc, dans le contexte réunionnais et ainsi que l'écrit Agnès Fine (1998 : 3) pour l'Europe, "dû" à la parenté maternelle qui posséderait un véritable "droit de préemption" sur les enfants. Toujours en Europe ajoute l'auteur :

[...] ils avaient le pouvoir de les nommer de leur propre nom, surtout les aînés, soit en les parrainant eux-mêmes, comme dans la partie occidentale de la chrétienté, soit en passant par le parrain choisi hors de la parenté pour la partie orientale. (1998 : 3)

Figure 1 :
La parenté spirituelle des enfants de Christine

Il semble cependant que l'Église ait désapprouvé ce mode de choix des parrains et marraines car, selon les propos d'un prêtre rapportés par une interlocutrice :

la grand-mère ne pouvait pas être à la fois grand-mère et mère de substitution de l'enfant.

Les familles continuent néanmoins à choisir les grands-parents comme parrains et marraines, comme en témoigne le choix de la grand-mère maternelle comme marraine lors d'un baptême auquel j'ai récemment assisté.

Figure 2 :
La parenté spirituelle des enfants de Joëlle


[35]

Mais d'autres parents spirituels peuvent être désignés parmi les membres de la parenté maternelle ou paternelle de l'enfant. Au sein des lignages, le choix s'effectue selon certains critères, variables selon la place occupée par les géniteurs de l'enfant au sein de ce qu'il convient d'appeler le continuum culturel réunionnais [4]. Plus la famille est proche de l'hindouisme, par alliance ou métissage, plus l'oncle maternel est important, comme en témoignent les exemples de Christine et de Joëlle. Si Christine a, pour des raisons semble-t-il diplomatiques, sélectionné les parrains de ses enfants dans la famille de son mari, elle insiste sur les relations qui existent entre sa fille aînée et son propre frère. Elle ajoute qu'elle tente, lorsqu'il s'agit de baptiser l'un de ses enfants, de partager les rôles de parrain et marraine entre les deux familles, selon le rang de chacun des germains des géniteurs de l'enfant dans leurs fratries respectives. Joëlle veille, quant à elle, à rechercher, dans les frères et sœurs des deux familles, un juste équilibre : quand le bébé est un garçon, son parrain est un des frères de son mari, la marraine choisie étant l'une de ses [36] propres soeurs, quand le nouveau-né est de sexe féminin, le parrain est choisi dans la lignée maternelle. Myriam, 29 ans, mariée à un Malbar [5] a, pour sa part, appelé son frère aîné comme parrain pour son fils.

Les différents choix évoqués mettent ici deux points en évidence l'importance de la relation avunculaire et un recoupement entre parenté spirituelle et parenté biologique. Cette importance de l'oncle maternel est ici, sans doute, à mettre en parallèle avec les origines indiennes d'une partie de la population. Elle a été initialement mise en évidence par les travaux de Christian Barat (1989). L'oncle maternel possède, du reste, une grande importance dans certains rites de la petite enfance, comme celui pratiqué lorsque le bébé naît porteur d'une circulaire du cordon (marlé en créole) [6] ou lors d'interprétations familiales d'un rituel nommé Sévé Mayé [7], rasage de la tête de l'enfant dont les cheveux se sont emmêlés, qui s'apparente à une naissance sociale.

Hyacinthe, autre interlocutrice âgée de 84 ans, considère le rôle de la parenté spirituelle comme un renforcement de la parenté biologique existante. Le choix des parrain et marraine doit, dit-elle, être effectué de manière à "resserrer là famille". Les schémas de parenté précédemment présentés recoupent son témoignage et mettent en évidence des relations de parenté spirituelle qui sont, pourrait-on dire, presque "calquées" sur le principe, largement utilisé naguère à La Réunion, des renchaînements d'alliance. Par ce type de mariage se répétant entre mêmes lignages, les familles évitaient que la terre ne se perde en partant vers d'autres familles. L'ancien système d'héritage explique cette pratique : à La Réunion, comme dans les aires à parentèles présentes dans l'Ouest de la France (Augustins, 1989), les enfants héritaient d'une part égale des terres. Cet usage provoquait, génération après génération un morcellement des terres qui [37] finissaient par n'être plus que de minuscules parcelles. Il était donc particulièrement important, afin de préserver le capital foncier de la famille, que celle-ci reste unie, dans la parenté biologique (d'où les mariages entre mêmes lignées à travers le temps), comme dans la parenté spirituelle, au cas où l'un des filleuls vienne à hériter de son parrain ou de sa marraine.

Paul Ottino note, chez les Petits Blancs des Hauts [8] :

Les liens d'alliance sont partout doublés de liens de parrainage catholique qui [...] viennent surimposer, à la réticulation des liens de germanité et de mariage, la trame d'une parenté symbolique sélective entre les parents biologiques et les parrain et marraine de leurs enfants. (1996 : 289)

Cette constatation effectuée dans les Hauts de l'Ouest semble applicable non seulement à la catégorie de personnes désignée par l'appellation de "Petits Blancs des Hauts", mais également à l'ensemble de mes interlocuteurs, population constituée de "Créoles", descendants de planteurs et d'engagés qui ont été eux aussi soumis au même système d'héritage égalitaire. Paul Ottino considère à juste titre cette stratégie d'établissement de liens de parenté symbolique comme une parade possible aux rivalités entre germains dues au système d'héritage [9]. En effet, en procédant au choix des parrain et marraine, les géniteurs de l'enfant privilégient les relations interpersonnelles formant des "îlots", des groupes, au sein de la parenté.

Mais apparaît également l'importance du rang de la personne choisie au sein de la fratrie. Le choix semble dicté par diverses règles de préséance qui exigent que l'aîné soit, dans le choix d'un parent spirituel, prioritaire sur le cadet. De plus, le rôle donné à l'oncle maternel, déterminant en milieu malbar, n'en est pas moins présent dans l'ensemble de la population étudiée, quelle que soit sa situation sur le continuum culturel ou phénotypique. Ce rôle est parfois lié à la parenté spirituelle, plus souvent déterminé par les relations entre germains. Mais toujours, l'oncle maternel [38] sera présent lors des cérémonies conduites lors de la petite enfance (poul nwar [10], sévé mayé [11], tout au long de l'éducation de celui pour qui il sera, dans de nombreuses familles, une figure particulièrement importante.

Parfois cependant, le parrain et la marraine de l'enfant sont choisis hors de la parenté. Ce type de détermination est principalement lié à deux facteurs : les conditions de la naissance et le statut social de la personne intéressée. Dans certaines familles, il était et il est toujours d'usage de demander à celui ou à celle qui a mis l'enfant au monde de devenir son parrain ou sa marraine. Ainsi, Andréa Boyer, ancienne matrone [12] comme le docteur Legros, médecin qui a durant plusieurs décennies mis au monde les enfants à Sainte-Marie, dans le Nord-Est de l'île, sont-ils les parents spirituels de très nombreux enfants qui, bien souvent, portent leur prénom.

Jadis, une parenté symbolique "hypergamique", prestigieuse, pouvait également être recherchée. L'historien J. Barassin montre de tels usages dans l'île dès le début du XVIIIe siècle :

Le baptême, car tous les nouveau-nés étaient baptisés, avait lieu normalement, un ou deux jours après la naissance, sauf si le prêtre était indisponible [13]. C'était l'occasion de festivités amicales, surtout si le parrain ou la marraine avait quelque notoriété. Dans ce cas, toutes les autorités présentes dans l'île [14] se groupaient autour du berceau, pour festoyer. Le gouverneur, le procureur fiscal, le chirurgien de l'île, mais aussi des personnalités de passage étaient également sollicités et acceptaient volontiers de remplir les fonctions de parrain et marraine. (1989 : 161)

Les témoignages des aînés confirment cette coutume. Les grands propriétaires, les riches planteurs étaient souvent sollicités. Les parents mettaient, dans l'établissement de cette parenté spirituelle, un espoir [39] d'emploi futur, voire de promotion sociale ou d'héritage pour l'enfant. De nos jours, il semblerait que les personnes sollicitées dans ce cadre soient plutôt les hommes politiques ou des figures médiatiques de l'île...


CIRCULATION DES ENFANTS ET REMARIAGE

Jusqu'à une période assez récente [15] (années 1970), en cas de décès de l'un des géniteurs et du remariage du parent survivant, les enfants du premier lit étaient placés en priorité dans la famille maternelle, chez leurs parrain ou marraine, ou dans la fratrie du parent défunt (souvent chez celle qui avait le moins d'enfants). C'est le cas de Julie, née en 1923, qui a été, après différents placements, confiée à Jacinthe, qui n'avait alors "que" quatre enfants : c'est ici Jacinthe qui est finalement choisie comme éducatrice car elle est la moins pourvue en rejetons. Julie, âgée de 2 ans, est d'abord placée chez son parrain, époux de la soeur de sa mère. Puis, au décès de ce dernier, elle rejoint la famille du frère aîné de Jacinthe qui "hérite" de la charge de parrain. Mais célibataire, il ne peut prendre seul une enfant en charge. Dans un troisième temps, Julie est confiée à Jacinthe qui l'élèvera et la gardera auprès d'elle. Julie vit toujours chez sa mère adoptive qu'elle dit considérer comme sa mère biologique et qu'elle appelle maman. Cette pratique de placement des enfants après le décès ou le remariage de l'un de ses géniteurs semble se raréfier mais demeure toujours en usage : l'une de mes plus jeunes interlocutrices, Christine (17 ans) a été, après le remariage de sa mère, placée chez sa grand-mère maternelle qui l'élève.

D'autres cas relevés font état d'un choix de l'enfant qui a décidé de partir vivre chez un parent. C'est le cas de Françoise (32 ans) qui, à l'âge de 12 ans, s'est d'elle-même, après le divorce de ses parents et le remariage de sa mère, résolue àaller vivre chez sa grand-mère. Dans un autre cas, c'est la marraine (sœur de la mère) qui a été choisie.

Quel est l'objectif de ce type de conduite ? Il est possible de mettre en parallèle ces pratiques de placement qui disparaissent et le taux record (le plus important de France) d'abus sexuels pratiqués à La Réunion, par ceux que l'on appelle les "petits-pères" (beaux-pères) sur les enfants de leur compagne, nés d'un lit précédent. Le placement traditionnel des enfants après remariage de l'un des géniteurs pourrait alors (même s'il ne peut [40] constituer qu'une clé d'analyse parmi d'autres pour la compréhension des phénomènes d'abus sexuels) être envisagé comme une conduite d'évitement de l'abus sexuel.

Figure 3.
Les placements successifs de Julie




CIRCULATION DES ENFANTS ET STÉRILITÉ

Le cas de Julie évoqué plus haut a mis en évidence l'importance du nombre d'enfants déjà présents dans la famille d'accueil. Si le placement d'un tout-petit est impensable chez une personne célibataire, il se fait de préférence chez celle qui a le moins d'enfants, comme s'il s'agissait de compenser un manque de rejetons, établissant une circulation des enfants depuis les femmes largement pourvues en progéniture, vers celles qui n'en possèdent que peu ou pas, à la manière des circulations d'enfants décrites par Suzanne Lallemand (1993, 1994) [16]. Car le nombre d'enfants présents au sein d'une famille était et demeure (même si les couples ont aujourd'hui une descendance moins nombreuse) particulièrement important. Il conditionne encore bien souvent l'image de la virilité du père, dans sa propre lignée ainsi que dans le village. D'une femme inféconde, ou n'ayant engendré qu'un ou deux enfants, on disait jadis qu'elle était taman ou tamande. Ces deux adjectifs, relevés par Robert Chaudenson (1974), sont [41] à rapprocher, d'un point de vue étymologique, du terme malgache tamana ou aomby tamana, qui désigne une vache stérile par trop de graisse. Un autre terme, tamangue, était également utilisé : il peut s'interpréter selon les termes malgaches précédemment cités, mais également à partir de l'adjectif manjo qui signifie la sécheresse, le malheur, la stérilité. Un informateur, médecin à la retraite, ajouta même, glissant du registre féminin au registre animal :

Tu sais, la vache taman, si elle donne peu, on attend un ou deux ans et on la vend...

Ainsi, Marie-Ange, âgée de 93 ans, raconte n'avoir engendré que six enfants. Elle se considérait comme stérile au regard des familles très nombreuses du début du siècle (les familles de douze à seize enfants, voire davantage, n'étaient pas rares). Sa sœur aînée étant alors pourvue d'une très abondante progéniture (quatorze rejetons), elle lui a proposé de "prendre avec elle" et d'élever les deux puînés.

En effet, en cas de stérilité persistante, certaines femmes envisagent, outre l'adoption ou l'accueil en placement de tout-petits issus de certaines institutions comme la DASS, une circulation des enfants qui, à leurs yeux, permettrait de rétablir l'équilibre entre celles qui ont une progéniture et celles qui n'en ont pas. Elle éviterait les avortements, l'enfant non désiré étant confié à une femme pourvue d'une famille peu nombreuse ou àune parente stérile. Cette pratique compensatoire serait alors proche du rôle donné au fosterage dans les sociétés africaines où, dans certaines d'entre elles, les enfants sont confiés en priorité aux femmes infécondes (Lallemand, 1976 : 111).

Les cas de circulation des enfants relevés semblent s'apparenter à une régulation sociale (le bébé est confié à la parente qui élève le moins d'enfants), tout en étant soumis àune "règle de placement" dictée par la religion et la parenté spirituelle : l'enfant est le plus souvent confié à sa marraine, généralement choisie dans la famille proche - grand-mère maternelle, sœur, belle-sœur. Il y a ici certainement un motif économique au choix de la famille d'accueil mais également, semble-t-il, un souci de régulation sociale auquel s'ajoute la volonté d'équilibrer le nombre d'enfants d'une famille à l'autre, de manière à éviter rancœurs et jalousies productrices de querelles familiales et éventuellement, de sorcellerie.

[42]

STÉRILITÉ ET SORCELLERIE

En effet, une femme sans enfant est suspecte et celle dont la stérilité, anomalie de la nature qui n'a pu être vaincue, est suspectée de vouloir, par jalousie, nuire aux épouses fécondes :

Quand on va accoucher, des fois, une femme qui peut pas avoir d'enfants, elle sait qu'une autre femme va accoucher, elle fait la malis [17], elle retourne le van [18], ou bien le pilon dans le kalou [19] parce qu'elle est jalouse, pour empêcher l'accouchement. Comme moi, je devais accoucher par césarienne et ma sœur, elle était affolée, elle croyait qu'une femme stérile voulait m'empêcher d'accoucher, qu'il y avait la malis. (Corinne, 31 ans)

L'utilisation symbolique d'objets domestiques spécifiquement féminins, en tant que médiateurs magiques, est ici représentative d'un type de sorcellerie où dominent la jalousie, le pouvoir du regard (le mauvais œil [20] ) et le désir de nuire, de se venger de celle qui a conçu. Pour reprendre la distinction que fait l'anthropologie britannique [21], le type de sorcellerie rapporté par Corinne est plus proche de sorcery - actes malveillants causés par des manipulatrices plus ou moins adroites que de whichcraft - ceux commis par des êtres doués de pouvoirs innés.


RÉINTERPRÉTATIONS

Officiellement, le placement au sein de la famille ou chez les parents spirituels est aujourd'hui interdit. Seules les familles d'accueil et les assistantes maternelles sont habilitées à recevoir des enfants. Comment alors comprendre ce qui paraît être une nouvelle forme institutionnalisée de circulation des enfants ? Quelques points émergent des entretiens conduits avec des assistantes maternelles : l'accueil d'enfant pour raisons économiques n'est que peu mentionné, voire Pas du tout. Il est plus fréquemment justifié par rapport à un nombre peu élevé de rejetons ou par [43] le désir d'en recueillir d'autres. Tout se passe ici comme si les anciennes pratiques de rééquilibrage entre femmes pourvues de progéniture et épouses peu fécondes ou stériles se perpétuaient, comme si l'institution du placement en famille d'accueil venait en remplacement de structures préexistantes. Les noms dont les enfants placés qualifient les assistantes maternelles viennent, du reste, à l'appui de cette hypothèse : elles sont souvent nommées comme un membre de la parenté, "tati", "tata", parfois "marraine" voire "maman" dans certains cas.


ET LES ENFANTS ?

Hors les différents types de transfert d'enfants présentés, le point de vue des adoptés eux-mêmes est significatif Des différentes personnes interrogées, aucune n'avait jamais été informée des raisons pour lesquelles elle avait été placée. Les géniteurs des enfants élevés hors de leur foyer déclarent que toute présentation des motifs du placement aurait semblé inconvenante et de l'ordre de la transgression d'un interdit lié à la pudeur, de ce qu'il convient de dire, ou de ne pas dire, aux tout-petits.

Ce manque de communication au sein de la famille, était susceptible d'engendrer dés situations de détresse chez les enfants placés. Une récente formation en ethnologie, effectuée à J'attention de personnels médico-sociaux et spécifiquement orientée autour des questions de circulation des enfants, a été marquée par un moment d'intense émotion. J'y exposais divers cas de circulation des enfants en contexte réunionnais et tentais de montrer que les séparations étaient dictées par une logique sociale, un souci du maintien des équilibres sociaux qui faisait préférer le bien-être de l'enfant, la possibilité d'une vie meilleure, à un maintien dans une fratrie très nombreuse. L'une des stagiaires assistante sociale a, à la suite de cette présentation, fondu en larmes et pleuré durant de longues minutes avant de raconter son histoire : élevée chez sa marraine, elle avait toujours pensé avoir été placée en raison d'un manque d'amour maternel et cette angoisse, qui la perturbait depuis son enfance, se trouvait soudain annulée. Elle avait compris que son transfert ne résultait pas d'une carence d'affection maternelle, mais du désir de sa génitrice de lui offrir un avenir meilleur. Cadette de douze enfants dans sa famille biologique, elle devenait fille unique de sa marraine - sœur de sa mère - qui l'avait élevée et également son héritière.

[44]

RÉTABLIR L'ORDRE SOCIAL

Quels enseignements pouvons-nous tirer des divers cas évoqués ? Quelles sont les logiques sociales sous-jacentes à la circulation des enfants pratiquée à La Réunion ? Sommes-nous en présence de règles de rétrocession d'enfants similaires à celles décrites par Agnès Fine ? Les transferts sont-ils effectués selon une logique d'alliance ou dans un but économique, comme dans les cas analysés par Suzanne Lallemand ? S'agit-il, comme le montre Bernard Saladin d'Anglure de resserrer les liens de parenté ?

Qu'il s'agisse de don d'enfants aux grands-parents ou aux parents spirituels, de rééquilibrages familiaux entre femmes pourvues d'une abondante progéniture et femmes infertiles, l'ensemble des cas examinés ici pourrait être analysé selon une même logique, liée à la recherche d'un équilibre social. Le don temporaire ou irrévocable d'un enfant à sa grand-mère maternelle compense la perte de l'épouse. Le placement chez un membre du lignage évite que les liens de parenté ne se distendent. Le transfert vers une femme stérile ou jugée infertile met fin à sa marginalité et lui permet de prendre une place de mère dans la société, tout en permettant une meilleure répartition des terres ou de l'héritage familial. Il convient également, afin de pouvoir appréhender l'ensemble des facteurs associés à la circulation des enfants, d'envisager les données associées au choix des parrain et marraine.

À La Réunion, les finalités propres à la circulation des enfants se situent donc à la fois dans le domaine du resserrement des liens (confier le premier-né à sa grand-mère maternelle, aux germains de la génitrice ou aux parents spirituels), et dans un registre économique (éviter que les biens ne se dispersent en cas de manque de descendance de l'un des membres de la parenté). La circulation des enfants apparaît alors bien, comme le posait Bernard Saladin d'Anglure (1998 : 128), comme "un élément clé de la structure sociale, au même titre que les transferts de biens et les transferts de conjoints".

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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[1] Selon la formule employée par Suzanne Lallemand (1976), à propos des Mossi du Burkina.

[2] Je fais ici référence à des entretiens conduits auprès de personnes de plus de 60 ans.

[3] Les motifs invoqués sont liés au travail des mères et au côté "pratique" du placement chez la grand-mère maternelle.

[4] Je fais ici référence aux travaux de Jean Benoist (1979, 1998) qui a montré la perméabilité de la société réunionnaise aux diverses influences à l'œuvre, notamment à l'hindouisme.

[5] Les Malbars sont, à La Réunion, les descendants d'esclaves et d'engagés originaires d'Inde du Sud.

[6] Voir à ce sujet l'article rédigé par Yolande Govindama (1993), à partir d'observations pratiquées sur des familles hindoues endogames et le chapitre de mon livre consacré aux naissances sociales (Pourchez, 2002). Le rituel du marlé n'est pas propre à la population d'origine indienne. Il est pratiqué, selon diverses interprétations du rite initial, par l'ensemble de la population créole - c'est-à-dire née dans l'île et métissée, au sens émique du terme créole.

[7] Les différentes versions de ce rituel, leur interprétation par rapport aux classiques rituels de "retour de l'ancêtre" et d'intégration au lignage sont détaillées dans Pourchez (2001). Les rites malbar et malgache sont également décrits avec une grande précision dans Christian Barat (1989). Enfin, une interprétation de la version malgache de la cérémonie est disponible dans l'article de Françoise Dumas-Champion (1993).

[8] Si les Petits Blancs des Hauts sont considérés comme les descendants d'Européens, Jean Benoist (1998) nuance ce présupposé, rappelant qu'à Maurice, l'île voisine, dire d'une paire de draps qu'ils sont "blancs de Bourbon", indique une blancheur pour le moins douteuse...

[9] Ces rivalités apparaissent néanmoins, notamment dans les accusations d'actes sorcellaires.

[10] Rite de protection des femmes et des enfants pratiqué par les Malbars, comme par les Créoles. Lire à ce sujet Benoist (1979, 1998) et Govindama (1992).

[11] Je renvoie ici le lecteur à d'autres écrits (Pourchez, 2002) ainsi qu'au film Les Rites de l'enfance à La Réunion : sévé mayé (sélectionné pour le festival international du film sur l'enfance, Nuoro, Sardaigne, octobre 2000).

[12] Le rôle des matrones dans l'accouchement traditionnel est retracé dans le film intitulé La Femme-qui-aide et la matrone (Pourchez, 2000c).

[13] Il y avait, au début du XVIIIe siècle, peu de prêtres dans l'île.

[14] Il ne faut pas oublier que La Réunion ne comptait à l'époque que quelques centaines d'habitants...

[15] Ce phénomène est sûrement encore présent dans certains secteurs de l'île, mais il ne m'a pas été donné de l'observer.

[16] Ce rôle donné au parrain et à la marraine est encore présent dans les mémoires réunionnaises.

[17] De la sorcellerie.

[18] Panier plat qui sert à trier le riz.

[19] Mortier.

[20] Certaines femmes, de religion catholique, mettent parfois sur le front de leur bébé un petit point noir destiné à conjurer le mauvais oeil. Cette pratique est vraisemblablement un emprunt fait à la religion malbar où le fait est régulièrement signalé (Barat, 1989).

[21] Suzanne Lallemand (1988 : 138) reprend cette distinction chez les Kotokoli du Togo, afin de définir le type de sorcellerie pratiquée par Adjara, la "mangeuse d'âme", sorcière innée et celle conduite par la vieille J'achète-et-je-pars, "manipulatrice sans don".



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 5 janvier 2013 10:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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