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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alain Policar, “Science et démocratie: Célestin Bouglé et la métaphysique de l'hérédité.” Un article publié dans la revue Vingtième siècle. Revue d'histoire, n° 61, janvier-mars 1999, pp. 86-101. [Autorisation formelle de l'auteur accordée le 28 juillet 2007 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Texte de l'article

Alain POLICAR 

Sociologue et économiste français, professeur,
Faculté de droit et sciences économiques, Université de Limoges,
rédacteur en chef de la revue Les Cahiers Rationalistes
 

Science et démocratie : Célestin BOUGLÉ
et la métaphysique de l'hérédité
”. 

Un article publié dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 61, janvier-mars 1999, pp. 86-101.

 

 
Introduction
 
L'Anthroposociologie ou le poids de l'hérédité
 
L'hérédité, catégorie explicative fondamentale
Sélection et évolution
Le social naturalisé
 
Faits et principes : la démocratie en péril ?
 
L'"explication" anthroposociologique.
Les conditions de formation de l'idée d'égalité
Une distinction philosophique : jugement théorique et jugement pratique
 
Les limites du matérialisme sociologique
 
Prudence épistémologique et lucidité politique
Du bon usage de la biologie
 
Résumé
 
BIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE

 

Introduction

 

L'œuvre de Célestin Bouglé (1870-1940) se déploie dans de très nombreuses dimensions qu'une lecture superficielle pourrait imaginer sans grand rapport les uns avec les autres. Pourtant l'unité n'est pas douteuse. On en trouve le principe dès les premiers travaux scientifiques (en 1896) et, tout particulièrement, dans sa thèse de 1899 : l'idée de l'égalité des hommes ne concerne pas la façon dont la nature les a faits mais bien celle dont la société doit les traiter. Comment, par conséquent, demeurer indifférent aux problèmes soulevés par l'utilisation des données de la biologie dans l'explication du comportement humain. “Est-il vraisemblable”, écrira-t-il en 1924, “qu'on puisse directement transmuter les réalités positives, et spécialement les réalités naturelles, en règles valables pour les sociétés humaines ?” [1]. Cette question, qui revient à se demander si la science a vocation à guider nos principes moraux, il n'est guère d'article ou de livre importants de Bouglé qui ne la pose. Dans son esprit elle n'est d'ailleurs aucunement distincte d'une interrogation épistémologique concernant la nature de la démarche sociologique. Ainsi en s'employant à réfuter l'argumentation de ceux qui cherchent à fonder la sociologie naissante sur les “enseignements” du naturalisme, il dénoncera les errements des apologistes de l'hérédité et, en même temps, il contribuera avec une originalité méconnue à l'élaboration d'une nouvelle discipline scientifique. 

Nous nous proposons, dans ce travail, de dégager la cohérence de l’argumentation de Bouglé contre l'anthroposociologie, le darwinisme social et la théorie organique qui représentent trois occurrences de la sociologie naturaliste. Nous porterons davantage notre attention sur la réfutation de la première citée, en raison des ravages dans les esprits de l'idée de la toute-puissance de l'hérédité et, aussi, de la constance de l'engagement de Bouglé, jusqu'à sa mort, contre les errements de toute conceptualisation fondée sur la race. Mais nous serons également attentif à sa méfiance à l'égard de l'usage illégitime, appliqué aux sociétés humaines, des notions de concurrence par le darwinisme social et de différenciation par l'organicisme. Nous le verrons, l'argumentation de notre auteur contribuera à priver de fondements solides une perspective théorique, dont le projet, au tournant du siècle, était parfaitement crédible, et ainsi consolidera l'approche durkheimienne du lien social.

 

L'Anthroposociologie
ou le poids de l'hérédité

 

Dans le premier volume de L’Année Sociologique, paru en 1898, on trouve à la page 519 (dans la sixième section : “Divers”) une rubrique consacrée à l’anthroposociologie. Cette rubrique attire l’attention du lecteur par l’avertissement signé E. Durkheim. Celui-ci, après avoir souligné le devoir de la nouvelle revue de présenter “un tableau complet de tous les courants qui se font jour dans les différents domaines de la sociologie”, estime que l’exposé des recherches anthroposociologiques, pour être “aussi fidèle que possible”, doit être confié à un partisan de l’école (ce sera Henri Muffang, agrégé d'allemand et professeur au lycée de Saint-Brieuc). Mais Durkheim n’hésite cependant pas à prendre des distances avec cette approche : “En essayant d’expliquer les phénomènes historiques par la seule vertu des races, elle paraissait traiter les faits sociaux comme des épiphénomènes sans vie propre et sans action spécifique. De telles tendances étaient bien faites pour éveiller la défiance des sociologues”. Le ton était donné : la rubrique de Muffang disparaîtra après la parution du troisième volume de L’Année. 

L’attitude de Durkheim n’était pas la plus hostile parmi les durkheimiens. Bouglé, auteur dès mai 1897 d’un article décisif dans la Revue de Métaphysique et de Morale, souhaitait une mise en garde beaucoup plus ferme [2]. Les travaux qu’il allait dès lors consacrer à la réfutation des thèses de l’école également dite “anthropologique” méritent, à n’en pas douter, une étude attentive en raison à la fois de leur importance scientifique et de l’honnêteté scrupuleuse avec laquelle est conduite la discussion critique [3]. Nous nous proposons dans cette première partie, d'exposer les principes essentiels de l'anthroposociologie, afin d'estimer la portée de l'argumentation de Bouglé qui se présente, point par point, comme une réfutation de ceux-ci. 

L'hérédité, catégorie explicative fondamentale

 

L'auteur essentiel de l'anthroposociologie est sans conteste Georges Vacher de Lapouge (1854-1936). Esprit original et indépendant, Lapouge est un véritable érudit. Après une courte carrière dans la magistrature, il prépare l'Agrégation de Droit, tout en suivant les cours de l'Ecole d'Anthropologie et en étudiant le chinois, le japonais, l'assyrien, l'hébreu et l'égyptologie. Il ne se présente pas à l'Agrégation et devra se contenter d'un poste de bibliothécaire adjoint à l'Université de Montpellier. À partir de décembre 1886, il donnera un cours libre de sociologie politique à la Faculté de Lettres, cours auquel assistera, de temps en temps, Paul Valéry : “Je m’entretenais souvent avec Lapouge. Il m’amusait presque toujours, m’intéressait souvent. Sans que j’eusse grande confiance dans ses théories (et en particulier dans ses recherches crâniométriques), je ne détestais pas de l’entendre diviser, définir les races humaines, s’appuyer sur ce Gobineau alors absolument inconnu en France, et qui eut l’étrange fortune d’influencer Wagner, Bismarck, Nietzsche et Hitler, sans compter Chamberlain et Drumont… J’ai aidé Lapouge, en 1891, à mesurer six cents crânes extraits d’un vieux cimetière. J’avoue que la recherche de l’indice céphalique et la répartition de ces malheureuses têtes, en dolichocéphales, mésatycéphales et brachycéphales, ne m’a pas appris grand chose, mais parmi toutes les choses que j’ai apprises et qui ne m’ont servi de rien, ces vaines mesures ne sont pas plus vaines que les autres” [4]. Même si, en 1936, Valéry ne pouvait totalement connaître la nature du nazisme, il est permis de trouver son jugement quelque peu complaisant. Mais ceci est secondaire. Dans ce passage une bonne partie de l’obsession lapougienne est mise en lumière : la théorie sur les différences d’indice céphalique entre types brachycéphales et types dolichocéphales constituera, en effet, un des éléments centraux de sa doctrine raciale. 

L’indice céphalique n’est rien d’autre que le rapport entre la largeur et la longueur du crâne. On doit son utilisation dans la description des “races” à Anders Retzius en 1842. Mais de nombreux anatomistes avaient préalablement fait référence à cette mesure et, comme le note malicieusement Léonce Manouvrier, “elle était indispensable aux artisans qui fabriquèrent les premiers casques métalliques” [5]. Pourtant cet indice va prendre une signification redoutable, très éloignée du caractère vain que notait P. Valéry. Sa mesure va, en effet, servir de fondement à l’hypothèse selon laquelle un rapport existerait entre le rôle tenu dans l’histoire par certains groupes humains et la forme de leur boîte crânienne. Lapouge n’est d’ailleurs pas le premier à chercher à poser cette relation. Joseph-Pierre Durand de Gros, dont Jean Boissel a opportunément rappelé les travaux précurseurs [6], s’était consacré à l’étude des populations urbaines et rurales de l’Aveyron [7], peu de temps avant qu’Otto Ammon ne livre ses conclusions sur les conscrits du pays de Bâle en 1893. Grâce à ce précieux instrument, Lapouge distinguera, dans la population de l’Europe, trois races principales : l’Homo Europeus (ou race aryenne) dolichocéphale , l’Homo Alpinus brachycéphale , l’Homo Contractus ou Méditerranéen. 

Remarquons, en passant, le caractère discutable de la typologie proposée. Henri Hubert, dans une note critique de la Revue historique, notait que “l’Aryen de M. De Lapouge n’est pas l’Aryen de Mortillet, de Topinard, de Sergi ou de Ripley, c’est-à-dire le brachycéphale alpinus” [8]. Il précisera, huit ans plus tard, que l'identification des Germains aux Aryens tient d'autant moins que les premiers sont probablement originaires de la région baltique et les seconds du Turkestan [9]. Reconnaissons que Lapouge lui-même mettra en garde ses lecteurs sur la valeur de la distinction entre brachycéphales et dolichocéphales. Il s’agit pourtant d’une distinction dont la portée théorique reste considérable dans son œuvre. 

Notons que la typologie raciale de Lapouge est de nature zoologique. Aussi, pour désigner une communauté constituée d’éléments de races différences mais partageant une même culture, propose-t-il le terme “ethnie”. D’après André Béjin, il est le premier à utiliser le mot [10]. Cette précision n’est pas sans importance : elle permet de ne pas confondre Lapouge avec certains de ceux qui, plus tard, se réclamèrent de lui [11]. A ses yeux, en effet, les Juifs ne sont pas une race mais une “nationalité” [12] ou une “race ethnographique” [13].

 

Sélection et évolution

 

Quelle que soit l'importance de ces subtilités terminologiques, l’essentiel est ailleurs : quel rôle joue le facteur racial dans l’évolution d’une civilisation ? Sur ce point, Lapouge rejoint Gobineau : “Le simple jeu des lois de l’hérédité suffit à produire la décadence des peuples mélangés. Les anciens historiens disaient alors que les vertus et les hommes avaient dégénéré et ce phénomèsne a été décrit avec un talent et un sens philosophique très remarquables par Gobineau" [14]. L'influence de celui-ci est considérable. Pour Gobineau les sociétés ne se perpétuent que dans la mesure où se maintient le principe blanc. Dans cette perspective, Ammon [15] comme Lapouge ont insisté sur l'infériorité physiologique et psychologique des métis et sur le risque d'extinction de la race représenté par le métissage [16]. Mais, précise Lapouge, le phénomène de l'hérédité est "compliqué par le jeu simultané de la sélection dont Gobineau n’avait point idée. D’une manière fort active, celle-ci intervient sous d’innombrables formes pour éliminer la race des vainqueurs et bientôt même des métis” [17]. Ainsi, la qualité de la population dépend d’une part des lois de l’hérédité, d’autre part de celles de la sélection. Cette dernière apparaît comme le facteur décisif de l’évolution, comme le souligne Carlos Carleton. Closson, lecteur et disciple américain de Lapouge : “Darwin, en formulant le principe de la sélection naturelle, a donné la première explication claire du procès de l’évolution organique et changé entièrement le caractère des sciences biologiques. Le principe de la sélection ne causera pas une révolution moins radicale dans les sciences sociales quand il viendra à leur être généralement appliqué. Le principe toutefois aura besoin d’une modification profonde. Il faudra y comprendre non plus seulement la sélection naturelle mais aussi et principalement la sélection sociale” [18]. L’expression “sélection sociale” avait été utilisée dès 1872 par Paul Broca. Celui-ci écrivait : “C’est la société qui devient le théâtre principal de la lutte pour l’existence” [19]. Closson note : “La mort n’a pas laissé à Broca le temps d’établir sur des bases darwiniennes la science de l’évolution sociale telle qu’il l’entrevoyait. Cette intégration scientifique de la sociologie a été l’œuvre de sélectionnistes, en particulier de Galton, de Lapouge, et d’Ammon” [20]. L'ouvrage Les Sélections sociales de Lapouge a, en effet, été accueilli très favorablement par René Worms, ardent défenseur de la sociologie biologique et, ainsi, concurrent de Durkheim dans le projet de fonder la sociologie scientifique. Lapouge, d'ailleurs, publiera de nombreux articles dans la Revue internationale de sociologie créée par Worms en 1893. Notons également l'approbation de Frédéric Paulhan, collaborateur de Ribot, dans la Revue scientifique. On comprend, à cet enthousiasme critique, que la partie n'était pas gagnée d'avance pour les durkheimiens [21]. 

Dans Les Sélections sociales, Lapouge développe l’idée que la sélection naturelle fait de plus en plus place à la sélection sociale, le milieu naturel étant graduellement remplacé par le milieu social. De même que la sélection peut être progressive ou régressive, la sélection sociale mène à la dégénérescence, ou à l’amélioration de la composition racique (i.e. héréditaire) de la population. Or ses effets prédominants sont négatifs dans les sociétés actuelles, ce qui signifie que l’on peut observer l’inversion de “l’ordre naturel” : les dysgéniques submergent les eugéniques. Lapouge évoque ici une “loi universelle” : la “loi de plus rapide destruction des plus parfaits” [22] sous l’effet des sélections “militaire”, “politique”, “religieuse”, “morale”, “légale”, “économique”, “professionnelle” et “urbaine” [23]. 

Que faut-il penser de cette loi “universelle” de destruction des eugéniques ? Notons d’abord que Lapouge est, en 1886, le premier à introduire en français dans son sens galtonien, le terme “eugénique” [24]. Il s’agissait d’une traduction du substantif anglais “eugenics” proposé trois ans plus tôt par Galton [25] : “Une famille eugénique est celle où la supériorité est héréditaire, non que tous les hommes soient de grands hommes, mais en ce sens qu’elle produit habituellement des hommes au-dessus de la moyenne de leur temps et de leur nation”. Lapouge ajoute : “Il n’y a pas de race eugénique en soi mais seulement des races de plus en plus fécondes en familles eugéniques, et la supériorité de ces dernières est écrasante car cent familles eugéniques fournissent plus d’hommes supérieurs que tout un peuple sans eugénisme” [26]. 

On peut pourtant partager l’interrogation de Pitirim Sorokin et se demander comment expliquer, si cette loi était vraie, qu’une “évolution des espèces, quelle qu’elle fut, du protozoaire à l’Homo Sapiens aurait pu avoir lieu”. Il est même incompréhensible, ajoute-t-il, que “sous une telle loi la “race aryenne” ait pu apparaître" [27]. La remarque a d’autant plus d’importance qu’elle émane d’un lecteur scrupuleux, et plutôt bienveillant, des écrits de Lapouge. 

On mesure dès à présent à quel point la philosophie des anthroposociologues se situe aux antipodes de celle des sociologues du lien social que sont les durkheimiens.

 

Le social naturalisé

 

Les premiers, en effet, proposent “une naturalisation du culturel et/ou du social, traités comme des réalités biologiques et une fatalisation du cours de l’histoire humaine, la contingence étant travestie/convertie en nécessité et la nécessité transformée en destin” [28]. Dans la préface de L’Aryen, Lapouge est particulièrement explicite : “Le conflit des races commence ouvertement dans les nations et entre les nations et l’on se demande si les idées de fraternité, d’égalité des hommes n’allaient point contre des lois de nature”. Et plus loin, “aux fictions de Justice, d’Egalité, de Fraternité, la politique scientifique préfère la réalité des Forces, des Lois, des Races, de l’Evolution. Malheur aux peuples qui s’attarderont dans les rêves” [29]. Cette volonté de ne pas “s’attarder dans les rêves” explique sans doute le volontarisme lapougien qui comporte un volet positif, “multiplier les types admis comme les plus beaux et les meilleurs”, notamment en constituant une hiérarchie des castes spécialisées et fermées, et un volet négatif, favoriser l’élimination des dysgéniques. Pour Lapouge, comme l’écrit P.-A. Taguieff, “les hommes doivent cesser de se prendre pour des anges. Ils ne sont que des êtres vivants, parmi d’autres, soumis comme tels aux lois naturelles : déterminisme de race, loi de la lutte, règne de la force, principe de la puissance” [30]. Dans ces conditions, le sursaut de l’humanité passe par le refus du métissage : “Si l’on compare les cartes anthropologiques de la France, on est immédiatement frappé de la corrélation qui existe entre la fécondité et la pureté relative des races et une supériorité très marquée au profit des populations blondes... L’incohérence du caractère moral et des caractères physiques de nos contemporains est le résultat du mélange sans fusion d’éléments empruntés aux brachy et aux dolichocéphales” [31]. 

Ce texte, qui constitue l'une des premières études publiées de Lapouge, illustre son communautarisme à fondement biologique, en parfaite opposition avec la vision individuo-universaliste des durkheimiens. Si nous avons choisi l’œuvre de Bouglé pour illustrer cette dernière, c’est en raison non seulement de la place qu’y occupe la réfutation de la problématique anthroposociologique mais aussi de son constant souci de prendre au sérieux l’argumentation de l’adversaire. Dès les premiers écrits, les questions cruciales sont soulevées : les sciences naturelles, en dégageant l’importance de l’hérédité et de la sélection, mettent-elles en péril l’édifice conceptuel de la démocratie ? Les partisans de celle-ci sont-ils contraints de refuser tout rôle fondamental aux facteurs biologiques ? Doivent-ils, en conséquence, tout expliquer par le milieu pour sauvegarder l’essentiel de leurs convictions ? C’est donc à la confrontation des faits interprétés par l’anthroposociologie avec les principes de la démocratie que va se livrer Bouglé dès 1897. 

 

Faits et principes :
la démocratie en péril ?

 

La craniométrie peut-elle être la clef de la stratification sociale ? Est-elle en mesure de montrer la fausseté de l’idée de l’égalité des hommes, fondement du principe démocratique ? Au culte des idées égalitaires, idées a priori, il faut, selon Lapouge, substituer le respect des faits. Que nous enseignent ceux-ci ? Comment les anthroposociologues expliquent-ils le succès des idées démocratiques ? Très simplement : l’esprit des brachycéphales se distinguant par cet “amour de l’uniformité” [32] qui est aussi la marque des démocraties “séniles”, l’infériorité même des brachycéphales fait de ceux-ci les partisans prédestinés des idées égalitaires. Comme le résume Bouglé, “l’anthropologie triomphe durablement de la démocratie : et parce qu’elle en réfute, par des faits biologiques, les erreurs, et parce qu’elle en explique, par des faits biologiques, le succès. Un rêve de brachycéphales tel serait, à en croire nos anthropologistes, l’esprit égalitaire” [33].

 

L'"explication" anthroposociologique.

 

L’intérêt de la contre-argumentation que va développer Bouglé tient à ce qu’il considère (provisoirement) comme attestés les faits dont se réclament les anthroposociologues. La discussion se limitera donc aux conséquences qu’ils en tirent. Attitude qui présente l'avantage de dégager les aspects méthodologiques du débat. 

Une des “lois” anthroposociologiques, la loi de concentration des dolichocéphales, stipule que dans les régions où le type brachycéphale existe, il tend à se concentrer dans les campagnes, tandis que les dolichocéphales partent plus vers la ville. Or, constate Bouglé, les villes, pôles d’attraction des dolichocéphales, sont aussi des centres de rayonnement pour les idées égalitaires. Cette incohérence sera d’ailleurs également relevée par Sorokin [34]. 

Mais quand bien même l’on parviendrait à constater un rapport constant entre idées égalitaires et brachycéphalie, l’on ne pourrait considérer ce rapport comme une véritable explication des unes par l’autre : “Expliquer n’est pas seulement constater entre deux phénomènes une relation fréquente, c’est montrer comment l’un produit l’autre, et dérouler la série des intermédiaires grâce auxquels l’un sort de l’autre” [35]. Quelles sont les conditions requises pour envisager une explication digne de ce nom ? Pour passer “de ce phénomène extérieur et simple qu’est la brachycéphalie à ce phénomène intérieur et complexe qu’est l’idée d’égalité ... il faudrait rien moins qu’une phrénologie nouvelle, grâce à laquelle on saurait qu'à telles dimensions du crâne correspond telle disposition des cellules cérébrales, et à celle-ci tel complexus d’idées. On sent à quelle indétermination de pareilles tentatives d’explication paraissent condamnées” [36]. Face à de telles extrapolations, L. Manouvrier, l'un des premiers anthropologues à s'être opposé à l'usage inconsidéré de la notion de race, avait déjà exprimé de puissantes réserves et jugé chimérique la volonté de déduire de l’examen de caractères biologiques la nécessité d’actes sociologiquement définis [37]. 

Même en concédant un lien entre brachycéphalie et certaines dispositions générales de l’intelligence, il existe une très grande distance entre ces dispositions générales et une idée particulière comme celle d’égalité. Et Bouglé posera en 1899 la question clef : “Est-ce parce que les individus ont des cerveaux de métis qu’ils sont prédisposés, anatomiquement, à l’égalitarisme ? Ou bien est-ce que parce que les sociétés où ils se rencontrent sont composées d’éléments individuellement hétérogènes que l’idée de l’égalité s’impose plus facilement à l’opinion publique ? Son succès résulterait alors du rapport qui vient des individus... c’est-à-dire d’un phénomène social, non d’un phénomène biologique” [38]. L’enjeu est bien de disqualifier l’anthropo­sociologie, rivale potentielle de la sociologie durkheimienne, dans son ambition de proposer des lois générales des phénomènes sociaux : “Parce qu’elle néglige les causes prochaines de la formation des idées, l’anthroposociologie ne saurait fournir une véritable exploration du progrès des tendances démocratiques : ses "lois" les mieux vérifiées pourront toujours être soupçonnées de ne pas énoncer autre chose que de vastes coïncidences” [39]. 

La sociologie ne devant pas être une biologie transposée, c’est “en définissant les conditions psychologiques de la formation de l’idée d’égalité et en signalant l’action des phénomènes sociaux sur ces conditions mêmes, qu’on trouverait peut-être, du succès de cette idée, des raisons vraiment déterminantes” [40].

 

Les conditions de formation de l'idée d'égalité

 

À la recherche des origines des catégories conceptuelles, Bouglé, dés ses premiers écrits, va manifester, par rapport aux thèses de Durkheim, une réelle originalité. Celle-ci tient essentiellement à sa conscience des limites du déterminisme sociologique. Aussi n’est-on pas étonné de le voir préconiser l’usage de l’introspection dans l’analyse sociologique. Malgré sa fidélité personnelle à Durkheim et son incessant combat pour l’institutionnalisation de la sociologie, il reste en effet profondément attaché à la philosophie et, ainsi, à l’idée de l’indépendance relative de la raison humaine par rapport au social. Son universalisme n’est, par conséquent, pas encombré de relents sociologistes (pour parler comme Dominique Parodi qui introduisit ce terme en 1907 [41]). L’évidence de la diversité humaine ne le conduit pas à oublier notre commune humanité : “Tenir en même temps sous sa pensée la notion d’individualité et celle d’humanité ... telles sont les conditions psychologiques de la proclamation de l’égalité humaine” [42]. 

Si ces deux idées de l’humanité et de l’individualité s’installent dans l’esprit des hommes c’est en raison des transformations sociales entraînées par la civilisation. Et, en premier lieu, la multiplication des cercles sociaux d’appartenance. Bouglé se réfère, pour étayer sa thèse, à Georg Simmel, auteur qu’il contribuera à faire connaître en France (L’Année Sociologique publiera “Comment les formes sociales se maintiennent” en 1898) et auquel il conservera son estime intellectuelle malgré les profonds désaccords de Durkheim avec le sociologue allemand. Bouglé est sensible à l’idée simmelienne selon laquelle, par l’effet de la multiplication des groupes d'appartenance, l’esprit acquiert l’habitude de penser l’individu en dehors des cadres sociaux et donc de mesurer sa valeur non plus à sa classe sociale mais à son mérite individuel. Il apportera à cette idée des éléments décisifs, notamment en 1901 dans “Castes et Races”, étude qui sera ultérieurement intégrée au seul livre de Bouglé aujourd’hui disponible Essais sur le régime des castes [43]. Se penchant sur le cas indien, terrain privilégié de vérification des thèses anthroposociologiques (l’Inde étant, depuis la plus haute antiquité, organisée selon un système de répartition des races en castes), il montre qu’entre différences physiques et différences sociales, il est impossible de trouver des correspondances stables. Tôt ou tard, en effet, quelle que soit la force du souci de la pureté, les éléments les plus divers se mêlent. La conclusion est nette : “Après comme avant l’observation du monde hindou, les thèses maîtresses de la philosophie des races, transformée en anthroposociologie, restent indémontrables et invraisemblables” [44]. 

Pour rendre compte de la naissance et de la force de l’idée d’égalité, Bouglé n’hésite pas à être également attentif aux enseignements de Gabriel Tarde (auquel il consacrera un article en 1905 dans La Revue de Paris [45]), “le sociologue le plus antinaturaliste que l'on puisse imaginer” [46]. Cet éclectisme, qui ira en s’accentuant au fil des années, est un magnifique exemple d’ouverture intellectuelle. Rien de plus naturel que de tirer le meilleur profit des leçons de Tarde sur l’imitation et de celles de Durkheim sur la division du travail : “S’il est vrai qu’un double courant dirige l’évolution des sociétés et que, par les lois de l’imitation elles tendent à devenir, en un sens, plus homogènes, tandis que, par les lois de la division du travail, elles tendent à devenir, en un autre sens, plus hétérogènes, n’est-il pas vraisemblable que la résultante logique de ces deux forces ... est l’idée que, pour distinctes qu’elles soient, leurs personnes ont la même valeur ? ” [47]. 

Arrivé à ce moment de son discours de la méthode, Bouglé pourrait se contenter d’inviter ironiquement le lecteur à comparer la valeur des deux thèses : celle de la genèse de l’idée d’égalité comme conséquence de la malformation du crâne propre à une race inférieure et celle qui fait de cette idée la résultante de la civilisation. Mais il refuse de s’en tenir là, illustrant l’honnêteté intellectuelle qui faisait l’admiration d’Émile Faguet. En effet, à supposer que la démocratie soit une tendance irrésistible, ce qui, concède-t-il, n’est pas prouvé [48], son irrésistibilité ne suffirait pas à en établir la légitimité. Il faut donc se pencher plus avant sur le sens de l’idée d’égalité. 

Une distinction philosophique :
jugement théorique et jugement pratique

 

Il va alors poser la question de la compatibilité entre cette idée et le fait de la diversité anthropologique. Il cherchera à y répondre, là encore, plus en philosophe qu’en sociologue, comme en témoigne la référence à un article récent (1896) de la Revue de Métaphysique et de Morale, “La Paix morale et la sincérité philosophique” (dont il ne cite pas l’auteur, Léon Brunschvicg). Dans ce dernier texte est évoquée l’importante distinction entre jugements théoriques et jugements pratiques sur laquelle Bouglé reviendra de façon récurrente (cf. Leçons de sociologie sur l'évolution des valeurs en 1922). L’idée d’égalité appartient à cette dernière catégorie, c’est-à-dire qu’elle est un jugement non sur ce qui est mais sur ce qui doit être. Un tel jugement ne prétend, par conséquent, aucunement que les hommes sont semblables mais qu’ils doivent être semblablement traités : “L’égalité des droits et non l’égalité des facultés : prescription non constatation” [49]. Bouglé rappelera cette distinction dans Les Idées égalitaires , ajoutant à cette occasion, que l’idée d’égalité n’est pas “un indicatif scientifique purement intellectuel, mais une sorte d’impératif à la fois sentimental et actif” [50]. C’est donc la reconnaissance de l’importance des différences individuelles qui rend impérativement nécessaire l’égalité des droits. Si l’égalitarisme ne saurait s’accommoder de distinctions collectives et de préjugés, il n’est, en revanche, nullement contraint d’ignorer les différences singulières créées par l’expérience. Au contraire, pense-t-il, “le sentiment de la valeur propre à l’individu nous paraît être un élément essentiel des idées égalitaires ... Le respect du genre humain ruine celui de la caste, mais non celui de la personnalité. ... L’idée de la valeur commune aux hommes n’écarte nullement mais appelle au contraire l’idée de la valeur propre à l’individu” [51]. 

On voit bien ici le caractère nodal de la distinction entre jugement théorique et jugement pratique. L’essence des idées égalitaires est d’être des idées pratiques postulant la valeur de l’humanité et celle de l’individualité. Aussi les mesures craniométriques ne sauraient-elles nous fournir une quelconque réponse : “Les questions sociales ne sont pas seulement "questions de faits" mais encore et surtout "questions de principes"” [52]. 

À ces questions de principes, Bouglé ne cessera de se consacrer. Il n'est donc pas surprenant de le voir s'engager résolument dans le camp dreyfusard, cédant aux exigences d'une conscience qui entrevoit, dès novembre 97, “la possibilité de l'innocence de Dreyfus” [53] et qui condamnera sans réserve, trois mois plus tard, l'attitude de ceux qui refusent la révision du procès [54]. Il contribuera ainsi, à la fois par son œuvre scientifique et son engagement militant, à la banqueroute de la philosophie des races (pour paraphraser le titre de l’un de ses articles).

 

Les limites du matérialisme
sociologique

 

Mais au-delà de la stricte défense de principes moraux récusant la métaphysique raciale, nous devons être attentifs aux rapports qu’il établira entre ce combat et la volonté théorique de limiter ce qu’il nomme le matérialisme sociologique. Une grande partie de l’originalité de Bouglé (et de sa modernité) se situe là.

 

Prudence épistémologique et lucidité politique

 

Son analyse se fonde, dans un premier temps, sur l’observation du sens commun (de la psychologie populaire, comme diraient les philosophes de l’esprit de tradition analytique). Si l’on cherche, en effet, dans l’identité des races le fondement des unités naturelles que sont les nations, c’est la conséquence d’un penchant spontané “qui nous porte à considérer comme des frères les hommes que nous aimons” [55]. Et les savants n’échappent pas à ce penchant lorsqu’ils cherchent dans “les qualités des groupes ethniques le secret des destinées nationales” [56]. De surcroît, le mouvement des sciences les y invitait. Lassés par l’étude du genre humain, il n’était guère surprenant de voir les scientifiques se préoccuper du divers. Mais il aurait été possible de chercher ailleurs que dans la matière les sources du particularisme ethnique. Si ce ne fut pas le cas, c’est parce que l’on voulait construire une histoire scientifique et “qu’il semblait à ce moment, qu’il ne pouvait y avoir de science que du matériel” [57]. En d’autres termes, "expliquer un phénomène, ce serait toujours découvrir les racines par lesquelles il plonge dans la matière” [58]. 

Il n’est cependant aucunement certain que cette option soit justifiée. Pour des raisons déjà évoquées, il est peu probable que l’anthroposociologie puisse livrer des explications causales solides. C’est mal comprendre le déterminisme, nous dit Bouglé, “que de représenter toutes les idées ou les actions des hommes comme écrites, de toute éternité, dans leur type ethnique. Détermination n’exclut pas modification" [59]. Le progrès de la civilisation conduit inéluctablement à la réduction de l’influence biologique. Les sciences sociales à venir doivent se souvenir que “dans la vie de l’esprit tout ne saurait s’expliquer par la structure du corps” [60]. 

À cette prudence épistémologique s’ajoute une belle lucidité politique. Ne mettons pas trop d’espoir, dit-il en substance, dans les progrès du savoir. Ce n’est pas parce que l’explication de type racial perd sa légitimité scientifique qu’elle abandonne tout pouvoir de nuisance. Il existe, en effet, une réalité sociale de la race qui, en elle-même, est une profonde limitation à l’optimisme positiviste. Bouglé, citant Alphonse Darlu, le fameux professeur de philosophie du lycée Condorcet, anticipe sur les observations que la sociologie contemporaine a corroborées : “C’est au moment où elle est bannie du cabinet des savants que l’idée de race descend dans la rue, agitée par des journalistes ignorants” [61]. Cette référence au discours de Darlu au Congrès des Sociétés Savantes de 1898 sera reprise dans La Démocratie devant la Science (page 38), ce qui montre l’importance que Bouglé lui accordait. Depuis, l’erreur d’inscrire sur le seul terrain des sciences biologiques la discussion théorique concernant la race a été largement démontrée, la race n’étant pas, selon la formule de Colette Guillaumin, “une donnée spontanée de la perception et de la connaissance” [62]. Mais il est vrai que la tentation d’étayer une hétérogénéité non biologique par la référence à une hétérogénéité naturelle est inhérente à la forme humaine de sociabilité. Toute société engendre des différences entre individus et tend à percevoir ces différences comme inscrites dans un ordre naturel intangible. Bouglé avait bien perçu que la société moderne, dans laquelle existe une mobilité sociale relativement forte (au regard des sociétés non industrialisées), voit se perdre le fondement de l’hétérogénéité et accroît de la sorte l’angoisse face à l’autre. En détruisant les rapports hiérarchiques traditionnels, notre société rend nécessaire l'institution de différences arbitraires afin de maintenir l’identité sociale. Il est au fond indifférent que la race n’existe pas. Ainsi, comme le note Franck Tinland, “plus ou montrera que le racisme n’a pas de base rationnelle, qu’il ne coïncide pas avec quelque chose d’inscrit dans la nature même des hommes, plus on fournira des aliments secrets à l’angoisse devant la subversion des distinctions existantes. C’est de la ruine des différences évidentes, cohérentes avec une représentation traditionnelle du monde, que naît le racisme comme recherche précisément de différences substitutives” [63]. En d’autres termes, les pratiques discriminatoires se passent fort bien d’une catégorisation biologique, la “race” étant à l’évidence une catégorie sociale dont l’efficacité, par conséquent, se situe dans sa réalité symbolique. 

Bouglé comprend la nécessité d’affirmer une conception de l’identité nationale qui ne doive rien à la conformation organique : “Ce qui fait la nation, c’est moins la ressemblance des corps que la conspiration des idées” [64]. Il adhère, on le voit, à la vision renanienne selon laquelle “une nation est une âme, un principe spirituel”. Les anthroposociologues, qui n’ont compris ni le progrès de la science ni la logique nationale, ne sont pas seulement “des philosophes aveugles mais des Français égarés” [65].

 

Du bon usage de la biologie

 

À travers cette discussion critique de la métaphysique raciale, Bouglé manifeste un très grand intérêt pour les débats scientifiques de son temps. Déjà analysées dans Les Idées égalitaires, les thèses de la biologie contemporaine seront réexaminées lors de la discussion avec Espinas et Novicow dans la Revue philosophique en 1900 et 1901, avant d'être reprises de façon systématique dans La Démocratie devant la Science, ouvrage auquel Bouglé accordait une grande importance, comme en témoigne sa réédition en 1923, augmenté d'une préface sur "la sociologie monarchiste". 

Il s'agit avant tout de rejeter ce que Bouglé nomme “les prétentions matérialistes” et qu’il faut traduire, dans le vocabulaire contemporain, par illusions réductionnistes. Ce qu’il récuse, en effet, c’est le matérialisme éliminatif, c’est-à-dire la thèse n’accordant aucune portée explicative à ce qui n’est pas matériel. En l’espèce, il est inconcevable de priver de toute portée heuristique une conceptualisation en termes psychologiques des phénomènes humains au profit d’une théorisation de nature biologique. Il faut en conséquence se garder de la tentation d’avoir systématiquement recours à la toute-puissance de l’hérédité car “rien n’est moins sûr que la transmission héréditaire, par voie physiologique, des qualités psychologiques, des idées, des sentiments, des façons de penser et de vouloir" [66]. À une époque où l'hérédité des caractères acquis reste une hypothèse scientifique, Bouglé manifeste un recul critique de bon aloi : “Les influences ancestrales pourraient bien munir les individus d’aptitudes générales, plus ou moins indéterminées. Mais ce qui fait passer ces aptitudes à l’acte, ce qui décide de leur orientation, ce qui fixe le moment, le degré, le sens de leur épanouissement, c’est le milieu, c’est la société, c’est la vie. Si c’est la nature qui plante, c’est la société qui greffe ; et ce sont les qualités de la greffe bien plutôt que celles du plant que vous reconnaîtrez dans la fleur” [67]. Aussi sera-t-il conduit, après un examen serré des hypothèses lamarckiennes et de leur réfutation par Weismann, à conclure au caractère exceptionnel de l’hérédité des qualités acquises. Et il le fera, en citant l’un des auteurs, pourtant lamarckien, Félix Le Dantec [68], à la lecture duquel il doit une bonne partie de ses connaissances biologiques : “Pour qu’un caractère puisse devenir héréditaire (encore ne le devient-il pas forcément même dans ce cas), il faut que ce caractère soit complètement fixé dans l’organisme des parents : si ce caractère est relatif à l’exécution d’une certaine opération, il faut donc que cette opération soit devenue tout à fait instinctive, ce qui n’a jamais lieu pour aucun métier humain” [69]. Ainsi, résume Bouglé, ce n’est jamais l’aptitude au métier qui peut être héréditaire. Les apologistes de l’hérédité commettent une grave erreur en ne distinguant pas entre, d’une part, les facultés, élémentaires et indéterminées et, d’autre part, les capacités proprement dites, compliquées et spécialisées. Ce qui rend l’homme capable d’acquisitions c’est précisément que n'étant pas "encombré par l’hérédité de coordinations toutes faites, il peut adapter ses aptitudes aux exigences du présent” [70]. 

On le voit, dans le débat récurrent entre héréditaristes et environnementalistes, Bouglé, bien qu’engagé dans un combat idéologico-scientifique contre la sociologie biologique, ne se range pas totalement dans le camp environnementaliste. Certes, les influences mésologiques lui paraissent plus susceptibles d’expliquer la diversité sociale, mais il n’adhère pas pour autant à une approche culturaliste réduisant l’homme à un produit socio-culturel. Qui peut, en effet, “discerner nettement dans le talent d’un individu, l’apport de l’hérédité et l’apport de l’éducation” [71], puisque “l’œuvre incessante de l’habitude empêche de voir l’œuvre permanente de l’hérédité” [72] ? Il faut, dès lors, donner crédit à la démocratie qui, en travaillant à abaisser les barrières, permettra sans doute une bien meilleure utilisation sociale des capacités de chacun. 

En remettant l'hérédité à sa juste place, la démocratie a-t-elle triomphé de tous ses adversaires ? Moins radicaux, les deux autres piliers du naturalisme lui posent également des questions redoutables. 

La théorie organique considère, en effet, qu'une différenciation croissante est la condition du progrès des organismes : “Un être est d'autant plus parfait que ses fonctions sont plus différenciées” [73]. Cette proposition vaut aussi bien pour les sociétés que pour les individus. Or les sociétés humaines étant des organismes, la démocratie, qui contrarie ce processus de différenciation, est cause de décadence. C'est du moins, à l'époque, la position la plus communément défendue par les organicistes, même si ce n'est pas celle de Novicow (avec Espinas, l'un des principaux interlocuteurs de Bouglé) lequel cherche à concilier les aspirations démocratiques avec les faits scientifiques. 

Mais est-il bien exact que la biologie vante sans nuance les vertus de la différenciation ? Ne nous dit-elle pas que pour porter ses fruits, “il faut qu'entre les éléments différenciés d'anciennes ressemblances subsistent et de nouvelles relations s'établissent, conditions d'une intime solidarité sans laquelle tout est perdu” [74] ? Cependant, en vantant l'importance de la différenciation, les organicistes ne songent-ils pas avant tout au rôle que jouent les êtres différenciés, à la profondeur du sillon qu'ils tracent ? Or, à n'en pas douter, cette place est le produit d'une indéniable supériorité, celle que confère l'activité consciente. Néanmoins utilisons-nous, pour constater ce privilège, un critère rigoureusement objectif ? Non, bien entendu : “Ce jugement de valeur ne se déduit nullement des jugements de réalité formulés par la pure biologie ?” [75]. Le culte de la pensée n'est au fond que “l'idéal propre de notre espèce bien plutôt que la nature des choses” [76]. La conclusion de Bouglé ne surprendra pas : “Il semble donc vain de demander à la science un critère objectif du progrès, et si les naturalistes veulent constituer une biologie strictement scientifique, vide de tout préjugé humain, pure de tout anthropomorphisme et par suite de tout finalisme, ils doivent s'abstenir de juger les êtres dont ils décrivent l'évolution. D'une conception toute mécaniste de la nature on ne peut plus tirer une définition du progrès. Celui qui souffle sur la conscience plonge toutes les valeurs du monde dans la nuit, l'indistinction, l'indifférence” [77]. Perfection et imperfection ne peuvent avoir de sens qu'en fonction de fins préalablement posées. Le darwinisme a définitivement condamné la téléologie. 

S'il est permis de tenir pour réfutée la thèse du progrès par la différenciation, que doit-on penser de celle qui réduit les sociétés à des organismes ? L'étude des théories récentes de la division du travail, au premier rang desquelles se trouve celle de Durkheim, indique que les avancées significatives des connaissances se sont produites non grâce à la sociologie biologique mais contre elle, “en projetant la lumière non sur les caractères qui rapprochent nos sociétés des organismes mais sur ceux au contraire qui les en séparent et sont propres à l'humanité” [78]. Dans les sociétés modernes, “au lieu de la différenciation attendue, c'est un phénomène nouveau qui passe au premier plan : c'est ce que nous avons proposé d'appeler la complication sociale” [79] (voir supra la référence à Simmel, dont il s'inspire pour cette notion de complication sociale déjà utilisée dans les Idées égalitaires ). Mais Bouglé reste prudent : s'il appelle de ses vœux la multiplication des cercles d'appartenance, en lui prêtant des vertus émancipatrices, il n'ignore pas que nombre de ces solidarités extra-économiques demeurent superficielles et, dès lors, ne sont pas toujours en mesure de combattre efficacement les conséquences négatives de la spécialisation intensive dans le monde du travail. En d'autres termes, “l'attitude que nous adopterons à l'égard des efforts actuels de la démocratie ne dépendra donc pas seulement des faits que nous aurons constatés, mais de l'idéal que nous aurons choisi” [80]. 

Le darwinisme social, et son concept-clef de concurrence, sont-ils pour les idéaux démocratiques des ennemis plus redoutables ? Après avoir minutieusement examiné les résultats récents de la théorie darwinienne, Bouglé considère que la lutte pour la vie n'est pas l'unique moteur de l'évolution. Cet enseignement est déjà de nature à affaiblir le pessimisme darwinien, généralement invoqué face aux aspirations démocratiques. Cependant, bien que soulignant le rôle de l'association dans la nature, il ne succombe pas à la tentation de se fonder sur une autre morale “scientifique” substitutive pour étayer ses convictions politico-morales : “Ce qui se dégage de plus net de notre recherche sur les leçons de la biologie, c’est l’extrême difficulté où est l’homme de "laisser parler la nature" pour enregistrer son conseil ; la conseillère parle plusieurs langues et varie ses épreuves selon les idées préconçues des enquêteurs” [81]. Dans le monde humain, la lutte pour l'existence déclenche des forces nouvelles qui contrarient l'opération sélective de la nature. Peu à peu, le respect des personnes devient le pilier de la morale sociale : “L'intérêt social bien entendu exigera de plus en plus, à mesure que la conscience sociale sera plus réfléchie, que la force se déploie pour les faibles et non contre eux” [82]. En travaillant à diminuer les inégalités, la démocratie manifeste des préoccupations totalement étrangères à la nature, permettant ainsi aux sociétés de s'affranchir des “leçons” de la biologie. 

Se manifeste ici l'intérêt de Bouglé, lecteur de Léon Bourgeois, pour le solidarisme. Tout en prenant des distances avec la tentation de certains solidaristes de substituer une nouvelle morale scientifique à la morale naturaliste inspirée du darwinisme, il est sensible au fait que le solidarisme nous offre “un individualisme démocratique, principe fécond d'union et d'action sociales... dont l'avènement marquerait la victoire définitive de la nature proprement humaine sur la nature animale” [83]. Son œuvre ultérieure cherchera à préciser les rapports que doit entretenir le solidarisme avec la science [84]. Doit-on, comme le souhaitait la Ligue de l'enseignement au début du siècle, enseigner à l'école publique une morale rigoureusement et exclusivement scientifique ? Une réponse positive supposerait “que l'on puisse directement transmuter les réalités positives, et spécialement les réalités naturelles, en règles valables pour les sociétés humaines” [85]. Or, s'il n'est pas sans intérêt de montrer que les enseignements de la biologie ne s'opposent en rien au processus démocratique, il est illusoire d'espérer construire, grâce à la science, une morale sans a priori. Non qu'il faille nécessairement renoncer à fournir à l'universalisme moral, auquel adhère Bouglé, des fondements objectifs, mais la nature doit se contenter de nous informer. Il s'agit seulement d'être attentif à ce que les sciences nous apprennent sur l'homme et non de fonder la morale sur la science. La nécessité morale relève d'un autre ordre. Il n'est pas sans intérêt de noter que ce type d'argumentation, particulièrement nécessaire aujourd'hui devant la quantité de découvertes en biologie évolutionniste, a été développé par de nombreux penseurs contemporains, parmi lesquels le philosophe américain Philip Kitcher. Ce dernier concède, comme Bouglé, que les théoriciens de la morale doivent prêter attention aux découvertes de la biologie, mais il estime que ces découvertes ne peuvent servir qu'à nous aider à prendre des décisions dont les fondements se situent à un autre niveau [86]. 

On le voit, Bouglé nous propose un modèle extrêmement attractif de réfutation des tendances biologisantes en sociologie et en philosophie morale. Il nous semble que dans le débat des années 1970-80 autour de la sociobiologie, les arguments qu'il avait émis contre la sociologie biologique auraient pu contribuer à éclairer la discussion. Peut-être se serait-on ainsi gardé des condamnations abruptes comme des enthousiasmes excessifs ? On sait que E. O. Wilson définissait la sociobiologie comme “l'étude systématique de la base biologique de tous les comportements sociaux”, ceux de l'homme y compris. Mais le débat a rapidement délaissé le terrain strictement scientifique pour se déplacer sur le terrain idéologique. Ainsi on a laissé penser que l'ambition sociobiologiste était de réduire l'homme à ses aspects biologiques et, plus encore, de fonder une morale scientifique largement inspirée du darwinisme social, c'est-à-dire prônant la survie des plus aptes. En vérité, il semble bien, une fois les passions apaisées, qu'il s'agissait seulement d'intégrer le biologique aux sciences de l'homme. Il est cependant permis de se demander si les sociobiologistes sont les mieux armés pour cette tâche. En s'acharnant à rendre compte de phénomènes tels la monogamie, l'homosexualité et les prescriptions morales en général par des mécanismes naturels, ils restent trop souvent aveugles au fait que nombre d'entre eux seraient sans doute avantageusement expliqués par des mécanismes de sélection culturelle [87]. Comme l'écrivait Bouglé en conclusion de La Démocratie devant la science, le défaut capital de la sociologie naturaliste “est qu'elle incline les esprits à tout confondre à force de tout rapprocher” [88]. Il faut, au contraire, être conscient “qu'il existe des plans différents et comme des étages successifs dans le développement de l'être, et qu'à chaque étage il apparaît du nouveau, qui recule les limites du possible et change les modes du désirable” [89]. Pour déterminer les fins de l'homme, on ne peut attendre nul secours de la science. Le combat pour les idéaux démocratiques ne saurait se fonder sur ses enseignements. La science n'est pas plus en mesure de démontrer le mal-fondé des aspirations égalitaires que leur bien-fondé. Il faut donc garder à la conscience “la faculté de mépriser ce que la science explique” [90]. Partisans et adversaires de la démocratie “exagéraient”, comme le dit joliment Bouglé, “la compétence du tribunal” [91]. 

Ainsi que le remarque très justement W. Paul Vogt, “en soulignant la spécificité du social et plus encore la spécificité des méthodes d’explication propres aux sciences de la nature, à la science sociale et à la philosophie morale, Bouglé rejette en fait la sociologie biologique sous toutes ses formes -y compris celles qui pourraient appuyer ses propres convictions politiques” [92]. A la stricte épistémologie de la continuité parfaitement illustrée par les travaux d’Espinas (continuité entre organismes sociaux, entre la nature et la culture, entre la biologie et la sociologie) [93], Bouglé opposera, avec constance, l’hétéro­généité du monde biologique et du monde social. Les sociétés présentent, en effet, un caractère qui impose à leur évolution des conditions spécifiques : elles sont composées d'êtres conscients . Négliger ce caractère expose au plus grand arbitraire : en témoigne la totale opposition entre Espinas et Novicow quant aux conséquences qu'il convient de tirer de leurs présupposés biosociologiques, notamment sur la question de l'individualisme [94]. Bouglé, cependant, reconnaît l'intérêt de la théorie darwinienne. Dans un mémoire envoyé à l'université de Cambridge, à l'occasion du centenaire de Darwin, il insiste sur la fécondité des discussions qu'elle a soulevées : “Peu de doctrines auront laissé en passant, dans l'histoire de la philosophie sociale, de plus beaux remous” [95]. D'une façon générale, les sciences biologiques, en montrant les limites et les dangers des explications finalistes [96], ont contribué à affaiblir l'influence de la philosophie spiritualiste et, ainsi, à “réintégrer l'homme dans la nature” selon l'expression de Cournot. Mais la reconnaissance des ressemblances qui nous unissent au monde animal ne doit pas conduire à méconnaître les différences fondamentales qui nous en séparent [97]. Les sociétés humaines interviennent nécessairement dans le jeu des lois naturelles, “en s'efforçant de substituer aux interventions spontanées des interventions rationnelles plus conformes à ces raisons de vivre dont l'humanité prend peu à peu une conscience plus nette” [98]. Les jugements de réalité formulés par la biologie ne nous sont d'aucun secours pour fonder nos jugements de valeur. Rien ne saurait remplacer, “pour démontrer aux hommes qu'ils doivent travailler à l'avènement d'une société juste” [99], les ressources de la philosophie morale. C'est sans aucun doute au nom de celle-ci que Bouglé, à la fin de sa vie, mettra toute sa légitimité institutionnelle dans le combat contre le nazisme et le fascisme. Il occupera, en effet, la présidence du comité directeur de Races et racisme, éphémère bulletin du Groupement d'étude et d'information visant à dénoncer l'inquiétante progression de l'idéologie racialiste, manifestant, une ultime fois, la cohérence d'une œuvre et d'un engagement au service des idéaux de la République.

 

RÉSUMÉ

 

Dans la réfutation de toute conceptualisation fondée sur la race et, au-delà, de l'utilisation du modèle biologique en sociologie, Bouglé occupe une place essentielle. La science, montre-t-il, n'a pas vocation à guider nos principes moraux. L'idée de l'égalité des hommes ne concerne pas la façon dont la nature les a faits mais celle dont la société doit les traiter. 

 

BIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE

 

Agrégé de sciences sociales (Faculté de Droit de Limoges) A publié (avec P.-A. Taguieff) "Ethnopsychiatrie et exotisme" (Raison présente, no 123, 3e trimestre 97). Va publier "Sociologie et morale : la philosophie de la solidarité de Célestin Bouglé" (in ouvrage collectif sous la direction de G. Ferréol, Presses du Septentrion). Prépare une thèse sur Bouglé (directeur F. Gresle).


[1] Célestin Bouglé, Le solidarisme, Paris, Marcel Giard, 1924, p. 43 (1re éd. : 1907).

[2] Émile Durkheim, 1975, Textes II, Paris, Ed. de Minuit, p. 411.

[3] Émile Faguet, bien que fort réservé quant au fond, dresse, dans son compte rendu de La Démocratie devant la Science, un portrait extrêmement révélateur : “M. Bouglé ... est un homme des plus sérieux, des plus instruits, des plus appliqués et des plus consciencieux. Il a de hautes qualités morales. Il est d’une parfaite loyauté.. Il cherche le vrai avec ardeur et ne se flatte jamais de l’avoir trouvé tout entier. Là où il faut douter et réserver quelque chose et même beaucoup à ceux qui nous suivront il doute et il réserve, et non pas avec ces affectations de nonchalance et d’indifférence qui ôtent au doute même sa dignité et son efficacité mais il doute avec précision et il réserve avec netteté. M. Bouglé est un philosophe digne de ce nom”. (La Revue Latine, n° 3, 25 mars 1906, p. 129).

[4] Guy Thuillier, 1977, "Vacher de Lapouge : un anarchiste positiviste", in L'idée de race dans la pensée politique française contemporaine, Paris, éditions du CNRS.

[5] Léonce Manouvrier, "L’Indice céphalique et la pseudo-sociologie", Revue de l’Ecole d’Anthropologie, 9e année, août 1899, p. 233-259 et septembre 1899, p. 280-296.

[6] Jean Boissel, "A propos de l’indice céphalique", Revue d’Histoire des Sciences, XXXV, 4, 1982, p. 289-319.

[7] Joseph-Pierre Durand de Gros, "Excursion anthropologique dans l’Aveyron", Bulletin de la société d’Anthropologie, IV, 1868, p.193-218. Mais, comme le fait remarquer J. Boissel, Lapouge fait dire à Durand de Gros plus que ce que celui-ci énonce explicitement. En outre, Durand confesse une gêne à ce que sa théorie ne soit pas conforme à son idéal humanitaire alors que Lapouge forge son idéal sur sa théorie. (J. Boissel, art. cité, p. 292-293).

[8] Henri Hubert, "Compte rendu de l’Aryen : son rôle social", Revue historique, janvier-février 1902, p. 162.

[9] H. Hubert, "L’Origine des Aryens", l’Anthropologie, 21, 1910, p. 519-528.

[10] André Béjin, "Le Sang, le sens et le travail : Georges Vacher de Lapouge darwiniste social, fondateur de l’anthroposociologie",Cahiers internationaux de Sociologie, volume LXXIII, 1982, p. 325-343.

[11] Georges Vacher de Lapouge, "Le Paradoxe pangermaniste", Mercure de France, t. CXI, 1915, p. 640-654.

[12] G. Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, Paris, Albert Fontemoing, 1896, p. 139.

[13] G. Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, Paris, Albert Fontemoing, 1899, p. 465.

[14] G. Vacher de Lapouge, "Lois de la vie et de la mort des nations", Revue internationale de sociologie, n° 6, juin 1894, p. 424. Même si, de son propre aveu, Lapouge ne prendra connaissance de L’Essai sur l’inégalité qu’en 1889 (Ibid., p. 426-427).

[15] Otto Ammon, L’Ordre social et ses bases naturelles. Esquisse d’une anthroposociologie, tr.fr. H. Muffang, Paris, Albert Fontemoing, 1900 (1re éd. 1895).

[16] Pierre-André Taguieff, "Mixophobie et xénophobie", Sexe et race, VIII, 1994 , p. 77-132 et Les Fins de l'antiracisme, Paris, Michalon, 1995, ch. IV.

[17] G. Vacher de Lapouge, art. cité, p. 425.

[18] Carlos Carleton Closson, "La Dissociation par déplacement", Revue internationale de sociologie, juin 1896, p. 512.

[19] Paul Broca, "Les Sélections", Revue d’anthropologie, I, 1872, p. 705.

[20] C. C. Closson, art. cité, p. 514.

[21] Laurent Mucchielli, "Sociologie versus anthropologie raciale", Gradhiva, 21, 1997.

[22] G. Vacher de Lapouge, op. cit., 1896, p. 456.

[23] A. Béjin, art. cité, p. 329-330.

[24] G. Vacher de Lapouge, "L’Hérédité", Revue d’anthropologie, 3e série, t. I, 1886, p. 515.

[25] Francis Galton, Inquiries into Human Faculty and its Development, Londres, Mac Millan, 1883. Sur ce point, on consultera avec profit, P.-A. Taguieff, La Force du préjugé, Paris, La Découverte, 1988, (notamment la page 518) et "Théorie des races et biopolitique sélectionniste en France. Aspects de l’oeuvre de Vacher de Lapouge (1854-1936)", Sexe et race, III, décembre 1989,12-60 et Sexe et race, IV, juin 1990, p. 3-33 ainsi que "Eugénisme ou décadence ? L’exception française", Ethnologie française, t. 24, janvier-mars 1994, p. 81-103.

[26] G. Vacher de Lapouge, art. cité, 1894, p. 454.

[27] Pitirim Sorokin, Les Théories sociologiques contemporaines, tr.fr. R. Verrier, Paris, Payot, 1938, p. 214, (1re éd. : 1928).

[28] P. A. Taguieff, op. cit., 1988, p. 34.

[29] G. Vacher de Lapouge, art. cité, 1899, VII-IX.

[30] P. A. Taguieff, op. cit., 1988, p. 78.

[31] G. Vacher de Lapouge, "La Dépopulation de la France", Revue d’anthropologie, 3e série, t.II, 1887, p. 74-75.

[32] G. Vacher de Lapouge, op. cit., 1896, p.239.

[33] C. Bouglé, "Anthropologie et démocratie", Revue de Métaphysique et de Morale, V, 1897, p.449.

[34] P. Sorokin, op. cit., p. 213-214.

[35] C. Bouglé, art. cité, p. 450.

[36] Ibid.

[37] L. Manouvrier, "Les Aptitudes et les actes", Bulletin de la société d’anthropologie de Paris, 1(4), 1890, p. 918-951.

[38] C. Bouglé, Les Idées égalitaires. Etude sociologique, Paris, Alcan, 1899 , p. 75. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[39] C. Bouglé, art. cité, p. 450.

[40] Ibid.

[41] Dominique Parodi, "Morale et sociologie", Revue d'économie politique, t.XXXI, 1907, p. 241-270.

[42] C. Bouglé, art. cité, p. 450-451.

[43] C. Bouglé, Essais sur le régime des castes, Paris, 1908, Alcan. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[44] C. Bouglé, "Castes et races", La Grande Revue, 1901, p. 92.

[45] C. Bouglé, "Un sociologue individualiste : G. Tarde", La Revue de Paris, III, 1905, p. 294-316.

[46] C. Bouglé, "Le Darwinisme en sociologie", Revue de Métaphysique et de Morale, XVIII, 1910, p.91. Il ajoute que Tarde " s'est efforcé de montrer que toutes les applications qu'on a voulu faire aux sociétés des lois de la science naturelle prêtent à équivoque " (Ibid.).

[47] C. Bouglé, art. cité, 1897, p. 451-452.

[48] Deux ans plus tard, dans Les Idées égalitaires, il mettra en garde contre la tentation de tenir pour démontrée l’idée que la démocratie soit nécessairement l’aboutissement de toute évolution sociale. Ce serait, dit-il, une grave méprise sur le caractère des lois sociologiques qui ne sont en aucune façon des lois d’évolution (p. 36). [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[49] C. Bouglé, art. cité, 1897, p. 453.

[50] C. Bouglé, op. cit., 1899, p. 23.

[51] C. Bouglé, op. cit., 1899, p. 25.

[52] C. Bouglé, art. cité, 1897, p. 461.

[53] C. Bouglé, Lettre à Élie Halévy, probablement du 17-11-97, Bibliothèque nationale, Fonds Bouglé.

[54] Il écrit que cela cache "soit le mépris de la preuve, soit le mépris de la loi, soit le mépris de la morale moderne",Ibid., Lettre du 27-02-98, Bibliothèque nationale, Fonds Bouglé.

[55] C. Bouglé, "Philosophie de l’antisémitisme (l’idée de race)", La Grande Revue, 1899a, p. 147.

[56] Ibid., p. 148.

[57] Ibid.

[58] C. Bouglé, "La Banqueroute de la philosophie des races", Revue socialiste, 1899b, p. 386.

[59] C. Bouglé, art. cité, 1899a, p. 152.

[60] Ibid., p. 153.

[61] C. Bouglé, art. cité, 1899a, p. 154.(cf. les remarques de P. A. Taguieff, op. cit., 1988, p. 232-233 et note 8, p. 555-556).

[62] Colette Guillaumin, "“Je sais bien mais quand même” ou les avatars de la notion de race", Le Genre humain, n°1, 1981, p. 59.

[63] Franck Tinland, "Notions de la représentation des différences", in Ni juif ni grec, (Éd. Léon Poliakov), Paris, Mouton, 1978, p. 32.

[64] cité par C. Bouglé, art. cité, 1899a, p. 157.

[65] C. Bouglé, art. cité, 1899a, p. 158.

[66] C. Bouglé, art. cité, 1899b, p. 393.

[67] Ibid., p. 394.

[68] Félix Le Dantec, Traité de biologie, Paris, Alcan, 1903, p. 515.

[69] C. Bouglé, La Démocratie devant la science, Paris, Alcan, 1904, p. 57. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[70] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 58.

[71] Ibid., p. 62.

[72] Ibid., p. 65.

[73] Jacques Novicow, "Les Castes et la sociologie biologique", Revue philosophique, tome L, 1900, p. 262.

[74] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 121.

[75] Ibid., p. 132.

[76] Ibid., p. 133.

[77] Ibid. .

[78] Ibid., p. 141.

[79] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 153-154.

[80] Ibid., p. 184-185.

[81] Ibid., p. 228.

[82] Ibid., p. 277.

[83] Ibid., p. 281.

[84] Je me permets de renvoyer à : Alain Policar, "Sociologie et morale : la philosophie de la solidarité de Célestin Bouglé", Recherches sociologiques, 2, 1997, p. 85-110.

[85] C. Bouglé, op. cit., 1924, p. 43.

[86] Philip Kitcher, Vaulting Ambition, Sociobiology and the Quest for Human Nature, Cambridge, M.A., The MIT Press, 1985.

[87] Raymond Boudon, François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris PUF, 1982, p. 548-555.

[88] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 289.

[89] Ibid. .

[90] C. Bouglé, op. cit., 1899, p. 249.

[91] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 294.

[92] William Paul Vogt, "Un durkheimien ambivalent : Célestin Bouglé, 1870-1940", Revue française de sociologie, XX, 1979, p. 135.

[93] Ivan Guillaume, "La Biosociologie d’Espinas et la sociobiologie de Wilson, deux systèmes de pensée comparables", Revue européenne des sciences sociales, n°69, 1985, p. 139-156.

[94] C. Bouglé, "Le Procès de la sociologie biologique", Revue philosophique, 1901, p. 121-123.

[95] C. Bouglé, art. cité, 1910, p. 92.

[96] C. Bouglé, "L’Idée moderne de la nature", Revue de Métaphysique et de Morale, IX, 1901, p. 529-555.

[97] C. Bouglé, "Contre le darwinisme social. Les conditions humaines de la lutte pour la vie", La Grande Revue, 1903, p. 263-264.

[98] Ibid., p. 279.

[99] C. Bouglé, op. cit., 1904, p. 302.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 29 juillet 2007 15:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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