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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Échantillonnage et recherche qualitative: essai théorique et méthodologique” (1997)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Alvaro Pires, “Échantillonnage et recherche qualitative: essai théorique et méthodologique”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Poupart, Deslauriers, Groulx, Laperrière, Mayer, Pires [Groupe de recherche interdisciplinaire sur les méthodes qualitatives], La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques, pp. 113-169. Montréal: Gaëtan Morin, Éditeur, 1997, 405 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 2 août 2006 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

Mon propos principal est de faire un essai méthodologique sur l'échantillonnage dans les recherches qualitatives en sciences sociales. Mais je souhaite contribuer aussi à une réorientation de la manière dont on présente la question de l'échantillonnage en général (dans les recherches qualitatives ou quantitatives). C'est pourquoi j'examinerai de plus près les notions d'« échantillon » et de « population » et que je tenterai de mettre de l'avant une conception générale de la méthodologie qui ne disqualifie ni une démarche qualitative ni une démarche quantitative. Bien sûr, on doit s'attendre à ce que certaines questions soulevées ici appellent des débats et des développements ultérieurs. 

Le mot « échantillon » peut prendre une double signification. Au sens strict ou opérationnel, il désigne exclusivement le résultat d'une démarche visant à prélever une partie d'un tout bien déterminé ; au sens large, il désigne le résultat de n'importe quelle opération visant à constituer le corpus empirique d'une recherche [1]. C'est dans ce second sens qu'il faut l'entendre ici. Ainsi comprise, la notion d'échantillon concerne autant les grandes enquêtes par questionnaire que les recherches portant sur un seul individu. Nous y reviendrons. 

Bien entendu, je poursuis aussi l'objectif pédagogique de donner une vue d'ensemble des sortes d'échantillons dans la recherche qualitative de la façon la plus claire possible. Pour faciliter la compréhension, je les illustrerai par le biais d'études empiriques. Cependant, cette tâche n'est pas aisée, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le propre de la recherche qualitative est d'être souple et de découvrir- construire ses objets au fur et à mesure que la recherche progresse. Par conséquent, l'échantillon peut parfois se modifier considérablement en cours de route par rapport au devis de recherche. Les stratégies d'échantillonnage sont alors porteuses d'une part plus ou moins grande d'imprévisible. Or cet « involontaire de l'œuvre », pour parler comme Rojtman (1980 : 13), introduit une sorte de difficulté dans la description des différents échantillons et dans le choix de leurs appellations. Deuxièmement, il est difficile, voire impossible, de décrire la démarche d'échantillonnage sans faire référence au projet de construction progressive de l'objet comme un tout. On comprend pourquoi il n'y a pas eu encore, du moins à ma connaissance, d'étude donnant une vision générale de l'échantillon qualitatif Car il est plus simple de le présenter dans le cadre d'une problématique unifiée de recherche (« étude de cas », « recherche avec entrevues sur les représentations sociales », etc.). Troisièmement, la recherche qualitative prend des formes très diversifiées, ce qui rend quasiment impossible un inventaire détaillé des différentes adaptations de l'échantillon aux différents objets. Quatrièmement, des difficultés d'ordre conceptuel se posent. Divers critères ou principes d'échantillonnage (ceux de saturation, de diversification, de cas négatif, d'induction analytique, etc.) sont formulés dans le cadre de recherches précises, puis sont repris pour servir à d'autres fins. Ces usages varies, S'ils indiquent certes la richesse de ces principes et la possibilité de les appliquer ailleurs de façon créative, créent par ailleurs une multitude de sens qui ne sont pas pertinents dans tous les cas. Enfin, la recherche qualitative utilise souvent une grande variété de données (slice of data [2] ), hétéroclites au surplus, qui ont été parfois obtenues par chance ou sans aucun critère systématique. Certains chercheurs font même la collection de données en dehors de tout projet spécifique, en espérant qu'un jour elles puissent servir à quelque chose. La plupart des études intègrent ces données hétéroclites à un corpus empirique systématiquement constitué, mais d'autres se fondent exclusivement et rétrospectivement sur cet ensemble de données, imprécis quant à sa logique de sélection [3]. L'art du chercheur consiste alors à savoir tirer parti de ses données, c'est-à-dire à bien construire sa question de recherche et son analyse à partir des données dont il dispose. Il est alors futile de vouloir dégager des critères formels d'échantillonnage. Bien entendu, les considérations qui suivent ne s'appliquent pas qu'aux ensembles de données systématiquement constitués. 

Comme je l'ai déjà mentionné, cette étude se présente pour une bonne part comme un essai et on ne doit pas s'attendre à ce qu'elle épuise le sujet. Elle n'est pas par ailleurs un catalogue de règles inflexibles. Il vaut mieux la concevoir comme une « boîte à outils » avec laquelle on engage une sorte de dialogue en vue de résoudre les problèmes de construction d'une bonne recherche. 

Explicitons d'entrée de jeu trois prémisses de cette étude. La première est que la qualité scientifique d'une recherche ne dépend pas du type d'échantillon ni non plus de la nature des données (quantitative ou qualitative), mais du fait qu'elle est, dans l'ensemble, « bien construite [4] ». La deuxième est que « les choix techniques les plus "empiriques » sont inséparables des choix de construction d'objet les plus "théoriques" » (Bourdieu, 1992 : 197). La troisième est que la fonction de la méthodologie n'est pas de dicter des règles absolues de savoir-faire, mais surtout d'aider l'analyste à réfléchir pour adapter le plus possible ses méthodes, les modalités d'échantillonnage et la nature des données à l'objet de sa recherche en voie de construction.


[1] J'ai adapté librement ici la définition de Rose (1982 : 49). Pour lui, l'échantillonnage est « the selection of units for study ». Il donne aussi une acception large à sa définition.

[2] J'emprunte cette expression classique, « couches ou morceaux de données », à Glaser et Strauss (1967 : 65).

[3] L'intéressante recherche de Goffman (1974) sur Les cadres de l'expérience illustre bien cette situation. Une des principales sources de ses données consiste en anecdotes tirées de la presse, ayant apparemment peu de valeur. Il écrit à ce sujet : « Ces données comportent une faiblesse supplémentaire : je les ai sélectionnées au fil des ans au petit bonheur la chance, selon des critères qui demeurent mystérieux, qui ont évolué avec le temps et que je ne pourrais même pas retrouver si je le voulais. » (Goffman, 1974 : 23.)

[4] Je reprends ici une expression de Bourdieu (1992 : 57). Hamel (1993 : 53) a attiré l'attention sur l'importance de cette remarque par rapport aux questions méthodologiques en général et à l'étude de cas.


Retour au texte de l'auteur: Alvaro Pires, criminologue, Université d'Ottawa Dernière mise à jour de cette page le dimanche 19 août 2007 18:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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