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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Prendre le virage de l'éducation permanente. Un enjeu fondamental
de la "nouvelle révolution technologique" en cours
” (1985)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Michel Pichette, “Prendre le virage de l'éducation permanente. Un enjeu fondamental de la "nouvelle révolution technologique" en cours”. Un article publié dans Page documentaire 51, “Apprendre: un nouveau paradigme”, pp. 113-122. Ottawa: Commission canadienne pour l'UNESCO, mai 1985, 124 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 2 mai 2006 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

À observer les façons dont on a commencé à gérer l'importante crise-transition que nous traversons actuellement dans nos sociétés, il est bien difficile, dix ans après la parution du Rapport Faure, d'affirmer que le projet d'éducation permanente qu'il y proposait est en bonne voie de développement. 

En effet, d'une part, l'on continue encore, d'une manière généralisée, à réduire la notion d'éducation permanente à la dimension étroitement institutionnalisée et économiste de l'éducation ou du perfectionnement/recyclage professionnel des adultes. D'autre part, la tendance de la majorité des politiques sociales en éducation consiste actuellement à généraliser la ré-introduction dans la formation des jeunes comme des adultes, de programmes et de processus d'apprentissages articulés autour des seuls impératifs de rattrapages ou d'adaptation fonctionnelle aux nouvelles transformations technologiques qu'est en train de vivre le marché du travail et de l'économie. Dans presque tous les cas, lorsqu'on observe où se font les recherches et les innovations en éducation aujourd'hui, c'est d'abord de ce côté qu'on retrouve les principaux investissements et les plus grands supports institutionnels. Il est bien difficile, dans ce contexte, d'affirmer que les longs débats, les recherches, les expérimentations et les nombreuses revendications populaires qui ont supporté les recommandations de la commission Faure au cours des dernières années ont été réellement entendus et assumés par les décideurs et les gestionnaires sociaux. Le simple constat de la réalité nous empêche d'être très optimistes sur ce point. L'on s'éloigne en effet beaucoup de l'éducation permanente en cherchant trop exclusivement à soumettre les apprentissages des jeunes comme des adultes aux seuls besoins cloisonnés de l'entreprise et en amenuisant, par ce fait même, l'importance du temps accordé à la "formation générale" ; en retardant indûment l'adoption de politiques de congés éducation rémunérés ; en réduisant substantiellement les ressources publiques requises pour le développement des apprentissages non-formels au chapitre, notamment, de l'éducation et du développement de la vie communautaire ; en resserrant de plus en plus le concept d'apprentissage à des dimensions trop étroitement formelles ; en omettant de donner au concept d’éducation toute l'extension qui permettrait d'inclure la multiplicité et la diversité des apprentissages auto-didactiques que généralisent aujourd'hui les outils médiatiques et informatiques en dehors des circuits scolaires/institutionnels traditionnels et en ne se préoccupant pas de stimuler le développement qualitatif de ce nouvel environnement socio-éducatif dans lequel nous avons déjà commencé de vivre avec la société de l'information. 

Au nom de l'urgence de former une main-d'oeuvre qualifiée pour sortir d'une crise uniquement perçue sous son angle économique, on semble s'appliquer à vouloir redéfinir l'éducation à l'intérieur du paradigme industriel-rationnel-technologique [1] qui a prévalu en Occident depuis la révolution industrielle du début du siècle plutôt que de développer une politique et un projet éducatif en rapport avec le nouveau paradigme émergent qu'annoncent et rendent possibles les nouvelles technologies, la société de l'information et les "mutations" profondes que nous sommes en train de vivre comme individus et comme humanité. 

Ainsi donc, nos décideurs sociaux sont en train de gérer des stratégies qui nous feront prendre le virage technologique et celui des réorganisations profondes qui s'ensuivront au niveau des rapports sociaux, sans tenir compte de l'importance de développer simultanément des stratégies éducatives qui permettraient d'assurer à ce virage technologique nécessaire une transition harmonieuse vers une meilleure qualité de la vie humaine. 

Cette "révolution technologique" actuelle qui consiste dans l'intégration et le développement synergétique de l'informatique, de la micro-électronique, des télécommunications et de l'audio-visuel apporte la peur et l'espoir en même temps qu'elle commence déjà à transformer l'organisation économique de nos sociétés ainsi que la plupart des pratiques personnelles et sociales de nos vies quotidiennes. Il y a d'une part les craintes que l'informatisation conduise à : une régression dans la participation démocratique des citoyens ; un freinage de la mobilité sociale, la déqualification de la main-d'oeuvre et un accroissement du chômage ; la mise en danger de la vie privée des individus ; la vulnérabilité des systèmes d'information qui affaiblirait la sécurité privée des individus et la souveraineté des États ; des phénomènes de sur-consommation informationnelle conduisant à une "pollution mentale" qui empêcherait l'appropriation personnelle et sociale d'un imaginaire propre. En même temps, beaucoup d'espoirs sont investis dans la nouvelle révolution technologique : accroissement des compétences et des libertés individuelles ; solution à la crise économique et écologique ; densification et amélioration de la qualité du tissu social (réseaux locaux dans les quartiers et les communautés) et accroissement des formes et de la qualité des interactions entre les individus (nouveaux groupes d'affinités, nouvelles solidarités) ; possibilité de nouvelles formes d'institutions sociales décentralisées et davantage responsables vis-à-vis la base. [2] 

Les enjeux profonds de cette "nouvelle" société et de cette "nouvelle" culture que nous avons déjà commencé de construire et d'apprendre exigent, de mon point de vue, que nous options sans plus attendre pour le virage fondamental qu'appelle l'éducation permanente. À bien des égards, l'éducation permanente me semble constituer la pierre angulaire du nouveau paradigme éducatif que rend possible la présente révolution technologique. Ce "virage" implique, selon moi, 

a) la "de-scolarisation" effective de l'idée même d’éducation et d'apprentissage, de même que l'extension de la notion d'apprentissage à la diversité des moments et des lieux où nous apprenons à poser chaque pas sur le chemin de la vie depuis notre premier souffle... ;
 
b) la conception et le développement de politiques sociales en éducation qui permettent a chacun, jeunes et adultes, individus et communautés, de prendre le "virage technologique" à leur rythme et pour leur profit... ;
 
c) le développement des supports socio-économiques requis pour l'amélioration de l'environnement éducatif global de nos sociétés.


[1] Bertrand, Y. et P. Valois, Les options en éducation, collection "Point de vue, point de mire", Ministère de l'éducation, Québec, 1980.

[2] Proulx, S., Les usages possibles des médias dans l'avenir de la vie quotidienne : réflexions et questions à partir d'une recherche en cours, Association canadienne de communication, Ottawa, 1982 (texte ronéotypé).


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 23 décembre 2006 16:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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