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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'intouchable nébuleuse et l’insaisissable téléspectateur” (1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Michel Pichette, “L'intouchable nébuleuse et l’insaisissable téléspectateur”. Un article publié dans la revue Possibles, Montréal, vol. 13, no 3, été 1999, pp. 35-41. [Autorisation accordée par l'auteur le 2 mai 2006 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

On le sait. La majorité de la population adulte consacre chaque semaine près de 26 heures (en moyenne) de son « temps libre » devant l'écran du téléviseur domestique. Dans le cas des jeunes, le temps qu'ils consacrent à la télévision totalisera plus d'heures que celles qu'ils auront consacrées à l'école et à leurs travaux académiques au terme de leur scolarité. Le visionnement et écoute de la télévision continuent d'occuper une place prépondérante dans la vie privée de la majorité des individus. 

Il est étonnant de constater combien nous sommes encore socialement silencieux devant ce phénomène massif de consommation de marchandises culturelles et combien nos outils pour en traiter restent encore fort limités. Cela fait plus de trente années que la télévision s'est installée dans nos vies. Nous vivons avec elle à la manière d'un vieux couple usé par l'habitude. La télévision est là, mais d'une certaine manière nous ne la voyons plus. Nous la laissons nous parler et nous montrer plein de choses parmi lesquelles nous choisissons entre des marchandises qui se ressemblent de plus en plus. La télévision s'est imposée comme une grande nébuleuse à l'intérieur de laquelle nous nous replions tous les jours, solitaires, guidés par le mouvement de baguette des maîtres du cirque. Et, dans tout cela, nous nous retrouvons saturés d'informations et d'émotions, de désirs de l'autre inassouvis et remplis d'images et de sons ; laissés à nous-mêmes pour en faire la digestion, la vidange et la gestion. Insaisissable télévision. lnsaisissable téléspectateur. 

Après trente années de côtoiement quotidien nous n'avons pas encore réussi à nous dégager de son emprise. L'univers spectaculaire et industriel de la télévision continue de faire bande à part de nos réflexions et de nos recherches sur 'éducation des jeunes et sur le temps de l'éducation permanente des adultes, sur la qualité de nos rapports socio-affectifs, sur la qualité de notre vie sociale. La télévision n'est pas un objet de réflexion pour la société. Elle s'en est exclue en se donnant le rôle de communicatrice des autres objets de débats et de développements sociaux. On ne parle pas de la télévision. C'est elle qui parle de nous et pour nous. 

D'autre part, chacun de nous, téléspectateur, ne savons pas comment conjuguer notre propre développement avec nos comportements devant le téléviseur. Nous ne savons pas comment répondre à cette télévision qui ne nous donne pas les moyens de prendre la parole. Qu'est-ce que le fais, qu'est-ce qui s'active en moi quand je regarde la télévision ? Que se cache-t-il derrière cette passivité qu'on a pris l'habitude d'associer au téléspectateur ? Qu'est-ce y ? « ça » me fait et qu'est-ce que je fais et peux faire avec « ça » ? Comment cela continue-t-il d'exister dans ma propre réalité ? Et, enfin, comment faire pour que la télévision devienne reconnue comme un vaste empire industriel de production de marchandises culturelles en face duquel il y a place pour un office de protection de ses consommateurs ? 

En fait, la question est de savoir s'il y a moyen de penser, de parler et d'agir à propos de la télévision sans être captifs des paramètres qu'elle impose elle-même. Y a-t-il moyen de parler à propos de la télévision en se situant du point de vue de celui qui la consomme plutôt que de celui qui la gère, la produit et l'anime ? Il existe une forme d'interdiction de parole et d'incapacité d'expression individuelle et sociale dès lors que l'on veut parier de la télévision à partir du point de vue du téléspectateur. Car ce point de vue cherche à se situer non pas d'abord en rapport avec l'offre du télédiffuseur pour l'approuver ou la dénoncer mais en rapport avec la diversité des réalités, des valeurs, des besoins et des expériences que vit et porte en elle chaque personne quand elle regarde la télévision. C'est un point de vue qui n'est pas celui d'un récepteur mais celui d'une personne différenciée, non anonyme à l'intérieur d'une « masse de téléspectateurs ». Un point de vue qui se manifeste chez chaque téléspectateur lorsque loin de la « nébuleuse télévisuelle » il commente et parle de ses propres expériences de visionnement et de ses propres attentes. Un point de vue interdit qui n'a pas sa place dans les discours a propos de la télévision parce que cette dernière ne supporte que ce qui parle d'elle-même et parce qu'elle n'encourage que cela. Lever l'interdit sur le point de vue du téléspectateur c'est nous dégager de l'emprise de la télévision et rendre possible la distanciation et la critique dans l'autonomie. C'est quitter le terrain de l'industrie télévisuelle et de ses animateurs et c'est abandonner la vision fermée qu'ils nous imposent en confinant la télévision aux paramètres du divertissement.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 23 décembre 2006 11:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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