Développer son sens critique à l'égard de la télévision me parait une action nécessaire et urgente à entreprendre. Mais comment y arriver ? Surtout quand on n'a jamais eu l'occasion de s'arrêter deux minutes pour y penser... En quoi cela est utile, intéressant et faisable ? Comment devenir critique à l'égard de la télé quand on n'a jamais appris les moyens de l'être ? Et, tant qu'à faire, comment faire en sorte que cela puisse, en même temps, nous enrichir nous-mêmes, enrichir la société et bien sûr, l'ensemble des programmations que nous proposent les télédiffuseurs. 

Je ne pourrai pas apporter ici toutes les réponses qu'il faudrait. Les réflexions que je vous vais vous livrer gravitent beaucoup autour de ce qui m'apparaît être un pré requis au développement de notre sens critique: faire notre entrée dans l'histoire de la télévision à titre de téléspectateur et de téléspectatrice, parce qu'elle est aussi un peu, beaucoup, notre histoire à tous. Nous y avons tous et toutes joué un rôle, non seulement comme téléspectateurs assidus, attentifs, exigeants mais également comme citoyens et citoyennes responsables, conscients et progressistes. 

Tout comme les femmes qui se sont réappropriées leur fierté en s'appropriant leur histoire, propre, à elles, je pense qu'il en va de même pour les téléspectateurs. 

Nous ne savons plus trop qui nous sommes et ce que nous vivons devant le petit écran. Nous avons l'impression de faire face à la télévision comme s'il s'agissait d'une intouchable vache sacrée qui nous parle sans nous écouter comme si elle nous tenait un discours ; c'est comme si nous avions perdu tous moyens de nous faire entendre, de nous faire comprendre et que l'on se retrouve, impuissants, impuissantes, incapables de pouvoir entrer en contact, de maîtriser la puissance du dialogue... de la communication. 

Permettez-moi de vous raconter une anecdote, une confidence que me fit un jour un journaliste de la télévision...: "plus personne aujourd'hui, vraiment, n'a peur de se faire interviewer "à la radio" quand un journaliste se promène sur les trottoirs de la ville avec son micro, à moins de s'estimer pressé par le temps ou bien de ne pas croire au processus de ce genre de consultation. Plus personne en tous les cas pour avoir peur de ce genre d'intervention, parce que les gens, me disait ce journaliste, ont apprivoisé le son/micro notamment via le téléphone et le son/radio via les tribunes téléphoniques… 

Ajouter une caméra (pour la télévision) au micro-trottoir et plus personne pour oser affronter la situation. Les gens ont encore peur de l'image comme certains de nos ancêtres, jadis, avaient peur de se faire "voler leur âme". C'est dire quel mythe entoure encore aujourd'hui la prise d'images (vision) à distance (télé) ...! " 

Je pense que nous entrons dans une période de l'histoire de la télévision où petit à petit nous allons découvrir la nécessité de devenir des téléspectateurs actifs en regard de ce qui se passe autour de l'écran, sur l'écran et devant l'écran.