Les groupes communautaires ou encore les institutions d'enseignement s'intéressent de plus en plus à l'utilisation de la télévision pour des fins d'éducation populaire ; la généralisation du téléviseur domestique, l'apprivoisement progressif des éducateurs au médium et, bien sûr, la combinaison du son et de l'image qu'offre le médium ne permettent plus, ou permettront de moins en moins d'hésiter entre la radio et la télévision. lorsqu'on envisagera de produire des activités éducatives à distance. Cela devient encore plus évident lorsqu'on regarde du côté des innovations récentes ou anticipées dans le domaine des télécommunications : développement de la télédistribution, de la transmission par satellite, de l'enregistrement et du stockage à l'aide de vidéo-cassettes et de vidéo-disques, de même que le nouveau mariage entre informatique et télécommunication (télématique). Ces développements annoncent la possibilité de nouveaux « design » de systèmes de communication médiatisés qui ouvrent à des formes d'apprentissage à distance totalement nouvelles. 

Cependant, si l'intérêt des groupes communautaires et des institutions d'enseignement pour la télévision s'accroît, les difficultés que pose son utilisation continuent d'être nombreuses et importantes, Ces difficultés persisteront aussi longtemps qu'ils rechercheront à exploiter le médium d'une manière conventionnelle. En voulant faire de la « bonne vraie télévision » comme n'oublient pas de leur dire les professionnels « sympathiques et condescendants du milieu », ils s'exposent bien souvent à des résultats antinomiques avec leurs intentions. Ces difficultés sont de divers ordres ; le coût de production demeure prohibitif par rapport à leurs ressources et au caractère « éphémère » d'une émission de télévision ; l'unidirectionnalité technologique du médium et le « modèle de communication télégraphique » qu'il impose encore perpétuent une stratégie pédagogique de consommation plus ou moins « passive » et « autoritaire », l'absence de rétro-action et de contact direct avec l'auditoire cible empêche de vérifier sur-le-champ l'efficacité pédagogique et didactique de l'émission, etc. Pour pallier à ces difficultés, ils sont alors obligés d'insérer leur intervention télévisuelle dans une stratégie multimedia fort complexe et coûteuse en ressources et énergies : prétests, questionnaires d'évaluation, réception de commentaires téléphoniques, correspondance, animation dans le milieu, rencontres, envoi de documents imprimés, etc. Tout cela a bien souvent pour résultat de diminuer l'intérêt et l'efficacité escomptés du médium. L'utilisation de la télévision, pourtant fort valorisée dans la stratégie éducative envisagée, devient, au terme de l'intervention, plus problématique qu'à son début. Incapable d'en évaluer l'efficacité réelle on la relègue au niveau des supports secondaires tout en regrettant qu'elle ait mobilisé autant d'énergies. 

Ce sont là quelques-unes des difficultés que nous avons nous-mêmes rencontrées pendant et après la production de plusieurs (37) émissions éducatives sur un réseau privé de télédiffusion ou encore, à l'occasion de travaux sur l'utilisation de la télévision à des fins d'éducation populaire avec des groupes communautaires. C'est cela qui nous a conduits à entreprendre des recherches et des expérimentations dans le but de savoir s'il n'y avait pas des façons d'utiliser autrement la télévision. Comment utiliser ce médium sans que cela implique des coûts prohibitifs ? Comment la technologie des télécommunications peut-elle permettre l'exploitation d'une stratégie pédagogique favorisant le caractère actif, interactif, autonomisant et mutualiste que recherche tout projet d'éducation populaire ? Comment observer, dans une activité d'éducation à distance, la dynamique vivante, concrète et ancrée sur le vécu quotidien qui caractérise l'éducation populaire ?