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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

André Normandeau, “Le vol à main armée au Québec (1981)
Texte intégral de l'article


Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'André Normandeau, “Le vol à main armée au Québec”. Un article publié dans la revue Criminologie, vol. 14, no 1, 1981, pp. 105-109. Numéro intitulé : “Criminalité et réalités sociales. Québec, Canada, Etats-Unis, Japon”. Centre international de criminologie comparée. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal. [Autorisation formelle de l'auteur accordée le 31 mai 2005 de diffuser toutes ses publications sur le portail web Les Classiques des science sociales.]
Texte de l'article

Depuis la Commission d'enquête sur l'administration de la justice en matière criminelle et pénale au Québec, appelée communément la Commission Prévost (1968-70), il est d'usage de rappeler à chaque année que le Québec détient « le championnat des vols à main armée ». 

Ce championnat est plus qu'une figure de style. En effet, Montréal a un taux de vols à main armée plus de quatre fois supérieur à la moyenne des autres grandes villes canadiennes, dont Toronto, Calgary et Vancouver. Par rapport aux grandes villes américaines, Montréal n'est toutefois pas au premier rang. Ce sort est réservé à New York, Détroit, Washington, San Francisco et Los Angeles. Mais Montréal affiche un taux plus élevé que celui de Chicago, St. Louis, Boston et Philadelphie. 

Quoi qu'il en soit, le phénomène des vols à main armée au Québec, particulièrement à Montréal, préoccupe les citoyens et les autorités depuis une décennie. C'est pourquoi, au début de 1980, le ministre de la Justice du Québec, Me Marc-André Bédard, nommait un « Groupe de travail » sur les vols à main armée, chargé : 

1. de colliger les statistiques permettant d'évaluer l'évolution des vols à main armée dans les institutions bancaires et les commerces ; 

2. de comparer cette évolution entre les différentes régions du Québec et celles du Canada ; 

3. d'analyser les causes et les facteurs pouvant influencer l'évolution et la perpétration des vols à main armée, notamment : 

a) les caractéristiques des criminels engagés dans des activités de ce type ;
 
b) les mesures de sécurité prises dans les établissements visés c) l'action policière et l'action judiciaire ;
 
c) l'attitude des citoyens et des victimes face au vol, à la violence et à la justice ;

 

4. d'examiner les mesures qui permettraient de faire diminuer le nombre de vols à main armée et de faire les recommandations qu'il jugera appropriées à cet égard. 

Le mandat était de six mois ! Il fut respecté sans aucune demande additionnelle ni en termes de temps ni en termes de ressources financières, ce qui est, avouons-le, relativement rare de nos jours, pour les groupes de travail et les commissions d'enquête du gouvernement ! 

Les membres du Groupe de travail étaient les suivants 

- Laurent Laplante, journaliste, membre de la Régie des services publics, agissait à titre de président ;
- André Normandeau, criminologue, Université de Montréal, en était le secrétaire ;
- Raymond Bellemare, inspecteur à la Sûreté du Québec ;
- François Brisebois, conseiller en administration ;
- Gérald Tobin, directeur de la sécurité au Mouvement Desjardins.

 

Le Groupe a placé au premier rang de ses priorités la victime du vol à main armée. En plus de rencontrer un bon nombre des représentants de groupes particulièrement touchés par ce crime, tels que l'Association des petits commerçants, l'Association des bijoutiers, l'Association des chaînes d'alimentation, l'Association des banquiers... des recherchistes ont rencontré individuellement une centaine de victimes choisies au hasard. Ces entrevues ont fait l'objet tantôt d'une analyse axée sur les méthodes de la criminologie, tantôt &un examen s'inspirant davantage des techniques dérivées du journalisme et de la communication. 

Le Groupe désirait également établir et entretenir un contact constant avec les policiers de première ligne, c'est-à-dire ceux qui procèdent aux premières arrestations et qui voient les victimes au moment même où le traumatisme du vol à main armée est le plus apparent. Des recherchistes ont donc rencontré individuellement plus de 200 policiers. En outre, ils ont rencontré en petits groupes et dans chaque capitale régionale du Québec quelque 250 cadres policiers. 

Finalement une série de travaux criminologiques a été exécutée : étude systématique d'un échantillon de dossiers de police, de dossiers des tribunaux (pour jeunes et adultes), de dossiers de probation, de pénitencier et de libération conditionnelle et, enfin, quelques entrevues qualitatives avec un certain nombre de voleurs à main armée sur leur « carrière ». 

Il ne nous est pas possible de résumer l'ensemble des données intéressantes ainsi recueillies. Nous renvoyons le lecteur au rapport lui-même : le Vol à main armée au Québec [1]. Le Groupe a également déposé une copie de ses sept annexes de recherche (polycopiées) au service de recherche de la Direction générale de la sécurité publique du ministère de la Justice du Québec, au service de recherche du Solliciteur général du Canada et au Centre de documentation de l'École de criminologie (C.I.C.C.-G.R.I.J.) de l'Université de Montréal. 

Mentionnons, néanmoins, quelques recommandations spécifiques faites par le Groupe, à savoir : 

La prévention par les premiers intéressés 

Le Groupe suggère l'installation de caisses blindées dans les succursales bancaires victimisées plus de deux fois alors que pour les petits commerçants les suggestions relèvent d'une série de mesures, surtout de sens commun, que ce soit au niveau de l'affichage dans les vitrines, de la hauteur des étalages, de la situation de la caisse enregistreuse, du montant d'argent à y conserver ainsi que de l'utilisation d'une « caisse-coffre-fort » munie d'une minuterie. 

Les droits et libertés des victimes 

Le Groupe recommande, entre autres, que la Direction générale de la sécurité publique du ministère de la Justice déploie un service d'aide et d'information aux victimes. De plus, il est recommandé que les policiers et les procureurs de la Couronne accordent toute l'attention nécessaire, en temps et en qualité de contact, aux victimes et aux témoins. Le procureur de la Couronne pourrait être en fait « le procureur de la victime ». On suggère aux victimes de se regrouper en « ligue des droits et libertés des victimes » afin de revendiquer leurs droits à la sécurité et à la liberté, et afin de promouvoir des mesures de prévention parmi les petits commerçants, en particulier. 

Un corps de police plus efficace 

Le Groupe suggère la constitution d'une escouade centralisée pour l'ensemble des vols à main armée, avec des divisions particulièrement responsables des institutions bancaires, des petits commerçants, des bijoutiers... Une Certaine « déconcentration » régionale de l'escouade pourrait également être envisagée. 

Un système judiciaire plus équitable 

La machine judiciaire exerce une telle pression pour accélérer les procédures et pour désengorger les tribunaux que plus de 9 cas sur 10 des vols à main armée sont réglés sans procès, par négociation entre le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense. Le Groupe recommande, à cet effet, que la responsabilité de la poursuite soit confiée à une équipe spécialisée de procureurs dont ce soit l'unique affectation et qu'ils soient choisis en fonction de leur connaissance du domaine et de leur aptitude à préserver devant le tribunal et à travers les inévitables négociations les intérêts de la société plus que ceux de la gestion et de l'administration. 

La délinquance des mineurs 

Environ le tiers des voleurs arrêtés sont des mineurs de 14 à 18 ans. Certains de ces derniers sont des voleurs « à répétition » qui commettent 10, 12 ou 20 vols à main armée par année. Sans remettre en question les principes de la nouvelle loi 24 sur la protection de la jeunesse, le Groupe recommande la « neutralisation » effective de ces jeunes récidivistes afin de ne pas faire reculer l'ensemble du système de justice pour mineurs sous la pression publique. Il faudra donc identifier de par la loi les sections de centres d'accueil qui seront désormais de vraies unités sécuritaires. 

Conclusion 

Le vol à main armée est à ce point fréquent chez nous, à ce point entré dans les reportages de nos médias qu'on ne réalise peut-être plus assez ce qu'il est exactement. Il suffit cependant de prêter l'oreille un instant aux témoignages éloquents des victimes et des policiers pour revenir rapidement à une image plus réaliste et plus répugnante de ce crime. 

Les travaux du Groupe québécois de travail sur les vols à main armée ont jeté un éclairage sur cette dimension du problème. Espérons que toutes les personnes intéressées à la prévention de ce fléau en tireront un profit pour l'avenir.


[1] Le Vol à main armée au Québec, Éditeur officiel du Québec, Québec, 1980, 245 p. (4.25$).


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 16 août 2006 19:15
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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