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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Laurent Mucchielli, “Des jeunes face à VVV (2003)
Texte de l'article


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Laurent Mucchielli, “Des jeunes face à VVV”. (Texte publié dans Didier Lapeyronnie, dir., Quartiers en vacances. Des opérations Prévention Été à Ville Vie Vacances, 1982-2002, Paris, Les Éditions de la DIV, 2003, p. 165-184) [M. Laurent Muchielli, sociologue et historien de formation, est chargé de recherche au CNRS et directeur du Centre de recherche sociologique sur le Droit et les institutions pénales au CNRS]. [Autorisation formelle des auteurs accordée le 8 septembre 2005]

Introduction 
Problématique et méthodologie 
1. Les circulaires ministérielles: Largesses et ambiguïtés dans le ciblage du public
2. Les cellules départementales: le difficile maillage local
3. Opérateurs et jeunes: Barrières relationnelles et limites institutionnelles
4. Trois logiques d’évitement 
Conclusion 
Références bibliographiques

Laurent Mucchielli (2003)
“Des jeunes face à VVV”. 

Introduction

Depuis le début des années 80, la problématique de la prévention de la délinquance a évolué en fonction de l’histoire politique et de celle des pratiques institutionnelles. Dans les deux décennies précédentes, ce champ spécifique des politiques publiques relevait principalement de la prévention spécialisée, qui fût progressivement désinvestie par les décideurs publics nationaux puis départementaux du fait de sa faible visibilité et de la montée du sentiment d’insécurité chez les Français [1]. Dans le même temps, le surgissement de la crise économique et l’épuisement de certaines luttes politiques participaient aussi à un certain “ désenchan­tement ”, voire “ épuisement ” du travail social dans les années 1970 [2]. Les évènements qui se sont produits dans certaines cités de l’agglomération lyonnaise lors de l’été 1981 ont précipité la mise en place de mesures d’urgence destinées à préserver la paix sociale dans les quartiers populaires [3]. C’est ainsi qu’émerge en 1982 le dispositif “ anti-été chaud ”, qui deviendra par la suite “ Opération de prévention été ” (OPE), puis “ Ville Vie Vacances ” (VVV). 

À l’origine, “ cette opération fut une vaste action interministérielle visant à mobiliser les pouvoirs publics locaux sur un objectif précis et limité dans le temps : réaliser pendant l’été des actions variées, d’animation locale et de départs en vacances pour les jeunes des quartiers ‘chauds’ ” [4]. L’organisation interministérielle de cette politique et son architecture administrative a très peu évolué jusqu’à aujourd’hui, résistant à l’épreuve du temps et des alternances politiques. Ce dispositif, né dans l’urgence, surprend par sa longévité. Mais la politique de la ville est l’objet de critiques de plus en plus vives et d’un désintérêt croissant de la part de l’État. La tendance de fond des années 90 a été celle d’une imposition progressive de modèles plus répressifs, replaçant les forces de l’ordre (police et gendarmerie) au cœur de l’action publique locale, aussi bien par la création de nouvelles unités aux modes d’intervention plus “ musclés ” (telles les brigades anti-criminalité) que par la tentative de réforme baptisée “ police de proximité ”. Accusées régulièrement d’inefficacité, les politiques de prévention laissent la place aux politiques de sécurité, dont la mise en œuvre est plus immédiatement et plus fortement visible. Dans ce contexte, il devient particulièrement difficile d’expliquer les difficultés inhérentes au travail social et à l’animation sociale et culturelle développés dans le sens de la prévention de la délinquance juvénile au sein des quartiers pauvres [5]. La question du ciblage du public en est une, classique et centrale. Enfin, les difficultés classiques d’évaluation des politiques de la ville (notamment la difficulté à définir un système d’évaluation fiable et partagé par des acteurs institutionnels et associatifs particulièrement nombreux et dont les logiques d’action et les horizons d’attente sont très divers), constituent un handicap supplémentaire pour les chercheurs [6]. Ces derniers n’ont cependant pas d’autre choix que celui d’analyser puis de restituer la complexité du réel. 

Problématique et méthodologie

VVV est un dispositif de prévention de la délinquance spécifique. Contrairement à d’autres politiques publiques, il repose sur un triple ciblage, temporel, social et territorial. Il s’agit d’intervenir durant les périodes de vacances scolaires (essentiellement l’été, mais plus exclusivement) afin d’éviter les situations de marginalisation et de prévenir les éventuelles conduites délinquantes des “ jeunes ” des “ zones urbaines sensibles ”. Le tout dans un contexte qui ne cesse de se dégrader, ces “ zones urbaines sensibles ” se caractérisant par la concentration de populations cumulant des difficultés sociales et économiques qui ne cessent par ailleurs de s’aggraver depuis un quart de siècle, y compris ces dernières années [7]. Ce lien entre territoire et population s’est progressivement complexifié avec l’élargissement du dispositif à l’ensemble des départements. La problématique du ciblage du public concerné par les risques de délinquance et de marginalisation s’est donc orientée vers les définitions des caractéristiques des jeunes à accueillir. Tous les textes officiels insistent sur ce ciblage, mais ils se heurtent à des obstacles sociologiques de différentes natures. Tout d’abord, la difficulté de cerner “ d’en haut ” un public prioritaire en raison de la diversité des situations locales et donc à la nécessaire contextualisation des besoins. C’est pourquoi il est prévu que chaque cellule départementale définisse des priorités locales à la suite de la réalisation d’un diagnostic précis, par la mobilisation et le croisement des connaissances acquises par le secteur associatif et par toute personne ou organisation susceptible “ de contribuer au repérage des territoires sensibles et des publics en difficulté ” [8]. Pour l’essentiel, la mise en place du travail de repérage des publics prioritaires est donc laissée à l’appréciation des cellules départementales, dont la composition a été voulue la plus élargie possible par le ministère de la Ville.

Notre enquête a pour objectif de saisir les logiques de repérage et de ciblage du public du dispositif VVV, puis d’évaluer sa mise en œuvre de ce point de vue, en allant observer les pratiques réelles, en analysant les difficultés rencontrées et en pointant le cas échéant des effets pervers liés à l’organisation même du dispositif. Dans ce but, il s’agit d’interroger tous les acteurs du dispositif : les textes officiels, l’organisation d’une cellule départementale, la conception des projets par les promoteurs, et enfin le public concerné, défini aujourd’hui comme les “ jeunes en instance de marginalisation ”, dans leurs logiques de fréquentation ou d’évitement du dispositif. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire. Les résultats de l’enquête présentée ici ne sont cependant pas nécessairement pleinement généralisables. Pour être efficiente, l’enquête a été effectuée (de septembre à décembre 2002) dans un cadre local spécifique où l’un des chercheurs pouvaient accéder pleinement au “ terrain ”, rencontrer les jeunes en question et les interroger de façon formelle ou informelle, ce qui ne pas toujours de soi. Mais les rapports entre les jeunes visés et les opérateurs, les stratégies d’information et de communication, le degré d’implantation et surtout l’état des relations entre les jeunes eux-mêmes sont des éléments propres à chaque espace urbain et social où se développent des opérations VVV, quand bien même ils seraient géographiquement proches. Dans le cas qui nous concerne, le quartier des Hautes-Noues à Villiers sur Marne diffère de celui du Bois-L’Abbé dans la ville adjacente de Champigny sur Marne. Pour autant, diversité ne signifie pas non plus totale hétérogénéité, dans la mesure où certaines logiques sociales – comme les modes de sociabilité des adolescents et des jeunes adultes – dépassent les spécificités locales. Aussi espère-t-on que les résultats de cette recherche contribueront à la réflexion pour l’ensemble du territoire national.

1. Les circulaires ministérielles :
Largesses et ambiguïtés dans le ciblage du public

Les circulaires qui sont envoyées chaque année aux cellules départementales informent des orientations du ministre de la Ville au sujet du dispositif VVV. Ces textes prennent théoriquement en compte les résultats signalés dans les précédents bilans annuels afin d’améliorer l’efficacité du dispositif. Ces dernières années, l’accent a été mis sur la tendance du dispositif à s’éloigner des objectifs initiaux de prévention de la délinquance des jeunes. Cette tendance reconnue par le gouvernement, ne doit pas être séparée des critères de définition des publics visés par le dispositif Ville Vie Vacances. L’évaluation nationale menée en 1999 [9] a mis l’accent sur le sentiment qu’ont les animateurs des cellules départementales et les organisateurs d’actions d’animation, d’accueillir des jeunes ayant des difficultés d’insertion réelles, mais dont “ la majorité ” ne présentent pas de risques délinquants. 

Il semble pourtant qu’une partie de ces résultats soit directement liée aux critères ministériels de ciblage, tant ils paraissent parfois ambigus, parfois contradictoires, permettant par la multiplicité des expressions de viser un public très large. En effet, l’efficacité du ciblage et de son évaluation dépend directement des modes d’énonciation initiaux. Or, à la lecture des recommandations émises ces dix dernières années, on peut s’apercevoir que plusieurs contradictions ou “ injonctions paradoxales ” ont atténué la précision initiale du dispositif. 

Dans une circulaire destinée à préciser les priorités du programme pour les années 1991, 1992 et 1993, les consignes de ciblage concernaient les “ jeunes issus principalement de milieux urbains défavorisés (…) les plus marginalisés connus des travailleurs sociaux et des autres responsables de la vie de la cité  ”. De cette définition du public émergeait une méthodologie de repérage qui marquait indirectement les difficultés de maillage que rencontraient les administrations constituant les cellules départementales. La circulaire encourageait ainsi l’ouverture de “ cette instance () au secteur associatif et à toute personne ou organisation susceptible par sa compétence de contribuer au bon repérage des territoires en difficulté et de proposer des modes d’action adaptés aux publics concernés. 

En 1994, les cellules départementales sont sensibilisées à la problématique de l’isolement de certains jeunes, qui éviteraient les structures d’animation traditionnelles et seraient donc peu connus des opérateurs locaux. D’après ces injonctions, la non fréquentation des structures par certains jeunes était assimilée à un déficit de socialisation et le signe de risques réels de marginalisation. 

À partir de 1995 et la publication de deux rapports d’évaluation, la définition du public va sans cesse s’élargir, les expressions se multipliées et les territoires concernés sans cesse s’élargir, ce qui aura pour conséquence de réduire la spécificité du dispositif. Parallèlement, la cellule nationale OPE, qui commence à diffuser des éléments de méthodologie et d’expertise possible avec la mise en place d’instruments d’analyse et de centralisation de données, va permettre aux cellules départementales d’affiner leur connaissance du milieu notamment pour ce qui des méthodes de repérage des publics visés. 

Cependant, l’évolution des caractéristiques du public élargit le champ des possibles pour les opérateurs. Il est d’abord demandé de multiplier les efforts concernant les filles, très minoritaires dans les actions VVV (1995), puis de “ rechercher un équilibre dans la mixité et la diversité, tant sociale que culturelle, des jeunes ” (1996). Parallèlement, le programme VVV est progressivement étendu à tous les départements, à des zones rurales et périurbaines avec toutefois une priorité faite aux zones concernées par la politique de la ville. Enfin, en 2000, le ministère a abaissé l’âge des bénéficiaires aux enfants de 11 ans au prétexte d’un rajeunissement des auteurs de conduites à risques. 

On doit enfin noter que, de façon historiquement très significative, sociologiquement et éthiquement contestable, mais surtout ici en contradiction avec certains de ces élargissements, les formulaires d’évaluation envoyés aux acteurs de la mise en œuvre des actions VVV comportent toujours une question sur la part des “ jeunes issus de l’immigration ” dans le public touché. 

L’élasticité des critères de ciblage a donc accentué les risques de banalisation du dispositif. Ce problème était déjà montré du doigt par certains chercheurs dès le début des années 90 [10]. Mais s’en tenir à l’évolution des modes de catégorisation du public cible du dispositif n’est pas suffisant, il est nécessaire de s’interroger sur les concepts eux-mêmes et sur la manière dont ils peuvent être appréhendés par les acteurs locaux. 

La circulaire du 30 mars 1998 demande aux cellules départementales de favoriser le ciblage d’un public défini à partir de six expressions génériques : 

- les jeunes en difficultés
- les jeunes les plus éloignés des dispositifs de droit commun
- les jeunes les plus fragilisés et les plus exposés
- les jeunes qui n’utilisent pas spontanément les activités offertes par les structures traditionnelles d’animation
- les jeunes en voie de marginalisation 

Il y a donc des rapports de situations sociales objectives qui sont créées par les textes. Les risques délinquants sont associés à des situations de distanciation avec les structures de droit commun. Il en est déduit que la non fréquentation des dispositifs d’animation, serait un signe probant d’une situation de marginalisation. Cependant, l’objectif de prévention de la délinquance ne signifie pas qu’il y ait déjà eu passage à l’acte. Dans ce cas, il s’agirait de prévention de la récidive (ce qui fait effectivement partie des priorités du programme VVV). Implicitement, cela peut signifier que l’évaluation du public prioritaire échappe en grande partie aux institutions de traitement de la délinquance (police ou justice) et aux structures d’animation existantes. Pour autant, il est légitime de se demander : comment peut-on savoir que le public n’est pas visé réellement si on ne le connaît pas objectivement ? 

La circulaire 2002 envoyée par la délégation interministérielle à la Ville donne un exemple d’injonctions contradictoires qui peuvent faire obstacle à un ciblage précis et homogène pour les acteurs locaux du dispositif. Certes, le texte rappelle d’abord la tendance amorcée il y a quelques années à la banalisation sociale du programme Ville-Vie-Vacances, au niveau de la diversification des publics accueillis, ce qui conduit ce programme à un “ éloignement ” de son objectif initial. Mais il insiste ensuite que le fait que, pour éviter tout étiquetage stigmatisant pour les jeunes principalement ciblés, les cellules doivent rappeler aux porteurs de projets la nécessité d’une “ constitution équilibrée ” des groupes (en termes socio-économiques). De même, la participation — en progression mais malgré tout insuffisante — des filles aux actions VVV — légitime du point de vue de l’égalité d’accès aux loisirs — pose question. On peut en effet s’interroger sur le rapport existant entre la prévention d’un phénomène essentiellement masculin (la délinquance juvénile) et le caractère prioritaire énoncé par les dernières circulaires de la DIV quant au ciblage d’un public féminin (objectif des 50 %). La mixité du public visé (en terme de genre et d’origine sociale) a souvent comme conséquence, de réduire l’impact du principe de discrimination positive, intrinsèquement lié à ce dispositif de prévention de la délinquance. 

Ainsi, il apparaît clairement qu’un certain nombre de contradictions et d’imprécisions structurent les typologies officielles du public visé. En voici quelques-unes unes, non exhaustives. 

1- Nous constatons d’abord l’élargissement du dispositif à un certain nombre de groupes sociaux moins exposés aux risques concrets de délinquance (avec l’abaissement de l’âge des jeunes visés jusqu’à 11 ans, le ciblage d’un public féminin, l’objectif de mixité sociale des groupes), ce qui rend élastiques les limites de classification initiales. 

2- Nous constatons également que la volonté de développer la coopération avec les services de la prévention spécialisée contredit celle de “ toucher les jeunes qui ne fréquentent pas spontanément les structures traditionnelles d’animation et non pris en charge par les services de traitement de la délinquance ”. 

3- Nous constatons enfin que l’appellation “ jeunes en voie de marginalisation ” d’une part est particulièrement floue, d’autre part fait logiquement appel aux représentations subjectives des acteurs institutionnels locaux. 

4- Comme le signale justement Louis Dubouchet dans son évaluation nationale de 1993 : il est paradoxal de constater “ l’existence d’un fort degré de marginalité du jeune et la nécessité qu’il soit l’auteur de son projet ” 

Très souvent, les définitions du public ciblé font appel à des considérations exclusivement subjectives pour les organisateurs d’animation. Les jeunes principalement visés sont décrits comme des individus ou des groupes à risque. Ils sont “ en voie de ”, “ en danger de ”, “ les plus exposés à ”, “ en difficulté ”, etc. Autant de qualificatifs qui font appel à une connaissance pointue du public accueilli. Il en découle que les relais les mieux à même de fournir ces informations se situent au cœur des territoires considérés comme problématiques et ont seuls les outils de connaissance objective des réalités juvéniles locales. Cela pose la question de l’implantation réelle des opérateurs et de leur capacité à saisir les réalités vécues par ceux qui sont décrits dans les projets envoyés aux cellules, comme “ jeunes en errance ”, ou en “ risque de marginalisation ”. La définition des notions de risque et de marginalité est laissée au soin des opérateurs. Il n’existe aucun moyen clinique de mesurer les risques locaux, et de mettre en place une sélection du public pertinente, d’autant plus que les largesses contenues dans les textes officiels et la relative faiblesse des montants attribués par les cellules départementales, sont des obstacles à ce type de démarche. 

La lecture de l’appel à projet récemment envoyé par la cellule VVV du Val de Marne est instructive à cet égard. Sa période d’envoi correspond à la période où s’est déroulée notre enquête. En aval des recommandations ministérielles, le texte rappelle les priorités pour l’année 2003, notamment en matière de ciblage. Ainsi, il est demandé d’accueillir les “ jeunes les plus en difficultés ne fréquentant pas spontanément les structures traditionnelles de loisirs ”. Les opérations doivent concerner en priorité les jeunes âgés de 11 à 18 ans, ainsi que les jeunes majeurs les plus marginalisés. Puis, le document énumère un certain nombre de caractéristiques socio-économiques dans lesquelles les promoteurs d’action doivent s’inscrire : 

- Jeunes en échec scolaire ou sortis du cursus scolaire sans aucune formation
- Jeunes psychologiquement fragiles, en difficulté d’insertion sociale
- Jeunes sur la voie de la délinquance, ayant ou ayant eu des rapports avec la justice
- Jeunes toxicomanes
- Jeunes en danger de prostitution 

Ces catégories renvoient certes à des situations sociales réelles et, pour certaines d’entre elles, assez prégnantes sur le territoire étudié. Mais il est indispensable de s’interroger sur les capacités qu’ont les opérateurs locaux d’obtenir ces informations et d’opérer dans la gestion quotidienne de leurs structures le ciblage du public voulu par les textes. En outre, se pose le problème du partenariat et du partage des informations (les administrations chargées de la gestion des questions de délinquance, de soutien aux familles, aux jeunes, les structures départementales de protection de l’enfance, de la jeunesse, de l’éducation ou de la prévention, possèdent des éléments d’information qui ne peuvent être échangées pour des raisons de confidentialité). On peut aussi se poser la question de la pertinence de ces catégories qui prétendent prendre en compte des réalités locales différentes. Cette hétérogénéité dépasse le caractère national du dispositif. Le diagnostic départemental, qui est normalement effectué par les services préfectoraux au sein de la cellule plénière, ne pourra guère répondre à la multiplicité des besoins au sein d’un même département. 

Ces largesses présentes dans les circulaires ne signifient pas que les cellules ou les opérateurs aient relégué la problématique du repérage du public prioritaire au second plan. Il apparaît, dans la pratique, que c’est une logique de hiérarchisation des priorités qui s’est installée. Il existe effectivement des “ priorités prioritaires ” qui se modifient chaque année au gré des circulaires, qui définissent une hiérarchisation plus ou moins explicite de ces priorités. Cette hiérarchisation reste dominée par ce que l’on peut considérer comme le cœur du ciblage : les jeunes qui ne sont pas pris en charge par les services spécialisés de traitement de la délinquance et “ pas assez insérés ” pour fréquenter les structures d’animation traditionnelles, bref: ces jeunes qui se situent “ aux interstices de la prise en charge institutionnelle ” [11]. Toutefois, le fait de réduire la spécificité initiale du dispositif a pour conséquence de compliquer singulièrement l’évaluation. 

2. Les cellules départementales :
le difficile maillage local

Le Dispositif VVV a comme particularité d’être basé sur une étroite coordination entre plusieurs services de l’état. Les cellules départementales, véritable pivot du programme, sont de deux ordres. La cellule plénière regroupe les services suivants : 

- le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales,
- le directeur départemental de la jeunesse et des sports,
- le directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse,
- le directeur départemental de la sécurité publique,
- le commandant du groupement de gendarmerie départementale,
- le directeur des services départementaux de l'éducation nationale,
- le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle,
- le directeur régional des affaires culturelles,
- le délégué régional du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles,
- le sous-préfet chargé de la sécurité routière,
- le directeur du service départemental d'action sociale,
- le ou les directeurs des caisses d'allocations familiales,
- les directeurs des missions locales,
- un magistrat du siège,
- un représentant de l'administration pénitentiaire,
- la chargée de mission départementale aux droits des femmes ou la déléguée régionale dans sa fonction départementale. 

Il appartient au préfet de réunir la cellule plénière au moins trois fois par an et de rendre compte de ses travaux au conseil départemental de prévention de la délinquance [12] (ce qui en pratique est rarement le cas). 

Cependant, pour répondre à un souci d’efficacité et d’organisation, une cellule restreinte doit préparer et instruire les dossiers et les agréments des opérateurs. Cette cellule restreinte, réunie autour du préfet dans le cadre de la mission ville de la préfecture, est au moins composée par les représentants des trois premières administrations citées. Le caractère partenarial du dispositif qui devrait s’exprimer lors de la cellule plénière, assurant ainsi l’accumulation des compétences et une meilleure connaissance des réalités locales (ce qui est l’une des spécificités du dispositif) est en réalité réduit à la gestion du fonctionnement des opérations par la DDASS, la DDJS, la DDPJJ ainsi que les services préfectoraux. Dans le département du Val-de-marne, ces quatre institutions assurent conjointement le pilotage (la préfecture), le suivi administratif (la DDASS), l’instruction pédagogique et financière des dossiers (tous les membres de la cellule restreinte), les visites sur site (la DDJS), ainsi que les relations avec les promoteurs locaux de projets d’animation. 

Ce fonctionnement a certes des avantages au regard des méthodes de ciblage. Les institutions précédemment citées ont une connaissance du “ terrain ”. Elles réalisent des visites régulières (mais selon nous insuffisantes) sur sites. Par ailleurs, le faible turn-over des animateurs du dispositif favorise une bonne connaissance des opérateurs locaux et du public qu’ils accueillent. En outre, ils sont souvent chargés, dans le cadre de la politique de la ville, de multiples missions, mais dont les champs d’action restent liés à la prévention de la délinquance juvénile. Ainsi, en dehors des services préfectoraux, la direction départementale de la jeunesse et des sports est une administration fortement impliquée dans le suivi permanent des actions qui relève de son domaine de compétence. Ses agents sont amenés à se rendre régulièrement dans les territoires privilégiés par le programme VVV. Cette connaissance des structures locales est décisive pour l’instruction des projets d’animation. Le ciblage du public est ainsi avant tout basé sur une observation directe du fonctionnement des espaces de loisirs. 

L’évaluation nationale de 1999 mettait en avant le caractère formel et fortement aléatoire du fonctionnement de la cellule plénière. L’auteur du rapport expliquait que l’investissement des administrations sensées la composer au vu des circulaires ministérielles, était “ proportionnée à l’opportunité qu’offre le dispositif VVV de réaliser des objectifs sectoriels des services ” [13]. Les animateurs de la cellule restreinte du Val de Marne sont parfois accompagnés de représentants de l’Education nationale ou de la Caisse d’Allocations familiales, mais leur présence est souvent liée à la présentation par l’une de ces administrations d’un ou de plusieurs projets en instruction. Ainsi, le ciblage qui devait relever d’un maillage territorial effectué par les différentes administrations de la cellule plénière, ce qui constituait certainement un point fort du dispositif, est rarement appliqué à l’échelle nationale (voir l’évaluation nationale) et notamment jamais mis en place au niveau du Val de Marne. 

Au-delà des textes officiels, qui proposent un cadre cognitif de mise en application du dispositif, le repérage des projets véritablement ciblés relève donc d’une “ cuisine locale ” qui a ses propres limites. Dans les faits, le pilotage du programme Ville Vie Vacances s’effectue en trois étapes principales : l’appel à projet qui est rédigé à partir des directives ministérielles, le partage des projets reçus et leur instruction par les membres réguliers de la cellule restreinte, et enfin la phase de restitution qui débouche sur les subventions. Cette dernière étape regroupe la cellule restreinte et les représentants d’autres institutions concernées par des actions précises dont ils sont les promoteurs. 

Pour juger de la cohérence d’un projet au regard des critères VVV, la plupart des instructeurs se font un avis sur pièce, c'est-à-dire en prenant en compte les éléments avancés dans les dossiers par les structures de loisirs. Dans le Val de Marne, les manières d’instruire les dossiers diffèrent selon les administrations, les moyens d’information dont elles disposent et la connaissance des acteurs et des contextes locaux (selon les missions menées au sein de ces administrations, les personnels chargés des VVV sont plus ou moins amenés à se déplacer au sein des espaces de loisirs concernés). De fait, chacun a sa méthode de gestion des dossiers et de restitution à la cellule. 

L’investissement des membres de la cellule départementale est souvent limité par l’accumulation des tâches administratives, notamment pour ceux qui cumulent les missions, ce qui réduit voire anéantit les temps de visites et les déplacements sur les sites. La représentante de la préfecture résume ainsi cette situation : “ tout se passe par la poste ”. Dans cette perspective, les moyens de vérifier si le ciblage affiché dans les projets des promoteurs est cohérent avec le ciblage effectif, sont réduits. Que ce soit au niveau de l’étape des appels à projet ou bien à celle du bilan des opérations, les moyens de vérification sont extrêmement limités et même les “ visites de terrain ” opérés la plupart du temps par les représentants de la DDJS, ne permettent pas de vérifier si la situation sociale, économique ou psychologique des jeunes présents correspond aux objectifs prioritaires. L’analyse des comptes rendus de visites permet de se rendre compte de ces limites [14]. Le seul chapitre concernant la nature du public accueilli (“ démarche spécifique en direction d’un public marginalisé et des jeunes filles ”) est la plupart du temps renseigné par les contours de l’implantation des structures de loisirs visitées. C’est avant tout en vertu d’un principe de déduction intuitive, structurée à partir d’éléments de connaissance empirique (les visites sur le terrain, la continuité des promoteurs) et par la cohérence des projets présentés par les opérateurs, que les animateurs de la cellule départementale instruisent les dossiers qu’ils possèdent. 

Ces dernières années, le ministre de la Ville du précédent gouvernement a insisté sur l’importance d’amplifier la participation des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Ces incitations à la collaboration active des services du ministère de la Justice ont principalement été axées sur les questions de repérage du public. De fait, les moyens mis en œuvre par la représentante de la DDPJJ du Val de Marne sont intéressants, et ce à plusieurs points de vue. Tout d’abord, les projets menés par ces services sont par définition ciblés. Mais l’intérêt principal de la démarche de la DDPJJ renvoie aux méthodes et aux moyens d’instruction des projets de la cellule départementale. Parallèlement à l’étude de la cohérence des documents émis par les opérateurs, l’instruction se base sur la recherche d’informations locales recueillies en partie par les relais territorialisés que sont les CAE (centres d’action éducative), dont les éducateurs mandatés opèrent un travail de suivi individuel qui s’appuie sur une bonne connaissance du contexte local. 

Ce type d’informations recueillies et croisées avec celles des autres membres de la cellule peut permettre de repérer la réelle implantation des opérateurs, ces méthodes donnent des indications sur la place occupée dans le champ de la prévention sociale par des structures d’animation qui fonctionnent sur la base de l’accueil, donc à partir d’une démarche individuelle ou collective d’appropriation de l’espace de loisirs par les jeunes.

3. Opérateurs et jeunes :
Barrières relationnelles et limites institutionnelles

Au regard de l’organisation verticale du dispositif, l’opérateur est le garant institutionnel de l’efficacité de la prévention. Véritables pivots, les opérateurs sont libres de poser leur propre diagnostic et de s’auto-évaluer. L’opérateur contrôle toute la chaîne qui va de “ la prescription jusqu’au traitement et à son évaluation ”. En l’absence d’outil de diagnostic fiable, on est en droit de se demander en fonction de quels critères de marginalité, de quels risques concrets et de quelles urgences situationnelles les choix s’effectuent. En fait, “ un système de diagnostic implicite fonctionne et le dialogue qui s’établit au sein d’une équipe, lorsqu’il existe, garantit un minimum de cohérence dans les choix de prise en charge ” [15]. 

Cette liberté d’action ne signifie pas que le dispositif VVV soit réduit à de l’animation ouverte à tous. L’enquête menée auprès des opérateurs et des participants des activités de Villiers-sur-Marne montre que le public accueilli correspond en grande partie aux caractéristiques mises en avant dans les textes ministériels (par rapport au public prioritaire : les jeunes à risque). Une bonne part des jeunes qui ont participé à ces activités sont les auteurs réguliers de délits mineurs rarement sanctionnés par la loi. Certains sont cependant connus des services de police et/ou suivis par la justice. Or, la connaissance de ces informations est impossible à certains promoteurs d’actions VVV (notamment municipaux) qui, dans le meilleur des cas, obtiennent des renseignements sur l’état civil et l’origine résidentielle à partir des quelques feuilles d’inscription recueillies [16]. Il existe donc une contradiction entre le discours officiel du ciblage des “ jeunes en difficultés ” et les pratiques de fonctionnement quotidien des opérateurs locaux, en sachant que l’implantation d’une structure d’animation, qui dépend largement de la connaissance du contexte et des rapports avec les jeunes concernés, varie d’un espace à l’autre [17]. 

Une autre des priorités qui apparaît de manière récurrente dans les circulaires ministérielles, concerne le critère de non-fréquentation des structures de loisirs. L’idée sous-entendue est que les jeunes les moins présents dans ces espaces seraient moins socialisés et présenteraient des risques plus importants de délinquance. Ce critère ne peut constituer une priorité objective de ciblage d’un public potentiellement marginalisé. Même en cas d’adhésion à cette idée (qui reste à prouver), l’objectif est en contradiction avec les pratiques d’accueil des opérateurs. Dans la plupart des cas observés (donc non exhaustifs), les activités proposées visent principalement la clientèle régulière de ces structures de loisirs, les démarches de communication ne garantissent pas l’accès à l’information chez les jeunes qui se tiennent en retrait des centres d’activités. Même lorsque les opérations de communication sont efficaces, la non participation d’une grande partie de jeunes reste importante. Cela constitue assurément les limites du dispositif, dans la mesure où l’évitement des opérations d’animation ne renvoie pas cette fois à des dysfonctionnements institutionnels mais à des logiques relationnelles complexes et spécifiques à chaque lieu. Les entretiens menés auprès de plusieurs groupes d’adolescents permettent de saisir certaines de ces logiques d’évitement à l’œuvre (voir ci-dessous l’analyse des trois logiques d’évitement). 

Il existe plusieurs types d’opérateurs Ville Vie Vacances. En 2000 [18], les opérateurs institutionnels (CAF et offices municipaux, dont MJC et centres sociaux) représentaient près de 50 % de l’offre totale d’activité, les institutions spécialisées dans la prévention de la délinquance et de la récidive encadraient environ 12 % des opérations, les associations culturelles et de loisirs environ 27 % et enfin les associations “ de jeunes et d’habitants ” animaient environ 7 % des actions du dispositif. Outre les services spécialisés, dont les structures de fonctionnement intègrent cette dimension de ciblage, les différents types d’opérateurs ne garantissent aucunement un maillage efficace (même si l’on ne peut pas mettre sur un pied d’égalité d’un côté les MJC et les centres sociaux implantés dans les territoires prioritaires, et de l’autre les services municipaux qui s’adressent à toutes les couches sociales). 

À Villiers sur Marne et Champigny sur Marne, les actions proposées en 2001 et 2002 émanent des services municipaux et des centres sociaux. La lecture des archives préfectorales sur plusieurs années confirme cette tendance déjà ancienne. Les démarches de ciblage du public prioritaire avancées par ces opérateurs sont de deux types. Les services municipaux mettent systématiquement en avant les relations partenariales entretenues avec les éducateurs du club de prévention, alors que le centre social, fort de son implantation dans la cité des Hautes-Noues [19], met l’accent sur la connaissance du contexte local et du travail en amont des animateurs permanents, tout en insistant sur le ciblage conjoint opéré avec les assistantes sociales du quartier. 

Ce qui ressort à la lecture de tous ces dossiers, et ce sur plusieurs années, c’est l’impression de “ déjà lu ”, où la gestion des dossiers renvoie à une certaine routine administrative. En l’absence de moyens d’effectuer un ciblage précis et efficace, les promoteurs anticipent les attentes des animateurs de la cellule, qui, conscients de ces difficultés et limités par des moyens de fonctionnement insuffisants (Comment vérifier les capacités réelles de ciblage de 300 projets par été ?), financent des projets qu’ils jugent cohérents sur documents. Or, en pratique, plusieurs problèmes concrets surgissent rapidement. Suivant l’organisation et le fonctionnement de la structure de loisirs, il est plus ou moins possible d’opérer un filtrage des participants aux activités. 

Si un jeune veut participer aux animations, il est sensé remplir une fiche d’inscription et s’inscrire à temps aux actions à places limitées. En pratique, ce sont souvent les premiers inscrits qui sont les premiers servis (Espace jeune du centre social des Hautes-Noues), ce qui limite aux plus malins et aux plus rapides la garantie régulière de participer aux activités les plus convoitées. Mais dans certaines structures (service des sports, notamment l’activité football en salle), une frange importante de jeunes n’a pas rendu la feuille d’inscription, rendant ainsi impossible toute évaluation écrite a posteriori. Dans des cas plus rares, certains opérateurs bénéficiaires de subventions liées au programme Ville Vie Vacances adoptent eux-mêmes des stratégies de sélection et d’évitement du public prioritaire (comme la proposition d’activités impopulaires auprès des jeunes de quartier de relégation : mini-golf, squash, base-ball le matin, etc..) avec parfois pour dessein de s’assurer une relative tranquillité. 

En fin de compte, le ciblage dépend des capacités et des possibilités des jeunes à s’approprier les espaces locaux d’animation et à adhérer à la programmation proposée (il est rare que les jeunes participent à l’élaboration des grilles d’activités. Ces démarches sont davantage d’ordre collectif qu’individuel, elles dépendent d’une dimension sociologique rarement prise en compte dans ce type d’évaluation, à savoir les relations entretenues entre les différents groupes de jeunes au niveau du quartier et de la ville. C’est assurément un enjeu fondamental dans la problématique du ciblage du public. L’argumentation du déficit de socialisation, fréquemment avancé afin d’expliquer les logiques d’évitement des structures d’animation locales, tend à occulter un fait relativement banal, à savoir l’état des interrelations qu’entretiennent les jeunes et les conséquences de l’anticipation de l’appropriation par certains d’entre eux des espaces de loisirs. Nous n’avons pas observé au cours de cette enquête de corrélation flagrante entre le fait que des jeunes soient distants des structures d’animation traditionnelles et un éventuel accroissement des risques de marginalité ou de délinquance. La plupart des jeunes délinquants pris en charge par des structures de prévention ou par des éducateurs mandatés, ainsi que les adolescents auteurs des désordres quotidiens qui nourrissent le sentiment d’insécurité fréquentent régulièrement les centres d’animation de leur quartier d’habitation. 

Pourquoi donc une frange non négligeable des jeunes d’un territoire jugé prioritaire, souvent reconnue par les acteurs institutionnels locaux comme étant des groupes ou des individus à “ problème ” qui “ ne font rien de leur temps ” à part “ faire des bêtises ”, etc. évitent-ils les dispositifs d’animation qui leur sont mis à disposition et dont ils ont conscience ? La problématique de l’information paraît secondaire dans notre enquête, même si les jeunes n’ont pas eu connaissance des activités proposées par les voies de communication des promoteurs, les réseaux informels de diffusion ont efficacement fonctionné et largement compensé les limites d’implantation des promoteurs. Ce sont donc ces attitudes d’évitement qu’il s’agit d’analyser. Cette problématique traverse le dispositif depuis le début des années 80. Il faut parfois rechercher dans des causes banales des parts d’explication de mécanismes plus complexes. Les dizaines d’entretiens informels qui ont alimenté notre étude sont le produit d’une bonne connaissance des jeunes et d’une implantation locale déjà ancienne, et ce pour des raisons scientifiques et résidentielles (et parfois professionnelles). Pour connaître l’identité des jeunes et des groupes qui n’ont pas fréquenté les activités d’été, le chercheur lancé “ sur le terrain ” s’est basé sur la participation aux activités plébiscitées par une partie d’entre eux, à savoir le foot en salle organisé par le service municipal des sports et la fréquentation des activités de l’espace jeune du centre Charlie Chaplin aux Hautes-Noues à Villiers sur Marne. C’est à partir de ces listes reconstituées de manière relativement exhaustive que le repérage des jeunes en attitude d’évitement  a pu se faire, même s’il a été difficile de cerner ceux qui n’avaient pas quitté la ville et qui peuvent prétendre au qualificatif de “ jeunes en voie de marginalisation ” ou en “ difficultés ”. Pour ce faire, les jeunes considérés comme tels sont les auteurs réguliers d’actes de délinquance, déscolarisés et en errance, les membres de groupes de pairs aux activités régulièrement déviantes et les jeunes isolés fragiles et facilement influençables (ces classifications s’appuient évidemment sur une connaissance fine des adolescents, de leurs familles et des évènements qui structurent leur quotidien).

4. Trois logiques d’évitement

Les réflexions et les évaluations du dispositif VVV, notamment sur les questions de repérage du public, ont principalement été axées par le passé sur une analyse quantitative des données. Les difficultés d’obtention d’informations précises sur la nature des risques et sur la réalité des situations vécues, limitent les possibilités de connaissance de l’environnement proche des jeunes. Dans une évaluation de 1993, Louis Dubouchet pose la question du rapport entre les opérations de prévention et l’impact des “ réseaux naturels ” que représentent les instances familiales et amicales de socialisation. La prise en compte de l’environnement est reliée dans le cadre de l’évaluation du dispositif, à un risque de remise en cause des “ gains obtenus par l’OPE ” lorsque les jeunes y participent et, d’autre part, lorsque ces réseaux de relation représentent des barrières d’accès au dispositif. Ces obstacles sont analysés selon une double perspective. D’abord, lorsque la démarche de participation au dispositif VVV est la conséquence des limites des relations personnelles. De ce type de participation “ par défaut ”, l’auteur pointe le risque de retournement d’un sentiment de “ frustration et de dépendance ” à l’institution en agressivité “ revendicative voire violente ”. L’autre perspective concerne au contraire les jeunes dont le réseau de relation est plus restreint et dont le relatif isolement “ s’illustre dans l’inhibition sociale et l’impossibilité de s’adresser seul à un guichet public ”. 

Dans ces deux cas de figure, l’auteur suggère de développer une stratégie de repérage volontariste par les professionnels afin de réduire la “ souffrance morale et sociale ” qui accentue les risques de délinquance. Aborder la prise en compte du repérage du public par ces deux prismes est nécessaire, cela permet en effet de mettre l’accent sur les limites de l’action institutionnelle. L’enquête que nous avons menée au niveau du Val de Marne confirme une tendance déjà signalée par des chercheurs au début des années 90, où les structures d’animation se contentent d’accueillir les jeunes qui font la démarche de s’inscrire, au détriment d’un mode de recrutement inversé, où les opérateurs vont à la rencontre du public prioritairement visé par le dispositif, à savoir les plus marginalisés qui ne fréquentent pas ces espaces. L’enquête que nous avons menée à Villiers sur Marne, fait apparaître un certain nombre de paramètres sociaux directement liés aux modes de sociabilité juvénile, dont l’impact au niveau de la fréquentation des structures d’animation n’est pas négligeable. À partir de là, il est possible de faire ressortir trois types d’évitement, qui correspondent davantage aux dynamiques internes des groupes concernés, qu’à des défauts de socialisation ou d’intégration quelconques [20].

Dans un premier cas, le groupe de pairs d’appartenance (qui peut être réduit) évite tout contact avec les jeunes du même âge au sein des espaces du quartier pour des raisons conflictuelles et concurrentielles. En raison d’un rapport de force (symbolique et/ou numérique) défavorable, ces groupes préfèrent rester dans l’espace circonscrit de la cité et éviter les possibilités d’interactions qu’ils pensent rapidement dangereuses : 

“ nous on sait que si on va là-bas y va y avoir embrouille. Ils nous aiment pas et nous c’est pareil. C’est des embrouilles de merde mais c’est comme ça. Vu que eux ils squattent toujours là-bas et ben voila quoi, on préfère rester là, on discute tranquille et si on veut bouger on bouge de la cité, de toute manière y a rien à faire (…) on sait ce qui y’a comme sport, tout ça, mais voila vaut mieux éviter les embrouilles. ” (Hamadi, 17 ans, et Thomas, 18 ans, tous les deux en 2ème année de BEP commercial) [21]. 

Les causes de ces évitements sont généralement anciennes et notre étude ne permet pas d’en reconstruire la genèse [22]. L’occupation du temps est donc différentiée, ces jeunes préfèrent extérioriser leurs activités, en multipliant les déplacements exogènes au quartier, ce qui a pour avantage de développer leur capacité de mobilité géographique. Pour ces jeunes, l’absence ne relève pas d’un déficit d’information, cela renvoie davantage à un déficit de capital symbolique (Bourdieu) et à une position délicate dans l’espace des relations inter-groupales : 

“ C’est pas qu’on a peur mais y en a qui sont relous (lourds) chez eux, pas beaucoup, la plupart on se respecte, mais c’est surtout ceux qui vont appeler leurs grands frères ou je sais pas quoi ” (Peter, 19 ans, au chômage). 

La notion de capital symbolique fait ici référence à la place des familles dans le champ des réputations locales, cela renvoie aussi à l’intensité du réseau de relation (notamment pour les jeunes fraîchement arrivés au sein du quartier). Dans cette perspective, il peut arriver que des adolescents relativement exclus socialement (difficultés scolaires, difficultés financières, etc..) se heurtent à un deuxième type de marginalisation (généralement très dur à vivre) de nature intersubjective et locale. 

Il paraît ainsi difficile, dans le cadre de l’opération Ville Vie Vacances, de toucher ce type d’entités collectives, qui nécessite une approche particulière et organisée à partir de l’obtention des informations difficilement accessibles aux opérateurs locaux. 

Pour saisir la seconde logique de distanciation avec les dispositifs locaux d’animation, il faut prendre en compte une des modalités du fonctionnement des groupes de pairs en milieu populaire. Jusque dans les années 90, la sociologie des bandes et de la déviance nous a souvent présenté les entités collectives des jeunes des quartiers de relégation comme des formes “ clonés ” de sociabilité. L’accent a d’abord été mis sur les groupes à caractère déviants et délinquants, quand bien même ils ne représentaient qu’une minorité au regard de la structure sociodémographique de ces quartiers. Derrière le concept amalgamant de “ bande ”, ces sociologues ont occulté la diversité des pratiques et des dynamiques de groupes qui n’apparaît pas forcément “ à vue d’œil ”. Dans les entretiens réalisés, cette singularité des groupes s’exprime souvent par le terme de “ délire ”. Le “ délire ” c’est en quelque sorte le ressort commun qui unit les membres de la collectivité, les modalités d’action et de gestion temporelle qui différencient les groupes entre eux, tout en assurant leur cohésion interne. Cette expression est souvent mobilisée par les différents groupes de jeunes afin de se distinguer les uns des autres. 

“ Non on y va pas, les activités me plaisent pas et même l’ambiance, le délire, j’aime trop, les potes à M. ils y vont parce qu’ils sont dans ces délires foot tout ça. Moi j’ai pas envie qu’on me dise fait pas ci ou ça, je fais mes trucs avec les autres on fait ce qu’on a à faire et puis c’est tout. Si ils vont au karting ou au paint-ball pour une journée comme ça, ok, mais foot en salle ou les sorties du centre (Charlie Chaplin aux Hautes-Noues) c’est pas notre délire ” (Christopher, 16 ans, collégien). 

Les activités des membres de ces entités collectives dépendent ainsi de l’adéquation entre la nature de l’offre de loisirs, l’état des relations avec les autres collectifs structurés de la cité ou de la ville et les rapports de force qui en découlent, ainsi que de ces “ délires ” qui structurent le quotidien. L’un des groupes d’adolescents (14-16 ans) dont les activités déviantes et délinquantes ne sont pas rares et qui s’était fait remarquer par son absence dans les opérations d’animation estivale, était dans un “ autre délire ” cet été. Ceux qui n’avaient pas pu partir en vacances au mois de juillet (période de fréquentation intense des animations VVV) étaient d’après eux, dans le “ délire meuf ”, c'est-à-dire occupés la journée à entretenir des relations avec leurs conquêtes féminines de l’époque [23]. 

“ Y avait trop de plans cet été, la cousine à M. est venue des Antilles avec deux copines à elle pendant les vacances, elle avait des copines à elle sur Paris. On a pas arrêté de tégra [expression qui renvoie à une attitude clairement “ volontariste ” dans le registre de la séduction] on bougeait avec elles le soir aussi, sinon on restait à la cité avec les autres, faire de la moto. Tu vois l’ambiance, alors le foot et les embrouilles à deux balles on a été comme ça quelques fois mais y avait autre chose à faire ” (Jesse, 15 ans, collégien). 

Un autre groupe de jeunes de 17 et 18 ans a mis en avant l’inadéquation de l’offre d’animation qui est considérée comme étant pour “ les petits ”, 

“ y a trop de petits, ils grattent toutes les places pour les activités et comme il faut s’inscrire les premiers on lâche l’affaire (…) J’y vais pas, sauf de temps en temps, pour faire un baby ou un match de ping-pong comme ça, mais les inscriptions tout ça c’est fini (…) (Mamadou, 17 ans, en apprentissage carreleur) [24]. 

La prise de recul peut ainsi avoir une logique générationnelle, cela met l’accent sur le fait que la participation aux activités VVV dépend de l’adéquation entre dynamique des priorités des groupes et possibilités d’activités. 

Enfin, la troisième logique d’évitement renvoie à des stratégies familiales de différenciation. Plusieurs adolescents (surtout en difficultés d’insertion sociale ou en échec scolaire) interrogés nous ont expliqué que, malgré l’attrait qu’avaient pour eux les animations sportives proposées, le fait que ces structures soient fréquentées par certains groupes de jeunes très stigmatisés au sein de la même cité – du fait de leurs activités régulièrement déviantes et de leur visibilité – leur interdisait de s’y rendre. Ces jeunes (généralement discrets, dont les parents ont des revenus au-dessus de la moyenne locale) sont encouragés à multiplier les déplacements en dehors de leur espace résidentiel. Ces incitations qui s’accompagnent souvent de financement sont le fait de parents qui vivent leur présence dans ce quartier de manière négative. L’argumentation des “ mauvaises fréquentations ”, accompagnée d’une stratégie d’encourage­ment à la distanciation vis-à-vis des autres jeunes du quartier, sont les principales causes de la non participation des jeunes rencontrés. Contrairement à d’autres groupes qui expriment leur peu d’intérêt pour les activités proposées, ces jeunes connaissent et sont attirés par la programmation des promoteurs. 

“ Moi je m’en fous des autres, ils me respectent je les respecte si j’y vais c’est pour le foot en salle c’est tout, les tournois, mais ma “ dareune ” [ma mère] elle veut pas que j’y aille, elle flippe des gars “ cheulous ” [louches], des embrouilles, elle croit qu’ils vont m’engrainer dans leurs délires bizarres ” (Manuel, 19 ans, 1ère année de bac professionnel). 

Les trois logiques d’évitement que nous présentons ici ne sont pas exhaustives. Elles permettent de saisir les difficultés que comportent les stratégies de repérage et de “ recrutement ” du public VVV. Toutes les réflexions et les débats engagés au sein des cellules départementales et au niveau national au sujet des caractéristiques du public, ne doivent pas être séparés d’une étude des contextes locaux. 

Dans chaque cas rencontré, les obstacles ne sont guère liés à des problèmes d’information (même si elle peut être tardive pour les moins dotés en réseau de sociabilité). Ce qui apparaît décisif renvoie à l’état des interactions au sein et entre les groupes de jeunes à l’approche des vacances scolaires. 

Conclusion

Depuis le lancement de l’opération anti-été chaud, puis les OPE (opération de prévention été) et enfin le dispositif Ville-Vie-Vacances, le principe plus ou moins implicite de discrimination positive a toujours été maintenu. En apparence, les modes de catégorisation du public visé renvoient à un certain nombre de significations et de représentations. Ces expressions sont plus ou moins explicites [25], elles sont sensées désigner des réalités individuelles et collectives évidentes pour les acteurs locaux. Mais la complexité des contextes et surtout l’évident décalage entre la réalité empirique et les modes de classification qui apparaissent dans les textes officiels compliquent l’évaluation du ciblage du public. Les largesses qu’offrent les circulaires pour définir ces publics ne résolvent pas les difficultés d’organisation et d’évaluation d’un repérage effectif. Ces dernières années, certains critères reviennent avec insistance dans les textes officiels, ils se présentent davantage sous la forme d’une hiérarchisation implicite des priorités en matière de public accueilli, que sous celle de principes de catégorisation exclusifs et précis. Cela ne signifie pas que l’on assiste à une banalisation du dispositif de telle sorte qu’il s’inscrive comme programme de droit commun, mais les ambiguïtés du dispositif ne facilitent guère une évaluation efficace du ciblage des publics prioritaires. L’émergence comme dimension essentielle (circulaire 2002) de l’objectif de mixité sociale dans la constitution des projets d’animation, l’abaissement de l’âge à partir duquel les dispositifs sont ouverts (dès 11 ans), la recherche de la participation plus massive des filles, réduit davantage la spécificité des actions VVV — il ne s’agit pas là d’une critique des principes de la démarche mais simplement une remarque sur ses conséquences. Au-delà des incohérences liées aux textes officiels et aux limites de l’organisation du dispositif, la participation des jeunes que l’ont peut considérer en difficultés d’insertion sociale ne dépend pas seulement de l’efficacité des campagnes d’information. 

L’adhésion à des projets collectifs s’effectue souvent de manière groupée pour les franges les plus fragilisées socialement. Il arrive donc qu’un groupe en chasse d’autres [26], et que la réalité des clivages et des conflits adolescents ait des conséquences directes sur la participation ou non au dispositif du public visé. L’organisation locale des sociabilités juvéniles apparaît donc comme un élément majeur pour comprendre le rapport des jeunes au dispositif VVV, dans un lieu donné, à un moment donné. 

Références bibliographiques

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Robert Ph., dir., Les politiques de prévention à l’aune de l’évaluation, L’Harmattan, 1991.


[1]. D. Duprez, S. Body-Gendrot, L’évolution des politiques de prévention et de sécurité dans les années 1990 en France, Déviance et société, 2001, 4, p. 377-402.

[2] F. Dubet, A. Jazouli, D. Lapeyronnie, L’État et les jeunes, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1985, p. 49.

[3] Ces événements ont été consacrés dans la presse sous l’appellation étrange de “ rodéos ”. Les faits observables sont les suivants : “ Voilà des jeunes, souvent d’origine maghrébine, qui volent des ‘voitures de riches’, des B.M.W., qui bravent les contrôles policiers et qui, devant des dizaines de copains et de badauds, font des pointes de vitesse et mettent le feu aux voitures sans rien y voler ou presque ” (ibid., p. 57). Ces rodéos se sont reproduits plus de soixante-dix fois cet été là, dans ces villes de l’agglomération lyonnaise (Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Villeurbanne).

[4] Ibid, p. 55.

[5] Voir par exemple : J.-P. Augustin, F. Dubet, Les fonctions sociales de l’animation, Les cahiers de l’animation, 1975, 7, p. 19-36.

[6] D. Behar, La politique de la ville mérite-t-elle d’être évoluée ?, Urbanisme, 1997, n°297.

[7] J.-L. Le Toqueux, J. Moreau, Les zones urbaines sensibles, Insee Première, 2002, n°835.

[8] Annexe de la circulaire DIV “ Ville Vie Vacances 2001 ”.

[9] T. Kirsbaum, Le dispositif Ville-Vie-Vacances, Evaluation nationale, Paris, Délégation Interministérielle à la Ville, février 1999.

[10] L. Dubouchet, dir., Les opérations prévention été. Évaluation, Aix-en-Provence, Collège Coopératif Provence Alpes-Maritimes, 1990 ; Ph. Robert, dir., Les politiques de prévention à l’aune de l’évaluation, L’Harmattan, 1991.

[11] T. Kirsbaum, Le dispositif Ville-Vie-Vacances, Op. cit.

[12] Annexe technique de la circulaire 2001 relative aux opérations Ville-Vie-Vacances.

[13] T. Kirsbaum, Op. cit, p. 67.

[14]. Ces visites ne se réduisent évidemment pas à la vérification des démarches effectuées auprès des publics visés.

[15] L. Dubouchet, Opération Prévention Été, évaluation, réflexion, méthode, Paris, DIV, 1993.

[16] Ce qui pousse à s’interroger sur les méthodes de remplissage des projets d’animation et des bilans de ces actions, où apparaissent des statistiques sur la fréquentation d’autres structures de loisirs, sur la réalité des conditions de vie de ces jeunes, sur les risques de marginalisation qui les menacent, etc.

[17] Les capacités à maîtriser ces paramètres renvoient d’une part à l’implantation locale de l’opérateur et d’autre part à la configuration urbaine et démographique du territoire concerné. Les difficultés de maillage augmentent objectivement dans les lieux à forte densité de population.

[18] Bilan des opérations Ville-Vie-Vacances, 2000, DIV.

[19] Grand ensemble de 6 000 habitants faisant l’objet d’un grand projet de ville.

[20] Ce qui ne signifie pas, encore une fois, que ces situations n’existent pas par ailleurs sur le territoire étudié.

[21] Les prénoms ont été naturellement changés mais tiennent compte des origines.

[22] Dans le travail collectif consacré au suivi des opérations “ anti-été chaud ” au milieu des années 1985, B. Lefebvre (1986) constatait déjà ces peurs et ces évitements.

[23] Il est évident que le temps passé pour ce type d’activité n’a pas occupé toutes leurs journées, cependant, sans être absents physiquement du grand ensemble, une bonne partie de leurs occupations en groupe tournait autour de cette thématique (notamment autour du problème des besoins financiers nécessaires à leurs desseins)

[24] Il faut noter que les clivages générationnels évoqués par les jeunes interviewés sont liés à l’âge de ces derniers. Pour certains de 19 ans, le petit a 14 ans pour ce dernier ceux de 12 ans apparaissent trop jeune pour rester. La prise de recul avec ces structures locales d’animation s’effectue nettement à partir de l’âge de 19 ans. Ainsi plusieurs classes d’âge cohabitent au sein des mêmes structures, les plus âgés délaissant les sorties quotidiennes et monopolisant les activités proposées au sein des espaces d’accueil (baby-foot, ping-pong, billard, projection de films vidéos).

[25] Ainsi, par exemple, le fait que les fiches d’évaluation des actions demandent le pourcentage de “ jeunes issus de l’immigration ” qui y participe.

[26] Cette remarque est valable d’un point de vue générationnel, l’occupation ostentatoire des espaces d’animation par les “ grands ” ou par les “ petits ” opère un clivage qui exclue souvent l’une des parties.


Retour au texte de l'auteur: Jean--Christophe Marcel, sociologue, Sorbonne Dernière mise à jour de cette page le mardi 7 mars 2006 14:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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