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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Serge Moscovici, “Des représentations collectives aux représentations sociales: éléments pour une histoire.” In ouvrage sous la direction de Denise JODELET, LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES, chapitre 2, pp. 62-86. Paris: Les Pres-ses universitaires de France, 1re édition, mars 1989, 424 pp. Collection: “Sociologie d’aujourd’hui”. [Autorisation accordée par l'auteur le 1er septembre 2007 de diffuser la totalité de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[62]

Les représentations sociales
Première partie
Chapitre 2

Des représentations collectives
aux représentations sociales:
éléments pour une histoire
.”

Serge MOSCOVICI

Après avoir été le phénomène le plus marquant de la science sociale en France, la notion de représentation collective a subi une éclipse qui a duré près d'un demi-siècle. Cette quasi-disparition présente une énigme pour quiconque en étudie le devenir. La notion serait même tombée en désuétude sans une école d'historiens qui en a conservé les traces au cours de recherches effectuées sur les mentalités (Duby, 1961). Une école très active, en vérité, dont les contributions, par leur volume et leur retentissement, défient un inventaire limitatif. Sans conteste, elles portent l'empreinte de cette théorie (Le Goff, 1974). Au-delà des nombreuses controverses, il faut tenir pour avéré que l'histoire des mentalités est, comme l'écrit Burguière, « dans le programme des Annales, ce qui a le plus contribué à la rendre populaire et à fixer... son image de marque » (Burguière, 1983, p. 334).

C'est vers le début des années 60 de ce siècle qu'il m'a semblé possible de renouer avec l'étude des représentations (Moscovici, 1961) et de susciter l'intérêt d'un petit groupe de psychologues sociaux, faisant ainsi revivre la notion. Ils y ont vu la possibilité d'aborder les problèmes de leur discipline dans un esprit neuf, d'étudier les comportements et les rapports sociaux sans les déformer ni les simplifier, et aussi d'obtenir des résultats originaux (Abric, 1976 ; Codol, 1969 ; Flament, 1967). Quoique travaillant indépendamment de leurs contemporains, les représentations leur ont permis de s'attaquer aux [63] problèmes de la cognition et des groupes que l'on tendait de plus en plus à négliger. Étudier la diffusion des savoirs, le rapport entre la pensée et la communication, la genèse du sens commun (ce que les Anglais nomment lay thinking) formaient les éléments d'un programme devenu familier depuis. Consécutivement à ce travail, on peut le supposer, et aux récents progrès de la psychologie cognitive, on assiste à une diffusion de la notion. La sociologie et l'anthropologie la redécouvrent de nos jours, et on la voit se répandre un peu partout, même dans le vocabulaire courant. Ainsi s'opère autour des représentations sociales une convergence remarquable entre les diverses sciences psychologiques et sociales (Jodelet, 1984). Il faut espérer que cette convergence débouchera sur une communication et une collaboration plus étroites, une fécondation réciproque des travaux. Parlera-t-on un jour, comme nous l'avons pressenti, d'un âge des représentations sociales (Moscovici, 1982) ? Il est trop tôt pour le savoir. Entre ces deux moments, celui de sa naissance et celui de sa résurgence, le concept de représentation collective a subi bien des métamorphoses qui lui ont conféré une autre forme, une coloration différente. Je me propose d'esquisser cette trajectoire, sachant bien qu'une véritable histoire, étayée par des analyses et des documents précis, reste à faire. Les erreurs que je puis commettre sont la meilleure preuve de l'utilité d'un tel travail d'historien.

DE L’INDIVIDUEL AU COLLECTIF

Toute tentative de reconstituer le passé de la notion part nécessairement du constat que les sociologues en ont d'emblée triangulé le lieu qui lui est réservé dans une théorie de la société. Parmi eux, Simmel a reconnu le rapport existant entre la séparation de l'individu se situant à distance des autres et la nécessité de se les représenter. La manière même dont on se les représente façonne l'action réciproque et les cercles sociaux qu'ils forment ensemble. Il ne donne guère d'indications sur le moyen d'y parvenir ni sur l'impact que les représentations ont sur les phénomènes sociaux en général. Une chose me paraît certaine, Simmel voit dans les idées ou les représentations [64] sociales une sorte d'opérateur qui permet de cristalliser les actions réciproques entre une somme d'individus et de former l'unité supérieure qu'est l'institution (parti, Église, etc.), donc de passer du niveau moléculaire au niveau molaire. Cette conception des représentations mises au centre du comportement et des institutions peut être discutée, mais elle est profondément intégrée à plusieurs tendances de la sociologie. Dans un sens différent, Weber fait des représentations un cadre de référence et un vecteur de l'action des individus.

« Il semble bien, écrit-il dans la préface de son ouvrage majeur, que ces situations collectives qui font partie de la pensée quotidienne ou de la pensée juridique (ou d'une autre pensée spécialisée) sont des représentations de quelque chose qui, pour une part de l'étant, pour une part du devant être, flotte dans la tête des hommes réels (non seulement les juges et les fonctionnaires, mais aussi le "public") d'après quoi ils orientent leur activité ; et ces structures comme telles ont une importance causale considérable, souvent même dominante, pour la nature du déroulement de l'activité des hommes réels » (Weber, 1971, p. 12).

Weber décrit là un savoir commun ayant le pouvoir d'anticiper et de prescrire le comportement des individus, de le programmer, dirions-nous. Mais le véritable inventeur du concept est Durkheim, dans la mesure où il en fixe les contours et lui reconnaît le droit d'expliquer les phénomènes les plus variés dans la société (Durkheim, 1968). Il le définit par une double séparation. D'abord les représentations collectives se séparent des représentations individuelles, comme le concept des perceptions ou des images. Ces dernières, propres à chaque individu, sont variables et emportées dans un flot ininterrompu. Le concept est universel, hors du devenir et impersonnel. Ensuite les représentations individuelles ont pour substrat la conscience de chacun et les représentations collectives, la société dans sa totalité. Celles-ci ne sont donc pas le dénominateur commun de celles-là, mais plutôt leur origine, correspondant « à la manière dont cet être spécial qu'est la société pense les choses de son expérience propre » (Durkheim, 1968, p. 621). On comprend qu'une telle représentation soit homogène et partagée par tous les membres d'un groupe, de même qu'ils partagent une langue. Elle a pour fonction de préserver le lien entre eux, de les préparer à penser et agir de manière uniforme. C'est pourquoi elle est collective, et aussi parce qu'elle perdure [65] à travers les générations et exerce sur les individus, trait commun à tous les faits sociaux, une contrainte.

Chez Durkheim, la représentation désigne, en priorité, une vaste classe de formes mentales (sciences, religions, mythes, espace, temps), d'opinions et de savoirs sans distinction. La notion est équivalente à celle d'idée ou de système, ses caractères cognitifs n'étant pas spécifiés (Ansart, 1987). Elle a une certaine fixité, s'agissant d'un concept, et une objectivité, puisqu'elle est partagée et reproduite de manière collective. Voilà qui lui donne le pouvoir de pénétrer dans chaque individu, comme du dehors, et de s'imposer. Certes, dans le maniement du concept, il fait grand cas de la nuance et de la précision pour l'adapter aux faits symboliques et mentaux analysés. Surtout lorsqu'il touche à la religion, à ce phénomène de communication intense et de résurrection de la mémoire collective. Force lui est de reconnaître que, la plupart du temps, ce n'est pas de l'extérieur mais de l'intérieur que s'exprime la contrainte. En général, cependant, Durkheim oppose les représentations collectives aux représentations individuelles par un même critère, à savoir la stabilité de la transmission et de la reproduction des unes, la variabilité, dirait-on, le caractère éphémère des autres. Sans cesse il répète cette idée sous des formes variées mais toujours aussi tranchées :

« S'il est commun à tous, écrit-il, c'est qu'il est l'œuvre de la communauté. Puisqu'il ne porte l'empreinte d'aucune intelligence particulière, c'est qu'il est élaboré par une intelligence unique où toutes les autres se rencontrent et viennent, en quelque sorte, s'alimenter. S'il a plus de stabilité que les sensations ou les images, c'est que les représentations collectives sont plus stables que les représentations individuelles car tandis que l'individu est sensible même à de faibles changements qui se produisent dans son milieu interne ou externe, seuls des évènements d'une suffisante gravité réussissent à affecter l'assiette mentale de la société » (Durkheim, 1968, p. 609).

On peut assurément contester cette vision d'une sorte d'équivalence entre, d'une part, la collectivité, le concept et la permanence et, d'autre part, l'individualité, la perception et l'image, le fluctuant. Ce qui déconcerte est cette intelligence unique sur laquelle il insiste tant. Elle serait à part et au-dessus des intelligences particulières comme une sorte de group mind selon l'expression des Anglais. On pourrait tirer la conclusion que les représentations collectives sont logiques et reflètent [66] l'expérience du réel. Cependant, dans la mesure où elles créent de l'idéal, elles s'éloignent du logique. Et une fois formées, elles acquièrent une certaine autonomie, se combinent et se transforment selon des règles qui leur seraient propres. Au-delà s'y mêle un germe de « délire » qui les éloigne de la voie suivie par la raison.

« Au reste, écrit Durkheim, si l'on appelle délire tout état dans lequel l'esprit ajoute aux données immédiates de l'intuition sensible et projette ses sentiments et ses impressions dans les choses, il n'y a peut-être pas de représentation collective qui, en un sens, ne soit délirante ; les croyances religieuses ne sont qu'un cas particulier d'une loi très générale. Le milieu social tout entier nous apparaît comme peuplé de forces qui, en réalité, n'existent que dans notre esprit » (Durkheim, 1968, p. 325).

Faut-il alors restreindre le champ de ces représentations, en exclure les sciences ? Reconnaissons cependant que, si l'on revient aux principes de la théorie, elles ont une autonomie et une homogénéité, qualités qui les apparentent à un système clos et relativement abstrait sui generis. Comme les faits sociaux qui « ne sauraient se confondre avec les phénomènes organiques, puisqu'ils consistent en représentations et actions ; ni avec les phénomènes psychiques, lesquels n'ont d'existence que dans la conscience individuelle et par elle » (Durkheim, 1963, p. 5). Cette distinction cruciale a permis à Durkheim et à son école d'entreprendre l'analyse de différents domaines sociaux. Elle se fonde sur l'hypothèse que l'on pourrait expliquer les phénomènes à partir des représentations et des actions qu'elles autorisent. Signalons toutefois que la plupart des applications se rapportent aux sociétés dites primitives. Les incursions dans la société moderne constituent plutôt l'exception.

REPRÉSENTATIONS CHAUDES
ET REPRÉSENTATIONS FROIDES


1 / Dire que la représentation d'une collectivité est collective et celle d'un individu individuelle peut passer pour une de ces tautologies dont les sciences ne sont pas toujours exemptes. Et pourtant la différence est considérable quant aux observations faites et aux questions qu'on se pose. Ainsi nombre de sociologues et anthropologues, étudiant les mythes et les savoir-faire des sociétés éloignées, y découvraient un [67] tissu d'absurdités et de superstitions. Omettant de regarder autour d'eux, et les comparant à l'Occident, ils tendaient à expliquer ces aberrations par les limitations des individus, incapables de raisonner comme nous, et par des fautes d'association mentale dont l'origine serait psychologique. Or, si l'on rattache croyances, mythes, formes symboliques en général à la société elle-même, tout change. « Absurdité » et « erreurs » ne sont plus dues à la logique fautive des individus mais à la représentation collective elle-même dont il s'agit de comprendre la signification. De même, on attribuait les anomalies d'une science aux insuffisances du calcul et aux observations incomplètes des chercheurs. Alors qu'elles résultent des conséquences logiques de la théorie et de faits correctement observés mais qui échappent à celle-ci.

On voit le déplacement des perspectives : ce ne sont plus les actes et les pensées atomiques qui doivent retenir l'attention, mais l'ensemble des croyances et des idées ayant une cohérence propre, dont témoigne leur survie. Lévy-Bruhl épouse cette perspective, à l'opposé de celle qui domine alors en Angleterre et en Allemagne. Il est impossible d'expliquer des faits sociaux en partant de la psychologie des individus. De même il est impossible d'expliquer ces ensembles de croyances et d'idées à partir de la pensée individuelle.

L'individu subit la contrainte des représentations dominantes dans la société, et c'est dans leur cadre qu'il pense ou exprime ses sentiments. Et ces représentations diffèrent selon la société dans laquelle elles prennent naissance et sont façonnées. Partant, chaque type de mentalité est distinct et correspond à un type de société, aux institutions et aux pratiques qui lui sont propres.

« Il faut donc renoncer, écrit Lévy-Bruhl, à ramener d'avance les opérations mentales à un type unique, quelles que soient les sociétés considérées, et à expliquer toutes les représentations collectives par un mécanisme psychologique et logique toujours le même. S'il est vrai qu'il existe des sociétés humaines qui diffèrent entre elles par leur structure comme les animaux sans vertèbres diffèrent des vertébrés, l'étude comparée des divers types de mentalité collective n'est pas moins indispensable à la science de l'homme que l'anatomie et la physiologie comparée ne le sont à la biologie » (Lévy-Bruhl, 1951, p. 20).

L'observation est neuve et profonde. Abandonnant l'opposition importante, mais arbitraire, de l'individuel et du collectif, [68] Lévy-Bruhl projette une vive lumière sur les rapports d'une société à ses représentations. Ce faisant, il insiste sur une autre opposition des mécanismes logiques et psychologiques distincts d'un type à l'autre. Sur quelle base donc classer les sociétés humaines, dégager leurs pôles extrêmes ? On y distingue deux types principaux, les primitives et les civilisées. Elles sont marquées par deux modes de pensée qui s'opposent et permettent de parler d'une mentalité primitive et d'une mentalité civilisée, différant sur le plan qualitatif aussi bien que par leur ampleur. Plusieurs ouvrages ayant connu un grand retentissement répètent les arguments sur lesquels il fonde cette différence. Elle confère sa principale originalité à une œuvre maintenant un peu dépassée. En quoi consiste la différence ? Lévy-Bruhl fonde la pensée civilisée sur des siècles d'exercices rigoureux de l'intelligence et de la réflexion. Elle s'oriente ainsi vers la quête logique des informations relatives à un phénomène et des causes servant à l'expliquer. La pensée primitive est tournée vers le surnaturel. Les liens qu'elle entrevoit entre les phénomènes sont de nature mystique. Imperméable à l'information et indifférent à la contradiction, cette pensée découvre un peu partout des participations.

« Sous une forme et à des degrés divers, tous impliquent une "participation" entre les êtres et les objets dans une représentation collective. C'est pourquoi, faute d'un meilleur terme, j'appellerai loi de participation le principe propre de la mentalité "primitive" qui régit les liaisons et les pré-liaisons de ces représentations... Je dirais que, dans les représentations collectives de la mentalité primitive, les objets, les êtres, les phénomènes peuvent être, d'une façon incompréhensible pour nous, à la fois eux-mêmes et autre chose qu'eux-mêmes. D'une façon non moins incompréhensible, ils émettent et ils reçoivent des forces, des vertus, des qualités, des actions mystiques, qui se font sentir hors d'eux, sans cesser d'être où elles sont. En d'autres termes, pour cette mentalité, l'opposition entre l'un et le plusieurs, le même et l'autre, etc., n'impose pas la nécessité d'affirmer l'un des termes si l'on nie l'autre, ou réciproquement. Elle n'a qu'un intérêt secondaire. Parfois, elle est aperçue ; souvent aussi elle ne l'est pas. Souvent elle s'efface devant une communauté mystique d'essence entre des êtres qui cependant, pour notre pensée, ne sauraient être confondus sans absurdité » (Lévy-Bruhl, 1951, p. 77).

À l'évidence, Lévy-Bruhl ne reproche pas aux primitifs une pensée incohérente. Mais leurs conceptions ne rentrent pas dans le cadre d'une vision scientifique du monde. Comme s'ils habitaient un autre état de nature (Moscovici, 1968), [69] certains faits, certains liens leur apparaissent inessentiels, ne les concernent pas. Il ne les accuse pas de manquer d'intelligence, mais leurs croyances échappent à la compréhension du savant. Leur logique est incompatible avec la nôtre, puisqu'elle part de prémisses tout autres, absurdes à nos yeux. Le principe de participation y remplace le principe de non-contradiction. On peut en conclure que les modèles de représentation qui forment la mentalité d'un peuple sont incommensurables à ceux d'un autre peuple.

Si ces analyses méritent une attention particulière, ce n'est pas seulement dû à leur retentissement, aux problèmes qu'elles soulèvent et qui sont loin d'être épuisés. Le fait pertinent est qu'elles n'en restent plus aux idées reçues sur la distinction générale entre concept et sensation ou image, ni aux considérations douteuses sur l'intelligence unique et les intelligences particulières. Elles commencent à dégager les structures intellectuelles et affectives des représentations en général. Ce n'était pas là une médiocre avancée, on en conviendra. Dans la mesure où l'étude des observations et des documents permet de dégager des régularités significatives, une théorie s'ébauche qui remplit le concept jusque-là un peu vide d'un contenu ayant ses propriétés et ses lois. Il est vrai que le véritable objet d'examen n'est pas les sociétés en tant que telles. Mais à travers le tapis psychique et la forme mentale qui les cimente, Lévy-Bruhl met au jour la cohérence des sentiments et des raisonnements, les mouvements de la vie mentale collective. Par exemple, un individu peut prendre son ombre visible pour son âme. Chez les primitifs, il ne s'agit pas d'une croyance mais d'une perception : l'ombre, c'est l'âme. Pour nous l'ombre n'a pas d'autre réalité que l'absence de lumière. La représentation qu'ils s'en font est donc incompatible avec la nôtre. De cette manière, les représentations collectives font saillir les faits. En attirant l'attention sur eux, elles nous aident à les voir. C'est pourquoi les différents types de société qui se représentent différemment le monde habitent des mondes différents.

Si riches en exemples que soient les livres de Lévy-Bruhl, une grande prudence s'impose en ce qui concerne leur choix et leur interprétation. Sur ce point, il n'y a pas de contestation. Il est cependant avéré qu'en reprenant le concept de représentation collective à son compte, il lui donne une autre [70] tournure. D'une part, il en montre la diversité profonde selon les cadres sociaux, plus radicale que celle suivant les domaines (religion, mythe, science, etc.). D'autre part, le savant français pose la question et inaugure l'examen des mécanismes psychiques et logiques dont résulte un ordre mental. Avec un flair indéniable, il a ouvert le chemin d'une perspective neuve, un chemin plus concret et plus praticable que ceux des sociologues de son époque.

2 / C'est à la fois par l'importance du problème auquel elle s'attaque et par la subtilité de ses pouvoirs d'analyse que la notion de représentation prend pied dans les sciences de l'homme. À travers elle, Durkheim révèle l'élément symbolique de la vie sociale, tout autant que l'intérêt de son étude méthodique. Un symbole représente autre chose que soi-même. C'est une idée que des hommes partagent à propos d'un objet, indépendante de l'objet lui-même. Ayant renoncé au concept de conscience collective pour des raisons que j'ai indiquées ailleurs (Moscovici, 1988), Durkheim transforme le symbolisme en un moyen par lequel la société devient consciente d'elle-même, démarcation entre les composantes individuelles et les composantes collectives du lien entre les hommes. Parmi celles-ci figurent les règles et le langage dont les effets sont certains sur la nature et la qualité des processus de pensée. Sans toujours l'indiquer clairement, il change aussi les pratiques et surtout les rituels en formes de représentation. Mais dans le sens de Darstellungen, mises en scène et mises en acte des groupes eux-mêmes, de la société réunie au cours des cérémonies et des fêtes.

Sous cet angle, les émotions et les affects sont stimulés par les symboles inscrits dans la tradition, les emblèmes — drapeaux, formules, etc. — auxquels chacun fait écho. Lévy-Bruhl adhère à cette vision. Cependant, par un tour qui lui est propre, il en révèle une autre facette, à savoir que la société s'y représente elle-même dans ce qu'elle a de distinct, de propre. De plus, il fournit un certain nombre de démonstrations sur les soubassements psychiques de ce symbolisme. À tort ou à raison, la quête de ces soubassements dans l'esprit devient une perspective stimulante et virtuellement féconde. Nous entrons de la sorte dans une seconde phase de l'étude de la notion de représentation [71] collective. Je dirai que l'accent s'y déplace de l'adjectif au substantif. En un mot, la dynamique de la représentation compte davantage que son caractère collectif. Étant donné que les noms de Piaget et de Freud y sont associés, j'insisterai rapidement sur les apports de chacun.

L'interprétation que propose Lévy-Bruhl de la façon dont fonctionne la mentalité primitive pose une énigme à nombre de psychologues. Son influence sur la majorité d'entre eux est indéniable (Luria, 1976) pour des raisons mal définies. L'une d'elles est qu'il ne sert à rien de s'interroger sur les fautes et incapacités des individus. Il ne vaut même plus la peine de les observer et de se creuser la tête à leur sujet. Ainsi, dans une série d'études qui font date, Piaget cherche à trianguler la représentation du monde chez l'enfant. Comme le savant français à propos du primitif, le psychologue suisse part du postulat que le jeune enfant n'est pas « plus sot » ni ne se trouve à quelques degrés en dessous de l'enfant plus âgé. Mais il pense les choses de façon essentiellement différente. La conception du monde à laquelle aboutit sa faculté de raisonnement est autre, on peut s'en assurer en lui posant des questions précises à propos d'objets définis de ce monde. De même que le monde primitif et le monde civilisé se distinguent par leurs représentations, de même elles servent à distinguer le monde de l'enfant et celui de l'adulte. Leur participation à la société est différente et se traduit par la différence entre les formes de pensée, le contenu restant individuel.

« Les deux questions, écrit Piaget, se touchent de près mais peuvent sans trop d'arbitraire être distinguées. Or la forme et le fonctionnement de la pensée se découvrent chaque fois que l'enfant entre en contact avec ses semblables ou avec l'adulte : elle est une manière de comportement social, qui peut s'observer du dehors. Le contenu, au contraire, se livre ou ne se livre pas, suivant les enfants et suivant les objets de la représentation » (Piaget, 1972, p. 5).

Piaget cherche à retrouver dans les écoles par ses interviews ce que Lévy-Bruhl avait découvert à sa table de travail par ses analyses de documents écrits. L'enfant et le primitif, déclare le psychologue, manifestent tous deux dans leur pensée de l'animisme, de l'artificialisme, du réalisme et autres fusions non logiques entre les aspects du milieu et leurs propres processus de pensée. Pour ne retenir qu'un seul exemple, on se [72] rappelle de quel réalisme est empreinte la pensée de l'enfant à propos des mots et du rêve. Il prête en somme une réalité pour ainsi dire corporelle à ce qu'il invente et imagine. L'objet qu'il a dans la tête et l'objet extérieur ne font qu'un pour lui (le signe se confond avec le signifié). Poser le doigt sur le nom du soleil, c'est atteindre le soleil lui-même ; le maudire, c'est le menacer dans son existence. Ainsi naît le sentiment de « participation », dans lequel le nom de l'objet va et vient de celui-ci à la tête. Un autre aspect du réalisme est qu'il confond l'intérieur et l'extérieur. Il croit ainsi que les rêves se trouvent dans les choses, puis dans sa chambre, puis dans sa tête, avant d'être dans la pensée même. L'idée paradoxale se rencontre que le rêve est une voix à la fois au-dedans et au-dehors de lui-même. Ou, ainsi que l'écrit Piaget,

« l'enfant est réaliste, car il présuppose que la pensée est liée à son objet, que les noms sont liés aux choses nommées et que les rêves sont extérieurs » (Piaget, 1972, p. 107).

On a parfois l'impression de relire certaines interprétations de Lévy-Bruhl, la phrase citée en est justement un exemple. Ce dernier pourtant, la chose est avérée, touche très légèrement à la psychologie des représentations. Alors que Piaget — d'où l'importance de son apport — nous livre une analyse qui établit la spécificité des représentations en termes psychiques. Tout d'abord, il esquisse les grandes formes que prennent les modes de raisonnement (classer, expliquer, etc.) pour associer entre eux les différentes activités du réel. Ensuite il recherche la spécificité qui, en deçà du concept et au-delà de la participation, assure la cohérence de la vision du monde chez l'enfant. Il la détermine à travers un modèle de pensée qui se traduit par des opérations concrètes formant un ensemble. Ces traits distinctifs ont pu être vérifiés par l'étude des conceptions que se font les enfants de toute une gamme de phénomènes allant du temps qu'il fait à l'origine des planètes.

À côté des représentations du monde, Piaget a exploré le vaste domaine des représentations ou des jugements moraux. Il reste fidèle aux convictions de Durkheim concernant leur nature sociale et même leur structure. Inutile de passer en revue des faits bien connus. Mais quel est alors l'intérêt de ces études pour notre propos ? On se rappelle que, pour Durkheim, [73] à travers la diversité des collectivités, il subsiste un élément permanent, la collectivité justement. Et l'invariance des représentations provient de ce trait qui est le même partout. À la fois homogène et contraignante, elle préserve ce lien entre les hommes, qui la rend collective. Or une bonne partie des observations de Piaget visent à montrer que les jugements correspondants sont le propre des plus jeunes enfants subissant la discipline de parents dans une société gérontocratique. En grandissant, l’égocentrisme s'estompe et ils comprennent mieux le point de vue de l'autre, ils intériorisent mieux les règles. On voit surgir un respect mutuel et une coopération qui les associent en pensée aussi bien qu'en acte. Donc la réalité change, car une règle que l'enfant de 7 ans considère comme sacrée et intangible apparaît chez l'enfant de 12 ans comme valable par consentement mutuel.

En résumé, la contrainte n'a pas le privilège que lui accordait le sociologue français. À côté d'elle et à l'opposé, la coopération produit ses effets et une représentation qui lui correspond. On voit que, par cette prévision, la nature des interactions apparaît comme un facteur déterminant des modèles de pensée et de perception, des discussions et des justifications. Par une critique respectueuse, mais sans concession, Piaget écrit que :

« Durkheim se représente les enfants comme ne connaissant d'autre société que la société adulte ou les sociétés créées par les adultes (l'école), si bien qu'il néglige entièrement l'existence des sociétés spontanées d'enfants et des faits relatifs au respect mutuel » (Piaget, 1932, p. 412).

On retiendra ici l'écartement de l'indice clé de la contrainte et la reconnaissance de plusieurs relations possibles (à tout le moins la contrainte et la coopération) qui qualifient également le social. Au fur et à mesure que l'adolescent s'émancipe de la contrainte directe pour subir une multitude d'influences, dont celle de ses pairs, il conquiert une certaine autonomie. Ainsi, dans une société rendue plus complexe, il tisse des rapports de coopération qui élargissent l'espace dans lequel la personnalité de chacun peut se développer. La surveillance exercée par le groupe sur l'individu diminue en même temps que les liens entre eux deviennent plus denses et réciproques. Ceci les conduit à former des représentations distinctes. La dualité que Lévy-Bruhl institue entre deux cultures, la primitive et la [74] civilisée, Piaget la réinstitue à l'intérieur de notre culture, comme l'effet d'une espèce d'histoire naturelle qui va du monde de l'enfant au monde de l'adulte. N'oublions cependant pas la phrase que je viens de citer. A l'intérieur de cette société, il y en a plusieurs, dont la société spontanée des enfants. Pour être plus précis, nous connaissons une société fondée sur la contrainte et une société fondée sur la coopération. Et chacune élabore des représentations morales et intellectuelles qui lui correspond. Partant, on peut établir une sorte d'équivalence entre, d'une part, cette mentalité chaude, mystique et participante dont Lévy-Bruhl a dressé le tableau et, d'autre part, la mentalité plus froide, sensible à la contradiction, qui est issue des opérations formelles et des relations de coopération. L'une est socio-centrique, l'autre est plutôt décentrée ; l'une est dominée par les rapports entre les hommes, l'autre par le rapport à l'objet. Ceci ruine un des présupposés communs à Durkheim et Lévy-Bruhl. Je veux parler de l'homogénéité des représentations transmises au cours des générations au sein d'une collectivité. Par ailleurs, le grand psychologue suisse s'est colleté avec le difficile problème de la nature psychique des représentations. Nous lui devons donc ce desserrement du modèle social et ce resserrement des mécanismes psychiques du phénomène qui nous intéresse. Il serait impossible d'en exposer toutes les conséquences sans dépasser les limites auxquelles je suis tenu. Par la suite Piaget a abandonné ce filon de pensée, pour s'occuper davantage des aspects logiques et biologiques du développement de l'enfant. Le social y perd son pouvoir d'expliquer et d'inspirer une théorie de plus en plus limitée à l'individuel.

Il peut sembler étonnant que, par une sorte de solution de continuité, j'évoque maintenant Freud. Qu'a-t-il donc de commun avec une tradition de recherche si éloignée de la sienne ? Peu de chose, si on considère les racines, beaucoup plus, si l'on envisage les conséquences. Ce qu'il écrit de la représentation de choses et de la représentation de mots n'est guère significatif pour notre propos. Ses premières études sur la paralysie hystérique (Freud, 1924) et le traitement psychique s'y rapportent davantage. Découvrant que la paralysie vraie suit les voies d'une anatomie scientifique et la paralysie hystérique les voies d'une anatomie calquée sur le savoir populaire, [75] Freud met en évidence la force des représentations. Il fait des observations semblables sur l'efficacité des traitements psychiques, là où croyances et prestiges sont d'importance primordiale. Il faudrait définir par le menu et situer dans leur contexte approprié tous les termes de ces observations (Moscovici, 1961, 1981).

Plus pertinentes encore sont les études sur les théories sexuelles de l'enfant (Freud, 1908) qui ont aussi suscité mon intérêt. Dans ce texte très bref, Freud réunit divers matériaux fournis par les enfants et les récits des parents. Il en reconnaît l'origine dans la culture environnante parmi les contes et les légendes. En même temps, il montre que les enfants fabriquent ces théories avec des éléments qui en proviennent pour répondre aux questions de leur vie immédiate : « D'où viennent les bébés ? D'où est venu ce bébé particulier, cet intrus ? » Affectés par l'arrivée d'un nouvel enfant ils doivent vivre une situation différente, des relations changées. Stimulé par la curiosité concernant la vie sexuelle de leurs parents et par la menace enveloppée dans le mystère de la naissance, leur désir de connaître s'éveille et cherche une solution qui le satisfasse. Les théories qui en résultent sont fausses, personne n'en disconvient. Mais, remarque Freud :

« Ces fausses théories sexuelles que je discuterai à présent ont toutes un caractère très curieux. Bien qu'elles extravaguent de façon grotesque, chacune contient pourtant un fragment de réalité authentique ; et en cela elles sont analogues aux tentatives des adultes, considérées comme des traits de génie, pour résoudre les problèmes de l'univers, qui sont trop ardus pour l'intelligence humaine. Ce qui est correct et atteint son but dans ces théories s'explique par leur origine dans les composantes des instincts sexuels qui s'éveillent déjà dans l'organisme enfantin. Car ce n'est pas en raison d'un acte mental arbitraire ou d'une impression fortuite que surgissent ces idées, mais à cause de la constitution psychosexuelle de l'enfant. C'est pourquoi nous pouvons qualifier les théories sexuelles des enfants de typiques, et ce fait explique que nous trouvions les mêmes croyances erronées chez chaque enfant dont la vie sexuelle nous est accessible » (Freud, 1908, p. 215).

Laissant de côté cet argument incomplet, il faut retenir que ces théories, quoique fausses, doivent être interprétées avec le plus grand soin comme si elles étaient vraies. Et ce en vertu du problème sérieux auquel elles nous confrontent, le problème du début de la vie et des expériences du corps sur lesquelles elles s'appuient. On connaît les théories que Freud croit détecter, [76] notamment celle qui attribue à chacun, quel que soit son sexe, la possession d'un pénis, et la conception sadique du coït. Chacune est décrite avec cohérence et paraît liée à une certaine perception par l'enfant des rapports sexuels entre le père et la mère. Mais elle est aussi façonnée par la censure qui frappe ses efforts pour glaner des connaissances plus exactes. Les dissimulations et mensonges qu'opposent les parents, les légendes (telle la fameuse cigogne !) attisent les doutes des enfants au lieu de les apaiser, et ils poursuivent leurs recherches.

« De cette façon cependant, ajoute Freud, l'enfant vit pour la première fois un "conflit psychique" du fait que des vues pour lesquelles il éprouve une préférence instinctive, mais qui ne sont pas "justes" aux yeux des adultes, entrent en opposition avec d'autres vues qui ont le soutien de l'autorité des adultes, sans être acceptables pour lui-même » (Freud, p. 214).

Nous possédons là une vignette des processus moléculaires au cours desquels l'échange social provoque la tension nécessaire pour qu'un savoir prenne corps. Ce n'est pas la relation à l'objet, comme chez Piaget et bien d'autres, qui façonne la question et provoque le choix des réponses. Il faudrait pouvoir s'attarder sur la description détaillée que donne Freud de la recherche de l'enfant, les observations que fait celui-ci (taches de sang dans le lit de la mère, querelles entre parents, etc.) pour confirmer ses hypothèses. Plus tard, ces recherches perdent de leur vigueur et surtout ne laissent pas de fortes traces dans l'évolution de la personne. Il se produit une différenciation des vues uniformes, eu égard au milieu et à la culture. Dans la pré-puberté,

« les théories qu'il (l'enfant) produit ne portent pas la marque typique et originale caractéristique des théories primaires de la petite enfance, époque à laquelle les composantes sexuelles enfantines pouvaient trouver à s'exprimer dans des théories de façon non inhibée et non modifiée. Les efforts intellectuels ultérieurs de l'enfant pour résoudre les énigmes du sexe ne m'ont pas paru mériter, ajoute Freud, d'être recueillis, ni ne peuvent prétendre à une grande signification pathogénique. Leur multiplication dépend bien sûr principalement de la nature des éclaircissements que reçoit l'enfant ; mais leur importance réside davantage dans le fait qu'elles revivifient les traces, devenues inconscientes, de la première période d'intérêt pour le sexe » (Freud, 1908, p. 224).

Assez souvent, les matériaux réunis par Freud appartiennent au sens commun, étant épars dans les proverbes, légendes [77] et récits relativement répandus dans l'Europe d'avant l'époque industrielle. En cela, mais pas uniquement pour cela, les théories sexuelles des enfants sont des représentations partagées. Qu'on les redécouvre et les rééchafaude différemment à chaque génération, dans les diverses familles, est dans la nature des choses. La famille est assurément la cellule où cela se produit et se reproduit, y compris le conflit psychique — entre les interprétations des parents et les interrogations des enfants, entre la censure des uns et la liberté des autres. Dans ce sens également, les théories sexuelles des enfants ont un caractère social, étant issues d'un dialogue relancé par le désir du spectateur et la ruse des acteurs. Il faudrait peut-être ajouter, chacun en a le souvenir, les commentaires et les conversations spontanés des enfants. Une culture s'y transmet qui leur est propre, formée par le chœur tantôt ironique et tantôt hostile d'enfants assistant au drame joué par les adultes. Ceux-ci en savent plus qu'ils n'en disent, ceux-là en disent plus qu'ils n'en savent ; ainsi le malentendu se propage et prolifère. D'où l'effervescence des représentations de la prime enfance qui, au fur et à mesure, glissent réprimées dans l'inconscient. Tandis que d'autres se forment, différentes, plus intellectuelles et plus sévères, relativement au problème des sexes, sous l'emprise de l'éducation. Ainsi toutes les théories conçues par les enfants autour d'un acte impossible, sont progressivement remplacées par d'autres, plus pâles et plus vraisemblables, à propos d'une activité devenue possible.

Par-dessus tout, cette fulgurante étude de Freud met au jour le travail d'intériorisation qui change le résultat collectif en donné individuel et marque le caractère de la personne. En d'autres mots, elle nous montre par quel processus, ignoré jusque-là, les représentations passent de la vie de tous dans la vie de chacun, du niveau conscient au niveau inconscient. Et elle pose une question pleine de sens : comment la représentation du monde de l'enfant devient-elle la représentation du monde de l'adolescent, puis de l'adulte ? Quelles sont les étapes d'une pareille intellectualisation des questions et des réponses ? Si l'on pouvait aborder un tel sujet, on comprendrait ensemble les phénomènes que l'on traite d'habitude par moitiés. Il est courant de s'intéresser au primitif, à l'enfant ou au malade. Mais l'autre terme de la comparaison, le civilisé, l'adulte, [78] l'homme sain, on le simule et on le réduit à sa caricature la plus abstraite et aux mécanismes les plus simples (Moscovici, 1984). De sorte que l'on procède à des comparaisons fictives, faute de disposer d'études compactes de la vie mentale collective dans notre propre société.

Quoi qu'il en soit, Freud nous donne un aperçu dense des transactions dont naissent dans une population les représentations sexuelles, à partir des questions des enfants, des observations aiguës qu'ils font et des cadres de pensée fournis par les parents. Quant aux contenus, nous savons de quelle manière ils guident les premiers pas dans la collectivité, voire dans une première institution, la famille. Nous avons saisi, sur un plan plus concret, je l'espère, les transformations que subissent ces « théories » quand elles se glissent dans la vie intime. Marquées par les conflits psychiques et les échanges sociaux, elles rendent familier ce qui reste pour les enfants mystérieux et inexpliqué. Il est certain que les représentations communes que l'on jugeait pertinentes pour comprendre et expliquer les évolutions collectives apparaissent tout aussi cruciales lorsqu'il s'agit de comprendre l'histoire personnelle. S'il en est ainsi, et sans tomber dans la banalité, on en conclut que l'écart entre les éléments collectifs et les éléments individuels paraît moins grand regardé de près que défini de loin. Ce résultat n'est pas pour nous surprendre. Piaget et Freud sont tentés par l'idée qu'un tel rapprochement correspond davantage à la nature des choses. Le premier a éclairé la composition psychique des représentations, eu égard aux relations sociales. Le second nous les a montrées, sous un autre angle, issues d'un processus de transformation des savoirs et a explicité la manière dont elles sont intériorisées.

Transposer leur démarche chez l'adulte et dans notre société a d'abord pour effet d'éliminer le vague de la notion de Durkheim. Les représentations indéterminées recueillies dans les documents ou dans d'autres contextes peuvent et doivent être rendues concrètes. Pour ma part, je puis témoigner du fait que les études de Piaget et de Freud dont je viens de parler ont bien eu cette conséquence. Ce sont elles qui m'ont amené à me demander pourquoi le soin mis à étudier l'univers de l'enfant ici et celui des adultes ailleurs ne devrait pas se porter sur l'univers des adultes ici. Quoi de plus naturel que de partir de [79] leurs concepts et de leurs démarches pour explorer les représentations rendues vivaces dans l'imagination des contemporains qui les génèrent et les partagent ? A partir de là et en remontant vers Durkheim, il m'a été possible de mieux saisir la portée sociologique de ces concepts et de ces démarches. Et de voir que ce qui, chez lui, restait malgré tout une notion abstraite, pouvait être abordé en tant que phénomène concret.

UNE SCIENCE
DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES


Dès le départ, ceci est clair, une science était désignée pour étudier les représentations. Dans l'optique de Durkheim, une fois l'opposition de l'individuel et du collectif reconnue,

« on peut se demander, écrivait-il, si les représentations individuelles et les représentations collectives ne laissent pas, cependant, de se ressembler en ce que les unes et les autres sont également des représentations et si, par suite de ces ressemblances, certaines lois abstraites ne seraient pas communes aux deux règnes. Les mythes, les légendes populaires, les conceptions religieuses de toute sorte, les conceptions morales, etc., expriment une autre réalité que la réalité individuelle ; mais il se pourrait que la manière dont elles s'attirent et se repoussent, s'agrègent ou se désagrègent, soit indépendante de leur contenu et tienne uniquement à leur qualité générale de représentations » (Durkheim, 1963, p. xviii).

Il est significatif que tous les exemples évoqués se situent ailleurs que dans notre société. Mais passons. On voit qu'une incertitude subsiste pour le fondateur de la sociologie sur le degré auquel on peut opposer les deux classes de représentations. Elle est combattue par la conviction qu'on n'a pas trop à s'en soucier. Une fois pesés le pour et le contre, il conclut que la pensée collective doit être étudiée en elle-même et pour elle-même. Quel but il poursuit, on le devine : faire des formes et du contenu des représentations un domaine à part, la preuve la plus significative de l'autonomie du social. La tâche de les étudier incombe, cela va de soi, à la psychologie sociale. Sur ce point il faut souligner, car aujourd'hui on a tendance à l'oublier, qu'on ne doit pas avoir le moindre doute :

« Et quand aux lois de l'idéation collective, continue Durkheim, elles sont encore plus complètement ignorées. La psychologie sociale qui devrait avoir [80] pour tâche de les déterminer, n'est guère qu'un mot qui désigne toutes sortes de généralités, variées et imprécises, sans objet défini. Ce qu'il faudrait, c'est chercher, par la comparaison des thèmes mythiques, des légendes et des traditions populaires, des langues, de quelle façon les représentations sociales s'appellent et s'excluent, fusionnent les unes dans les autres ou se distinguent, etc. » (Durkheim, 1963, p. xix).

Que demande-t-il au juste à cette science ? D'enregistrer et d'expliquer les régularités observées par le sociologue au sujet des représentations. Mais pourquoi se limiter seulement à celles de la tradition ? Vous voyez en tout cas le vaste projet qu'il conçoit pour cette psychologie alors en gestation et dont l'objet paraît encore mal défini. Sa remarque désigne les représentations comme cet objet qui devrait piquer la curiosité du psychologue social. Tant que le sens ancien de la notion restait inébranlé et que les recherches étaient dispersées, rien ne s'est passé. Mais, après une période d'avancée des méthodes et tirant profit des divers apports de la psychologie dont je viens d'énumérer les principaux, le projet dessiné a commencé à prendre consistance. Au lieu de continuer à inventorier les opinions et les attitudes, j'ai proposé qu'on étudie les représentations dont la richesse est évidente, rendant ainsi à notre science sa véritable mission parmi les sciences sociales. Le projet était si peu de saison que de rafraîchir l'intérêt pour l'idéation collective et de parler le langage des représentations a créé une surprise. D'autant plus que la référence à Durkheim était une médiocre recommandation, et ne s'imposait d'ailleurs pas.

Comment nommer, où situer, dans le monde de la pensée, ces opérations du sens commun et les images, les filtres de notions qu'elles préparent ? Il va de soi qu'en prolongeant les intuitions de Lévy-Bruhl, d'ailleurs compté en France, à juste titre, parmi les psychologues sociaux (Davy, 1931) et les interprétations de Piaget et de Freud, on disposait de points d'appui suffisants. Aborder dans une même société l'étude des « mentalités » attribuées à des types sociaux différents, explorer chez les adultes ce que l'on avait découvert pour les enfants, semblait alors et reste encore hasardeux. Il valait cependant la peine de réunir les suggestions de la psychologie de l'enfant et de la psychologie clinique (Jones, 1925) pour ébaucher les contours d'une psychologie sociale des représentations. Mais [81] en inversant, pour ainsi dire, le sens du problème posé. Les deux sciences que je viens de mentionner, et l'anthropologie, se demandent comment l'irrationnel est possible. Et aussi quelles sont les différences, puis les transformations, d'une pensée primitive, enfantine, en une pensée civilisée, adulte. La psychologie sociale était confrontée au problème contraire. La révolution provoquée par les communications de masse, la diffusion des savoirs scientifiques et techniques transforment les modes de pensée et créent des contenus nouveaux. Il faut ajuster la grammaire, raccourcir le trajet logique, parsemer le discours d'images vives, afin d'en rendre le sens compréhensible, tangible. De plus, cette connaissance partagée est spécialement conçue de manière à façonner la vision et constituer la réalité dans laquelle on vit. En s'objectivant, elle s'intègre aux relations et aux comportements de chacun.

Admettons-le : du point de départ au point d'arrivée, les différences épistémologiques sont radicales. Non seulement la science en sait plus long, explique mieux les phénomènes et de manière plus précise. En outre, elle emploie une logique et une théorie nées dans des conditions qui ne sont pas courantes. Il est donc aisé de comprendre que les gens, en recevant ses informations, en les échangeant, leur fassent subir des modifications profondes pour les représenter en vue de communiquer et d'agir. Bref les représentations qui entrent dans le domaine commun révèlent une autre structure et des qualités psychiques particulières. Ce qui, dans la science, apparaît comme système de notions et d'images se retrouve, dans les représentations, associé en un réseau plus ou moins étendu mais cohérent (Flament, 1987 ; Herzlich, 1969 ; Jodelet, 1984).

L'anthropologie et la psychologie de l'enfant visent une comparaison et une généalogie des formes cognitives, allant de la pensée mythique à la pensée scientifique, de la connaissance folklorique à la connaissance rationnelle, ou de la pensée opératrice concrète à la pensée opératrice formelle. La psychologie sociale s'efforce de saisir le mouvement opposé, qu'il se produise sous l'effet de la masse ou au cours de la communication. Une notion ou une science qui ne reste pas l'apanage d'un individu ou d'une élite restreinte subit, par sa circulation, toute une série de métamorphoses qui la font changer de contenu et de structure (Moscovici, 1984 ; Roqueplo, 1974). La nouvelle [82] structure est celle d'une représentation au sens strict du mot, à la fois abstraite et imagée, réfléchie et concrète. Il y a une sorte d'isomorphisme entre cette structure cognitive, ébauchée dans les travaux de Piaget, et la communication la plus ample et la phis quotidienne. Il va de soi qu'elle doit se retrouver dans toutes les représentations, quelles qu'en soient les origines et la matière (Codol, 1982 ; Doise, 1987 ; Flament, 1987 ; Jodelet, 1984). Il faut aller jusque-là pour retrouver la continuité, qui va de l'étude anthropologique à l'étude psychosociale, relayée par celle de la psychologie de l'enfant, d'un même ordre de faits.

Toutes les recherches que l'on croyait closes dans un domaine se rouvrent ainsi et nous permettent de transférer à la société moderne une notion qui semblait réservée aux sociétés traditionnelles. La notion elle-même a pourtant changé, les représentations collectives cédant la place aux représentations sociales. On voit aisément pourquoi. D'un côté, il fallait tenir compte d'une certaine diversité d'origine, tant dans les individus que dans les groupes. De l'autre côté, il était nécessaire de déplacer l'accent sur la communication qui permet aux sentiments et aux individus de converger, de sorte que quelque chose d'individuel peut devenir social, ou vice versa. En reconnaissant que les représentations sont à la fois générées et acquises, on leur enlève ce côté préétabli, statique, qu'elles avaient dans la vision classique. Ce ne sont pas les substrats, mais les interactions qui comptent. D'où la remarque parfaitement exacte que

« ce qui permet de qualifier de sociales les représentations, ce sont moins leurs supports individuels ou groupaux que le fait qu'elles soient élaborées au cours de processus d'échanges et d'interactions » (Codol, 1982, p. 2).

En somme, la nécessité de faire de la représentation une passerelle entre le monde individuel et le monde social, de l'associer ensuite à la perspective d'une société qui change, motive la modification en question. Il s'agit de comprendre, non plus la tradition mais l'innovation, non plus une vie sociale déjà faite mais une vie sociale en train de se faire. Qu'elle n'ait pas eu lieu plus tôt, et que les efforts déployés pour comprendre les représentations se soient limités aux sociétés dites primitives explique en partie pourquoi, après un départ fulgurant, la [83] notion est restée si longtemps à l'abandon. Un abandon également dû au fait qu'elle dénote une structure cognitive spécifique et non pas une vaste classe d'idées ou de connaissances toutes d'origine collective. Tout serait plus simple dans les sciences de l'homme, si ce trait commun suffisait et restait aussi clair qu'on le prétend. Il nous embarrasse dans la mesure où le mot collectif peut s'appliquer à tout, donc ne désigne rien. En revanche, qu'il y ait une classe de représentations dont l'organisation présente une isomorphie avec des processus d'échange et d'interaction nous permet de resserrer les mailles. On raisonne dès lors sur des mécanismes psychiques et de communication produisant un phénomène spécifique au cours de ces milliers d'actes, raconter, emprunter et reraconter, effectués par tant et tant d'individus. En se représentant une chose ou une notion, on ne se fait pas uniquement ses propres idées et images. On génère et transmet un produit progressivement élaboré dans d'innombrables lieux selon des règles variées. Dans ces limites, le phénomène peut être dénommé représentation sociale. Il a un caractère moderne pour autant que, dans notre société, il remplace les mythes, les légendes, les formes mentales courantes dans les sociétés traditionnelles. Étant leur substitut, et leur équivalent, il en hérite à la fois certains traits et certains pouvoirs.

Je ne puis les détailler ici, mais j'observe qu'en les étudiant, la psychologie sociale devient une anthropologie de la culture moderne. De même que l'anthropologie semble être une psychologie sociale des cultures dites primitives. Il est juste d'ajouter que si nos représentations sont sociales, ce n'est pas seulement à cause de leur objet commun, ou du fait qu'elles sont partagées. Cela tient également à ce qu'elles sont le produit d'une division du travail qui les marque d'une certaine autonomie. Nous savons qu'il existe une certaine catégorie de personnes ayant pour métier de les fabriquer. Ce sont tous ceux qui se consacrent à la diffusion des connaissances scientifiques et artistiques : médecins, thérapeutes, travailleurs sociaux, animateurs culturels, spécialistes des médias et du marketing politique. A maints égards, ils s'apparentent aux faiseurs de mythes des civilisations plus anciennes. Leur savoir-faire est codifié et transmis, conférant à ceux qui le possèdent une autorité certaine. Il faudrait accorder plus d'attention à cette division du travail [84] et aux spécialistes qui mettent en œuvre des méthodes supposant une connaissance de la vie psychique et une vision de l'aspect collectif, du plus haut intérêt. Il y a là quelque chose d'important, à condition d'oser le déchiffrer en entier.

Pour faire bref, j'ai exposé avant tout le problème épistémologique qui explique le caractère complémentaire de la psychologie sociale d'une part, de l'anthropologie et de la psychologie de l'enfant, de l'autre. En fait l'objet d'exploration englobe toutes les représentations, quelles qu'en soient les origines. Chaque fois qu'un savoir est généré et communiqué, devient une partie de la vie collective, nous sommes concernés. Et en particulier lorsque ces savoirs en tant que tels servent à la solution de quelque problème social ou à l'explication de quelque évènement : apparition d'une épidémie, le sida à présent, catastrophe comme celle de Tchernobyl. En somme tout ce qui ressortit à l'idéation collective nous touche à un degré ou à un autre.

Ce qu'il convient d'éviter à présent, c'est la répétition de ce qui s'est produit il y a un siècle, le retour à une situation dépassée. A savoir que les diverses sciences sociales se tournent — on en voit des signes — vers le domaine des représentations, comme si la psychologie sociale était encore « un mot qui désigne toutes sortes de généralités ». Au mépris des recherches qu'elle poursuit et multiplie dans de nombreux pays. On en resterait au label, alors que nous avons déjà certaines ébauches de théories et un solide acquis en matière de faits. A force de contourner, pour des raisons qu'il serait trop long d'évoquer, ce qui est pour les sciences sociales leur lieu géométrique, on finira par démonétiser la notion dont nous venons de reconnaître la valeur.

Ici s'achève ce rapide survol d'une histoire qui devrait se référer aussi à l'œuvre de Halbwachs, Fauconnier, Wallon, Bloch, Essertier. Elle semble en tout cas limitée au domaine français. À présent, les indices de diffusion se multiplient (Farr, 1987), mais la particularité mérite d'être signalée. Quant à savoir pourquoi la notion s'est heurtée à une résistance à l'extérieur, cela reste pour l'instant une question ouverte. Un bon exemple en est l'espèce d'attraction et de rejet mêlés qu'elle a provoqués et continue de provoquer de la part des Anglais. Pour quelles raisons donc voit-on les représentations reprendre [85] un second souffle, après une longue éclipse, en France même ? Je crois que les travaux menés depuis une bonne vingtaine d'années, dans la discrétion, par les psychologues sociaux qui ont accepté la tâche proposée dans un sens technique et précis, ont connu un certain écho et suggéré l'application de la notion à d'autres domaines. Et le renouveau de la psychologie cognitive a justifié ces travaux pionniers et légitimé la prétention des sciences sociales d'employer un concept qu'elles avaient reçu en héritage.

D'autre part, à l'extérieur de nos sciences, on a vu proliférer les mouvements sociaux. Dans leur poursuite d'une politique non conventionnelle et leur organisation effervescente, ils ont retravaillé images et concepts, brisé des stéréotypes et créé des clichés, donnant une ouverture aux choses et au langage. En lieu et place des partis, des appareils d'État, producteurs et consommateurs d'idéologies, ces mouvements cherchent surtout à diffuser, à partager des représentations. Celles-ci apportent une trame commune aux groupes les plus variés, sans cesse en flux et en reflux en croissance et en éclatement, dans le processus même de la communication et dans l'action. On se trouve toujours en deçà du système de concepts et d'images, dans l'empiétement des formes mentales sur le réel que la célèbre formule « l'imagination au pouvoir » autorise. Il faudrait parler d'une création ininterrompue d'emblèmes et de mots d'ordre, d'une idéation qui se propage à ciel découvert dans les réseaux de la collectivité. Mais on s'arrêtera ici sur les liens entre ces courants bouillonnants et les représentations pour mentionner que l'idéologie a fait retour aussitôt qu'ils sont retombés. Je laisse aux sociologues et aux historiens la tâche d'examiner cet aspect de l'histoire des représentations.

RÉFÉRENCES

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[86]

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 23 novembre 2018 10:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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