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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Françoise Morin, “Vers une déclaration universelle des droits des peuples autochtones.” Un article publié dans l'ouvrage collectif sous la direction de H. Giordan, Les Minorités en Europe. Droits linguistiques et droits de l'Homme, pp. 493-510. Paris, Éditions Kimé, 1992. [Autorisation accordée par l'auteure le 18 février 2009 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[493]

Françoise Morin

Anthropologue, maître de conférences, Université Toulouse Le Mirail,
professeure associée, dép. d'anthropologie,
Université Laval et chercheure associée, CIERA.

Vers une déclaration universelle
des droits des peuples autochtones
.

Un article publié dans l'ouvrage collectif sous la direction de H. Giordan, Les Minorités en Europe. Droits linguistiques et droits de l'Homme, pp. 493-510. Paris, Éditions Kimé, 1992.



Entre le traité de Westphalie (1648) qui posait le principe de l'égalité des droits entre catholiques et protestants et la Conférence de la Paix (1919) de Paris, ce sont des traités entre États qui garantissaient les droits des minorités. L'introduction en 1919 d'une garantie de la Société des Nations, reposant sur des mécanismes de contrôle international, représente certainement un progrès (Capotorti 1979) par rapport à ce qui avait prévalu jusque là. Mais le nouveau système s'appliquait essentiellement aux petits États de l'Europe orientale et de l'Europe centrale. Ce caractère restrictif provoqua un fort mécontentement dans les États concernés et laissa de nombreux groupes minoritaires sans protection, tout en diminuant l'autorité morale de la SDN. C'est l'une des causes de l'échec du système de protection des minorités mis en place entre les deux guerres et de l'instabilité qui en résulta (Claude 1955).

Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, en raison des atrocités nazies à l'encontre des juifs et d'autres minorités, le problème des minorités devient tabou et l'on cherche à le résoudre dans un cadre plus général, celui des Droits de l'Homme. Comme le remarque Demichel (1990) le terme « minorité » disparait du vocabulaire juridique et c'est l'individu qui devient sujet de droit international ; les Droits de l'Homme sont alors protégés à l'encontre des États. En reconnaissant aux minoritaires le même statut qu'à tous les autres citoyens, ils n'auraient plus rien à craindre et donc plus besoin d'un régime particulier.

Avec la création des Nations unies on entre dans « l'âge de l'internationalisation des Droits de l'Homme ». Trois principes vont guider l'élaboration des différents volets de la Charte internationale des Droits de l'Homme : l'universalité, l'égalité, et l'individualisme. Datant du XVIIIe siècle, puisqu'on les trouve déjà dans les déclarations qui font suite aux révolutions françaises et américaines, ces principes sont le fruit d'un « construit occidental » (Pollis 1979), dont l'application est très limitée. De nombreuses sociétés dans le monde obéissent à d'autres valeurs.

[494]

Si les représentants de l'URSS et de la Yougoslavie ont proposé de faire figurer dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme plusieurs articles sur les minorités (droit d'usage des langues autochtones, droits de développer sa propre culture), ces propositions furent fortement critiquées par les représentants d'États latino-américains arguant que les minorités ne posaient aucun problème dans leur pays et par la représentante des Etats-Unis déclarant que le concept de minorité ne présentait aucun caractère d'universalité. La meilleure solution pour régler le problème des minorités était, selon elle, d'encourager le respect des Droits de l'Homme. Il est évident que deux gestions des minorités s'opposent ici : celle de l'Union soviétique où les minorités ont des droits inscrits dans la constitution et celle des États-Unis où l'idéologie du melting-pot domine et où les différents groupes minoritaires doivent s'assimiler en respectant le principe d'égalité devant la loi. La logique assimilationniste et individualiste l'a donc emporté sur celle des supporters des droits des minoritaires. Comme le remarque Inis Claude « la Société des Nations avait traité le problème des minorités comme un enjeu politique majeur, l'ONU l'a manifestement exclu de ses priorités » (Claude : 1951).

Les minorités n'avaient pas pour autant disparu et « le système de protection des Droits de l'Homme s'est avéré inadéquat pour les protéger » (Ryan : 1990). Le Conseil économique et social charge en 1946 la Commission des Droits de l'Homme de lui présenter des propositions, des recommandations et des rapports concernant la protection des minorités et la prévention des distinctions fondées sur la race, le sexe, la langue ou la religion. En 1947 cela devient le mandat de la Sous-commission pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités. Elle est composée de 26 experts qui furent souvent divisés quant aux tâches que devrait remplir cette Sous-commission : les uns, comme les soviétiques, voulant avoir « un rôle actif » pour promouvoir la protection des minorités, les autres, comme l'américain ou l'équatorien, voulant au contraire se cantonner dans un rôle plus académique en produisant des rapports (Claude : 1951). Occupant une position relativement basse dans la hiérarchie onusienne, la Sous-commission a rarement eu la possibilité d'exercer une influence pour l'adoption de mesures positives en vue de protéger les groupes minoritaires. Sa volonté de promouvoir les droits des minorités était très mal reçue par les représentants gouvernementaux qui craignaient que la reconnaissance de ces droits viennent miner l'intégrité territoriale des États (Eide : 1985). Son seul vrai succès fut l'inclusion de l'article 27 dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipulant que « dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces [495] minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue ». Comme le note Patrick Thornberry, cet article est rédigé de telle manière qu'il invite en quelque sorte les États à nier l'existence de minorités dans leur propre juridiction (Thornberry 1987). La France l'a très bien compris puisqu'elle a déclaré que « l'article 27 n'est pas applicable en ce qui concerne la République ». Tore Modeen remarque par ailleurs que cet article témoigne d'une « approche individualiste du problème minoritaire » puisqu'il ne concerne pas les minorités en tant que telles mais seulement « leurs membres », donc des individus (Modeen 1969).

Si la Sous-commission n'a pu jusqu'à présent exercer aucune influence majeure au sein de l'ensemble onusien, elle a cependant développé, depuis sa création, toute une réflexion sur les concepts de « minorités », « populations autochtones »et « peuples autochtones ». Nous voudrions retracer ce développement terminologique tout en soulignant les différences dans l'avancement des travaux : ceux sur les autochtones ayant pris une très nette avance par rapport à ceux concernant les minorités.


LES MINORITÉS ET LEUR PROTECTION
INTERNATIONALE

L'une des premières tâches de la Sous-commission fut de définir le terme « minorité ». Ce travail fut délicat et nécessita plusieurs sessions en raison de la variété des situations selon les États concernés. En 1950 la Sous-commission proposa la définition suivante à la Commission des Droits de l'Homme :

« - Le terme "minorité" ne s'applique qu'aux groupes de population non dominants qui possèdent et désirent conserver des traditions ou caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques stables et nettement différentes de celles du reste de la population ;

« - il serait bon que ces minorités fussent numériquement assez importantes pour être capables de conserver par elles-mêmes ces caractéristiques ;

« - les minorités doivent faire preuve de loyalisme à l'égard de l'État dont elles font partie ».

Cette définition suscita de nombreuses critiques de la part des membres de la Commission et il fut reconnu qu'il était difficile d'inclure dans une même définition tous les cas de figures minoritaires nécessitant une protection. La Sous-commission ajourna ses recherches de définition pour se concentrer sur les problèmes des mesures discriminatoires envers les minorités. En 1967, c'est à dire [496] vingt ans après sa création, la protection des minorités devint enfin l'une de ses priorités. Elle proposa d'entreprendre une étude sur l'application des principes énoncés à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Après avoir reçu l'approbation de la Commission des Droits de l'Homme, elle désigna en 1971 Francesco Capotorti comme rapporteur spécial de l'étude. Celui-ci considéra la question des minorités sur le plan mondial en tenant compte des informations provenant de 76 gouvernements d'États membres des Nations unies, d'institutions spécialisées, d'organisations non-gouvernementales dotées du statut consultatif auprès de l'ECOSOC et de travaux de type académique. Le rapport publié en 1979 contient notamment un historique détaillé et critique de la protection internationale des personnes appartenant aux minorités, ethniques, religieuses et linguistiques depuis 1919. Sur le plan conceptuel, il propose une nouvelle définition qui combine des critères objectifs et subjectifs et qui est formulée, précise Capotorti, en vue de l'application de l'article 27 du pacte. Une minorité désigne « un groupe numériquement inférieur au reste de la population d'un État, en position non dominante, dont les membres - ressortissants de l'État -possèdent du point de vue ethnique, religieux ou linguistique des caractéristiques qui différent de celles du reste de la population et manifestent même de façon implicite un sentiment de solidarité, à l'effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue. »

Il ressort enfin du rapport que les principes énoncés à l'article 27 ne sont pas appliqués dans tous les pays. Pour Capotorti cette carence vient du fait que les implications du droit des minorités ethniques et linguistiques ne sont pas clairement définies. Pour aider les États à remplir cette tâche qui leur incombe, il serait utile d'élaborer certains principes qui permettraient la réalisation des objectifs proclamés dans l'article 27 en indiquant par quels moyens ils peuvent être atteints. Capotorti recommande donc d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des groupes minoritaires.

Pour le réaliser, la Commission des Droits de l'Homme a créé en 1978 un Groupe de travail informel qui examine et discute un projet de déclaration proposé par le gouvernement yougoslave. Sept ans après, lors d'un colloque en 1985 sur « les droits des minorités », Capotorti constate que « l'initiative visant à préparer le texte d'une Déclaration sur les minorités fait son chemin » mais qu'elle « progresse très lentement »même si « l'opportunité de poursuivre ce but n'est contestée par aucun gouvernement » (Capotorti 1986). Quatre ans avaient été nécessaires pour que le préambule du projet fasse l'objet d'un accord préliminaire, et l'examen de la proposition yougoslave dut être officiellement [497] relancé en 1982 (Decaux : 1991). Pour ce qui est de la partie « dispositive » de la déclaration, l'ensemble des articles ne témoigne pas, selon Capotorti, d'une réelle volonté de préciser de manière concrète et spécifique les mesures par lesquelles chaque État devrait remplir son devoir de protection envers les minorités. En d'autres termes, la déclaration ne traite pas de la question fondamentale, celle du rôle actif des États en vue de la sauvegarde de l'identité des groupes minoritaires. Capotorti relève cependant plusieurs éléments positifs dont l'article 1er qui proclame que les minorités ont droit à l'existence, au respect et au développement de leurs propres particularités ainsi qu'à l'égalité pleine et entière avec le reste de la population. Rappelons que cette déclaration des droits des minorités devrait avoir pour but une meilleure application de l'article 27 du Pacte. Or, l'article 1er du projet de déclaration traite les minorités comme des sujets collectifs ce qui est difficilement compatible avec l'approche individualiste de l'article 27 qui ne reconnait des droits qu'aux « membres » des minorités. Il semble donc que l'une des raisons de l'inefficacité des travaux des Nations unies, en ce qui concerne la protection des minorités, ait résidé pendant longtemps dans cette contradiction fondamentale entre la logique intégrative et assimilationniste des États membres et une logique pluraliste, ouverte aux revendications des minorités et à leur reconnaissance comme sujets collectifs dont devrait tenir compte une déclaration des droits des minorités. Confrontée à l'enlisement des travaux du Groupe de travail, et à l'aggravation dramatique de la situation des minorités en Irak, dans l'ex-URSS, dans les anciens pays de l'Est et dans l'ex-Yougoslavie, la Commission des Droits de l'Homme décide en 1990 d'accélérer le processus en chargeant un Groupe de travail plus restreint, présidé par un expert yougoslave, de finaliser en deuxième lecture le projet de déclaration (Decaux : 1991). Cette version révisée a finalement été adoptée par le Groupe de travail en décembre 1991, puis par la Commission des Droits de l'Homme lors de sa 48e session (en mars 1992). Elle devrait être soumise à l'Assemblée générale des Nations unies de l'automne 1992.

En ce qui concerne la Sous-commission, elle s'est engagée depuis 1989 plus activement dans la question des minorités. D'abord, avec l'examen d'un document de travail préparé par Claire Palley (Royaume-Uni) sur la façon dont cette structure des Nations unies pourrait « faciliter le règlement pacifique des différends impliquant des minorités ». Ensuite, avec la nomination d'Asbjorn Eide (Norvège) comme rapporteur spécial, chargé d'une étude sur l'expérience acquise par les gouvernements en ce qui concerne le règlement par des moyens pacifiques et constructifs de situations dans lesquelles des minorités sont impliquées. Mais [498] encore une fois, ces dernières sont exclues du processus de travail. En 1991, sur l'ensemble des gouvernements auxquels Asbjorn Eide avait adressé un questionnaire, 12 seulement avaient répondu alors que « la nécessité de trouver des solutions d'urgence aux problèmes des minorités est de plus en plus largement reconnue » (Eide : 1991). Dans son rapport préliminaire qui présente ces premières données, Asbjorn Eide plaide en faveur d'une définition large des minorités afin d'éviter toute exclusion et de pouvoir inclure les groupes récents de migrants. En 1992, Asbjorn Eide doit se rendre dans trois États, appartenant à des continents différents et connaissant des problèmes de minorités avant de présenter en 1993 son rapport final.


LES POPULATIONS AUTOCHTONES
NE VEULENT PLUS ÊTRE DES MINORITÉS

Bien qu'aucun texte de la Charte internationale des Droits de l'Homme des Nations unies ne mentionne les populations autochtones, elles sont peu à peu devenues l'objet d'une réflexion spécifique au sein des instances onusiennes (Barsh 1986). Déjà en 1948 une initiative avait été prise par la délégation bolivienne pendant la 3e session de l'Assemblée générale des Nations unies pour qu'une Sous-commission chargée d'étudier les problèmes sociaux des populations aborigènes soit créée. Il fallut cependant attendre la fin des années 60 pour que l'on se préoccupe de leurs situations. De nombreux ethnologues dénonçaient alors les massacres de groupes indiens dans différents pays latino-américains, comme la colonisation sauvage de leurs territoires et l'ethnocide résultant de l'action missionnaire. Des organisations humanitaires luttant pour défendre la cause autochtone venaient d'être constituées (l'International Work Group for Indigenous Affairs, IWGIA, en 1968, Survival en 1969) et faisaient pression auprès des gouvernements de leurs pays, en particulier les cinq pays nordiques, pour qu'ils interviennent à l'ONU afin que des actions soient entreprises pour protéger les droits des autochtones.

En 1971 le Conseil économique et social autorisa la Sous-commission à entreprendre « une étude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones ». Martinez Cobo fut nommé rapporteur spécial de l'étude qui dura près de douze ans. Le rapport final, véritable document historique constitué de cinq volumes, est une mine d'informations. Il renferme non seulement des données sur les politiques de 37 États vis à vis de leurs populations autochtones (ceux qui ont bien voulu répondre aux questionnaires du rapporteur spécial) mais aussi des informations [499] d'experts, d'organisations non gouvernementales, d'organisations autochtones et des données recueillies au cours des différentes manifestations (conférences, séminaires, congrès) qui eurent lieu pendant la décennie onusienne 1973-1982 consacrée à « la lutte contre le racisme et la discrimination raciale ».

Trois conférences internationales organisées par l'ONU à Genève ont particulièrement attiré l'attention sur les droits des populations autochtones et dynamisé la réflexion du rapport Martinez Cobo qui, entre 1975-1978, souffrait d'un manque d'intérêt de la part des membres de la Sous-commission qui pensaient même l'ajourner (Kuster : 1989). Il s'agit en 1977 de la 1ère Conférence internationale des ONG à l'ONU sur « la discrimination à l'encontre des populations autochtones des Amériques ». L'International Indian Treaty Council (IITC) qui venait d'être reconnu comme ONG autochtone accréditée à l'ONU fut officiellement chargé d'organiser la participation autochtone à cette conférence. Plus de 60 « nations » autochtones des deux Amériques furent représentées, certaines comme les Hopi ou les Iroquois voyageant avec leurs propres passeports « tribaux » pour témoigner de leur souveraineté comme nation (Kuster : 1989). Ce n'était pas la première fois que les services de l'immigration suisse étaient confrontés à ce genre de documents puisqu'en 1923 déjà, ils avaient accepté celui d'un chef iroquois, Deskaheh, venu plaider la cause de son peuple à la Société des Nations (Rostkowski : 1985). Cette conférence de 1977 marque un tournant dans la prise en considération par l'ONU des populations autochtones. Pour la première fois à Genève une centaine d'Indiens représentaient tout un continent et réclamaient d'être reconnus comme peuples et non comme minorités ethniques. En utilisant habilement les media ils se donnèrent une visibilité sur la scène internationale et aux yeux d'une Europe qui ignorait souvent leur existence. En montrant l'importance de leurs liens essentiels avec la terre et leur volonté d'autodétermination, en demandant une révision de la Convention 107 de l'Organisation internationale du travail (seul texte juridique qui, sur le plan international, règle depuis 1957 les relations entre populations aborigènes et tribales, employeurs et États, avec cependant une approche intégrationniste et assimilationniste), en demandant la création d'un Groupe de travail à l'ONU qui s'occuperait spécifiquement des populations autochtones, en proposant pour combler les lacunes du droit international « une Déclaration des principes pour la défense des Nations et Peuples autochtones du monde occidental », les participants autochtones soulevèrent les questions essentielles que l'ONU va reprendre à son compte dans les années qui vont suivre et qui figurent bien sûr dans le rapport Martinez Cobo.

[500]

La 2e Conférence internationale importante pour la cause autochtone fut celle organisée en 1978 à Genève pour « combattre le racisme et la discrimination raciale » et à laquelle participèrent 33 des 37 États dont traite le rapport Martinez Cobo. Dans une déclaration finale la conférence souscrivait « au droit des peuples indigènes de conserver leurs structures traditionnelles économiques et culturelles, y compris leur propre langue, et reconnaissait également la relation spécifique des peuples indigènes à leur terre en insistant pour que celle-ci et les droits territoriaux des autochtones ne soient pas spoliés ».

Enfin, en 1981, un Sous-comité des ONG a l'ONU organise une nouvelle conférence sur « les peuples autochtones et leur rapport à la terre ». La participation autochtone est plus nombreuse qu'en 1977 et représente non seulement les deux Amériques mais aussi les autochtones de Norvège et d'Australie. Parmi les recommandations importantes du rapport final ils réitèrent la proposition faite en 1977 qu'un Groupe de travail permanent sur les populations autochtones soit créé.

L'intérêt du rapport Martinez Cobo c'est qu'il prend en compte les résultats de cette activité internationale menée notamment par les organisations non gouvernementales - qui jouent ici un rôle essentiel - comme les acquis d'une mobilisation autochtone qui s'intensifie dans les années 70. Chaque année, à partir de 1973, il va présenter aux membres de la Sous-commission l'avancement des travaux qui couvrent aussi bien les domaines de la santé, du logement, de l'enseignement, de l'emploi, de la terre, de la religion que les droits politiques, culturels et territoriaux. Dans son rapport final il propose une définition provisoire des populations autochtones : « Par communautés, populations et nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l'invasion et avec les sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires. Ce sont à présent des éléments non dominants de la société et elles sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures les territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques ». Et il précise que « du point de vue de l'individu, l'autochtone est la personne qui appartient à une population autochtone par auto-identification (conscience de groupe) et qui est reconnue et acceptée par cette population en tant que l'un de ses membres (acceptation par le groupe). Cela laisse aux communautés autochtones le droit et le [501] pouvoir souverain de décider quels sont leurs membres, sans ingérence extérieure ».

Le rapport Martinez Cobo ne se contente donc pas de signaler les différents modes de discrimination à l'encontre des populations autochtones. Il affirme un certain nombre de principes qui font progresser la réflexion sur les réalités autochtones et que les autochtones eux-mêmes vont souvent réutiliser dans leurs relations avec les représentants gouvernementaux au sein du Groupe de travail. Ainsi sur le problème fondamental de la terre, le rapport Martinez Cobo écrit que « les populations autochtones ont le droit naturel et inaliénable de conserver les territoires qu'elles possèdent et de revendiquer les terres dont elles ont été spoliées. C'est à dire qu'elles ont droit au patrimoine naturel et culturel que comporte le territoire et que c'est à elles qu'il appartient de décider librement de l'utilisation et de l'exploitation de ce dernier ». Quant aux droits politiques autochtones, le rapport Martinez Cobo souligne que « l'autodétermination sous tous ses aspects est un préalable essentiel de toute possibilité pour les populations autochtones de jouir de leurs droits fondamentaux, de déterminer leur avenir, et de préserver, développer et transmettre aux générations futurs leur spécificité ethnique. Les populations autochtones ont droit à l'autodétermination qui leur permettra de poursuivre une existence digne et conforme à leur droit historique de peuples libres ». Or, le droit à l'autodétermination est aujourd'hui le principal enjeu des autochtones dans leurs négociations avec les États dont ils dépendent.

Le rapport Martinez Cobo propose enfin un certain nombre de recommandations. Cinq retiennent ici notre attention :

1. que soit entreprise une étude spéciale sur les populations autochtones d'Afrique, absentes du rapport. Aucun État africain n'a fourni d'informations au rapporteur, soit pour les uns qu'ils nient l'existence de telles populations sur leur territoire soit pour les autres qu'ils prétendent que tous leurs groupes de populations sont autochtones. M. Martinez Cobo suggère donc une autre étude en partant d'une autre définition de travail.

2. que la convention 107 de l'Organisation internationale du travail soit révisée en tenant compte de la volonté et la demande des populations autochtones, et que l'accent soit mis sur l'ethno-développement, l'autonomie et l'autodétermination plutôt que sur « l'intégration et la protection ».

3. qu'il soit procédé à une étude des traités conclus entre États et nations autochtones dans les diverses régions du monde, en examinant leur application actuelle, le respect ou le non respect des dispositions et les conséquences qui en résultent pour les nations autochtones.

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4. que soit formulée une déclaration des droits et libertés des populations autochtones qui pourrait éventuellement déboucher sur une convention. Il est proposé que le futur Groupe de travail sur les populations autochtones en soit chargé.

5. que l'Assemblée générale des Nations unies proclame l'année 1992 « année internationale des populations autochtones ».

Le rapport Martinez Cobo fut bien accueilli à la Sous-commission dont plusieurs membres étaient acquis à la cause autochtone. Il fut considéré comme « un ouvrage de référence dune très grande utilité » dont devrait s'inspirer un éventuel Groupe de travail sur les populations autochtones pour établir des normes.


L'ONU, FORUM INTERNATIONAL
DES PEUPLES AUTOCHTONES

Sans attendre que le rapport Martinez Cobo soit terminé, un certain nombre d'acteurs se coalisèrent pour convaincre les membres de la Sous-commission et les représentants gouvernementaux de la Commission des Droits de l'Homme que la création d'un Groupe de travail sur les populations autochtones était une priorité.

Le contexte international était plus favorable que dans les années 60. Aux États-Unis, l'Indian Self Determination and Educational Act de 1975 reconnaissait aux communautés indiennes leur droit à l'autodétermination, mais dans les limites de leur statut de « nations domestiques dépendantes »(Rostkowski : 1986). Au Canada, le ministère des Affaires indiennes mettait sur pied en 1974 un Bureau des revendications autochtones et entamait des négociations territoriales avec différentes organisations amérindiennes et inuit (Saladin d'Anglure : 1990). Bref, en Amérique du Nord une politique plus ouverte au multiculturalisme et à la reconnaissance des droits autochtones remplaçait la politique assimilationniste des années 60. Mais ce sont surtout les pays scandinaves (depuis longtemps ouverts aux problèmes autochtones à travers leur expérience avec les Inuit ou les Saami, peuples nordiques chevauchant plusieurs frontières) qui jouèrent un rôle fondamental auprès des institutions des Nations unies et en particulier auprès de la Sous-commission pour décider de la création de ce Groupe de travail (Sverre : 1985). Deux scandinaves sont à l'origine de cette activité intergouvernementale : l'anthropologue danois H. Kleivan, directeur de l'International Work Group for Indigenous Affairs (IWGIA), qui servit en quelque sorte d'informateur aux ministres des Affaires étrangères scandinaves sur les réalités autochtones et Asbjörn Eide, représentant de la Norvège à la Sous-commission et travaillant à l'Institut de recherche sur la paix [503] à Oslo, qui connaissait bien les problèmes saami et était très préoccupé par les projets hydroélectriques de son pays qui menaçaient la survie culturelle de ce peuple.

La mobilisation et la coalition de différents acteurs sont donc à l'origine de la création du Groupe de travail sur les populations autochtones par le Conseil économique et social en 1982. Outre les initiatives des représentants des États de l'Europe du nord et en particulier de la Norvège, il faut tenir compte du rôle des groupes de pressions autochtones nord-américains et de l'appui de certains membres du personnel des Nations unies comme Theo Van Boven, responsable hollandais du Centre des Droits de l'Homme (Sanders : 1989).

Le Groupe de travail sur les populations autochtones, composé de 5 experts élus pour 2 ans et représentant les 5 régions des Nations unies (Afrique, Asie, Europe de l'est, Amérique latine et « Europe de l'ouest et autres » incluant États-Unis, Canada, Australie, et Nouvelle-Zélande) fut présidé par Asbjorn Eide, le Norvégien dont nous venons de parler, très acquis à la cause autochtone. Ils décidèrent d'en ouvrir les sessions à tout autochtone qui voudrait s'y faire entendre. C'est ainsi que le Groupe de travail devint le premier forum international autochtone au sein des instances onusiennes, plus habituées à recevoir les représentants gouvernementaux. Ce libéralisme fut critiqué par certains gouvernements mis en cause. Il en résulta une grave crise en 1984 lorsque, à l'instigation de la représentante d'un des pays concernés, tous les votes des représentants du Tiers Monde au sein de la Sous-commission se groupèrent pour empêcher la réélection d'Asbjorn Eide et de 3 des autres membres (Sanders 1989). En 1984 les nouveaux membres élus établirent des règles précises pour se mettre à l'abri de telles manœuvres mais ils maintinrent l'accès du Groupe de travail à tout représentant d'un peuple autochtone. Erica Daes, professeur de droit international et représentante grecque à la Sous-commission, fut élue présidente du Groupe de travail et depuis lors a constamment été réélue. Les autres membres sont chinois, cubain, yougoslave et nigérian, ce qui fait dire à Sanders (1989) que tous les experts du Groupe de travail appartiennent à des pays qui n'ont pas ou disent ne pas avoir de peuples autochtones et que trois d'entre eux viennent de pays appartenant au bloc communiste.

Quant à la participation autochtone, elle est de plus en plus importante. Commencée avec une cinquantaine de représentants en 1982 provenant essentiellement des deux Amériques, elle atteignait en 1989 environ 400 participants venant d'Australie, de l'Inde, du Sud-Est asiatique, des Philippines et, en 1990, s'y ajouta un délégué de Sibérie. Ceux de Chine restent néanmoins absents. [504] Quant à l'Afrique, elle était représentée pour la première fois en 1989 au Groupe de travail par un Maasai de Tanzanie. L'amplification de cette présence autochtone entraina en quelque sorte celle des représentants gouvernementaux. Ils étaient une dizaine en 1982, ils sont aujourd'hui une trentaine à participer aux différentes sessions. Il s'agit le plus souvent de fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères. En 1990, un ministre du gouvernement australien a même honoré le Groupe de travail de sa présence active.

Les tâches du Groupe de travail pendant les 5 jours de sa session annuelle (qui se tient juste avant celle de la Sous-commission) sont de deux types :

1. suivre le développement des situations des populations autochtones du monde entier,

2. établir des normes pour la reconnaissance de leurs droits et protection.

Mais avant d'entreprendre ce travail qui allait aboutir en 1987 au projet de Déclaration universelle des droits des Peuples autochtones, il fallait d'abord se mettre d'accord sur une définition. Les autochtones refusaient d'être considérés comme des minorités ethniques et rejetaient le terme « populations »comme étant dégradant et généralement utilisé pour qualifier des espèces biologiques. Ils revendiquaient leur appartenance à des « peuples » sans toutefois tomber dans le piège des définitions et ils déniaient aux gouvernements le droit de définir l'appartenance autochtone.

De leur côté, les gouvernements évitaient le terme « peuple »qui, selon la Charte des Nations unies, impliquait le droit à l'autodétermination. On reprit la définition proposée par le rapport Martinez Cobo en insistant sur deux critères, celui de la continuité historique et celui plus subjectif de l'auto-identification. A partir de 1987, le Groupe de travail se rallie à la proposition autochtone et propose à la Sous-commission de remplacer le terme « population » par celui de « peuple » dans le texte de la Déclaration.

En 1985 le Groupe de travail commença à travailler sur les principes qui devraient figurer dans la Déclaration. Dans l'intervalle des sessions, certaines organisations autochtones remettaient à Erica Daes leurs propositions, ainsi le Conseil mondial des Peuples indigènes en 1984 ou les six ONG autochtones en 1985. Chargée de rédiger une ébauche de déclaration, Mme Daes utilisa les recommandations faites par le rapport Martinez Cobo et les informations recueillies par le Groupe de travail tant auprès des autochtones qu'auprès des gouvernements. Nous retiendrons de la première version de ce texte plusieurs points essentiels : l'usage du terme « peuples autochtones » sans qu'il soit jugé utile de le définir ; une combinaison intéressante de droits individuels et collectifs ; une [505] volonté de protéger les identités autochtones telles qu'elles se manifestent au niveau culturel, linguistique et religieux ; l'introduction du droit à l'autonomie ; l'affirmation des droits autochtones en ce qui concerne la terre et ses ressources...

Ce texte fut soumis aux différents acteurs du Groupe de travail (gouvernements, organisations autochtones, ONG autochtones et non autochtones) afin qu'ils présentent leurs commentaires et leurs suggestions. Les autochtones ont largement discuté ce texte et demandé notamment que les droits collectifs soient plus affirmés, que les droits territoriaux s'appliquent également aux ressources du sous-sol (pétrole, gaz etc.), que l'on respecte les traités signés avec les autochtones, qu'on leur reconnaisse un droit à l'autodétermination et le droit de ne pas subir d'interférence dans « leurs propres affaires ».

En 1989, sur la trentaine de pays représentés au Groupe de travail, 14 avaient réagi au projet de déclaration. Certains pays sont là comme simples observateurs, car ils ne se considèrent pas concernés par la question. C'est le cas de la France qui n'intervient dans aucun débat puisqu'elle n'est « constituée que de citoyens et n'a donc pas de populations autochtones »(propos recueillis en 1989 auprès d'un des représentants du gouvernement français). De très nombreux autres pays sont complètement absents. J. Burger estimait en 1987 qu'environ 80 États membres des Nations unies avaient des populations autochtones dont les droits n'étaient pas respectés. Parmi ceux qui ont réagi au projet de déclaration, les pays socialistes (URSS, République socialiste soviétique de Biélorussie, Yougoslavie) y étaient très favorables mais regrettent, comme d'autres pays d'ailleurs, que le terme « peuple » ne soit pas défini. Cette absence de définition, selon ces gouvernements, pourrait conduire à différentes interprétations qui entraineraient de sérieuses controverses quant à l'application de cette Déclaration. Pour le Canada et l'Australie par exemple, si le terme « peuple » devait impliquer le droit à l'autodétermination ils ne pourraient y souscrire. D'autres pays comme la Suède estiment que les droits individuels ne sont pas suffisamment protégés. Le Venezuela, par contre, considère que la protection des autochtones a pris une telle importance dans la Déclaration qu'elle les transforme en communautés indépendantes du reste de la population, ce qui est inacceptable selon la loi vénézuélienne.

Malgré les crispations gouvernementales, le projet de déclaration avance. Erica Daes présentait à la session de 1989 une première révision du texte et en 1990 une analyse des derniers commentaires reçus tout en répondant aux suggestions faites par les organisations autochtones et par les représentants gouvernementaux. Elle voulait ainsi accélérer le processus afin de pouvoir [506] en 1991 soumettre une version finale à la Sous-commission. Pour concilier en quelque sorte les intérêts des deux partenaires (Peuples autochtones et États-nations), Erica Daes refuse de définir explicitement le terme « peuple autochtone »considérant que le rapport Martinez Cobo qui a servi de base de travail précisait bien de quels groupes il s'agissait. Dans les cas posant problème ce serait aux gouvernements et aux organes internationaux qu'il reviendrait de trancher. Quant au droit à l'autodétermination que les autochtones réclament, elle estime qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter davantage l'article 23 consacré au « droit collectif à l'autonomie », étant donné la variabilité des situations.

Il est certain que cette Déclaration universelle des droits des Peuples autochtones remplira un grand vide juridique et sera un outil fondamental pour la protection des droits des peuples autochtones s'il est accompagné d'une Convention comme le recommande le rapport Martinez Cobo. D'ici là, son élaboration dynamise le droit international (Roy : 1987) et incite les juristes à repenser des notions comme celles de peuple et d'autodétermination (Voir à titre de comparaison les remous provoqués en France par l'utilisation de ces concepts à propos des Corses en 1990). Pour les autochtones l'association de ces deux termes ne signifie pas sécession et indépendance. Ils veulent leur donner un autre sens en proposant de concevoir l'autodétermination en terme d'autonomie et d'autogestion de leurs territoires, de leur environnement et de leurs ressources, en harmonie avec leurs propres cultures et leurs traditions. Ils veulent décider eux-mêmes de leur devenir et de leur développement.

Outre ce projet de déclaration, on constate depuis deux ans une accélération des mesures prises par les structures onusiennes en faveur des peuples autochtones. Citons-les brièvement :

- Un séminaire a été organisé en 1989 par l'ONU sur « les effets du racisme et de la discrimination raciale sur les relations sociales et économiques entre populations autochtones et États » réunissant pour la première fois sur un pied d'égalité représentants gouvernementaux et autochtones. Le rapporteur du séminaire fut Ted Moses, responsable du Grand conseil des Cris (Québec).

- Le Fonds volontaire des Nations unies qui apporte une aide financière depuis 1987 pour la venue de représentants autochtones au Groupe de travail a augmenté en 1989 : 37 autochtones ont ainsi pu en bénéficier.

- La Convention 169 de l'Organisation internationale du travail a été adoptée en juin 1989. Bien que critiquée par certaines organisations autochtones, elle représente un net progrès du droit international en faveur des autochtones.

[507]

- La durée des sessions du Groupe de travail a été doublée afin d'accélérer la rédaction du projet de Déclaration : depuis 1990 il fonctionne pendant dix jours.

- Une étude sur « les traités et autres arrangements entre États et Populations autochtones » a été acceptée en 1989 et confiée à A. Martinez, l'un des experts du Groupe de travail.

- Enfin 1993 sera déclarée « Année internationale des Peuples autochtones ».

Les peuples autochtones ont donc compris que c'est par la voie internationale qu'ils pouvaient le mieux défendre leurs droits. Ils ont su pénétrer et utiliser les structures des Nations unies pour se faire connaitre et devenir un véritable pouvoir avec qui les gouvernements doivent aujourd'hui compter et négocier. En s'organisant nationalement et transnationalement, ils ont aujourd'hui obtenu un statut d'ONG accréditée par l'ECOSOC pour onze de leurs organisations qui jouent un rôle essentiel au sein du forum international qu'est devenu le Groupe de travail. C'est grâce à cette structure, unique à l'ONU, qu'ils arrivent à négocier leurs droits et à devenir des acteurs à part entière. L'avance qu'ils ont prise sur les autres minorités du monde, quant à la protection de leurs droits, s'explique en grande partie par l'existence de ce Groupe de travail qui devrait servir de modèle à la structure onusienne parallèle consacrée aux problèmes des minorités. Ces dernières devraient pouvoir y participer en s'inspirant de l'approche holistique des peuples autochtones dans leurs revendications et ne plus s'en tenir aux seuls domaines de leurs droits linguistiques et culturels.

Au moment où se dissout l'antagonisme Est-Ouest, qui alimentait le tiersmondisme des États défavorisés (Daniel : 1990) en masquant les problèmes de leurs minorités, au moment où prennent forme de nouvelles structures supranationales dans plusieurs parties du monde, notamment en Europe, structures qui font ressortir la question des minorités, n'y aurait-il pas une conjoncture des plus favorables pour promouvoir ce « Quart Monde » [1] politique que constituent non seulement les peuples autochtones mais aussi les minorités ethniques trop longtemps laissées pour compte par la raison des États-nations ?

[508]

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[1] Le terme de « Quart Monde » a été utilisé en 1972 par le Minority Rights Group dans un livre de Ben Whitaker qui s'attache à dénoncer l'oppression dont souffrent ces groupes minoritaires. Repris à différentes reprises depuis 1973 dans un sens plus politique, ce terme tend à désigner les peuples autochtones en situation de colonialisme interne dans le cadre d'États-nations dominants (Dick 1985, Payne 1985).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 14 janvier 2013 8:37
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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