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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Françoise Morin, “Pratiques anthropologiques et histoire de vie.” (1980)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Françoise Morin, “Pratiques anthropologiques et histoire de vie.” Un article publié dans la revue Cahiers internationaux de Sociologie, vol. LXIX, 1980, pp. 313-339. [Autorisation accordée par l'auteure le 10 avril 2008 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

Si les ouvrages des anthropologues français sont rarement des succès de librairie (sauf quand ils se présentent sous forme de récits comme Tristes Tropiques), ceux des « intellectuels indigènes » (en particulier quand ils se racontent) font par contre, depuis quelques années, fortune en France. 

Le cheval d'orgueil déclenche en 1975 cet engouement pour l'autobiographie « en sabots ». L'opération « Terre humaine »ayant réussi, ces « laissés-pour-compte » de l'histoire dont on ne se préoccupait guère jusqu'à présent de « savoir ce qui se passait dans leur tête » [1] se trouvent soudain parés de toutes les vertus. Et chaque éditeur découvre son « paysan noir » à qui il donne la parole [2]. Comme le note Claude Karnoouh, « l'hagiographie de vieillards aux vies de labeur se vend bien » [3]. En effet, ces « innombrables récits empreints d'une rusticité bucolique, célébrant la glèbe fumante et les veillées, constituent un excellent « filon » [4]. Et « l'année du patrimoine », qui légitimise et célèbre les valeurs de ces cultures paysannes quand celles-ci disparaissent, ne fait qu'alimenter ce cannibalisme pour les « chantres de la rusticité ». 

Ce nouveau mythe du bon sauvage qui correspond au passage « d'un exotisme extérieur, lointain, à un exotisme intérieur où la distance est apportée à la fois par le passé et le milieu »s'élabore dans ces « années charnières où l'on prend conscience que l'on quitte définitivement tout un monde, celui de la France rurale avec ses activités, son calendrier, ses types de relation » [5]. Comme le souligne Freddy Raphaël, « le goût du passé et la réhabilitation de la tradition correspondent bien souvent à un sentiment de panique devant des mutations brutales, à la volonté de se glisser dans la robe portée par la grand-mère « comme dans une autre vie », à la peur d'être privé de tout point d'appui, de tout repère pour se situer face aux changements accélérés qui emportent notre siècle. Garder un cordon ombilical avec le passé, c'est un recours pour échapper à la mort » [6]. 

Pour étancher cette soif du passé, pour répondre à cette quête des racines perdues, les derniers témoins d'une civilisation qui meurt et dont ils sont les seuls dépositaires se racontent et deviennent ainsi les griots de notre « campagne inventée » [7].


[1]    P.-J. HELIAS, Préface à Toinou, le cri d'un enfant auvergnat, d'Antoine SYLVÈRE, Paris, Plon, 1980, p. VIII.

[2]    Comme par exemple Emilie CARLES (J.-CI. Simoëns, 1977), Henri VINGENOT (Denoël, 1978), GRENADOU qui se réédite à l'occasion en Livre de Poche, etc.

[3]    « Les chantres de la rusticité », Autrement, no 14, juin 1978, p. 94. CI. Karnoouh reproche à cette littérature, et en particulier à P.-J. Helias, de nous offrir, pour découvrir la pensée des paysans bretons, « des anecdotes vieillottes » plutôt qu'une « réflexion sur la culture du pays bigouden » (Compte rendu de CI. KARNOOUH dans L'Homme, XVII, 1, 1977). Or, comme le remarque Marcel DRULHE, « à aucun moment Helias ne prétend à la scientificité : ce n'est pas son problème », dans Le cheval d'orgueil de P.-J. HELIAS : analyse d'un document « biographique » à paraître dans Pluriel, 1980. Ce Breton écrit ses Mémoires et témoigne d'une vision interne, fût-elle mythique ou morale, de la société paysanne.

[4]    F. RAPHAËL, Le travail de la mémoire et les limites de l'histoire orale, Annales, janvier-février 1980, p. 143.

[5]    B. BONNAIN et F. ELEGOËT, Mémoires de France : Aperçu provisoire des enquêtes en cours, Ethnologie française, t. 8, no 4, octobre-décembre 1978, p. 339

[6]    Op. cit., 1980, p. 143.

[7]    Voir le livre de M. MARIÉ, J. VIARD, La campagne inventée, Éditions Actes-Sud, 1977.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 24 juillet 2008 16:41
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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