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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Françoise Morin, “L'ONU COMME CREUSET DE L'AUTOCHTONIE.” Un article publié dans la revue Parcours anthropologiques, no 5, 2005, pp. 35-42. Lyon. [Autorisation accordée par l'auteure le 18 février 2009 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[35]

Françoise Morin

Anthropologue, professeure émérite, Université Lumière, Lyon 2
professeure associée, dép. d'anthropologie,
Université Laval et chercheure associée, CIERA.

L'ONU COMME CREUSET
DE L'AUTOCHTONIE
.

Un article publié dans la revue Parcours anthropologiques, no 5, 2005, pp. 35-42. Lyon.



En juillet 2002, dans les locaux des Nations Unies à Genève, plus de mille délégués autochtones célébraient le vingtième anniversaire du Groupe de Travail sur les Populations Autochtones (GTPA). Créé en 1982 par le Conseil Économique et Social, le GTPA est devenu au cours des ans un forum où viennent chaque année des centaines de représentants d'organisations autochtones qui témoignent de la situation souvent dramatique de leur peuple. Leurs récits mettent en question les politiques et les normes des États dont ils dépendent et qui, dans bien des cas, les marginalisent ou les ignorent. Les États de leur côté défendent leur point de vue gouvernemental, présentent les modalités de leur politique indigéniste et participent aux discussions de ce groupe de travail, coordonné par cinq experts, qui ont pour mandat non seulement d'écouter ces récits contradictoires mais aussi de proposer des normes pour la reconnaissance des droits autochtones.

Le Palais des Nations Unies devient donc pendant une semaine le théâtre d'une confrontation unique dans le système onusien. Le GTPA est en effet la seule instance onusienne où les autochtones peuvent, sans accréditation particulière, intervenir dans le débat, adresser leurs griefs aux représentants gouvernementaux et présenter leur point de vue sur tel ou tel thème de l'ordre du jour. Entre ces deux types d'interlocuteurs s'installe un rapport de force qui sert de creuset à la construction de l'autochtonie. Bien qu'ils vivent dans des contextes socio-politiques très variés, qu'ils parlent des langues différentes et qu'ils sont les porteurs de cultures très diversifiées, les autochtones se rendent compte qu'ils souffrent de la même domination étatique, partagent les mêmes valeurs collectives, croient dans les mêmes principes démocratiques qui reposent sur le consensus et le rejet de toute mesure coercitive, ont les mêmes liens spirituels avec la terre et aspirent au même type de développement durable et équitable (Morin, 1994).

Comment sont-ils parvenus à s'imposer a l'ONU comme autochtones ? Quelles ressources instrumentalisent-ils pour construire leur autochtonie ? Pour comprendre la dynamique de cette construction identitaire, il nous faut revenir aux identités locales et je partirai des exemples des peuples amérindiens et inuit qui ont été les pionniers de ce mouvement autochtone international.


De l'ethnie à l'autochtonie

Dans les années 50-60, le Canada comme les États-Unis partageaient le même point de vue sur le « problème indien ». Ils voulaient lui trouver une solution définitive afin d'en finir avec les spécificités du statut des Amérindiens.

Les Américains optèrent pour la « Termination Policy », en 1953, qui visait à supprimer la spécificité du statut territorial des tribus et transmettait aux États l'autorité exercée jusqu'alors par le gouvernement fédéral, tout en mettant fin au statut des Amérindiens, considérés comme pupilles du Gouvernement. Cette politique visait à éradiquer la situation de différenciation qui prévalait entre les Indiens et le reste de la population et à accélérer leur assimilation.

Les Canadiens de leur côté constatèrent en 1960 l'échec de leurs politiques depuis plus d'un siècle vis-à-vis des Amérindiens et le Ministère des Affaires Indiennes fut tenu responsable de leur grande pauvreté économique. Une nouvelle politique, publiée dans un Livre Blanc en 1969, proposait que les Amérindiens deviennent des citoyens canadiens à part entière. Ceci signifiait le retrait de la Loi sur les Indiens (Indian Act) de 1876, qui établissait l'irresponsabilité légale de l'Indien, et la disparition des réserves indiennes. En invoquant une volonté de justice et un désir de mettre fin à la discrimination des Amérindiens, le Livre Blanc visait, en fait, leur assimilation et faisait, bien sûr, l'impasse sur la question des droits territoriaux.

Ces deux politiques suscitèrent une très forte réaction chez les Amérindiens. Au Canada, ils refusèrent le Livre blanc qui les dépossédait de leurs droits autochtones et de leurs terres. S'organiser pour combattre cette politique gouvernementale, devenait une nécessité. La Fraternité Nationale des Indiens (National Indian Brotherhood) fut créée, en 1968, et dirigée par George Manuel, chef de la tribu Shuswap de Colombie Britannique, qui avait compris l'intérêt d'une approche intertribale des problèmes amérindiens. Les Inuit, de leur côté, cherchèrent à réunir dans une même association les Inuit dispersés dans l'Arctique canadien et créèrent en 1971 Inuit Tapirisat of Canada pour défendre leurs droits face au gouvernement d'Ottawa.

[36]

Aux États-Unis, « la politique de suppression du statut fédéral des réserves devint un catalyseur du renouveau de la conscience indienne... et elle contribua à cristalliser le mouvement indien des années 60 et 70 » (Rostkowski, 1986 : 83). Le Congrès national des Indiens d’Amérique (National Congress of American Indians) existait depuis le début des années 40, mais les jeunes Indiens lui reprochaient d'être trop conciliant avec le Gouvernement. Ils décidèrent de créer, en 1961, leur propre organisation, le Conseil national de la jeunesse indienne (National Indian Youth Council). Influencés par le mouvement des droits civiques et soutenus par Martin Luther King, ils s'inspirèrent des tactiques du sit-in des contestataires afroaméricains pour les adapter à leur « indian way ». Ils lancèrent, en 1964, dans les États de Washington et de l'Oregon, des « fish-in » qui consistaient à pêcher dans des lacs, rivières etc... qui leur étaient interdits, en dépit de leurs droits de pêche reconnus par les traités (Nagel 1996 : 161). Cette contestation régionale prit une dimension plus nationale, dans le contexte du mouvement général des minorités américaines des années 60. En 1968 une nouvelle organisation, l'American Indian Movement, orienta la lutte vers des actions plus violentes avec l'occupation d'Alcatraz en 1969, du Bureau des Affaires Indiennes en 1972 et de Wounded Knee en 1973. La défense de la souveraineté tribale et l'autodétermination étaient leurs objectifs prioritaires. Mais devant l'échec de ces occupations, le mouvement indien se tourna vers des actions juridiques et une partie des militants de I'American Indian Movement s'investit dans la voie internationale.

Ils organisèrent en 1974, dans la réserve sioux de Standing Rock, la première « Conférence internationale des traités indiens » qui réunit 4,000 représentants de 98 nations indiennes d'Amérique du Nord et d’Amérique latine. Une même prise de conscience existait en effet dans l'hémisphère sud puisque, depuis dix ans, la Fédération des Centres Shuars agissait en Équateur et qu'en 1974, le premier Parlement indien d'Amérique du Sud, réuni au Paraguay, réclamait les terres dont les Indiens étaient les maîtres depuis des millénaires (Rudel 1985). À l'issue de cette première rencontre entre Indiens des deux Amériques, à Standing Rock, un Conseil International des Traités Indiens (International Indian Treaty Council) fut créé. Il avait deux objectifs prioritaires, faire pression sur les États pour qu'ils honorent les traités signés avec les « nations indigènes souveraines », et établir des contacts avec l'ONU en vue d'obtenir le statut d'ONG (Rostkowski, 1986 : 185). Avec cette première rencontre entre autochtones des Amériques, une dynamique était née qui allait s'accélérer dans les années suivantes.

Il faut dire que la Fraternité Nationale des Indiens du Canada (National Indian Brotherhood) avait elle-même, depuis plusieurs années, privilégié les relations internationales en entretenant des liens étroits avec le Congrès National des Indiens d'Amérique (National Congress of American Indians), et en optant pour l'action internationale après avoir obtenu, en 1974, son accréditation comme organisation nongouvernementale avec statut consultatif auprès du Conseil Économique et Social de l'ONU. L'obtention de ce statut, défini par l'article 71 de la Charte des Nations Unies et généralement dévolu à une organisation internationale, avait un caractère assez exceptionnel pour cette association nationale canadienne. Elle l'avait obtenu à condition de le transférer à une ONG internationale autochtone dès que celle-ci serait créée (Saladin d'Anglure 1992 : 523).

C'est là qu'il faut évoquer le rôle d'un acteur essentiel dans cette construction internationale de l'autochtonie. Il s'agit d'une Organisation Non Gouvernementale, International Working Group for Indigenous Affairs (IWGIA), créée en 1968 à Copenhagen par des anthropologues, partisans de l'approche barthienne de l'ethnicité et d'une nouvelle éthique anthropologique (Morin & Saladin d'Anglure, 1995 : 39-41). Son secrétaire général, Helge Kleivan, spécialiste des Inuit, était convaincu qu'il fallait tisser des liens entre peuples autochtones afin de les réunir au sein d'associations internationales et, qu'ainsi, ils pourraient devenir une force politique. Il écrivait en 1973 :

« On the day it becomes clear to their leaders that the difference between the world's aboriginal peoples are essentially less than their similarities on account of their historical fate in a world of conquerors and conquered... these people will become a political force » (cité par Paine, 1985 : 49).

Kleivan s'investit entièrement dans cette tâche en facilitant les rencontres entre peuples autochtones pour qu'ils prennent conscience de leur force potentielle (Eide, 1985 : 196). C'est ainsi qu'il contribua activement à l'organisation de la première Conférence des Peuples Arctiques en 1973 qui réunissait les organisations représentant les Inuit du Canada et du Groenland, les Sami de Norvège, Suède et Finlande, ainsi que les Indiens du Yukon et des Territoires du Nord-ouest canadien (Kleivan, 1992). Kleivan apporta également toute son expertise à George Manuel pour organiser la première conférence internationale des peuples autochtones à Port Alberni en Colombie Britannique en 1975. Elle avait été financée par quatre gouvernements (Canada, Guyana, Norvège et Danemark) et plusieurs organisations, dont IWGIA et le Conseil Mondial des Églises. Environ 30 à 35 millions de peuples autochtones y étaient représentés. Leurs 52 leaders qui étaient Sami, Inuit, Maori, Aborigènes d'Australie et Indiens des deux Amériques, avaient pour la première fois l'occasion de partager leurs expériences. Ils venaient de pays dont les politiques indigènes étaient alors très contrastées. D'un côté, les [37] Sami, les Indiens d'Amérique du Nord, les Inuit, les Maoris et les Aborigènes australiens appartenaient à des États démocratiques qui, à des degrés divers, les aidaient à s'organiser. De l'autre, les Indiens latino-américains ne jouissaient d'aucun support gouvernemental et risquaient même d'être arrêtés et torturés pour être venus à Port Alberni. Mais cette confrontation des deux mondes politiques s'estompait devant la découverte de leur même enracinement autochtone et de leur volonté de le défendre. Ils l'exprimèrent dans une déclaration finale qui se terminait ainsi « Nous, Peuples autochtones du monde... nous engageons à reprendre en main et contrôler notre propre destinée » (Paine, 1985 : 49). A l'issue de cette rencontre, se constitua le Conseil Mondial des Peuples Indigènes (World Council of Indigenous Peoples) à qui fut transféré le statut d'ONG accréditée par l'ECOSOC obtenu en 1974 par la Fraternité Nationale des Indiens du Canada.

L'International Indian Treaty Council ne tarda pas à obtenir le même statut en 1977. Puis plusieurs organisations transnationales firent la même démarche avec succès, comme Inuit Circumpolar Conference en 1983, ou le Conseil Indien d'Amérique du Sud en 1987. Mais lorsque ce statut fut accordé à une organisation nationale (comme le National Indian Youth Council en 1984) ou même tribale (comme le Grand Conseil des Crees en 1987), l'ECOSOC transgressait ses propres règles. Sanders y voit une preuve que la question des droits autochtones devenait un enjeu international légitime. Et pour le traiter, l'ONU, structure centrée sur les États, avait choisi d'assouplir ses normes pour pouvoir donner la parole aux autochtones et les faire intervenir dans les débats (1989 : 419).

On entrait là dans une ère politique nouvelle qui ouvrait aux peuples autochtones les portes de l'ONU, jusqu'ici demeurées closes. En effet, le chef Deskaheh s'était adressé, en 1923, à la Société des Nations au nom de la Confédération des six tribus iroquoises pour faire reconnaître la souveraineté de son peuple et dénoncer la politique assimilatrice du Canada. Mais sa requête ne fut pas entendue, en dépit de sa visibilité médiatique auprès de la société genevoise (Rostkowski, 1986). Plusieurs autres tentatives, par des organisations à composition tribale, s'étaient aussi soldées par des échecs. George Manuel, président de la National Indian Brotherhood, avait compris que seuls de grands regroupements inter-ethniques et la création d'ONG autochtones les feraient accéder à la scène internationale. C'est ainsi que dans les années 70, ils purent plus facilement se faire accepter à l'ONU et participer aux travaux de la Sous-Commission pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités.

Mais il fallait au sein de cette instance s'identifier comme peuples autochtones. Un avocat guatémaltèque, travaillant aux Nations Unies, Agusto Willemsen Diaz, démontra que les problèmes touchant les peuples autochtones ne relevaient pas de la discrimination raciale mais devaient être traités séparément. Il faut dire qu'à cette époque, des rapports alarmants sur les massacres indiens dans plusieurs pays latino-américains, massacres accompagnés d'une colonisation sauvage, avaient alerté le Conseil Économique et Social. À la suite de pressions des gouvernements nordiques, il chargea en 1971 la Sous-Commission d'une étude du « problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones ». Même si le terme « discrimination » n'était pas très adéquat et reflétait mal l'amplitude des problèmes, les peuples autochtones avaient réussi, grâce à cette première décision de l'ECOSOC, à se faire identifier comme une catégorie distincte. Martinez Cobo, un diplomate équatorien, fut nommé rapporteur spécial de l'étude. Celle-ci dura près de douze ans et son rapport final, véritable document historique, est une mine d'informations, dont les représentants autochtones feront bon usage. Entre temps, il fallait qu'ils se manifestent par des activités sur la scène onusienne. Deux conférences internationales organisées à l'ONU vont y contribuer.

En 1977, eut lieu la Conférence des ONG sur « la discrimination contre les populations autochtones des Amériques ». L'International Indian Treaty Council, reconnu trois ans plus tôt comme ONG accréditée à l'ONU, avait été officiellement chargé d'organiser la participation autochtone à cette conférence. Pour la première fois, dans les locaux de Genève, une centaine d'Indiens représentaient plus de 60 « nations » autochtones des deux Amériques. Revêtus de leur costume traditionnel, ils pénétrèrent dans le Palais des Nations, avec les anciens en tête, munis de leur pipe sacrée et la tête ornée de plumes d'aigle. Les employés de l'ONU, plus habitués aux diplomates en costume trois pièces, furent étonnés de cette présence insolite (Rostkowski 1986). Leur séjour à Genève fut largement commentée dans la presse européenne, qui souligna la signification historique de leur venue et salua ce début de reconnaissance internationale. Pour la première fois dans l'histoire, les représentants autochtones pouvaient dialoguer avec les délégués gouvernementaux et faire entendre leur voix sur les liens particuliers qui les unissait à la terre, sur l'importance du droit et des coutumes traditionnels, sur les problèmes posés par l'exploitation des ressources naturelles dans leur territoire et leur manque de contrôle sur ces exploitations, sur la nécessité de respecter leur culture et de protéger leur héritage, et sur leur volonté d'autodétermination. Ils demandèrent une révision de la Convention 107 de l'Organisation Internationale du Travail (seul texte juridiquement contraignant qui, sur le plan* international, gérait depuis 1957, de façon très assimilationniste, les relations entre populations aborigènes et tribales, employeurs et États), et demandèrent [38] également la création d'un Groupe de Travail à l'ONU qui s'occuperait spécifiquement des peuples autochtones. Ils proposèrent enfin, pour combler les lacunes du droit international, « une déclaration des principes pour la défense des Nations et Peuples autochtones du monde occidental ». En agissant de la sorte, les leaders indiens ne se présentaient pas seulement comme des victimes de la discrimination, mais comme des sujets, voulant participer pleinement à l'élaboration et au respect de leurs droits en tant qu'autochtones.

Une seconde conférence internationale fut organisée à l'ONU en 1981 sur « les peuples autochtones et leur rapport à la terre » ; elle leur donna l'occasion d'approfondir la relation particulière entretenue par les autochtones avec leur territoire. Alors que la première portait sur les Amériques, cette seconde rencontre était plus ouverte et accueillait en plus des représentants autochtones de la Norvège et de l'Australie. L'une des recommandations importantes du rapport final reprit l'une des propositions de 1977, la création d'un Groupe de Travail sur les peuples autochtones.


Le premier forum autochtone à l'ONU :
du local à l'international

Plusieurs acteurs exercèrent des pressions sur les représentants gouvernementaux de la Commission des Droits de l'Homme pour qu'ils appuient la création de ce Groupe de Travail dédié aux questions autochtones. Il faut dire que le contexte international était, plus favorable que dans les années 60. Aux États-Unis, l'Indian Self Determination and Educational Act de 1975 reconnaissait aux communautés indiennes leur droit à l'autodétermination, mais dans les limites de leur statut de « nations domestiques indépendantes » (Rostkowski 1986). Au Canada, le ministère des Affaires indiennes mettait sur pied en 1974 un Bureau des revendications autochtones, et entamait des négociations territoriales avec plusieurs organisations amérindiennes et inuit. Il y avait donc en Amérique du Nord une politique plus ouverte au pluralisme culturel et à la reconnaissance des droits autochtones. Mais ce sont surtout les Pays scandinaves qui jouèrent un rôle essentiel auprès des Nations Unies. Ils avaient depuis longtemps réfléchi à la question autochtone, à travers leur gestion des revendications Sami et des Inuit vivant sur leurs territoires nationaux ; ils avaient participé financièrement aux actions entreprises par IWGIA pour la création d'organisations autochtones, et aux réunions du Conseil Mondial des Peuples Indigènes (CMPI) en Colombie Britannique, en Australie et en Suède. La Norvège avait apporté sa contribution financière pour l'organisation d'une conférence au Cuzco (Pérou) qui donna naissance au Consejo Indio de Sud America (branche régionale du CMPI). Très e ngagés dans la décennie des Nations Unies sur le Racisme et la Discrimination raciale et voulant voir aboutir les revendications autochtones de la Conférence de 1977, les ministres des Affaires Étrangères des Pays Nordiques décidèrent en 1979 de travailler « en étroite coopération pour promouvoir les intérêts des populations autochtones dans le cadre international » (Sverre, 1985 : 190). Pour cela, ils se rencontrèrent deux fois par an pour coordonner leurs positions sur les questions autochtones, lors des réunions aux Nations Unies, et ceci, en étroite collaboration avec IWGIA et le CMPI qui leur servaient d'informateurs, sur la situation des 350 millions d'autochtones dans le monde. En ralliant ce groupe nordique à partir de 1980, le Canada et l'Australie devinrent de précieux alliés. La mobilisation de tous ces acteurs, la présence à la Sous-Commission d'Asbjörn Eide, représentant de la Norvège, qui connaissait bien la problématique sami et les dangers des projets hydroélectriques dans son pays pour ce peuple, et l'appui de Theo Van Boven, responsable hollandais du Centre des Droits de l'Homme, sont à l'origine de la création du Groupe de Travail sur les Populations Autochtones en 1982 par le Conseil Économique et Social (Morin 1992). Il eut pour mandat de suivre le développement de la situation des populations autochtones dans le monde, tant du point de vue autochtone que du point de vue gouvernemental, d'examiner les normes existantes pour les droits des peuples autochtones et, en établir, au besoin, de nouvelles pour la reconnaissance de ces droits. Ouvert à tout représentant d'une organisation autochtone désireuse de prendre la parole, le GTPA échappait à toutes les règles qui prévalaient dans les autres structures de l'ONU où seuls les États et les ONG accréditées pouvaient participer.

Les peuples autochtones firent dorénavant partie de l'agenda des Nations Unies où ils se réunissent chaque année fin juillet. Centrée d'abord sur les peuples des deux Amériques qui en furent les pionniers, la participation autochtone s'est très vite amplifiée et diversifiée. D'une cinquantaine de participants en 82, on passa, sept ans plus tard, à plus de 400 représentants autochtones venant d'Europe, d'Australie, de Nouvelle Zélande, de l'Inde, du Bengladesh, des Philippines, du Japon. En 1989, l'Afrique fit son entrée avec un groupe Maasai du Kenya, suivi en 1990, d'un représentant des peuples de Sibérie, et en 1991, d'une délégation autochtone de Taiwan. Depuis la fin des années 90, plus de mille autochtones représentant les cinq continents participent à ce forum international.

Qu'ont-ils en commun et que recouvre la notion d'autochtonie ? Le rapport Cobo propose depuis 1972 une définition de travail qui identifie trois critères :

- le critère d'antériorité : ce critère permet d'identifier les descendants actuels de peuples dont le territoire a été envahi par d'autres [39] peuples venus d'autres régions du monde et qui les ont dominés. S'il s'applique facilement aux autochtones des deux Amériques, d'Australie et de Nouvelle-Zélande qui se définissent d'ailleurs au Canada et aux États-Unis comme des « Premières Nations », il est par contre plus difficile à appliquer dans le cas des peuples autochtones d'Asie et d'Afrique qui sont plutôt des groupes marginalisés et victimes d'un néo-colonialisme étatique (Hodgson, 2002).

- le critère de spécificité culturelle : ce critère renvoie aux caractéristiques culturelles distinctives des peuples autochtones au sein de la société dominante comme la langue, la religion, les coutumes, l'organisation sociale ou le mode de vie.

- le critère d'auto-identification : les peuples autochtones actuels attachent beaucoup d'importance au principe d'auto-identification. Ils ne veulent pas que les États qui les dominent se réservent le pouvoir de déterminer s'ils sont autochtones ou non, comme c'est le cas dans plusieurs pays comme le Canada où l'Indian Act (1876) définit qui est indien et quelles sont les terres qui sont réservées aux Indiens (Schulte-Tenckoff, 1997 : 141). Le rapport Cobo insiste sur l'importance de la conscience de groupe, et de la reconnaissance de l'individu autochtone par son groupe.

Si les autochtones ont discuté de ces critères au cours des premières sessions du Groupe de Travail, ils n'ont pas voulu qu'une définition apparaisse dans la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones sur laquelle ils ont travaillé pendant une dizaine d'années avec les experts et les délégués gouvernementaux. Ils craignaient que cette définition ne recouvre pas toutes les diversités socio-politiques de leurs peuples et qu'elle soit interprétée, à leur insu, par les États dont ils dépendent. Ce qu'ils savent, et les représentants gouvernementaux en sont maintenant convaincus, c'est qu'ils ne sont pas des minorités ethniques, Quant au terme « population » que les États ont utilisé pour qualifier leur Groupe de travail, ils n'ont cessé de le critiquer. Pour Ted Moses, chef du Grand Conseil des Cris (Québec) ce terme est dégradant et insultant puisqu'il est généralement utilisé pour décrire des espèces animales (Delanoë, 1989 : 40). Les autochtones cherchent à lui substituer le concept de « peuple » mais jusqu'ici, les délégués gouvernementaux hésitent puisque ce terme, selon La Charte des Nations Unies, implique le droit à l'autodétermination, pouvant conduire à la sécession. S'il n'y a pas de définition officielle de l'expression « peuples autochtones », plusieurs agences de l'ONU comme le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, l'Organisation Internationale du Travail et la Banque Mondiale en ont proposé une au cours de leurs travaux.

Au-delà des définitions et des qualificatifs imposés ou revendiqués, les peuples autochtones « ont fait leur place à l'ONU » (Muehlebach, 2001), en s'appropriant le Groupe de Travail pour qu'il ne soit pas seulement un lieu de discussion avec les experts et les représentants des États, ou une tribune où ils peuvent présenter leurs doléances, mais pour qu'il soit aussi un outil politique identitaire.

C'est d'abord un lieu où ils mettent en scène leur autochtonie, en instituant des rituels. Ils ont ainsi convaincu Erica Daes, la présidente du groupe de travail pendant une dizaine d'années, de commencer chaque session par une prière, qu'un leader spirituel prend en charge en évoquant les aînés, les ancêtres et les esprits, afin qu'ils éclairent leur travail. Depuis une dizaine d'années, une Journée Internationale des Peuples Autochtones a été instituée, pendant la réunion du Groupe de travail, et donne lieu à des manifestations culturelles dans les jardins de l'ONU, en présence du Haut Commissaire des Droits de l'Homme. Des représentants autochtones se chargent d'organiser le spectacle qui présente les spécificités de plusieurs peuples, comme les chants de gorge inuit ou les danses de groupes andins.

Pendant la session, chaque intervenant cherche à mettre en avant son appartenance autochtone, en portant par exemple des vêtements traditionnels qui peuvent aller d'une simple couronne de plumes, comme pour les Shuar, jusqu'à un costume très élaboré porté par les Sami, les Aïnou, ou les Masaï. L'intervention commence par quelques phrases dans la langue d'origine, puis le représentant autochtone s'adresse à la Présidente et à ses « frères et sœurs » autochtones, en parlant au nom de sa communauté ou de son groupe pour bien souligner la dimension collective de son propos.

C'est dans cette interaction avec les non-autochtones qui les écoutent, qu'il s'agisse des représentants des gouvernements, des experts et des fonctionnaires de l'ONU, ou des ONG de la société civile, que les autochtones prennent conscience de tout ce qui les rassemble, de toutes les valeurs qu'ils partagent et des droits qu'ils revendiquent. Ils viennent des quatre coins du monde, parlent des langues différentes, vivent sous des climats très contrastés, mais leurs récits décrivent des expériences qui se ressemblent : colonisation, occupations militaires, déplacements forcés, spoliations de territoires, désastres environnementaux, ethnocides, acculturations forcées, etc... Le récit de ces situations locales nourrit l'identité globale autochtone qu'ils fabriquent à Genève. En comparant leurs expériences, et en échangeant des informations, ils se reconnaissent « autochtones » et tissent des liens pour élaborer des stratégies communes et défendre leurs droits. Ainsi, lors de la 7e session du GTPA, en 1989, cinquante délégués autochtones ont présenté ensemble une motion commune, dénonçant le caractère paternaliste et eurocentré de la nouvelle [40] convention 169 qui venait d'être adoptée par l'Organisation Internationale du Travail. Autre exemple d'action commune, en 1992, le représentant Aïnou du Japon intervint avec le délégué autochtone de Sibérie pour revendiquer les Îles Kouriles comme ancien territoire autochtone.

Certains autochtones représentent un groupe ethnique, comme la nation navaho ou le peuple evenk, mais d'autres ont déjà connu un processus de bricolage identitaire comparable à celui qui se construit à l'ONU. Par exemple, les Inuit se rendirent compte, en 1977, qu'il ne suffisait pas de revendiquer des droits ancestraux sur leurs terres, voire de signer des ententes avec les gouvernements dont ils dépendaient, mais qu'ils devaient protéger leur environnement. Les sociétés pétrolières jouaient alors sur le morcellement du territoire inuit, entre plusieurs États, pour négocier avec chacun d'eux, et ils intensifiaient leurs prospections off-shore sans se préoccuper des risques de pollution. Or, la pollution ne connaissait pas de frontière et menaçait autant les côtes alaskiennes que canadiennes. Un leader alaskien, Eben Hopson, comprit que seule l'union, au sein d'une organisation pan-inuit, pouvait défendre leurs intérêts et agir pour préserver les liens étroits entre leur culture et l'environnement arctique. Il convainquit donc les autres inuit de s'unir politiquement sous la bannière de l'ethnonyme « inuit » (les humains) qu'utilisaient surtout ceux d'Alaska et du nord canadien. Ceux du Groenland le comprenaient mais se désignaient comme « Kalaalits » et ceux de Sibérie et d'Alaska central et du sud utilisaient le terme « yupit ». Pour constituer une force de pression, ils choisirent de s'identifier comme un seul peuple inuit et créèrent en 1980 l'organisation Inuit Circumpolar Conférence (ICC) constituée de 130,000 personnes, originaires de Sibérie (Russie), d'Alaska (États-Unis), du Grand Nord canadien, et du Groenland (Danemark) (Morin, 2001). La même invention d'une identité panethnique transnationale eut lieu quelques années plus tard en Amazonie avec la création de la Coordinadora de las Organizaciones de la Cuenca Amazonica (COICA) qui rassemblait plus d'un million et demi d'Indiens appartenant à quatre cent groupes ethniques regroupés dans 9 confédérations nationales (Morin 1994, Morin et Saladin d'Anglure, 1995). Ces deux exemples d'invention identitaire s'apparentent aux « communautés imaginées » de Benedict Anderson (1983). Et cela pour deux raisons : la première renvoie à l'immensité des espaces inuit et amazonien dont la très grande majorité des autochtones ne connaissent qu'une infime partie, la seconde renvoie à la tradition qui n'a jamais pensé l'Arctique ou l'Amazonie comme lieu d'identification. Il faut donc qu'ils s'approprient ces territoires imaginaires et en fassent des « espaces de sens »identitaires (Morin 2001, Laïdi 1998).

La construction de l'autochtonie qui se développe à l'ONU procède du même bricolage identitaire. Les autochtones doivent dépasser leurs identités locales pour constituer une identité globale autochtone et construire, à l'aide de leurs organisations nationales, un mouvement international autochtone. Pour cela, ils ont comme ressources des valeurs qui les rassemblent et qui légitiment la frontière symbolique qui les différencie des non-autochtones. Ainsi en est-il des relations les liant à leurs terres et territoires, qui sont à la fois spirituelles, sociales, économiques, culturelles et politiques et dont les ressources sont indispensables à leur survie. Ils invoquent le concept de « terre-mère » que l'on ne peut pas posséder ni s'approprier comme une simple marchandise, La terre est de nature collective et les autochtones ne cessent d'expliquer qu'ils doivent la préserver afin d'assumer leurs responsabilités envers les générations futures. Ils ont réussi à faire entendre leur voix puisque deux articles de la Convention 169 de l'OIT, neuf articles de la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones et le Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio 1992) tiennent compte de leur lien particulier à la terre.

Mais ce qui les rassemble aussi, c'est leur volonté de faire reconnaître leur souveraineté et leur droit à l'autodétermination. Ils y travaillent au sein du GTPA depuis 1984 en demandant le respect des traités signés avec les peuples autochtones et la liberté de se développer librement sur le plan économique, social et culturel. Ils l'ont inscrit dans l'article 3 de la déclaration des droits sur les peuples autochtones. Ils l'ont réitéré récemment, lors du Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg en 2002 en rappelant qu'ils préconisaient un développement durable et équitable, à condition de participer à toutes les phases des projets de développement et d'exercer leur libre consentement. Certains États acceptent ce renversement de perspective, d'autres manifestent de fortes crispations à l'égard du droit à l'autodétermination.


Autochtonie et globalisation

Les autochtones ont été les victimes, dans les trente dernières années, des nouveaux circuits de l'économie et des nouvelles modalités de production à l'échelle mondiale. Leurs territoires, souvent très isolés, sont convoités pour leurs ressources potentielles par les sociétés transnationales à la recherche de matières premières. Face à la menace de la destruction de leur environnement et à leur marginalisation politique, ils se sont organisés à plusieurs niveaux en construisant des identités interethniques voire transnationales. Et paradoxalement, c'est dans un des lieux de cette globalisation, l'ONU, qu'ils trouvent les outils pour construire un mouvement international autochtone. Soutenus par la société civile internationale, ils deviennent les acteurs d'un « village global » (Brysk : 2000).

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Après avoir reconnu leur spécificité, l'ONU a accepté de leur attribuer un espace, le GTPA, où chaque année ils viennent réactiver leurs alliances, exprimer leurs solidarités et élaborer leurs droits collectifs autochtones. Une année puis une décennie internationale leur ont été consacrées. Et depuis 2002, ils ont obtenu de pérenniser leur présence dans ce contexte onusien avec la création de l'Instance Permanente sur les Questions Autochtones qui réunit chaque année à New York 16 experts (8 nommés par les autochtones et 8 nommés par les États) et plusieurs centaines de représentants d'ONG autochtones accréditées à l'ONU. Ils ont pour mandat de faire des recommandations à l'ECOSOC sur les besoins des autochtones et de coordonner les activités des différentes agences de l'ONU dans le domaine autochtone. Toutes ces avancées participent à la représentation internationale des autochtones dans le monde et renforcent leur voix parmi les divers acteurs de la globalisation. L'intensification des relations sociales planétaires, qui est un des aspects de la globalisation, a ainsi ouvert un nouvel espace politique pour ces peuples autochtones. Il les visibilise, leur donne une tribune internationale pour faire circuler des personnes, des idées, des valeurs afin de forger des outils juridiques qui garantiront leurs droits collectifs. Cela est à l'origine d'un flux constant d'échanges entre représentants gouvernementaux et leaders autochtones et, par voie de conséquence, instaure un nouveau rapport de force avec les sociétés nationales, En effet, les nouvelles circulent du global au local, et la reconnaissance récente du caractère pluriel des sociétés latino-américaines n'est pas étrangère aux débats qui ont eu lieu dans le forum onusien autochtone. Le fait que les Aïnous ne soient plus considérés comme une minorité ethnique mais reconnus dorénavant par le Japon comme un peuple autochtone résulte aussi d'avancées politiques au niveau global.

Le Groupe de Travail est ainsi devenu, depuis 1982, un lieu essentiel du « paysage autochtone » pour reprendre la métaphore d'Arjun Appadurai (1990). Ce « paysage » est constitué de leaders autochtones qui, tout en étant éloignés de leur territoire d'origine, utilisent les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour rester en contact étroit avec les autorités politiques de leur peuple et discuter ainsi des positions à adopter sur tel ou tel enjeu autochtone. Dans ce lieu déterritorialisé qu'est l'ONU, ils sont, chacun, le porte-parole d'un « local » dont ils véhiculent, dans leurs déclarations aux différentes sessions du GTPA, des images et des valeurs. C'est dans la mise en perspective de ces récits que se construit au niveau international l'autochtonie.

Avec l'accroissement de la participation autochtone sur la scène onusienne, des rapprochements par régions ont émergé au fil du temps. Des caucus régionaux, réunissant les autochtones d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie, du Pacifique, d'Amérique du Nord, ont ainsi été organisés, au sein desquels de nouvelles solidarités sont nées. Elles sont fondées sur des référents géographiques mais aussi sur des intérêts qui débordent le cadre national. Ces intérêts peuvent conduire les leaders à prendre ensemble des décisions sur tel ou tel point de l'ordre du jour du Groupe de Travail ou à adopter une position commune sur certains articles du projet de déclaration des droits des peuples autochtones. Les participants à tous ces caucus régionaux se rassemblent chaque soir dans un grand « caucus indigène » qui est un lieu d'échange informel. Il permet de faire le point, de discuter des questions urgentes et d'élaborer, s'il y a consensus, une stratégie collective autochtone. Des motions peuvent être rédigées qui présenteront le point de vue autochtone lors des séances plénières du Groupe de Travail. Et même si « the indigenous caucus does not strictly represent all indigenous participants, it has often been very efficient in setting the indigenous stage, and governements usually consider the caucus as representing the indigenous 'group' » (Dahl, 2004).

C'est ainsi que la voix des autochtones se fait entendre àl'ONU. En défendant leurs droits dans ce haut lieu de la globalisation, elle s'est fait connaître auprès des différents organes des Nations Unies comme l'UNESCO, l'Organisation Mondiale de la Santé, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, l'Organisation Mondiale du Commerce, l'Organisation Internationale du Travail etc... afin qu'ils prennent en compte les préoccupations autochtones. En particulier, la préservation de leurs terres avec lesquelles ils ont une relation profondément spirituelle et qu'ils doivent transmettre aux générations futures. Ou bien encore, le caractère holistique de leur patrimoine culturel, étroitement lié à la protection de leurs droits fonciers ainsi qu'à leur droit àl'autodétermination. Bien souvent, les instruments du droit international ne sont pas adaptés à cette vision du monde autochtone parce qu'ils ne tiennent pas compte de sa dimension collective. D'où la nécessité pour de nombreux experts et de leaders autochtones d'élaborer de nouveaux instruments juridiques. La construction de l'autochtonie à l'ONU a ainsi contribué à faire prendre conscience de ces lacunes et àprovoquer un débat pour faire avancer le droit international. Nous en avons un exemple avec le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, présenté à la Commission des Droits de l'Homme en 1995. Mais depuis dix ans, aucune volonté politique ne s'est manifestée, de la part des États, pour entériner ce projet.

Françoise MORIN

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 7 janvier 2013 9:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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