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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ Weber et la question de l'idéologie ” (1982)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir de livre de Mme Colette Moreux, (1982), “ Weber et la question de l'idéologie ”. Un article publié dans la revue Sociologie et Sociétés, vol. XIV, no 2, octobre 1982, pages 9 à 31. [Autorisation accordée lundi le 21 novembre 2003 par l'époux de Mme Moreux, M. Bernard Moreux].
Introduction

Mais alors, à quoi ça sert de faire de la sociologie?

Le lecteur

Jusqu'au tournant des années 80, pour la quasi-totalité des sociologues francophones, la question de l'idéologie chez Weber n'a guère posé de problèmes: il est le champion de l'Idéalisme néo-hégélien, un anti-Marx, celui pour lequel il ne fait aucun doute que «les idées mènent le monde». Cet étiquetage, aussi infamant dans l'esprit de nos idéologies contemporaines que sans appel, commence pourtant à être reconsidéré: évoquer Weber, pouvoir placer oralement ou par écrit quelques-uns de ses concepts, situe désormais positivement l'énonciateur et l'auréole, au moins pour un certain temps encore, du prestige des précurseurs héroïques; à mesure que l'hégémonie marxiste perd du terrain dans les milieux pensants et que les hasards des traductions dévoilent par pans le mystère Weber, tout le monde comprend désormais que personne n'a jamais rien compris au «plus grand sociologue de tous les temps»; mais chacun se demande encore ce qu'il faut, chez lui, chercher à comprendre. Il faut bien avouer que Weber ne facilite pas les choses: mort trop jeune, visant trop grand, il écrase le lecteur d'une oeuvre écrite à toute vitesse, touffue et indigeste, que des mains pieuses ont organisée pour la plus grande gloire de l'homme mais pas forcément pour la meilleure compréhension du sociologue. À cela s'ajoute l'action des épigones, germanophones et anglophones, aussi passionnés qu'antithétiques les uns par rapport aux autres, et grâce auxquels la pensée du maître, triturée, sollicitée, «revisitée», s'est un peu égarée dans des exégèses subtiles.

Partis pris idéologiques, méconnaissance du côté du lecteur, opacité de la langue et de la pensée du côté de l'auteur expliquent assez, entre autres causes, que les positions webériennes sur quelque problème sociologique que ce soit, ne sont jamais ni claires ni simples; et que, comme le dit sans ironie Burger (1), il faille souvent les interpréter à partir «de ce qu'il n'a pas dit», soit, comme le pensent ses inconditionnels, parce qu'il jugeait inutile de s'apesantir sur des vérités admises à son époque, soit, comme il est plus vraisemblable, parce qu'un seul esprit, aussi puissant et encyclopédique soit-il, ne peut statuer de tout, sur tout.

La question de l'idéologie n'échappe pas à cette difficulté: Weber n'a produit à ce sujet aucun texte systématique, il n'a jamais abordé le problème de front et ses écrits qui, à des degrés divers, la concernent ne présentent pas une unité de conception très évidente. Chez un auteur auquel la tradition sociologique a attribué une position tellement tranchée à ce sujet, le concept même d'idéologie n'apparaît qu'exceptionnellement (2), comme au détour de développements consacrés à de tout autre préoccupations et dans un sens très restreint, celui de système conceptuel de nature politique, nettement orienté dans le sens des intérêts politiques d'un individu ou d'un groupe. Remarquons aussi que, dans le foisonnement des oeuvres consacrées à Weber, excessivement rares sont les titres où le terme «idéologie» apparaît.

Nous devons alors prendre une décision: ou bien la question de l'idéologie chez Weber ne dépasse pas le cadre de ce que, lui, nomme idéologie; ou bien nous portons l'analyse au niveau de ce que nous nommons idéologie, en ponctionnant chez l'auteur des concepts dont nous supposerons qu'ils présentent des connotations voisines de celles de notre acception. Malgré son caractère arbitraire incontestable, nous opterons pour le second membre de l'alternative, qui offre de surcroît l'avantage de nous situer au centre des préoccupations tant méthodologiques que théoriques de Weber.

À défaut d'une position explicite de ce dernier, nous partirons de l'acception la plus large, la plus couramment admise, croyons-nous, et qui adhère bien à l'esprit, sinon à la lettre de l'œuvre. Premier point: l'idéologie relève du domaine de la connaissance, c'est un savoir, un système d'idées; second point: ce savoir ne peut prétendre à l'universalité; «vrai», jusqu'à l'absolu, pour certains, il est abhorré par d'autres comme l'expression même de l'errance cognitive. Ainsi défini, l'idéologique est, pour Weber, partout; il caractérise bien entendu les savoirs sociaux, c'est-à-dire, selon sa terminologie, les «idées», les «finalités», les «valeurs», les «normes» qui, au-delà de la conviction, du sentiment d'évidence de leurs porteurs, ne sont jamais que des «représentations» (Vorstellungen) des «points de vue» qui «flottent dans la tête des hommes réels (3)» sans aucun rapport évaluable avec une réalité quelle qu'elle soit. Aucun individu, aucune classe sociale, aucun groupement humain ne peut légitimer la revendication d'un statut d'exception; l'imaginaire exerce sur l'espèce humaine une emprise universelle; le social, c'est l'illusion partagée. Prétendre, même avec bonne foi, échapper à l'idéologie, c'est tout simplement la remplacer par une autre.

Retour à l'auteure: Colette Moreux, sociologue, Université de Montréal (1928-2003) Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 07 janvier 2004 14:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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