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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Henry Milner, “Éducation et politique au Québec: l'adaptation des structures du XIXe siècle aux défis du XXIe siècle.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec: État et société. Tome I, chapitre 17, pp. 383-404. Montréal: Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 509 pp. Collection: Société: dossiers documents. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Autorisation accordée par l'auteur le 28 mai 2006 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

[383]

Henry Milner (1946 - )

politologue, professeur de science politique, Université Laval

Éducation et politique au Québec :
l'adaptation des structures du XIXe siècle
aux défis du XXIe siècle
.” [1]

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec : État et société. Tome I, troisième partie: “La démographie, l’«ethnicité» et la langue”, chapitre 17, pp. 383-404. Montréal : Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 509 pp. Collection : Société : dossiers documents.


Le système d'éducation est sensible aux changements sociétaux comme peu d'autres institutions. En plus, il est lui-même responsable de certains changements fondamentaux. Ce chapitre analyse les récents développements dans le système scolaire primaire et secondaire du Québec [2] et fait le lien avec des questions plus larges. Je concentre mon étude sur la région de Montréal, où vivent presque un tiers des quelque six millions et demi de Québécois, et sur la Commission des écoles catholiques de Montréal (CÉCM), qui administre la plupart des écoles publiques (180 écoles fréquentées par 90 000 étudiants) de la Ville de Montréal. L'objectif est d'établir un lien entre l'état actuel du système scolaire et le développement général de la société québécoise.

Plus d'un million d'étudiants, un quart de la population scolaire du Canada, fréquentent les écoles primaires et secondaires du Québec, et le quart de ces élèves a sa résidence sur l'île de Montréal, la métropole du Québec. À peine plus de la moitié de la population de l'île de Montréal vit à l'intérieur des limites de la ville de Montréal. Le reste a sa résidence dans l'une des 28 autres municipalités (voir la figure 1). Les transports en commun, le service de police et les programmes environnementaux sont administrés à un palier intermédiaire, la Communauté urbaine de Montréal (CUM). L'éducation n'est de la compétence ni de la CUM ni dés municipalités.

On s'accorde généralement pour dire que la situation des écoles publiques de Montréal comporte des problèmes. C'est le cas de la performance scolaire des étudiants et des problèmes sociaux qui sont le reflet de l'évolution de la société en général. La baisse des normes de réussite dans les écoles secondaires américaines est un phénomène bien connu et documenté (Coleman et al., 1982), et les mêmes tendances sont présentes dans d'autres sociétés occidentales. Les degrés de violence et de tension sociale sont plus élevés dans les high schools au cœur des villes américaines qu'à Montréal. Néanmoins, la spécificité de la situation ethnolinguistique du Québec, et surtout de Montréal, contribue au caractère particulier de ces problèmes. De plus, je tenterai de démontrer que les structures en place n'ont pu les résoudre parce qu’elles étaient inadéquates. Cette analyse du fonctionnement des structures d'éducation met l'accent sur les facteurs conditionnant la participation des parents et des citoyens et postule qu'à long terme on ne pourra faire progresser l'éducation de façon continue qu'en canalisant efficacement l'énergie et les ressources des personnes concernées.
[384]

Figure 1

Le territoire de la Communauté urbaine de Montréal (CUM)



[385]


QUELQUES INDICES
D'UN SYSTÈME ÉDUCATIF EN DIFFICULTÉ


Bien qu'on ne trouve dans aucune publication scientifique de méthode à toute épreuve pour comparer les performances éducatives entre les différentes sociétés, quelques indicateurs semblent étayer les critiques les plus fréquentes des performances du système d'éducation du Québec (Balthazar et Bélanger, 1989 ; Migué et Marceau, 1989 ; Desbiens, 1989). L'une des mesures entendues le plus fréquemment est la longueur de l'année scolaire. Une comparaison récente place le Québec à égalité avec les États-Unis à l'avant-dernier rang, à 180 jours (Barre, 1990, p. 79). Qui plus est, si on se fie à un rapport du ministère de l'Éducation du Québec (MEQ) datant de 1990, la véritable moyenne se rapprocherait davantage de 170 que de 180 jours. Pourtant, en 1979, même avec une année scolaire plus courte, 45,8 % des garçons et 31,9 % des filles abandonnaient l'école avant la fin de leur cours secondaire (Demers, 1990 ; voir aussi Allaire, 1993, pour une analyse troublante des tendances de décrochage chez les garçons). De plus, le MEQ a révélé en 1990 que 30 % des 6 000 jeunes (âgés de quinze à trente ans) fréquentant des classes d'alphabétisation avaient terminé au moins neuf ans de scolarité (Léger, 1990).

Il y a depuis longtemps une grande insatisfaction envers la qualité de l'apprentissage linguistique dans les écoles du Québec : certains calculs déterminent qu'environ un cinquième des étudiants du secondaire ont une connaissance satisfaisante de la grammaire (MEQ, 1990). L'analyse de données nationales et internationales, qui ne traitent habituellement pas le Québec séparément du Canada, confirme cette impression. Une étude de Statistique Canada pour le compte du Secrétariat national de l'alphabétisme a révélé, en septembre 1990, que 30 % des gradués du secondaire n'ont pas une capacité de lecture suffisante pour faire face aux besoins quotidiens normaux. Et c'est 36 % qui n'ont pas la capacité de calcul nécessaire. Une comparaison des habitudes d'étude quotidienne a montré que seulement 25 % des étudiants canadiens de treize ans font en moyenne deux heures et plus de devoirs à la maison, ce qui place le Canada en dernière position parmi les six pays étudiés (Sprout, 1990, p. 50). Les Canadiens du dernier cycle du secondaire se sont classés derniers en chimie et avant-derniers en physique dans l'étude de dix pays de l'Association internationale d'éducation (Sprout, 1990, p. 51). Dans le test Gallop (National Geographic) de géographie (Grosvenor, 1989), les jeunes Canadiens se classaient exactement au milieu, tandis que les Américains étaient classés bons derniers [3].

À l'intérieur du Québec, la performance des élèves de la CÉCM aux examens de français a placé cette dernière au 115e rang parmi 127 commissions scolaires (Demers, 1990, p. 34). Cela ne surprend pas, puisque la CÉCM administre plusieurs des écoles multi-ethniques urbaines de la région de Montréal. Il y a une relation certaine entre la performance scolaire et les conditions sociales de la clientèle scolaire. D'abord et avant tout, on a raison de croire que ces problèmes sont liés à l'absence grandissante des familles de classe moyenne des 2 558 écoles publiques du Québec, parce qu'ils choisissent d'envoyer leurs enfants aux 320 écoles privées élémentaires et secondaires.

Bien que l'école privée joue un rôle utile en introduisant une compétition dans le système scolaire, la situation québécoise, surtout dans les écoles secondaires en milieu [386] urbain, a atteint le point où l'impact négatif de cette concurrence a dépassé son effet bénéfique. Au Québec, spécialement à Montréal, les écoles privées drainent trop de ressources hors du système public d'éducation, privant les écoles publiques de leurs éléments les plus dynamiques, des parents, des éducateurs et des administrateurs très engagés. Des 1 100 000 étudiants du primaire et du secondaire au Québec, 10 % fréquentent l'école privée (MEQ, 1989a), dont plus des trois quarts au niveau secondaire. On trouve la plus grande concentration d'écoles privées dans la région de Montréal. Pourtant, les places y sont en nombre insuffisant (Bernier, 1990). La proportion d'étudiants québécois dans les écoles privées est la plus élevée des provinces canadiennes – le double de celle de l'Ontario. Dans les années 1980, la proportion diminua en Ontario, tandis qu'elle augmenta de 15 % au Québec. Bien que d'autres facteurs puissent expliquer les niveaux réduits de participation à l'éducation publique, il y a une relation de cause à effet entre ces niveaux et la place relative des écoles privées. Un véritable cercle vicieux s'est installé et nous empêche de distinguer la cause de l'effet. Soulignons que l'éducation privée est généreusement subventionnée, dans une proportion de 60 % environ. Par conséquent, elle n'est pas hors de la portée de la couche inférieure de la classe moyenne (Bezeau, 1979). Devant cette possibilité, bien des parents engagés retirent leurs enfants des écoles publiques dans le but d'éviter les problèmes que leur participation aurait pu aider à solutionner.


LA RELIGION ET LA DIVISION
DE LA STRUCTURE SCOLAIRE PUBLIQUE

Les politiques de subvention gouvernementale à l'école privée sont une cause immédiate de la perte de ressources humaines des écoles publiques. Mais ce phénomène reflète également des défauts plus profonds dans le système d'éducation, qui l'empêchent de faire face aux problèmes que les écoles doivent affronter. Il y a trois dimensions à cette question : la première est légale et constitutionnelle, la seconde, démographique, et la troisième, politique et administrative. Sous la première catégorie, soulignons la protection constitutionnelle du caractère confessionnel du système scolaire montréalais ; la seconde comprend l'immigration, la composition ethnique et la langue ; la dernière a trait aux effets de la négociation centrale.

L'île de Montréal est divisée en six commissions scolaires catholiques et en deux commissions scolaires protestantes, chacune étant subdivisée en circonscriptions territoriales représentées par une commissaire scolaire. Ces circonscriptions n'ont rien à voir avec les districts municipaux, et les élections scolaires sont tenues à une date différente des municipales. (Une carte des territoires couverts par les commissions scolaires de la région de Montréal apparaît à la figure 2.) Il n'y a aucun doute que la complexité de ce système de représentation inhibe la participation du citoyen dans le système scolaire (Milner, 1986). La nature confessionnelle de cette structure, qui oblige les gens qui veulent s'engager à s'identifier par leur affiliation religieuse, même si cela ne leur convient pas, accentue le problème. À preuve, les catégories énumérées ci-dessous, tirées d'une lettre envoyée dans la région de Montréal à l'automne 1990, pour indiquer si le destinataire était un électeur éligible pour la commission scolaire protestante (CÉPGM-PSBGM). Pas étonnant que la participation ait été faible.


1. Protestant, ou ni protestant ni catholique, sans enfants d'âge scolaire ;

[387]

Figure 2

Les territoires des Commissions scolaires
de la région montréalaise (1986)

Source : Recensement Canada, 1986 ; préparé par le Conseil scolaire de l'île de Montréal par le service de la cartographie de l'INRS-Urbanisation, 1990.


[388]

2. Protestant, ou ni protestant ni catholique, dont les enfants fréquentent des écoles de la CÉPGM.

3. Protestant, ou ni protestant ni catholique, dont les enfants fréquentent une école de la CÉPGM et une école d'une autre commission scolaire.

4. Protestant, ou ni protestant ni catholique, dont les enfants fréquentent une école appartenant à une commission scolaire autre que la CÉPGM ou la CÉCM.


Une explication historique s'impose ici. Les efforts faits par le gouvernement du Québec pour déconfessionnaliser le système, c'est-à-dire pour remplacer les commissions scolaires séparées en commissions catholiques et protestantes par des commissions françaises et anglaises, ont tous échoué – jusqu'à maintenant du moins. Bien qu'on ait dit que la modernisation rapide des infrastructures du Québec pendant les années 1960 – la révolution tranquille – fut d'abord identifiée aux changements qu'elle a instaurés en éducation, il demeure qu'un élément-clé de la réforme n'a jamais vu le jour. Cela laisse l'éducation publique au Québec entre les mains de 175 commissions scolaires catholiques et 29 protestantes. Dans la région de Montréal, les commissions protestantes et catholiques administrent un réseau d'écoles anglaises aussi bien que françaises. Partout ailleurs, à quelques exceptions près, les écoles catholiques sont françaises, et les écoles protestantes sont anglaises.

Cette structure n'est pas seulement fastidieuse, elle est également coûteuse : Statistique Canada a révélé qu'en 1982, il en coûtait 38 % de moins pour éduquer un enfant en Ontario qu'au Québec. Ces coûts excessifs sont supportés par le système d'éducation, qui les absorbe en utilisant des manuels désuets, des locaux vétustes et des équipements insuffisants. Une étude récente des bibliothèques scolaires fait une démonstration éclatante de la privation qui en résulte. Le nombre moyen de livres dans les écoles du Québec est de 7 par élève, comparé à 20 aux États-Unis et 39 au Danemark. Ce petit nombre s'explique partiellement par l'histoire : le système d'éducation du Québec a longtemps accusé un retard et le ministère de l'Éducation n'a été constitué qu'en 1964. Mais les contraintes financières ont rendu le rattrapage impossible. Québec n'a dépensé que 5,27 $ par étudiant pour les livres de bibliothèque, comparativement à 6,74 $ aux États-Unis, 33,48 $ au Danemark, et 14 $ dans la province du Manitoba (MEQ, Comité d'étude, 1989b, p. 35-36).

La structure actuelle et les coûts qu'elle implique sont le résultat d'une modernisation graduelle entreprise en 1964 devant l'impossibilité de déconfessionnaliser le système. Le gouvernement de l'Union nationale de la fin des années 1960 et l'administration libérale des années 1970 ont tenté d'éliminer les commissions scolaires confessionnelles dans la région de Montréal, comme cela avait été recommandé en 1966 par l'illustre rapport Parent. Ces lois ont été cassées par les tribunaux, en raison de la section 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) et ses garanties imprécises pour les droits religieux à l'éducation. Par conséquent, les gouvernements du Québec ont choisi de reculer plutôt que d'affronter l'opposition pleine de détermination et de cohésion des intégristes des commissions scolaires catholiques et protestantes, qui se sont toujours montrés prêts à aller devant les tribunaux. Mais les pressions pour un palliatif législatif n'ont pas diminué, particulièrement dans la foulée des lois 22 et 101, dans les années 1970, qui exigent que les nouveaux arrivants envoient leurs enfants aux écoles françaises. Cela signifie fréquenter une école [389] française catholique – peu importe les croyances religieuses des immigrants – ou les écoles françaises protestantes plus sécularisées – là où il y en a.

L'initiative d'une nouvelle réforme est venue d'en bas. Des parents, des enseignants et des administrateurs de Notre-Dame-des-Neiges, une école élémentaire de Montréal, se sont donné pour but de créer un environnement éducatif pluraliste pour servir tout autant une communauté comprenant des membres immigrants de trente origines ethniques que les enfants du personnel de l'Université de Montréal. En 1979, les parents ont demandé à la CÉCM de révoquer le statut catholique de l'école. La requête a été refusée, et la position de la CÉCM fut maintenue subséquemment par les tribunaux sur des fondements constitutionnels, ce qui ramena la question dans le camp des politiciens. En 1982, Camille Laurin, ministre de l'Éducation, a publié un livre blanc sur la réforme scolaire, qui proposait non seulement de déconfessionnaliser mais aussi d'effectuer une décentralisation radicale des structures scolaires. Dans la version modifiée de son plan, le projet de loi 40, déposé à l'Assemblée nationale en 1983, les structures à base religieuse devaient être remplacées, sur l'île de Montréal, par deux structures linguistiques distinctes, l'une desservant les écoles françaises, l'autre, les écoles anglaises. Devant l'opposition qui se manifesta, les dispositions furent assouplies de nouveau, en 1984, et Laurin fut remplacé. Pourtant, même cette version, le projet de loi 3, fut finalement jugée inconstitutionnelle peu après que le Parti québécois (PQ) de René Lévesque eut été remplacé par les libéraux en décembre 1985.

Le nouveau gouvernement libéral réagit en proposant une réforme encore plus modérée, le projet de loi 107. Celle-ci suggère de préserver tous les privilèges confessionnels dans les écoles et de perpétuer les commissions scolaires confessionnelles (dont les frontières territoriales seraient tracées par des critères déterminés par les directives des tribunaux), qui coexisteraient avec de nouvelles commissions scolaires linguistiques dans la région de Montréal. Mais l'implantation de cette réforme fut retardée par une requête devant les tribunaux. En septembre 1990, la Cour d'appel du Québec statua sur la constitutionnalité du projet de loi 107 et, par un vote majoritaire, jugea que les commissions scolaires confessionnelles actuelles n'avaient pas de droits territoriaux acquis ou différents de ceux qu'on retrouve dans l'ensemble du Québec. Il s'agit du droit qu'ont les minorités religieuses de se retirer d'une commission scolaire publique et de constituer une commission dissidente. Ce jugement fut immédiatement porté en appel devant la Cour suprême du Canada par les commissions scolaires protestantes. Elles firent valoir que la propriété des biens des écoles existantes était protégée par la constitution. Leur appel, qui a été longuement retardé par une succession d'élections scolaires, fut appuyé par la CÉCM.

Certains événements survenus à la CÉCM au cours de cette période sont dignes de mention. La très faible participation lors des élections scolaires des années 1970 et 1980 a permis aux intégristes catholiques de dominer la CÉCM (Milner, 1986). Il s'agit d'un groupe déconnecté de la majorité des commissaires d'écoles catholiques, telle qu'elle est représentée par la Fédération des commissions scolaires catholiques (FCSQ) qui a annoncé, au début de 1991, son intention de retirer le mot « catholique » de son appellation, au grand dam de la CÉCM. Quant à elles, les politiques et les décisions des commissaires scolaires de la CÉCM ont empiré la situation. En plus de gaspiller de précieuses sommes d'argent dans la défense légale de la confessionnalité, [390] leur système, fondé sur une conception étroite de la confessionnalité, a dissuadé non seulement des non-catholiques d'envoyer leurs enfants dans les écoles de la CÉCM, mais aussi des Canadiens français catholiques modérés, de même que plusieurs parents de groupes ethniques divers (catholiques et non catholiques) refusant de placer leurs enfants dans un environnement scolaire perçu comme étroit et peu propice à l'intégration.

Pour un nombre de plus en plus grand de familles de classe moyenne ou aisée, les écoles privées laïques constituent un refuge contre le système catholique confessionnel. Pour plusieurs familles d'immigrants, ainsi qu'un nombre relativement petit de familles canadiennes-françaises, ce rôle est joué par les écoles protestantes (dirigées dans les faits par des anglophones). Ce dernier phénomène est un paradoxe, car un objectif principal des lois linguistiques des années 1970 était d'encourager l'intégration des familles néo-québécoises dans les institutions de la majorité. Le manque apparent d'ouverture des écoles catholiques françaises en a conduit plusieurs aux écoles gérées par les commissions protestantes, qui avaient la réputation d'être davantage pluralistes [4]. Par conséquent, on a ouvert des écoles protestantes françaises pour satisfaire la demande. En dix ans, jusqu'à 1990, le secteur français est passé de moins de 1 000 à presque 12 000 étudiants – plus du tiers de la population étudiante de la CÉPGM. Puisque ces étudiants étaient concentrés dans les premières années scolaires, on s'attend à ce que leur nombre croisse à plus de 50 % dans les prochaines années. Déjà, en 1986, 62 % des étudiants dans le secteur français de la Commission scolaire protestante du Grand Montréal (CÉPGM) n'étaient pas francophones.

Bien qu'il soit téméraire de comparer la qualité globale de l'éducation dans les écoles catholiques et protestantes, on peut dire que les écoles protestantes jouissent d'une meilleure réputation au point de vue scolaire. Une partie de l'explication réside dans le poids de l'histoire, à l'époque où le financement scolaire était confessionnel et que les écoles protestantes avaient accès à de plus grandes ressources fiscales. Mais il est à craindre que cela s'explique également par la force d'attraction des écoles protestantes pour ces familles qui ont plus d'énergie à investir, énergie que perdent les écoles catholiques. En somme, l'inhibition que provoquent les structures confessionnelles envers la participation populaire, et l'existence de ces soupapes que sont les écoles protestantes privées et subventionnées, ont alimenté un cercle vicieux qui crée des problèmes pour les écoles catholiques françaises et les prive des ressources pour leur faire face.

Dans ces circonstances, ce fut tout un événement lorsque la participation aux élections scolaires de 1990 atteignit 15 % [5], et qu'en conséquence les partisans de la déconfessionnalisation, sous l'étiquette de Mouvement pour une école ouverte et moderne (MÉMO), ont fait bien meilleure figure que lors de leurs premières tentatives (voir Milner, 1986) en remportant 10 des 21 postes de commissaires. Ainsi, les intégristes du Regroupement scolaire confessionnel (RSC) se sont retrouvés avec une mince majorité. Cependant, leur leader controversé, le président sortant de la CÉCM, Michel Pallascio, fut battu dans son district.

[391]


DIVISIONS LINGUISTIQUES
ET TENSIONS ETHNIQUES

Les gestes et les déclarations de Pallascio étaient les symptômes des difficultés posées par l'intégration d'immigrants non francophones, qui représentent la seconde dimension des problèmes sous-jacents. À l'automne de 1989, la CÉCM a commandé un sondage. Une des questions se lisait ainsi : « Voudriez-vous voir les enfants d'immigrants dans des écoles séparées ? » (Leclerc, 1990). Un an plus tard, en rendant publique la position du RSC devant la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec, Pallascio demanda qu'on donne la préférence aux immigrants qui partagent les valeurs judéo-chrétiennes du Québec. On comprend que les représentants des groupes néo-québécois aient été scandalisés, interprétant de telles déclarations comme la preuve d'un manque d'ouverture du système scolaire catholique.

Évidemment, le besoin d'intégrer un grand nombre d'enfants provenant de cultures diverses, qui parlent des langues différentes à la maison, est un défi auquel font face des autorités scolaires ailleurs qu'à Montréal. Mais en ce qui concerne Québec, et surtout Montréal, une dimension supplémentaire réside dans le fait que, traditionnellement, les nouveaux venus s'intégraient en passant par l'école anglaise et se percevaient comme arrivant dans l'Amérique du Nord anglophone. Dans ce contexte, leur demander d'envoyer leurs enfants aux écoles françaises est une seconde source de tensions inter-ethniques, qui apparaît au milieu des années 1970.

On doit faire une distinction entre les commissaires de la CÉCM et son personnel enseignant et administratif. En général, le personnel a une attitude positive envers l'intégration des étudiants immigrants, et plusieurs individus ont travaillé dur à cette tâche, particulièrement dans les « classes d'accueil » mises sur pied pour leur enseigner le français et pour les aider à s'adapter à leur nouvel environnement. Le résultat global ne fut pas parfait : les personnes concernées étaient souvent mal préparées et n'avaient pas l'appui nécessaire de leurs dirigeants politiques (Ferland et Rocher, 1987 ; Beauchesne et Hesler, 1987). Le manque d'expérience des institutions francophones d'éducation dans l'intégration d'un grand nombre de non-francophones fut un facteur supplémentaire. L'ampleur de la relation entre les difficultés décrites et le leadership particulier de la CÉCM durant cette période reste à déterminer. Pallascio n'est plus président, mais, en dépit de l'opposition plus grande, le RSC contrôle toujours la CÉCM.

Ces problèmes sont accentués par la répartition géographique des groupes ethniques. Bien que les Québécois dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais ne forment que 7 % de la population, ils constituent presque 25 % de celle de l'île de Montréal, où s'installent 93 % des nouveaux immigrants au Québec (Grandjean, 1990 ; Levine, 1990). Sur l'île, l'aménagement ethnique est en forme de mosaïque. Chaque groupe y est concentré dans une région particulière de la ville, avec certaines zones connues pour leur composition particulièrement ethnique. Par ailleurs, en plus d'être visibles par la couleur de leur peau et par leurs habitudes vestimentaires (70 % des immigrants dans les années 1980 sont considérés comme visibles ; Levine, 1990), les immigrants récents ont tendance à posséder de faibles ressources, et à provenir des pays les plus pauvres d'Asie, d'Afrique et d'Amérique centrale (voir les figures 3 et 4).

[392]

Figure 3

La pauvreté chez les familles d'immigrants (1985)

Familles avec au moins un enfant en dessous de l'âge de 13 ans dont le revenu
se situe sous le seuil de la pauvreté, d'après Statistique-Canada,
et dont le père (ou la mère célibataire) est né à l'extérieur du Canada.


Source : Recensement Canada, 1986 ; préparé pour le Conseil de l'île de Montréal par le service de cartographie de l’INRS-Urbanisation, 1989.

[393]

Figure 4

Familles d'immigrants ne parlant ni anglais ni français (1985)

Familles avec au moins un enfant en dessous de l'âge de 13 ans dont le revenu
se situe sous le seuil de la pauvreté, d'après Statistique-Canada,
et dont le père (ou la mère célibataire) est né à l'extérieur du Canada.


Source : Recensement Canada, 1986 ; préparé pour le Conseil de l'île de Montréal par le service de cartographie de l'INRS-Urbanisation, 1989.

[394]

Dans son mémoire de janvier 1991 à l'Assemblée nationale du Québec sur la politique d'immigration, le Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui représente les commissions scolaires, prédisait que bientôt, 50 % des étudiants de l'île de Montréal n'auraient pas le français comme langue maternelle, tout en soulignant que déjà, en 1989, la majorité dans 13 % de ses écoles était non francophone (Grandjean, 1990).

La plupart de cette quarantaine d'écoles et plus étaient parmi les 100 désignées comme étant établies dans des zones de pauvreté (un quart des écoles sur l'île), où 12 % des enfants souffraient de malnutrition (Léger, 1991). La majorité de ces écoles étaient administrées par la CÉCM. En tout, 35 % des étudiants de la CÉCM ont une langue maternelle qui n'est ni le français ni l'anglais ; dans les premières années du primaire, c'est 50 %. Plusieurs de ces élèves sont en classes d'accueil, des classes de rattrapage en français, pour leur permettre de rejoindre les classes régulières. En 1987, 20 % de ces étudiants âgés de douze à seize ans avaient plus de deux ans de retard dans leurs études (Léger, 1991). Aux difficultés inhérentes à l'intégration de nouveaux citoyens dans ces conditions, s'ajoute la tension entre l'anglais et le français. Dans plusieurs écoles françaises où les familles non francophones sont majoritaires, la langue commune des étudiants est l'anglais. De plus, les familles de plusieurs de ces étudiants sont toujours offusquées de l'obligation d'éduquer leurs enfants en français (surtout lorsqu'une éducation complète en anglais est disponible pour les Canadiens anglophones) puisqu'ils croyaient immigrer dans un pays de langue anglaise. Ce ressentiment se reflète dans l'attitude des enfants envers leur école. Le refus systématique de parler français de ces enfants a amené la CÉCM, au printemps de 1990, à envisager publiquement l'obligation d'utiliser le français à l'extérieur des classes, une politique considérée comme inacceptable par la plupart des gens et inapplicable par plusieurs. À tout le moins, ce débat remit la question de la langue d'usage à l'avant-plan de l'actualité, bien que cela n'ait en rien amélioré l'image déjà ternie de la CÉCM chez les néo-Québécois. Un phénomène distinct, bien que relié, est l'augmentation des incidents violents dans les écoles secondaires, dont quelques-uns ont un rapport avec les tensions inter-ethniques (Rioux, 1990). Cependant, une partie seulement de la hausse des altercations dans lesquelles sont utilisés des couteaux, des leviers de démolition, des bâtons de baseball, etc., peut être attribuable à de telles tensions [6]. La plupart sont imputées aux drogues ou à d'autres formes de comportement asocial que l'on retrouve fréquemment chez les jeunes d'âge du secondaire dans les grands centres urbains.


BUREAUCRATIE,
RELATIONS DE TRAVAIL ET ÉDUCATION

La troisième dimension de notre analyse porte sur une critique souvent exprimée à l'encontre de l'école publique, et qui est basée sur l'approche du public choice de l'analyse des politiques. Le choix public inscrit la prestation des services publics dans un modèle économique néo-classique. Jugé à partir de critères qui privilégient le libre choix des acteurs dans un marché concurrentiel, le système actuel n'est forcément pas convenable. En éducation, le système optimal serait un système où on utiliserait des tickets de service et qui, on le présume, limiterait le gaspillage public en favorisant le [395] choix des consommateurs (Chubb et Moe, 1988). Sans entrer dans des considérations théoriques, nous observons que l'application de l'approche du choix public au domaine de l'éducation est plutôt complexe (Witte, 1990). Nous avons affirmé plus haut que l'accessibilité de l'école privée comporte autant de conséquences négatives que de positives. L'élément-clé de notre approche – l'investissement des ressources humaines en éducation – nous amène à partager certaines allégations des observateurs critiques identifiés au choix public (par exemple : Migué et Marceau, 1989 ; Desbiens, 1989), c'est-à-dire qu'un appareil bureaucratique trop centralisé amenuise la participation des parents et des citoyens. Cependant, contrairement à ces critiques, nous craignons qu'une extension de l'école privée à travers les tickets de service, qui équivalent aux subventions actuelles aux écoles privées (Bezeau, 1979), n'exacerbe les problèmes d'exode des ressources hors des écoles publiques.

Au Québec, on considère souvent que l'école publique est trop dirigée du centre. Néanmoins, l'inefficacité n'est pas nécessairement le résultat d'une trop grande centralisation. Elle peut être attribuable à un contrôle central inadéquat doublé d'une perception que les règles sont déterminées par une bureaucratie distante et insensible. Une manifestation de ce phénomène est le cri d'alarme poussé par le ministre de l'Éducation, Michel Pagé, au début de 1991. Il trouvait inacceptable que les commissions scolaires reçoivent des fonds supplémentaires pour un nombre inusité d'étudiants (144 000 en tout) qui prétextaient des troubles d'apprentissage et dont les dossiers étaient protégés par le sceau du secret. Le problème n'est pas que les décisions qui découlent des règles en vigueur au Québec sont insensibles aux besoins des communautés locales. En effet, un certain degré d'insensibilité est inévitable si l'on veut que des normes minimales et des procédures comptables reconnues s'appliquent et si on désire réduire l'inégalité des dépenses par élève (Bezeau, 1985). Le problème résiderait plutôt dans des structures qui ne sont pas assez clairement responsables devant la communauté scolaire active et un peu trop redevables au ministère de l'Éducation. Nous avons déjà vu combien une structure confessionnelle démobilise les éléments potentiellement actifs dans la communauté locale. Nous croyons que l'application des conventions collectives provinciales en éducation a eu le même effet.

Au risque d'être mal interprété, affirmons dès le départ que le régime de négociation centralisée n'est pas le problème, pas plus que la négociation centralisée avec les professeurs elle-même. Les négociations centrales peuvent être source de productivité économique et de justice sociale (Milner, 1989b). Les négociations centrales avec les employés du secteur public, y compris avec les enseignants, tant qu'elles se limitent aux salaires et autres conditions connexes et s'inscrivent dans des paramètres déterminés par les négociations dans le secteur privé, peuvent en être un complément. Au Québec, cependant, le secteur public a pris le leadership de la négociation collective, et cela est encore plus vrai dans le secteur de l'éducation.

Dès le début du siècle, les syndicats québécois avaient une orientation plutôt conservatrice. Ils décourageaient les travailleurs canadiens-français membres de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) de s'engager à fond dans le développement industriel, sous peine de se perdre dans le matérialisme sur lequel il était fondé (Milner, 1978). Bien que la CTCC fût davantage militante après la Deuxième Guerre mondiale, elle fit peu de progrès, se heurtant à l'opposition du [396] gouvernement réactionnaire de Duplessis et, en général, au climat conservateur qui régnait dans les années 1950. L'arrivée au pouvoir, en 1960, du libéral Jean Lesage a marqué une nouvelle ère de coopération entre le gouvernement et une CTCC fraîchement déconfessionnalisée (elle devint la CSN sous Jean Marchand). Alors l'État québécois et les syndicats du secteur public ont connu un essor simultané. Le nouveau ministère de l'Éducation du Québec était presque entièrement constitué d'employés syndiqués. À la fin de la décennie, au moment où les syndicats ont connu une période de militantisme accru, la négociation centralisée est devenue la norme dans le secteur public. Dans les années 1970, les négociations des professeurs à l'échelle provinciale ont été incorporées dans un cartel de négociation, un front commun de tous les employés des secteurs public et parapublic. À cette époque, des intellectuels radicaux et enclins à la confrontation ont acquis des positions de leadership, notamment à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et à la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) composée d'enseignants et d'autres employés de l'éducation, ce qui leur permit de dominer le front commun et de miner le gouvernement libéral de Robert Bourassa (Milner, 1977).

Le gouvernement Lévesque est arrivé au pouvoir en 1976 avec un préjugé favorable envers les travailleurs et les syndicats, comme sa législation anti-briseurs de grève tend à le démontrer. Le Parti québécois espérait établir la concertation tripartite à l'européenne (la coopération entre les travailleurs et les patrons comme en Scandinavie – Tellier, 1977, 1978 ; Boisvert, 1980). Trois sommets socio-économiques nationaux et plus de trente sommets sectoriels ont été convoqués et ont réuni le gouvernement, les syndicats et le patronat. Mais comme ce fut le cas avec l'opinion publique lors du référendum de 1980 sur la souveraineté, le PQ avait mal prévu la réaction de ses partenaires. La CSN et la CEQ étaient parfois réticentes ne serait-ce qu'à s'asseoir à la même table que leurs ennemis de classe. À l'exception de corvée habitation et du fonds d'investissement de solidarité de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), le Fonds de solidarité, les sommets nationaux n'ont pas produit de résultats durables (Bellemare et Poulin-Simon, 1986). La réticence des partenaires s'est accrue avec le début de la récession. En 1981, des milliers de compagnies du Québec ont cessé leurs opérations. Le taux de chômage a atteint 15,5 %, et l'économie québécoise s'est contractée de 6,3 % (Milner, 1986, p. 103).

Au dernier sommet national (1982), le premier ministre René Lévesque a tenté d'obtenir la coopération des travailleurs des secteurs public et parapublic pour faire face à cette conjoncture difficile, puisqu'il n'était pas question, avec les taux d'intérêt astronomiques qui avaient alors cours, de hausser le déficit pour payer les comptes courants. Il ne pouvait non plus être question de réduire les programmes d'assistance directe à la population, car elle souffrait déjà suffisamment. Les employés non syndiqués, c'est-à-dire le personnel-cadre, les juges, les médecins, ont encaissé un gel de leur salaire. Mais le front commun des 300 000 travailleurs des secteurs public et parapublic a refusé d'abandonner ne serait-ce qu'une partie du 14 % d'augmentation de salaire qui figurait à la dernière année de leur contrat. Devant cette épreuve, la concertation a échoué.

À l'été de 1982, la réponse du gouvernement fut une législation qui prévoyait une réduction de salaire de trois mois, dans le but de récupérer 500 millions de dollars dans [397] la masse salariale à la fin du contrat. De son côté, en vue du nouveau contrat, le front commun a présenté des revendications qui, de son propre aveu, ne tenaient pas compte de la crise économique. Après l'échec d'un ultime appel pour une négociation au sommet, le gouvernement réduisit effectivement les salaires et imposa les termes du nouveau contrat de travail. La grève des enseignants qui suivit fut un des conflits les .plus dramatiques dans l'histoire de l'éducation au Québec. À la fin de février, d'autres groupes étaient rentrés au travail, pliant sous la menace d'une sévère loi de retour au travail. Les enseignants se sont retrouvés seuls aux piquets de grève. Ce sont eux qui avaient le plus à perdre puisque leur contrat comprenait une formule complexe d'embauche et d'ancienneté qui avait permis de garder constant le nombre d'enseignants, malgré un taux de natalité qui avait baissé de 29 % dans les années 1970. Ils ont refusé de considérer toute modification dans la gestion du personnel qui tiendrait compte des fluctuations économiques et des besoins régionaux et locaux. Cette grève était une croisade pour sauvegarder un principe fondamental. Elle fut donc une des plus dures de ces dernières années. Elle se termina avec une sévère loi de retour au travail, ce qui provoqua de grandes dénonciations, polarisa davantage les partis politiques et accentua l'aspect symbolique de la cause défendue par les syndicats.

Dans les mois qui suivirent ce conflit, le PQ perdit de nombreux membres actifs. Les syndicats du secteur public s'en trouvèrent affaiblis eux aussi. Ainsi, les deux négociations subséquentes avec le nouveau gouvernement libéral, dirigé par un Robert Bourassa ressuscité, furent de véritables capitulations de la part des syndicats, par comparaison avec les séances antérieures. Mais cette incapacité d'obtenir plus de concessions ne doit pas être interprétée comme le résultat d'une attitude plus coopérative. Après la défaite de leur croisade (la trahison du PQ, dirent certains), les enseignants se sont retrouvés amers et découragés, et, d'après le discours syndical, ils étaient démoralisés, surmenés et généralement frustrés. Sans en imputer la faute à quiconque, il faut se rendre à l'évidence que, dans le climat qui en résulta, les enseignants et leurs syndicats n'étaient pas disposés à collaborer avec les organismes consultatifs ou à accepter l'assouplissement de l'application de certaines règles. Aujourd'hui, on s'accorde à dire que certaines rigidités de contrats, par exemple la supériorité de l'ancienneté sur la compétence dans une matière, comme critères d'allocation des tâches d'enseignement ont rendu inapte le système tout entier. Comme l'a dit un observateur : « La négociation collective centralisée [...] a engendré des conséquences génératrices de conflits. [...] L'évaluation des professeurs est pratiquement impossible. [...] Jusqu'à un certain point [...] des procédures uniformes ont remplacé la responsabilité individuelle, ce qui a entraîné l'apathie des administrateurs. » (Papale, 1981) Un autre observateur a décrit le processus comme une partie de bras de fer entre le gouvernement et les syndicats (Lauroesch, 1979). (Notons que ces déclarations furent faites avant le conflit de 1983.) En somme, on peut en déduire, sans crainte de se tromper, que parmi les conséquences de ces pratiques, la participation parentale fut découragée et l'exode vers l'école privée favorisée.

Pourtant, le portrait n'était pas sombre partout. En général, le contexte des relations ouvrières avait changé, avec le résultat paradoxal qu'en contribuant à la défaite du PQ par un refus de ses appels à la concertation, les syndicats ont commencé à redéfinir la social-démocratie en termes de coopération à la scandinave. La centrale la [398] plus modérée et la plus proche du secteur privé, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), a donné le ton. Lors de son congrès de mai 1990, la CSN a suivi, en appuyant publiquement la concertation avec les patrons et le gouvernement.

Le Forum pour l'emploi de novembre 1989 (Milner 1989a) est un point tournant d'une évolution vers la concertation (mais il est presque complètement passé inaperçu à l'extérieur du Québec francophone). Il a réuni 1 500 participants des mondes syndical, patronal et gouvernemental, ainsi que des secteurs coopératif et communautaire, pour discuter des moyens de coopérer pour réduire le chômage. Une plénière thématique sur « le rôle des partenaires dans le marché de l'emploi » a permis à d'importants hommes d'affaires et à des leaders syndicaux de comparer leurs approches de la concertation, de la politique économique et de l'emploi, avec les représentants patronaux et syndicaux de la Suède. Lors de la dernière séance plénière, les membres de la direction du Forum ont soumis une déclaration conjointe, suivie des témoignages des principaux leaders syndicaux et patronaux participants. On y a remarqué l'engagement ferme de Gérald Larose, président de la CSN, à l'égard de la concertation avec les employeurs. Et Lorraine Pagé, présidente de la CEQ, dans une déclaration empreinte d'autant d'esprit positif, a reconnu l'état déplorable du système québécois d'éducation, notamment dans la préparation des jeunes au marché du travail, un constat maintes fois répété dans les discussions en atelier. Elle a promis que son organisation essaierait de remédier à cette lacune, avec les employeurs et les administrateurs.

Quelques années auparavant, une telle déclaration de la part d'un chef de syndicat d'enseignants aurait été inconcevable. En ce qui concerne la formation des travailleurs, on ne peut plus systématiquement tourner le dos à la coopération avec l'entreprise, comme on le faisait dans les années 1970 et au début des années 1980. Bien sûr, on ne sait pas encore jusqu'à quel point ces professions de foi envers la concertation se traduiront en attitudes nouvelles dans les écoles et en progrès réel. On espère depuis longtemps des améliorations sur plusieurs plans. Par exemple, un rapport récent affirme qu'en dépit d'un besoin criant de diplômés dans les secteurs techniques, contrairement au marché encombré pour les diplômés du secteur général, la proportion d'étudiants de cégeps dans ces secteurs est passée de 51 à 44 % entre 1980 et 1989. Dans les domaines névralgiques de l'électrotechnique et de l'informatique, la diminution entre 1984 et 1989 fut de 48,2 et 51,3 % respectivement. Il y avait moins de la moitié des diplômés nécessaires pour combler les postes disponibles de techniciens en génie civil et mécanique, en électronique et en contrôle des instruments (Brunet, 1991).

Les raisons de se réjouir sont relativement peu nombreuses. Cependant, quelques initiatives locales et régionales provoquent un peu d'optimisme, bien qu'on ne possède encore que peu d'information à leur sujet. Quelques-unes d'entre elles se trouvent dans le sud-ouest de Montréal, où au moins trois tables de concertation éducation-industrie sont actives. L'une d'elles concerne Granby et Bromont, la seconde se trouve dans la région de Sorel-Tracy, et la troisième couvre les industries régionales consommatrices d'acier. Autour de chacune de ces tables, des représentants des commissions scolaires et des cégeps ont travaillé de concert avec des industriels afin de procurer une formation adéquate aux travailleurs, mais avec un succès mitigé (Henripin, 1990). Parmi les [399] obstacles à surmonter, on retrouve le manque de flexibilité des structures administratives du MEQ et des autres ministères, ainsi que l'absence, jusqu'à maintenant, des syndicats d'enseignants. On se demande encore si l'esprit tripartite d'une initiative durable comme le Forum pour l'emploi va migrer vers les enseignants à la base et changer leur attitude.


CONCLUSION

On peut dire sans crainte de se tromper que les enseignants seront les derniers à changer. Mais ce changement est plausible, surtout dans les régions à l'extérieur de Montréal, où la solidarité locale et la cohésion permettent une adaptation plus rapide aux nouveaux besoins de la population. À titre d'exemple, les comités de parents de Montréal ont répondu moins rapidement à la directive issue de la nouvelle loi de l'éducation de mettre sur pied des comités d'orientation (77 %, comparativement à 92 % dans le reste de la province ; Morazain, 1990). Ces conseils (majoritairement formés de parents) sont responsables de l'adoption d'un projet éducationnel, des règles de conduite et des politiques de changements d'horaire et d'activités à l'extérieur de l'école [7]. En général, l'évolution du Québec de la confrontation à la concertation (Milner, 1990) se trouve ralentie à Montréal. En plus de la nature confessionnelle et très complexe de son système public d'éducation, il y a la diversité ethnique et socioculturelle qui dilue les solidarités locales, déjà relativement faibles dans les villes où les enseignants et les autres employés de l'école ne résident habituellement pas dans la communauté que leur école dessert [8].

Que nous réserve l'avenir ? Si notre analyse est exacte, on ne peut sérieusement s'attaquer à ces problèmes qu'en éliminant les obstacles structurels à la mobilisation de l'énergie humaine. Sur ce plan, il y a des raisons d'être optimiste : le 17 juin 1993, la Cour suprême du Canada a confirmé le jugement de la Cour d'appel du Québec sur le projet de loi 107. Cela ouvre enfin la voie au remplacement des commissions scolaires catholiques et protestantes par des commissions scolaires françaises et anglaises. Le tribunal a reconnu les pouvoirs du gouvernement du Québec sur la création de commissions scolaires linguistiques, neutres au point de vue confessionnel, sur la définition de leurs territoires et sur la réallocation des biens des anciennes commissions scolaires. Bien que l'ajustement à ce nouveau système risque d'être compliqué, et spécialement chaotique dans la ville de Montréal, où la CÉCM et la CÉPGM seront autorisées à continuer leurs activités en tant que commissions scolaires confessionnelles [9], un tel progrès pourrait entraîner, à long terme, une plus grande participation grâce à un meilleur investissement des ressources humaines et financières dans les écoles publiques.

Nous ne pouvons mettre fin à cette présentation sans envisager un changement constitutionnel plus profond dans l'avenir, qui aurait certainement des effets très prononcés sur le système d'éducation. Devant l'impossibilité de faire accepter l'accord constitutionnel du lac Meech aux Canadiens, en juin 1990, le Québec a mis sur pied une commission parlementaire étendue pour consulter le peuple et faire rapport sur son avenir constitutionnel. Les délibérations de la commission Bélanger-Campeau, comme [400] le déplacement spectaculaire, depuis 1989, de la majorité de l'opinion publique québécoise en faveur de la souveraineté, nous amène à penser qu'un changement de ses relations avec le Canada est en gestation. Une voie de solution possible aurait été une redistribution des pouvoirs, ce qui renforcerait le contrôle déjà très grand du gouvernement du Québec sur l'éducation, puisqu'il aurait compétence sur tout ce qui touche de près ou de loin à l'éducation, depuis les garderies jusqu'à l'éducation permanente. Cela comprend tous les aspects de la formation et du recyclage, y compris l'assurance-chômage, de même que des domaines connexes, tels que la radio et la télédiffusion, l'immigration et la culture, de façon à assurer la cohérence globale des politiques qui touchent à la diffusion de la connaissance, de l'information et de la compétence au Québec. Soulignons qu'une telle redistribution a été endossée par le Parti libéral du Québec, qui est fédéraliste, à son congrès de mars 1991. Cependant, elle n'a pas été incluse dans l'accord de Charlottetown d'août 1992, qui a été rejeté par le Québec et le Canada dans son ensemble, le 26 octobre 1993. Par conséquent, il est difficile d'envisager d'autres moyens que la transformation du Québec en État souverain par voie de référendum. Ainsi, le peuple du Québec serait en position d'établir sans interférence des structures conformes à ses besoins.

Pourtant, malgré le succès du Bloc québécois et la victoire du Parti québécois, nous n’y sommes pas encore. Il reste un référendum à gagner et son dénouement est bien incertain. À tout le moins, la souveraineté du Québec aurait le mérite de clarifier les enjeux et les défis dans le domaine de l'éducation. Dans ces circonstances, les néo-Québécois sauraient sans ambiguïté qu'ils s'installent dans une entité distincte, et que c'est en direction de Québec qu'ils doivent orienter l'essentiel de leur effort d'intégration. Même si cette intégration sera toujours laborieuse, l'effacement graduel de la seconde dimension, l'amertume des nouveaux arrivants d'avoir à s'intégrer à ce qu'ils perçoivent comme une minorité, devrait améliorer le climat dans lequel l'éducation s'accomplit au Québec.

La dernière question, celle de la participation des enseignants et de leurs syndicats à un effort de coopération sur plusieurs plans, dans le but d'améliorer le système d'éducation, peut également être influencée par l'évolution constitutionnelle. Est-ce que la recrudescence de la participation pourrait diminuer la polarisation qui caractérise les relations dans ce secteur ? En dernière analyse, le succès d'un Québec souverain dans la réalisation de ses objectifs repose moins sur sa relation constitutionnelle avec le Canada et plus sur l'établissement d'institutions qui servent les besoins à long terme de sa population en comptant sur ses ressources et sur ses énergies. Aucune institution n'est plus importante à ce point de vue que l'école. Aucune institution n'éprouve plus de problèmes et ne tolère plus de lacunes que l'école publique, surtout dans la région de Montréal. C'est là que la volonté politique sera mise à l'épreuve.

Nous n'aurons pas à en attendre les résultats bien longtemps. Que ce soit en réponse au jugement de la Cour suprême avalisant le projet de loi 107 ou par un nouvel arrangement constitutionnel, les Montréalais pourront établir de nouvelles structures pour encadrer les écoles publiques, en conformité avec les réalités présentes et leurs besoins futurs. Le succès de cette entreprise, non seulement dans la déconfessionnalisation des institutions mais aussi dans la restructuration du système d'éducation et son harmonisation avec les institutions municipales, qui devraient libérer l'énergie [401] positive des parents et des éducateurs, sera un test important. Comme on l'a clairement vu, il y a de nombreuses choses à améliorer. En éducation, les problèmes n'attendent pas. Est-ce que les discours des syndicalistes, des intellectuels, des politiciens, des principaux entrepreneurs qui articulent les aspirations collectives du Québec ne sont que paroles en l'air ? Ou tous ces gens seront-ils capables, le temps venu, de traduire ces paroles en actes ?

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[16]

NOTES SUR
LES COLLABORATEURS


Henry Milner

Henry Milner est professeur de science politique au Collège Vanier et professeur adjoint au département de science politique de l'Université Laval. Il est également rédacteur de la revue Inroads. Il a publié notamment Politics in the new Quebec (1978), La réforme scolaire au Québec (1984) et Sweden : Social Democracy in Practive (1989). Son plus récent ouvrage est Social democracy and rational choice, the Scandinavian experience and beyond (1994).



[1] Ce texte a été traduit de l'anglais par Michel Sarra-Bournet (Université d'Ottawa).

[2] La constitution canadienne accorde aux provinces une compétence exclusive sur l'éducation.

[3] Il y a eu une réaction significative à ces statistiques dans le système d'éducation aux États-Unis. Jusqu'à ce jour, on n'a pas observé de réaction semblable au Québec. Par exemple, plusieurs États américains s'apprêtent à allonger l'année scolaire.

[4] Un ex-officier haut placé dans une commission protestante a résumé ce phénomène dans une conversation privée avec l'auteur. « Nous savions quand Pallascio [le président de la CÉCM] faisait l'une de ses sorties, parce que nous recevions soudain une série de demandes de renseignements à propos de l'inscription dans nos écoles. »

[5] Lors de cette élection chaudement contestée, à la CÉCM, la participation augmenta relativement peu comparativement aux 12 % de 1987. Bien que la participation fût un peu plus élevée dans les autres commissions scolaires, au total, plus de la moitié des postes disponibles dans les commissions scolaires du Québec ont été comblés par acclamation.

[6] Par exemple, le procès-verbal de la réunion du 26 avril 1989 des commissaires de la CÉCM cite un étudiant qui prétend avoir vu : « Des pistolets dans des casiers, des couteaux portés par des élèves ou gardés dans des casiers, des barres à clous ou des matraques dans les sacs d'école. »

[7] Les syndicats de professeurs, y compris non seulement les associations régionales affilées à la CEQ mais des groupes n'appartenant pas à la CEQ comme les organisations de professeurs protestants et catholiques anglophones, ainsi que les syndicats de professeurs de cégeps, ont généralement mal accueilli l'extension du pouvoir des parents dans l'école. Si le MÉMO, qui favorise un tel changement, prend le pouvoir à la CÉCM, il faudra voir s'il ira de l'avant, étant donné qu'il a l'appui moral et financier de l'Alliance des professeurs de Montréal, affiliée à la CEQ.

[8] Des conversations de l'auteur avec des officiers de l'Alliance ont laissé l'impression que non seulement plusieurs de leurs membres vivaient loin de leur école, mais que ces derniers habitaient à l'extérieur du territoire de la CÉCM !

[9] La CÉPGM perdra ses étudiants non protestants et la CÉCM, ses étudiants non catholiques, bien qu'il ne soit pas encore clair comment on déterminera l'affiliation religieuse de chacun. Cela entraînera probablement la fermeture du secteur français de la CÉPGM. En plus, on s'attend à ce que les catholiques anglophones inscrits à la CÉCM passent aux nouvelles commissions scolaires de langue anglaise. Enfin, il est impossible de prédire combien d'enfants éligibles à l'inscription dans les petites commissions scolaires confessionnelles de Montréal continueraient à fréquenter ces commissions scolaires. On peut cependant s'attendre à ce qu'un processus de transition très complexe rende difficile le respect de l'objectif que le gouvernement du Québec s'est fixé pour la mise en place du nouveau système, soit l'automne de 1996.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 1 janvier 2013 15:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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