L'objectif de cette leçon d'ouverture est de définir la nature et l'esprit du cours d'introduction à la science politique qui sera professé cette année à l'École des Sciences Sociales et Politiques de l'Université de Lausanne. Cela revient à analyser - une analyse que le temps imparti rendra forcément très brève et très générale - les grandes tendances de la science politique contemporaine.

Ces tendances semblent pouvoir être ramenées à trois :

1. clarification du domaine de la science politique et perfectionnement de son outillage scientifique ;

2. affermissement de la science politique sur le plan universitaire et amélioration de son statut dans les structures de l'enseignement et de la recherche ;

3. application de la science politique à la solution des problèmes du gouvernement et développement de sa contribution pratique.

Ainsi définies ces tendances ne sont pas très différentes - au moins dans leur contenu formel - de celles qui se manifestent dans de nombreuses branches du savoir et spécialement dans les diverses sciences sociales. justement, la renonciation à un mode original de présentation des tendances de la science politique Paraît susceptible de rendre plus clair l'état actuel et plus évidents les problèmes présents de cette discipline,' par rapport aux autres sciences sociales. Pour dégager dès le début le trait caractéristique de la science politique à notre époque, on dira que cette discipline éprouve avec une intensité particulière les difficultés que connaissent toutes les sciences sociales, situation qui tient, pour une large part, à sa jeunesse même. Conçue comme une étude des problèmes politiques fondés sur un ensemble de principes rationnels ou si l'on préfère entendue au sens de la philosophie politique, la science politique remonte à un très lointain passé. Mais comme discipline d'observation, comme partie intégrante des sciences sociales, elle est tout à fait récente. Il conviendra d'ailleurs d'expliquer son retard à s'organiser, voire même à se définir comme telle : en attendant, on doit constater que dans de très nombreux pays – peut-être la plupart - la notion même d'une science positive des faits politiques commence à peine de s'affirmer dans les structures universitaires et n'y pénètre souvent qu'avec une lenteur très marquée.

En limitant l'exposé aux grandes tendances, on court le risque d'un certain excès de simplification, probablement aussi d'un certain arbitraire. La situation actuelle de la science politique est particulièrement complexe et mouvante : comme on le verra par de multiples exemples, elle diffère encore profondément de pays à pays (une telle diversité rendant particulièrement délicat tout exposé de portée générale). Il conviendra donc de préciser les limites d'acceptation de certaines conceptions qui paraissent en voie de s'imposer sans emporter pour autant l'accord général, au besoin de souligner les positions qui demeurent opposées à la tendance la plus courante. L'objectivité de l'exposé n'ira d'ailleurs pas jusqu'à la neutralité à l'égard des diverses positions en présence : le cas échéant, on marquera l'option effectuée dans la mesure où elle sera susceptible d'influencer l’esprit de l'enseignement qui va être donné.

On va maintenant analyser chacune des trois grandes tendances dégagées qui se ramènent à une triple série d'efforts pour assurer le développement de la science politique.