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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean MEYNAUD, INTRODUCTION À LA SCIENCE POLITIQUE. (1961)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean MEYNAUD, INTRODUCTION À LA SCIENCE POLITIQUE. Paris : Librairie Armand Colin, 2e édition, 1961, 370 pp. Collection Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, no 100. [Autorisation accordée par les ayant-droit de l'auteur le 19 octobre 2008 de diffuser toutes les publications de l'auteur.]

Avant-propos

Ce livre trouve son origine dans un enseignement général de science politique professé à l'Université de Lausanne depuis le mois d'octobre 1955. Nous avions pensé, au départ, être en mesure d'assumer cette charge sans difficultés excessives. Ce fut une erreur. la préparation de ces leçons a été infiniment plus complexe que nous ne nous y attendions et, aujourd'hui même, nombreux demeurent les obstacles que nous n'avons pas réussi à surmonter. Un fait explique, au moins en partie, cette situation : il n'existe encore aucun traité ou manuel en langue française qui puisse servir de guide ou, au minimum, d'instrument de référence.

On tient à avertir immédiatement le lecteur que le présent ouvrage n'a pas été conçu pour combler ces lacunes. Ainsi ne comporte-t-il pas un exposé systématique des méthodes actuellement utilisées par l'analyse politique : la publication prochaine du manuel de Maurice Duverger (déjà disponible sous forme ronéographiée) fournira aux étudiants un instrument d'excellente qualité pour aborder cette matière ardue. Par ailleurs, notre livre ne contient pas un examen articulé des grandes questions de la vie politique. Nous espérons être en mesure de présenter, d'ici quelques années, un traité de ce type. Une raison majeure nous a conduit à différer la réalisation d'un tel projet : l'insuffisance des données disponibles sur le cas français. De nombreuses recherches sont en cours d'exécution : leur achèvement rendra progressivement moins téméraire l'établissement d'une formulation générale.

Notre unique objectif, en écrivant ces pages, a été d'énoncer les problèmes, et surtout les difficultés, que rencontre nécessairement le professeur ou le chercheur spécialisé en science politique. Nous avons tenté d'en apporter une énumération compréhensive et d'indiquer l'état actuel de nos réflexions sur chacun des points soulevés. Toutes les fois où cela s'est révélé possible, on a formulé une réponse nette aux questions posées. Dans bien des cas cependant, on n'a pu parvenir à une conclusion ferme : il eût été relativement aisé de dissimuler ces incertitudes au lecteur, mais il a semblé plus loyal de les exprimer clairement en exposant les différents points de vue en présence.

Ce travail se ramène donc à une étude de la science politique elle-même. Ce genre de présentation a souvent mauvaise presse. Ainsi a-t-on reproché aux sociologues d'avancer d'excellentes notions en se gardant de les appliquer dans leurs propres travaux. On ne saurait, pour le passé, dénier toute portée à cette boutade. Mais notre discipline offre une particularité : ce type de discussion y est rare au contraire. Aux États-Unis où la science politique connaît un important développement, l'analyse méthodologique de la discipline reste très en deçà de l'effort d'accumulation des faits. Ce décalage, on le dira cent fois, est l'une des causes fondamentales de la faiblesse actuelle de l'explication.

Au total le but de cette « introduction » n'est pas essentiellement, ni même principalement, d'ordre pédagogique. Le plan adopté comme le contenu des développements ne correspondent pas aux exigences d'un enseignement élémentaire. Un point en particulier doit être souligné. Étant donné les dimensions fixées à ce livre. il ne pouvait être question d'expliciter en détail les multiples sujets évoqués, qu'il s'agisse des théories de Bertrand de Jouvenel ou de Talcott Parsons, des sondages ou des jeux de stratégie. Entre L’examen approfondi de quelques problèmes et un essai d'inventaire général (naturellement incomplet), on a cru plus utile de choisir la seconde voie : ce faisant, on se condamnait à un exposé nécessairement allusif et, sur bien des points, nettement expérimental qui ne saurait suffire à l'élève débutant, en quête d'une information élaborée et aussi de certitudes immédiates.

La préparation d'un ouvrage de cette nature pose toujours des problèmes difficiles. Il nous aurait sans aucun doute été impossible de les résoudre si nous n'avions exercé, durant des années, la double fonction de secrétaire général de l’Association internationale de science politique et de rédacteur en chef de la Bibliographie internationale de science politique. Cette dernière nous a permis d'amasser, jour après jour, la documentation indispensable : on a tenté ici d'en faire profiter le lecteur,' sur un mode d'ailleurs sélectif, par d'abondantes références qui doivent permettre, à qui le souhaiterait, d'entreprendre l'étude approfondie des questions évoquées dans le texte.

Mais nous devons à la première quelque chose de plus précieux qu'un appareil livresque : la connaissance directe des milieux dans lesquels s'élabore actuellement la science politique, l'établissement de relations personnelles avec quelques-uns des savants les plus éminents de cette discipline, dans le monde entier. Tous n'approuveront pas les positions prises et plusieurs probablement ne ménageront pas les critiques : il West pourtant que justice de reconnaître la dette contractée à leur égard. Nous leur sommes redevable d'avoir compris le rôle éminent de la science politique pour la connaissance des sociétés.

L'importance attribuée à cette discipline ne nous conduit nullement à méconnaître la portée des autres branches. L'un des thèmes centraux de cet ouvrage est que. à notre époque, les différentes sciences sociales sont indispensables les unes aux autres. Aucune ne saurait progresser en adoptant une position d'isolement. C'est en conjuguant leurs forces, en échangeant sans cesse données et techniques de recherche, que les spécialistes amélioreront la connaissance de leurs domaines respectifs.

Ce point de vue nous a poussé à évoquer de nombreux sujets sur lesquels nous n'avons que des notions fort limitées et, dans bien des cas, tout à fait superficielles. Les techniciens n'auront aucun mal à nous prendre en flagrant délit d'erreur et d'ignorance : nous avons accepté de courir ce risque dans l'espoir d'amener les uns et les autres à une exacte appréciation de l'apport considérable qu'ils peuvent fournir à l'analyse politique.

Parmi les reproches que mérite ce travail, figure le flottement de la terminologie. Sans en contester le bien-fondé, on tient cependant à souligner que ce défaut est. dans l’état présent des sciences sociales, très difficile à surmonter. Le seul moyen de l'éviter complètement eût été de forger un vocabulaire particulier et d'y plier arbitrairement l'ensemble des efforts analysés. C'est une tâche qu'au stade actuel nous ne nous sommes pas senti apte à accomplir. L'unification de la terminologie est indispensable : il est difficile de concevoir qu'elle puisse être l'œuvre d'un individu isolé.

*  *

Ce livre représente un point de vue personnel, sur des questions qui, dans l'ensemble, restent vivement controversées. À ce titre, il ne saurait engager aucune des « maisons » auxquelles nous avons appartenu et appartenons aujourd'hui. Sans nous réclamer d'une objectivité parfaite, nous nous sommes cependant efforcé d'exposer impartialement les arguments des uns et des autres. Le lecteur attentif saura reconnaître, de temps à autre, quelques mouvements d'humeur qu'en dépit d'un effort constant nous n'avons pu parvenir à éviter. Est-il besoin d'ajouter qu'ils ne concernent nullement des institutions qui sont grandes, et que nous respectons, mais seulement les conceptions que défendent certains de leurs représentants. Une confrontation intellectuelle n'a de portée que si chacun exprime sans détours ses préférences. La critique scientifique n'exclut ni L’estime ni l'amitié.

Quand un auteur écrit un livre, il a toujours tendance à forcer sa pensée : il agit de la sorte, comme disent les Anglais, pour donner une meilleure chance aux idées qu'il émet. On a essayé de ne pas trop accentuer ce mouvement naturel. Si néanmoins ceux qui lisent cet ouvrage croient pouvoir y relever quelques excès. nous leur demandons de nous en excuser en considération du but visé - promouvoir l'expansion d'une discipline dont l'état de sous-développement est inquiétant. Selon le mot très juste de Marcel Prélot, une « extraordinaire carence » a pris fin : on souhaite que soient saisies toutes les occasions qu'apporte cette transformation, dont les plus optimistes, il y a dix ans à peine, n'envisageaient que difficilement l'éventualité. On espère aussi qu'en dépit de ses imperfections évidentes ce travail y contribuera.

Novembre 1958.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 26 janvier 2009 19:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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