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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean MEYNAUD et Alain LANCELOT, LES ATTITUDES POLITIQUES. (1964)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean MEYNAUD et Alain LANCELOT, LES ATTITUDES POLITIQUES. Paris: Les Presses universitaires de France, 1964, 128 pp. Deuxième édition revue. Collection: Que sais-je ? n° 993. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole, professeure à la retraite de l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi. [Autorisation accordée par les ayant-droit de l'auteur le 19 octobre 2008 de diffuser toutes les publications de l'auteur.]

Introduction


Cet ouvrage présente les facteurs et les mécanismes qui orientent les comportements politiques des citoyens: choix électoral, inscription à un parti, adhésion à un mouvement révolutionnaire, etc. Au cours des dernières années ce sujet a donné lieu à de multiples études de détail dont l'inspiration et la terminologie sont malheureusement très diverses. Les formulations générales sont plus rares. Ainsi s'expliquent les imperfections et lacunes de cet essai qui n'a guère de précédents dans la bibliographie de langue française. Il s'agit, en reconnaissant la route, de susciter les recherches sans lesquelles notre discipline demeurerait au stade des approximations intuitives.

Nous avons placé la notion d'attitude au centre de l'explication. Il faut donc d'abord situer cet élément dans l'analyse sociale.

I. – Définition de l'attitude

Dans son acception courante, le terme d'attitude désigne un comportement, la manifestation extérieure d'un sentiment. Il se colore souvent d'une nuance péjorative : un comportement qui n'est pas « naturel », une conduite de simulation. Pour, traiter ici des attitudes politiques nous n'entendons pas retenir cette définition, cherchant, au-delà des affectations, quelque chose de plus durable et de plus profond. Pourquoi reprendre alors ce terme d'attitude ? Parce que, défini avec précision et mis à l'épreuve de nombreuses recherches, il est devenu l'un des mots-clé de la psychologie sociale.

Aux yeux du psycho-sociologue, tout comportement, qu'il s'agisse d'une conduite (comportement actif) ou d'une opinion (comportement verbal), est une réponse à une situation. L'attitude est la variable intermédiaire permettant d'expliquer le passage du second au premier de ces termes. Elle n'est ni comportement (et donc pas une opinion bien que les deux termes soient souvent employés l'un pour l'autre) ni facteur de la situation. Ni réponse ni « stimulus », c'est une disposition ou encore une préparation à agir d'une façon plutôt que d'une autre.

Variable intermédiaire, l'attitude est ainsi variable hypothétique. À la différence des comportements ou des éléments d'une situation, on ne peut la saisir d'emblée, la repérer sans un détour ; elle s'analyse en termes de probabilité : elle est la probabilité de l'apparition d'un comportement donné dans un certain type de situation.

Ainsi entendue, la notion d'attitude comporte une idée d'ordre. Elle permet de répartir la grande variété des comportements ; chaque attitude en apparaît comme un principe d'organisation, ou mieux, une synthèse particulière en rapport avec un objet ou une situation donnés.

Disposition dynamique (elle s'est formée à un moment donné et peut se modifier ensuite), l'attitude est cependant une disposition relativement persistante, tirant de sa cohérence une certaine stabilité.

Une définition doit prendre en considération ces divers éléments : l'attitude est une disposition, elle est un principe d'organisation des comportements en rapport avec un objet ou une situation, elle se forme et se modifie dans le temps. G. W. Allport, dont les travaux ont fortement marqué la notion d'attitude, la définit ainsi :

Une attitude est une disposition mentale et nerveuse organisée par l'expérience et qui exerce une influence directrice ou dynamique sur les réactions de l'individu envers tous les objets et toutes les situations qui s'y rapportent.

Nous en retiendrons l'essentiel en définissant l'attitude comme une disposition relativement persistante à présenter une réaction organisée d'une certaine façon à l'égard d'un objet ou d'une situation donnés.

L'attitude ainsi définie se distingue assez bien des autres formes de disposition décrites par les psychologues, en particulier des tendances. Étudiant la notion de tendance, Maurice Pradines en écarte ce qu'il nomme la « tendance à » faire, qu'il qualifie d'impulsion spontanée, d'inclinaison ou de penchant, retenant seulement ce qu'il nomme « la tendance vers » l'objet, élan nécessairement altruiste du sujet vers un objet extérieur. Disposition à réagir, l'attitude est plus proche de l'inclinaison que de la « tendance vers », mais s'en distingue par son objet, son organisation et son dynamisme.

Les attitudes peuvent être classées suivant leur assise, leur objet ou leurs caractéristiques.

Elles peuvent être réparties suivant leur assise, en distinguant les attitudes individuelles, qui peuvent être d'ailleurs communes à plusieurs individus, des attitudes collectives qui sont les attitudes d'un groupe en tant que tel ; ou suivant leur objet, en distinguant les attitudes physiques relatives à des éléments non humains, le climat par exemple, des attitudes sociales relatives à des situations ou problèmes sociaux ou culturels. Ces distinctions ne se recouvrent pas, toutes les attitudes sociales n'étant pas collectives et vice versa.

Les attitudes politiques sont des attitudes sociales formées par rapport à des situations politiques qui sont des situations sociales considérées sous l'angle du pouvoir, c'est-à-dire du gouvernement ou de la survie de la société.

Les attitudes peuvent être aussi distribuées suivant leurs caractéristiques. Nous en retiendrons deux qui nous semblent fondamentales : la direction – on peut être « pour » ou « contre » l'ordre établi, l'égalité politique, etc. (c'est en quelque sorte le signe algébrique de l'attitude) – et l'intensité – on peut être plus ou moins hostile ou favorable. De ces qualités essentielles, on a parfois déduit des caractéristiques secondaires comme la cohérence – absence de directions contradictoires – ou le « relief » – importance de l'attitude considérée dans le champ psychologique du groupe ou de l'individu. Mais la définition de ces dimensions est évidemment liée à l'invention des techniques d'étude, voire de mesure, des attitudes, que nous présentons ici brièvement.

II. – Modes d'étude

Variable hypothétique, l'attitude ne se prête pas à l'observation directe, elle doit être en quelque sorte induite de ses manifestations. Nous distinguerons, assez artificiellement, l'étude extensive des comportements politiques, l'appréciation globale des attitudes par l'observation intensive et les tentatives en vue de repérer précisément, et si possible de « mesurer », les attitudes politiques par la technique des échelles.

L'étude extensive des comportements politiques porte sur les diverses formes d'expression des attitudes politiques : les opinions et les votes notamment. Les enquêtes par sondage d'opinion reposent sur l'administration d'un questionnaire à un échantillon restreint d'une population nombreuse ; elles permettent de « photographier » le contenu et la distribution des opinions, puis, par le calcul et l'exploitation de corrélations entre les différentes réponses, de déterminer la nature et la distribution éventuelle des attitudes dans cette population. Les études électorales (géographie et sociologie électorales) portent sur des comportements effectifs, les votes. S'il est souvent très difficile de saisir, au-delà des votes, les attitudes sous-jacentes, du moins ceux-ci apportent-ils quelques lumières sur la répartition de celles-là sur le territoire et dans la société, autorisant à formuler quelques hypothèses sur leur formation et leurs modifications.

Autre technique d'examen, encore peu pratiquée : l'analyse systématique du courrier reçu par les parlementaires. Il pourrait également être intéressant d'étudier les réactions écrites des auditeurs d'une émission ou des lecteurs d'un ouvrage portant l'une et l'autre sur un problème controversé. La communication de ces pièces, qui ne sont pas toujours gardées par leurs destinataires, pose une question de déontologie. Au surplus il n'est pas sûr que les auteurs de ces lettres constituent un segment représentatif de la communauté.

Ces recherches négligent des formes d'expression « non linguale » comme le geste ou l'intonation ; or ces formes ont leur importance car elles renseignent sur la portée réelle des mots. Elles ne sont pas faciles à dissimuler, ayant souvent un caractère quasi involontaire. Un parti discipliné fixe le vote de ses membres : il n'est pas nécessairement maître des mouvements de séance.

L'appréciation globale des attitudes par l'observation intensive se situe à un autre « palier » de profondeur. Elle vise à saisir une totalité plutôt qu'à en décrire les éléments extérieurs. C'est le cas, par exemple, des biographies – mémoires, œuvres littéraires (il suffit d'évoquer Les Thibault), ou travaux scientifiques – et des interviews en profondeur. Il semble que l'utilisation des tests projectifs puisse faciliter également la connaissance globale d'une attitude politique. Le sujet, confronté avec une situation donnée (représentée par un dessin ou sur une photographie par exemple) y répond suivant la signification qu'il lui prête spontanément, en exprimant indirectement son attitude à l'égard du problème posé. Les expériences de Proshansky sur les attitudes vis-à-vis de la classe ouvrière ont bien montré l'intérêt de ce procédé. Instruments de la thérapeutique sociale de Moreno, le psychodrame et le, sociodrame s'inspirent de principes assez semblables : le jeu théâtral donne au sujet-acteur l'occasion de libérer sa spontanéité créatrice et permet d'apprécier en regard ses attitudes fondamentales.

Les échelles d'attitude permettent de repérer avec précision non seulement la direction mais aussi l'intensité des attitudes politiques. Le principe en est simple si l'application pose des problèmes délicats : il consiste à soumettre au sujet une série de propositions étalonnées, en lui demandant d'indiquer celles qu'il approuve et celles qu'il désapprouve. La combinaison des réponses, souvent affectées d'une pondération, établit automatiquement l'intensité de l'opinion chez l'interrogé. On peut construire une échelle a priori sur une base logique (Bogardus), ou recourir au jugement d'un grand nombre d'experts et définir par une analyse statistique de leurs décisions des intervalles apparemment égaux entre les échelons (Thurstone), ou laisser les sujets se prononcer sur un grand nombre de propositions, déterminant par leurs réponses celles qui doivent être écartées comme hétérogènes (Likert). Au cours des dernières années plusieurs modalités nouvelles faisant appel à des mathématiques complexes ont été proposées et expérimentées par des spécialistes comme Guttman (méthode du scalogramme ou de l'analyse hiérarchique) ou Lazarsfeld (méthode de la structure latente).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 28 avril 2009 9:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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