RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de INSTITUT DE RECHERCHE EN SANTÉ DU CANADA, Groupe de travail spécial sur la recherche avec des cellules souches [Marcel J. Mélançon, membre.] Recherche sur les cellules souches humaines: La santé dans un cadre éthique. Document de travail. Ottawa: Institut de recherche en santé du Canada, avril 2001, 36 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

INSTITUT DE RECHERCHE EN SANTÉ DU CANADA

Groupe de travail spécial, sur la recherche avec des cellules souches
[Marcel J. Mélançon, membre]


Recherche
sur les cellules souches humaines:
La santé dans un cadre éthique
.

Document de travail.

Ottawa: Institut de recherche en santé du Canada, avril 2001, 36 pp.



1. Communiqué de presse. Ottawa, 7 avril 2001.

2. Recherche sur les cellules souches humaines : la santé dans un cadre éthique. Document de travail.


1. Communiqué de presse

Ottawa, 7 avril 2001.

[1 / 4]

Groupes de travail spécial sur la recherche
avec des cellules souches

Conseil d'administration
Membres du conseil
Faits saillants
Groupes de travail
Menu : Groupe de travail spécial recherche avec des cellules souches
comités
Conseillers

Document de travail Recherche sur les cellules souches humaines : La santé dans un cadre éthique

Présidente :

Janet Rossant, professeure, Université de Toronto, Département de génétique médicale et de microbiologie ; co-responsable, Programme de développement et de santé foetale, Samuel Lunenfeld Research Institute, Mount Sinai Hospital ; (génétique développe mentale).

Membres :

Françoise Baylis : professeure agrégée, Université Dalhousie, départements de bioéthique et de philosophie ; (éthique et politique des soins de santé).
Timothy Caulfield, professeur agrégé, Université de l'Alberta ; directeur de la recherche, Health Law Institute, Université de l'Alberta ; (droit et politique de la santé).
Roger Gosden, professeur et directeur de la recherche, Division de la biologie de la reproduction, Université McGill ; (biologie de la reproduction).
Keith Humphries, professeur, Université de la Colombie-Britannique, département de médecine ; Scientifique, BC Cancer Agency, Terry Fox Laboratory ; (biologie des cellules souches hématopoïétiques).
Gregory Korbutt, professeur adjoint, Université de l'Alberta, département de chirurgie ; directeur, Laboratoire de contrôle de qualité des îlots humains, Université de l'Alberta ; (transplantation de cellules d'îlôts).
Anne McLaren, associée de recherche principale, The Wellcome/CRC Institute of Cancer and Developmental Biology, Cambridge, RoyaumeUni ; (biologie de la reproduction et du développement).
Marcel J. Mélançon, professeur chercheur en bioéthique, Université du Québec à Chicoutimi ; (bioéthique et technologie génétique).
Samuel Weiss, professeur, Université de Calgary, département de biologie cellulaire et d'anatomie ; (biologie des cellules souches neurales).

Contexte

[2 / 4]

Les cellules souches sont des cellules trouvées chez les animaux en développement, et à un moindre degré chez les adultes, qui possèdent une propriété unique : la capacité de proliférer et de rester indifférenciées (ce qu'on appelle l'auto-renouvellement), et la capacité de se différencier et de former des tissus plus spécialisés. Les cellules souches ont un large éventail de « potentiels », qu'il s'agisse des cellules souches embryonnaires (SE) capables de se différencier pour donner naissance à tous les types cellulaires (cellules multipotentes), ou des cellules souches trouvées dans des tissus comme le cerveau, les muscles et le sang des adultes dont les possibilités évolutives sont plus limitées (potentiel restreint). Les indications récentes voulant que les cellules souches adultes pourraient avoir un potentiel plus grand qu'on ne l'a cru en premier lieu ouvrent des possibilités de reprogrammer des cellules souches adultes pour la réparation à base de tissu.

C'est la capacité des cellules souches de se multiplier et de former des types de cellules différentes qui est à l'origine de l'emballement récent dans la communauté scientifique et dans les médias en raison du potentiel thérapeutique que cela sous-tend. Lorsque les voies de différentiation seront comprises, et que des méthodes auront été mises au point pour cultiver ces cellules en grandes quantités, il pourra être possible de concevoir des traitements de remplacement cellulaire pour des blessures et une vaste gamme de maladies génétiques et dégénératives. Ces maladies incluent les lésions de la moelle épinière, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, les dystrophies musculaires, le diabète, l'arthrite et les maladies du cœur. À ce stade, il n'est pas clair que les cellules souches adultes ou les cellules souches embryonnaires vont être la meilleure source de cellules à des fins thérapeutiques. Cependant, la multipotence établie et la capacité illimitée d'auto-renouvellement des cellules SE, telles que révélées par les études sur les souris, font d'elles des perspectives intéressantes de traitement à base de cellules souches.

Une percée scientifique a été réalisée en 1998 quand des lignées de cellules souches embryonnaires humaines ont été établies. Elles ont été prélevées sur de jeunes embryons humains créés in vitro pour le traitement de l'infertilité, mais ne sont plus utiles, ou prélevées des tissus foetaux humains après un avortement thérapeutique. L'utilisation de ces deux types de cellules est des plus controversées en raison des questions morales, éthiques et juridiques qui entourent leur provenance.

Compte tenu des grandes possibilités cliniques et scientifiques et des défis éthiques uniques que pose l'utilisation des cellules souches humaines, un certain nombre de pays ont commandé des études approfondies sur la question, études qui ont nécessité de vastes consultations. C'est sur la base de ces études que des lignes directrices régissant la recherche avec des cellules souches humaines ont été établies aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Au Canada, un rapport publié en 1998 contient des directives pour la recherche avec des embryons et tissus reproductifs humains (Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains). Toutefois, il n'est pas fait mention dans ce document de la recherche avec des cellules souches.

Le Canada compte certains des chercheurs sur les cellules souches les plus éminents au monde, et possède une riche tradition de succès de ce domaine. Forts de lignes directrices appropriées, élaborées en tenant compte du contexte juridique et culturel unique du Canada, les [3 / 4] scientifiques canadiens seront à même de contribuer d'importante façon à d'éventuelles découvertes pour le traitement de nombre de maladies débilitantes.

Objectifs

Compte tenu de ce qui précède, un groupe de travail spécial d'experts de la recherche en santé, de l'éthique et du droit a été formé par le président pour aider IRSC à établir des politiques régissant le financement de la recherche future avec des cellules souches de nature multipotente provenant de sources embryonnaires ou foetales humaines, ainsi que pour examiner comment IRSC pourrait contribuer à l'établissement d'une politique nationale coordonnée dans ce domaine.

Le groupe de travail :

1 . Préparera un document énonçant des recommandations préliminaires ;
2. Affichera le document de travail sur le site Web d'IRSC à titre d'information ;
3. Invitera les intéressés oeuvrant dans les milieux de la recherche, du droit et de la bioéthique à y aller de commentaires ;
4. Révisera le document de travail à la lumière de la rétroaction obtenue ;
5. Présentera des recommandations au président d'IRSC.

Le processus est déjà en marche. Une première séance de consultation a eu lieu à Ottawa le 22 novembre. Les points suivants ont été abordés à cette occasion :

Consultation du 22 novembre - points abordés

  • La biologie et le potentiel thérapeutique des cellules souches
  • Le cadre réglementaire actuel pour la recherche avec des cellules souches au Canada
  • Le cadre réglementaire et les lignes directrices régissant la recherche avec des cellules souches ailleurs dans le monde
  • Les technologies particulières utilisées dans la recherche avec des cellules souches humaines : valeur scientifique et dilemmes éthiques

Le groupe de travail pense avoir un document de travail prêt à diffuser sous peu.

Liens utiles

Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains

Rapport du National Bioethics Advisory Council (NBAC) (États-Unis)

National Institutes of Health (NIH). États-Unis (pour obtenir de plus amples renseignements sur l’étude et le potentiel thérapeutique des cellules souches, ou les lignes directrices des NIH)

Department of Health, Chief Medical Officer’s Expert Group, « Donaldson Report » (R.-U.)

[4 / 4]

Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies (Commission europ6ennel

Nuffield Council on Bioethics. (financé conjointement par le Medical Research Council du Royaume-Uni, The Nuffie1d Foundation et The Wellcome Trust (R.-U.) - document d'information

.......................

2. Recherche
sur les cellules souches humaines :
La santé dans un cadre éthique.


Document de travail.

Ottawa : Institut de recherche en santé du Canada, avril 2001, 36 pp.



[ii]

TABLE DES MATIÈRES (du document de travail)

Avant-propos

Sommaire

Contexte

Biologie des cellules souches
Questions relatives à l'obtention et à l'utilisation de cellules souches pluripotentes
Les questions éthiques
La situation réglementaire au Canada
La situation réglementaire dans le monde

Enjeux de la recherche sur les cellules souches pluripotentes

Recommandations

Le groupe de travail spécial concernant la recherche sur les cellules souches


[iii]

AVANT-PROPOS

La recherche sur les cellules souches comporte un grand potentiel pour le traitement d'un certain nombre de maladies graves, notamment les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, le diabète et les lésions de la moelle épinière. Au cours des dernières années, on a assisté à une explosion virtuelle de la science qui a provoqué un grand intérêt dans les milieux scientifiques et non scientifiques, de même que des préoccupations d'ordre éthique soulevées par la science. Des lignes directrices dans ce champ de recherche s'avèrent essentielles pour rassurer le public canadien et les scientifiques que la recherche sur les cellules souches embryonnaires sera entreprise à l'intérieur d'un cadre éthique et juridique bien défini et largement accepté.

Lorsque le gouvernement du Canada a créé IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada), les parlementaires avaient une vision audacieuse de cet organisme qu'ils voyaient non seulement comme un simple organisme de financement de toutes les facettes de la recherche au Canada, mais aussi comme un organisme qui aborderait de façon dynamique les perspectives émergentes en matière de santé, qui accélérerait la découverte et la mise en place de nouveaux traitements, encouragerait la discussion des principes d'éthique et qui mènerait à l'élaboration de lignes directrices pour guider les chercheurs en santé et leur recherche.

Au cours de la jeune histoire d'IRSC, nous avons instauré 13 instituts et désigné des directeurs scientifiques appuyés par des membres de conseils consultatifs d'institut de très grande envergure. De même, nous avons mis en oeuvre un certain nombre de groupes de travail destinés à guider le conseil d'administration dans les prises de décision sur de larges domaines tels l'éthique, les programmes de financement, l'examen par les pairs, les questions de protection des renseignements personnels et la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

[iv)

Je suis heureux de déposer le rapport du groupe de travail d'IRSC sur les cellules souches, dirigé par le Dl Janet Rossant et une remarquable équipe internationale d'experts dans les domaines de la recherche, de l'éthique et du droit.

Ce rapport constitue un document de discussion qui, je l'espère, suscitera des commentaires de la part des individus et des organismes. Une telle consultation débouchera sur un rapport final qui sera présenté au conseil d'administration d'IRSC pour implantation en tant que lignes directrices pour financer la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Je remercie les membres du groupe de travail de leur travail consciencieux, leurs recommandations et avis judicieux, et j'ai hâte d'entendre les points de vue des Canadiennes et des Canadiens sur ce domaine prometteur de la recherche en santé.

Avec mes considérations,

Le président,
Instituts de recherche en santé du Canada

Dr Alan Bernstein, FRSC

[1]

SOMMAIRE

Les cellules souches sont présentes chez les animaux en croissance et les animaux adultes et elles ont comme propriété unique de se reproduire elles-mêmes (autorenouvellement) ou de se différencier en une variété de cellules plus spécialisées. Les cellules souches provenant d'embryons humains à un stade précoce ou de tissus foetaux cadavériques (cellules souches embryonnaires ou ES [mis pour embryonic stem] et cellules germinales embryonnaires ou EG [mis pour embryonic germ] sont les plus versatiles (pluripotentes) et les plus aptes à se diviser. Les cellules souches pluripotentes humaines offrent un grand potentiel pour les recherches sur la reproduction et le développement humains ainsi que pour la conception et la mise à l'essai de médicaments. Cependant, l'impact majeur réside dans le fait qu'elles pourraient être amenées à se différencier en cellules ou tissus spécialisés pour le traitement d'une grande diversité de maladies et d'affections telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, le diabète, l'insuffisance rénale, les cardiopathies et les lésions de la moelle épinière. On a également réussi à obtenir des cellules souches présentant une capacité de différenciation et de croissance moindre, à partir d'un certain nombre de tissus adultes. Ces cellules peuvent également être utiles sur le plan thérapeutique et, même si elles sont pour l'instant moins versatiles que les cellules ES et EG, elles présentent l'avantage de minimiser les problèmes de rejet immunitaire si elles sont prélevées sur le patient même. De récentes études, démontrant que les cellules souches adultes pourraient présenter un potentiel plus grand que prévu, ont créé encore plus d'intérêt pour leurs usages thérapeutiques possibles. Il reste à réaliser beaucoup de recherches fondamentales sur les cellules souches avant d'envisager des applications cliniques.

Bien que l'avenir thérapeutique des cellules souches soit extrêmement prometteur, il subsiste de nombreux problèmes éthiques et juridiques épineux liés à l'utilisation de tissus embryonnaires et fœtaux humains à des fins de recherche. Au Canada, il n'existe pas de lignes directrices précises, à l'intention des chercheurs, des comités d'éthique pour la recherche (CER) et des organismes de financement, sur la façon dont les cellules souches pluripotentes humaines peuvent être obtenues et [2] utilisées. Il faudrait songer à en adopter dans les plus brefs délais pour permettre aux chercheurs canadiens de faire leur marque dans ce domaine. À l'automne 2000, IRSC a créé à cette fin le Groupe de travail spécial sur la recherche avec des cellules souches en vue de favoriser le débat sur des questions entourant ce type de recherche dans le contexte des politiques canadiennes et de la situation mondiale actuelles, et de permettre la formulation de recommandations quant à la façon d'appliquer les politiques actuelles aux recherches sur les cellules souches.

Ce document met en lumière les questions dont IRSC doit tenir compte dans l'élaboration de ses lignes directrices en matière de recherche sur les cellules souches et de sa politique de financement. Compte tenu de la nature de ce processus de consultation, nous n'avons pas inclus d'analyse approfondie des différentes questions de politique. Le Groupe de travail espère plutôt que ce document aidera à clarifier la réglementation en vigueur et servira de catalyseur pour de futures discussions en matière de politiques scientifiques.

Nous présentons les recommandations préliminaires suivantes en vue d'alimenter le débat, sachant que toutes lignes directrices éventuellement adoptées par IRSC seraient soumises à un examen et à une révision périodiques.

1. Les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines et d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente devraient pouvoir être financées par IRSC, sous réserve d'une évaluation éthique complète et de l'application des dispositions pertinentes de l'Énoncé de politique des trois Conseils' et des législations en vigueur.

2. Le prélèvement de cellules germinales humaines ou d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente sur des tissus fœtaux humains devrait pouvoir être financé par IRSC, sous réserve d'une évaluation éthique complète et de l'application des dispositions pertinentes de l’Énoncé de politique des trois Conseils2 et des législations en vigueur.

3. Les recherches visant le prélèvement de cellules souches embryonnaires humaines et d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente sur des embryons humains [3] subsistant après des traitements de l'infertilité devraient pouvoir être financées par IRSC, sous réserve d'une évaluation éthique complète et de l'application des dispositions pertinentes de l'Énoncé de politique des trois Conseils et des législations en vigueur. Il ne faudrait pas subventionner la création d'embryons humains par fécondation in vitro en vue d'obtenir des lignées de cellules souches.

4. Il faudrait imposer un moratoire sur le financement, par IRSC, des activités suivantes :

i) la création d'embryons par transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes, en vue d'obtenir des lignées de cellules souches ;

ii) les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes sont utilisées pour créer des embryons humains ou contribuer à la création d'embryons humains ;

iii) les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes humaines sont combinées à un embryon animal ;

iv) les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes animales sont combinées à un embryon humain.

5. Il faudrait créer un Comité d'évaluation national pour assurer une évaluation éthique de toutes les recherches à financement public ou privé sur les embryons, tissus foetaux ainsi que cellules souches embryonnaires (ES) et cellules germinales embryonnaires (EG) d'origine humaine. Une évaluation éthique complète devrait inclure une évaluation effectuée par le comité local d'éthique pour la recherche et une évaluation effectuée par l'organisme de surveillance national.

6. Il faudrait réviser l'Énoncé de politique des trois Conseils pour tenir compte des nouveaux domaines de la recherche sur les embryons, les tissus foetaux ainsi que les cellules ES et EG d'origine humaine.

7. IRSC devrait participer activement à toute discussion sur une réglementation fédérale visant la recherche sur les embryons, les tissus foetaux ainsi que les cellules ES et EG d'origine humaine.

[4]

CONTEXTE


Biologie des cellules souches

Les cellules souches ont une propriété unique qui les distingue de tous les autres types de cellules provenant de tissus de mammifères, soit la capacité de se diviser tout en préservant leur identité de cellules souches (« autorenouvel­lement »). De plus, en réaction à certains stimuli, elles peuvent se différencier pour former des cellules plus spécialisées.

Chez les mammifères, on trouve des cellules souches aux différents stades du développement dans une grande diversité de tissus ; elles représentent diverses populations ayant un grand éventail de caractéristiques biologiques. Les cellules les plus « potentes » sont présentes aux stades très précoces du développement, peu après la rencontre entre l'ovule et le spermatozoïde. Elles sont qualifiées de « totipotentes » (capables de former un nouveau fœtus et les membranes qui l'entourent) ou « pluripotentes » (capables de former de multiples tissus mais non un organisme complet). À l'autre extrémité du spectre, les cellules souches entrent dans la composition d'organismes adultes, où on les trouve dans des tissus tels que les nerfs, la peau et les muscles. Ces cellules d'organismes adultes semblent dotées d'un potentiel de différenciation beaucoup plus restreint que les cellules souches pluripotentes des stades précoces du développement. Toutefois, on a récemment découvert que des cellules souches adultes présentaient une plasticité étonnante - par exemple, les cellules souches de la moelle épinière peuvent engendrer non seulement des cellules sanguines, mais également des cellules musculaires ou hépatiques et des cellules du type neurone. Les cellules souches neurales peuvent engendrer des cellules sanguines et d'autres types de cellules.

Les scientifiques travaillent avec des cellules souches pluripotentes provenant d'embryons de souris depuis plus de 20 ans. Leurs études ont fourni énormément d'information sur le développement des mammifères et permis de mieux comprendre le rôle de gênes [5] particuliers grâce à la création de souris dans lesquelles ces gènes ont été altérés. Une percée scientifique majeure a été réalisée en 1998 lorsque des laboratoires des États-Unis ont réussi à obtenir des cellules souches apparemment pluripotentes à partir de tissus embryonnaires et foetaux humains. Cette réalisation a ouvert la voie à l'étude du développement humain et à l'identification des facteurs qui déterminent la spécialisation des cellules. Elle a également ouvert la voie à la mise au point de meilleures façons d'évaluer l'efficacité et l'innocuité des médicaments dans un modèle humain plutôt que dans un modèle animal. Mieux encore sans doute, elle a ouvert la voie à d'éventuelles thérapies cellulaires qui pourraient consister à cultiver des cellules souches in vitro et à les utiliser pour réparer des tissus qui ont dégénéré ou ont été détruits. Les cellules souches pluripotentes stimulées pour produire une myriade de types de cellules spécialisées pourraient, en théorie, être utilisées pour remplacer des tissus détruits par le diabète, les cardiopathies, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la dégénérescence rétinienne, la dystrophie musculaire, les lésions de la moelle épinière, etc., sans avoir à recourir à la transplantation d'organe. La cytothérapie ou thérapie cellulaire pourrait révolutionner le traitement d'une multitude de lésions et de maladies dégénératives.

Pour que cette promesse se réalise, nous devons acquérir une meilleure connaissance des signaux biologiques qui ordonnent la différenciation et trouver des méthodes permettant de cultiver de grandes quantités de cellules d'un type donné. Il faudra un certain temps pour y arriver et nous devrons utiliser une grande diversité de types de cellules souches, dont des cellules ES et EG pluripotentes, qui offrent le potentiel thérapeutique le plus prometteur en raison de leur capacité de proliférer à l'infini et de se différencier en n'importe quel tissu ou presque.

[6]

Questions relatives à l'obtention
et à l'utilisation de cellules souches pluripotentes


Pour se former une opinion sur l'acceptabilité des recherches comportant l'obtention et l'utilisation de cellules souches pluripotentes provenant de sources embryonnaires ou fœtales humaines, il est bon de tenir compte d'un certain nombre de facteurs d'ordre clinique (le potentiel thérapeutique), scientifique (l’avancement des connaissances et les technologies associées aux cellules souches), économique (les produits et les brevets issus de la biolotechnologie), politique (quelle sera la position du Canada par rapport aux autres pays ?), social (l'impact de la recherche et des technologies connexes sur la société, le rôle de la science et des chercheurs, les interventions du public) et éthique (les principes et les valeurs issus de croyances et concepts divergents quant à la nature humaine et à l'identité individuelle). Dans les recherches mettant en cause l'obtention et l'utilisation de cellules souches pluripotentes, ce sont les questions éthiques qui suscitent le plus de controverse.

Les questions éthiques

En principe, la recherche sur les cellules souches humaines est-elle éthiquement acceptable ?

Le problème éthique le plus épineux dans le contexte de la recherche sur les cellules souches semble être lié à l'obtention de cellules souches à Partir de cellules embryonnaires ou germinales. Ces cellules proviennent :

  • d'embryons créés par fécondation in vitro et dont on n'a plus besoin pour le traitement de l'infertilité ;

  • d'embryons créés à partir de gamètes, expressément à des fins de recherche ;

  • de tissus fœtaux prélevés après un avortement thérapeutique ;

  • d'embryons créés par le transfert de noyaux de cellules somatiques (transfert d'un noyau provenant d'une cellule somatique dans un ovule énucléé).

[7]

Toutes ces sources d'approvisionnement sont litigieuses, et les opinions de la population, résultant de divers préceptes éthiques, moraux et religieux, sont partagées. Par rapport à toute la question de l'utilisation d'embryons humains comme source de cellules souches, il y a ceux qui croient que l'embryon humain est un être à part entière dès l'instant de sa conception, jouissant d'un plein statut moral et d'un droit inaliénable à la vie. De ce point de vue, il est moralement inacceptable d'utiliser des embryons humains à des fins de recherche. D'autres considèrent qu'un embryon humain aux stades précoces de son développement n'est qu'une agglomération de cellules ayant un statut moral égal à celui de toutes les autres cellules de l'organisme. Une position mitoyenne reconnaît à l'embryon humain un statut moral particulier en raison de sa capacité de produire un être humain. De ce point de vue, l'embryon humain n'a pas le même statut moral qu'une personne et il ne jouit pas d'un droit absolu à la vie. Il a le droit d'être protégé, mais ce droit n'est pas absolu et il est possible d'y déroger, en invoquant par exemple la possibilité d'un bienfait majeur pour d'autres êtres humains et pour la société en général. Ce point de vue coïncide avec l'« approche proportionnelle » dont il est question dans l'Énoncé de politique des trois Conseils [1] : Éthique de la recherche avec des êtres humains et selon laquelle les interventions sont autorisées en fonction du stade de croissance de l'embryon. Cette approche constitue le fondement de la recommandation selon laquelle la recherche devrait être autorisée pendant une période maximale de 14 jours après la formation du zygote.

Si la recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines est, en principe, éthiquement acceptable, quand est-elle, en pratique, éthiquement acceptable ?

Si on admet les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, on doit absolument les mener de façon responsable et éthique, en étant imputable de ses actions. Il importe d'accorder une attention toute particulière à la source des embryons utilisés dans la recherche, aux conditions du choix éclairé (p. ex. la pleine divulgation, l'absence de coercition et d'exploitation), au respect de la vie privée et à la confidentialité, ainsi qu'aux intérêts mercantiles en jeu. Ces questions sont abordées de manière générale dans l'Énoncé [8] de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains.

Ce document a toutefois été rédigé avant que l'on ait réussi à obtenir les premières cellules souches embryonnaires humaines et il ne fournit pas de directives précises sur les recherches mettant en cause des cellules ES et EG humaines. Nous n'avons pas abordé ces questions dans le présent document. Nous souhaitons plutôt, avant de formuler des recommandations à l'intention d'IRSC, recueillir des commentaires des chercheurs et du public qui nous aideront à définir les questions qui se posent par rapport à la recherche sur les cellules souches ainsi qu'à formuler des réponses.

La situation réglementaire au Canada

Les chercheurs, les CER et les organismes de financement ne savent pas à l'heure actuelle si les recherches comportant l'obtention et l'utilisation de cellules ES et EG humaines sont admissibles à des subventions fédérales et, si oui, dans quelles conditions. Cette incertitude tient au fait que, même s'il existe de nombreux documents sur les techniques de reproduction et de génétique, aucune directive claire Wa été formulée au sujet de la recherche sur les cellules souches. Un survol des documents concernant la recherche sur des êtres humains aidera à illustrer ce point.

Des lignes directrices concernant la recherche sur des sujets humains ont initialement été publiées en 1978 par le Conseil de recherches médicales et elles ont été mises à jour en 1987 en réponse à l'émergence de problèmes éthiques. Le Conseil de recherches médicales exige depuis 1970 que des comités d'évaluation éthique soient créés pour les recherches portant sur des êtres humains et, depuis 1987, les différents établissements sont tenus de se doter de comités permanents connus sous le nom de comités d'éthique pour la recherche (CER). En 1989, le Conseil de recherches médicales et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada ont créé le Conseil national de la bioéthique en recherche chez les sujets humains (maintenant connu sous le nom de Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain ou CNERH), à la demande [9] du CRM et avec l'appui financier du CRM et de Santé Canada, en vue d'assurer un soutien aux CER (aujourd'hui, le CNERH est également parrainé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada). En 1994, notant que les distinctions entre les différentes disciplines de recherche s'estompaient, les trois conseils fédéraux chargés du financement de la recherche ont créé un groupe de travail qu'ils ont chargé d'élaborer un ensemble intégré de lignes directrices éthiques pour la recherche chez l'homme. Quatre ans plus tard, l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains a été rendu public. Cet énoncé de politique fournit des directives générales sur les types d'expériences qui peuvent être faites avec du matériel embryonnaire humain [2]. La recherche sur des embryons qui ne sont plus utiles à des fins de procréation peut être éthiquement acceptable à certaines conditions, et la recherche faisant appel à des tissus fœtaux ouvre droit à des subventions fédérales dans la mesure où l'on a obtenu un consentement libre et éclairé et où aucun don dirigé n'a été effectué. Cependant, la création d'embryons humains devant servir expressément à la recherche, l'ectogénèse (développement de l'embryon à l'extérieur de l'utérus), le clonage d'êtres humains par transfert de noyaux de cellules somatiques, la création d'hybrides animaux-humains et le transfert d'embryons entre des êtres humains et d'autres espèces sont inacceptables selon l'Énoncé de politique des trois Conseils.

En 1989, on a créé la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, en vue d'examiner les répercussions sociales, médicales, juridiques, éthiques et économiques des nouvelles techniques de reproduction et de génétique, ainsi que les conséquences pour la recherche. Dans son rapport de 1993, la Commission conclut que « l'utilisation des zygotes humains en recherche peut être considérée comme acceptable lorsque cette recherche vise à promouvoir la connaissance de la santé humaine et de la maladie et à élaborer des traitements », dans la mesure où des lignes directrices strictes sont appliquées. Les auteurs du rapport recommandaient de contrôler l'usage des techniques de reproduction en adoptant une loi fédérale, en mettant sur pied un système de réglementation des techniques [10] acceptables, et en assurant une surveillance et une prise en charge continues des nouvelles techniques au fur et à mesure de leur apparition.

La première mesure que le gouvernement fédéral a prise en vue de réglementer les techniques de reproduction et de génétique a été d'adopter, en 1995, un moratoire volontaire provisoire visant un certain nombre de techniques clairement identifiées comme étant contraires aux intérêts supérieurs de l'individu et de la société canadienne. Ce moratoire interdit les activités suivantes se rapportant aux embryons humains : la sélection du sexe à des fins non médicales, l'achat et la vente d'ovules, de sperme et d'embryons, l'altération génétique d'une lignée germinale, l'ectogénèse (le maintien d'un embryon dans un utérus artificiel), le clonage d'embryons humains, la création d'hybrides animaux-humains, le prélèvement de sperme ou d'ovules sur des cadavres ou des fœtus à des fins de fécondation et d'implantation ou à des fins de recherche comportant la maturation de spermatozoïdes ou d'ovules à l'extérieur du corps humain, ainsi que les accords de maternité de substitution.

L !étape suivante a consisté à déposer devant le Parlement, en 1996, le projet de loi C-47 (Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique) qui interdisait certaines pratiques. Se fondant sur les recommandations de la Commission royale et sur la consultation d'experts du domaine, Santé Canada a inclus ce qui suit dans la liste des pratiques interdites : l'utilisation de sperme, d'ovules ou d'embryons humains dans le cadre de techniques de procréation humaine assistée ou de recherches médicales sans le consentement éclairé des donneurs, la recherche sur des embryons humains au-delà des 14 jours suivant la conception, la création d'embryons destinés uniquement à la recherche, et le fait d'offrir de donner ou de payer des services interdits. Le projet de loi n'a pas été adopté en raison de l'annonce d'élections en 1997. On continue de débattre de l'approche législative qui pourrait être retenue pour réglementer les techniques de reproduction et de génétique, et l'on s'attend à ce que le Gouvernement du Canada mette en place un cadre législatif qui engloberait certaines activités interdites jugées inacceptables par les Canadiens, tout en permettant l'utilisation de techniques qui sont [11] Jugées acceptables, mais nécessitent une réglementation. Il serait possible de créer un organisme de réglementation qui serait chargé d'élaborer des normes relatives à l'utilisation de matériel de reproduction dans le cadre de la recherche et de la pratique clinique, de délivrer des licences et de contrôler la conformité, ainsi que de surveiller les nouvelles techniques qui voient le jour.

Santé Canada travaille à l'élaboration d'une politique dans le domaine général des techniques de reproduction depuis la fin des années 1980. Il a largement consulté les groupes représentant les intéressés, les provinces et les territoires (en raison du recoupement des compétences sur certains aspects des soins de santé) ainsi que les chercheurs et les experts du domaine médico-légal. Dans le cadre de ce processus d'élaboration d'une politique, bien des questions éthiques et certaines techniques liées à la recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines ont été l'objet de discussions. Cependant, les documents publiés ont tous paru avant l'obtention, en 1998, de lignées de cellules souches humaines, et il reste à examiner à fond l'application que ceux-ci peuvent avoir dans le contexte de la recherche sur les cellules souches humaines.

À l'heure actuelle, il n'existe aucune directive précise à l'intention des chercheurs, des comités d'éthique pour la recherche et des organismes de financement en ce qui a trait à la façon dont les cellules souches pluripotentes peuvent être obtenues et utilisées. Les seules balises qui existent sont l’Énoncé de politique des trois Conseils, le moratoire de 1995, un document publié par Santé Canada en 1996 et intitulé Les nouvelles techniques de reproduction et de génétique : fixer des limites et protéger la santé, ainsi que le projet de loi C-47, qui n'a jamais été adopté. Aucun de ces documents ne traite expressément des questions relatives aux cellules souches pluripotentes humaines. Il faudrait donc établir dans les plus brefs délais des lignes directrices claires concernant la recherche sur les cellules souches, en prévoyant des mécanismes qui permettent de s'adapter à l'évolution rapide de la recherche et aux fluctuations de l'opinion publique, et d'assurer une surveillance éthique et scientifique compétente et efficace. Ainsi, les chercheurs canadiens spécialistes des cellules souches pourraient demeurer à l'avant-garde de leur discipline, tout en menant leurs recherches conformément à des normes éthiques reconnues.

[12]

La situation réglementaire dans le monde

La somme de travail accomplie jusqu'à maintenant dans le monde en vue d'établir un cadre éthique qui régirait la recherche sur les cellules souches est considérable. Des groupes d'experts ont étudié les questions en jeu, mené de vastes consultations et produit des législations, des cadres réglementaires et des lignes directrices dans des pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Japon.

États-Unis

Aux États-Unis, le National Bioethics Advisory Committee (NBAC) a publié un rapport en septembre 1999 (Ethical Issues in Human Stem Cell Researck). Voici les principales recommandations de ce rapport :

i. Les recherches comportant l'obtention et l'utilisation de cellules ES humaines provenant d'embryons déclarés surnuméraires après des traitements de l'infertilité devraient être admissibles à des subventions fédérales. Le NBAC est conscient du conflit qui existe entre cette recommandation et l'interdiction imposée par le Congrès en 1995 dans le projet de loi affectant des crédits au Department of Health and Human Services, dont les NIH font partie. L’interdiction empêche l'attribution de fonds fédéraux à des recherches entraînant la destruction d'embryons humains. Toutefois, le NBAC a estimé qu'elle venait en conflit avec les objectifs éthiques de la médecine, soit guérir, prévenir et mener des recherches, et qu'il importait de ne pas limiter scientifiquement les chercheurs titulaires de subventions fédérales en les obligeant à se servir de cellules ES obtenues avec des fonds privés.

ii. Les organismes fédéraux ne devraient pas financer de recherches reposant sur l'obtention ou l'utilisation de cellules ES humaines issues d'embryons créés expressément pour la recherche, soit par fécondation in vitro ou par transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes énucléés.

Après avoir pris en considération le rapport du NBAC et procédé à d'importantes consultations publiques, les National Institutes of Health (NIH) ont, en août 2000, émis des lignes directrices concernant le financement de travaux faisant appel à des cellules souches pluri-potentes [13] humaines. Si elles sont instaurées, ces lignes directrices permettront aux scientifiques touchant des subventions des NIH d'utiliser des cellules souches embryonnaires ou foetales déjà recueillies, après un examen éthique attentif, et elles mèneront à la création d'un organisme de surveillance national. L’utilisation de fonds des NIH pour des recherches sur les embryons humains (dont ceux obtenus par transfert de noyau) serait toutefois interdite. Ainsi, il ne serait pas permis de se servir de subventions des NIH pour obtenir de nouvelles lignées de cellules souches à partir d'embryons de stade précoce ; il faudrait obtenir ces lignées auprès de chercheurs bénéficiant d'un financement privé, lesquels seraient tenus de s'assurer que les lignées ont été obtenues conformément à des conditions strictes reliées au consentement éclairé.

Royaume-Uni Au Royaume-Uni, la Human Fertilisation and Embryology Authority réglemente les techniques de reproduction et de génétique depuis 1990. Elle a le pouvoir de réglementer et d'autoriser, par voie de licences, la recherche et la pratique clinique, d'élaborer des normes de pratique nationales et de surveiller la conformité par l'application de la Human Fertilisation and Embryology Act (HFE Act), qui définit le cadre juridique de la recherche sur les embryons. Aux termes de cette loi, il faut obtenir une licence pour créer des embryons in vitro ou effectuer des recherches sur les embryons. Initialement, on autorisait uniquement les recherches visant les objectifs suivants :

i. promouvoir les progrès dans le traitement de l'infertilité ;
ii. développer la connaissance des causes des maladies congénitales ;
iii. développer la connaissance des causes de l'avortement spontané ;
iv. mettre au point des techniques de contraception plus efficaces ;

v. mettre au point des méthodes permettant de détecter la présence d'anomalies géniques ou chromosomiques dans les embryons avant leur implantation.

En juin 1999, le gouvernement britannique a créé un groupe d'experts présidé par le médecin hygiéniste en chef, en réponse au rapport publié en décembre 1998 par la Human Fertilisation and Embryology [14] Authority et la Human Genetics Advisory Commission. Son r6le consistait à évaluer si la liste des objectifs admis pour la recherche sur les embryons humains pouvait être élargie de manière à inclure la recherche sur les cellules souches. Après avoir recueilli les commentaires du Nuffield Council on Bioethics et de la Royal Society sur les aspects éthiques, scientifiques et éventuellement thérapeutiques de la recherche sur les cellules souches, le groupe a présenté en avril 2000 un certain nombre de recommandations, toutes assujetties à l'application de la HFE Act. Il a notamment recommandé d'autoriser la recherche faisant appel à des embryons (créés soit par fécondation in vitro ou par transfert de noyau), afin de permettre le développement des connaissances sur les maladies et troubles humains et les façons de les traiter au niveau des cellules.

Le gouvernement a accepté les recommandations du groupe d'experts et soumis à un débat et à un vote libre, devant les deux chambres du Parlement, des modifications ajoutant de nouveaux objectifs à la liste de ceux qui étaient admis pour l'octroi de licences de recherche, soit

i. développer la connaissance de la création et de la croissance des embryons ;
ii. développer la connaissance des maladies ;
iii. permettre d'appliquer ces connaissances à la mise au point de traitements pour les maladies.

Les modifications à la HFE Act ont été adoptées par la Chambre des communes le 18 décembre 2000 et par la Chambre des lords le 22 janvier 2001, et elles sont entrées en vigueur le 31 janvier 2001. La HFE Act, qui permet d'octroyer des licences pour des recherches comportant la création d'embryons humains à des fins précises, autorise désormais la création d'embryons devant servir à fournir des cellules souches. Cette loi n'interdit pas la création d'embryons par transfert de noyaux de cellules somatiques. Dans son rapport, le groupe d'experts du médecin hygiéniste en chef a recommandé que la Human Fertilisation and Embryology Authority s'assure, au moment d'examiner les demandes de licences autorisant le transfert nucléaire, que les recherches ne pourraient être effectuées autrement.

[15]

Ailleurs dans le monde, les lignes directrices et les législations accordent moins de latitude en ce qui a trait à l'obtention de cellules souches pluripotentes à partir d'embryons humains et aux recherches portant sur ces cellules.

Continent européen

Aux Pays-Bas, le gouvernement a déposé devant la chambre basse du parlement, en septembre 2000, un projet de loi sur les recherches faisant appel à des embryons humains, à la suite de recommandations formulées par son conseil de la santé. En vertu de ce projet de loi, les embryons non requis pour un traitement de l'infertilite pourraient être utilisés dans le cadre de recherches scientifiques, notamment pour la culture de cellules embryonnaires à des fins médicales, éducatives ou de recherche. Les recherches doivent être approuvées par le comité central de la recherche sur les sujets humains, elles doivent être raisonnablement susceptibles de fournir de nouvelles informations dans le domaine de la science médicale et elles doivent expressément nécessiter l'utilisation d'embryons plutôt que d'autres approches moins invasives. En dépit des recommandations du conseil de la santé, cette législation ne permettrait pas les recherches utilisant des embryons créés expressément à cette fin. Il est cependant proposé que la question soit réexaminée dans 3 à 5 ans, auquel moment l'interdiction pourrait être levée dans certains cas, si l'opinion publique y était favorable. On songe notamment au cas des recherches raisonnablement susceptibles de fournir de nouvelles informations dans les domaines de l'infertilité, des techniques de reproduction artificielle, des maladies congénitales ou de la médecine des transplantations, mais impossibles à mener sans la création expresse d'embryons.

En France, une loi adoptée en 1994 interdit toute expérimentation sur des embryons. Cependant, depuis cette date, plusieurs rapports officiels proposant une révision de la loi ont été publiés. Un rapport produit par le Parlement français en 1998 établit une distinction entre les embryons destinés à la procréation et les embryons qui ne seront jamais implantés. On y propose de permettre les expériences sur cette deuxième catégorie d'embryons jusqu'au 14e jour du développement, lorsque le but visé est d'améliorer les techniques de fécondation [16] in vitro (FIV) ou de cultiver des cellules souches nécessaires à la mise au point de traitements. Comme il demeure illégal de créer des embryons expressément à des fins de recherche, ces types d'expérimentations et de prélèvements ne pourraient être faits que sur des embryons surnuméraires existants. Le rapport que le Conseil d'État a produit en 1999 à la demande du gouvernement propose d'autoriser la recherche sur des embryons in vitro, suivant des règles strictes, à la lumière des perspectives thérapeutiques que de récentes découvertes ont laissé entrevoir pour les cellules souches. Tout dernièrement, le gouvernement français a proposé des modifications à sa loi de 1994 sur la bioéthique qui autoriseraient les recherches sur les embryons humains et faciliterait la mise au point de nouvelles thérapies à partir de travaux réalisés sur les cellules souches embryonnaires. Les chercheurs pourraient prélever des cellules souches sur des embryons laissés en trop par les interventions de fécondation in vitro. On autoriserait le recours à la technique du transfert de noyaux pour la mise au point d'applications thérapeutiques à partir de cellules souches embryonnaires.

En Autriche et en Allemagne, les législations sont plus restrictives. En Autriche, les dons d'ovules et d'embryons sont interdits ; les cellules peuvent être examinées et traitées uniquement dans la mesure où ces interventions sont requises pour provoquer une grossesse ; de plus, le nombre limité d'ovules fécondés in vitro fait en sorte qu'il n'y a pas d'embryons surnuméraires. En Allemagne, la réglementation protégeant les embryons est l'une des plus strictes au monde, interdisant toute recherche susceptible de porter atteinte aux embryons, la production d'embryons à toute fin autre que de provoquer une grossesse ainsi que le prélèvement de cellules totipotentes sur des embryons à des fins de recherche ou de diagnostic. Toutefois, on peut y importer, à des fins de recherche, des lignées de cellules souches embryonnaires humaines produites dans d'autres pays.

En Scandinavie, les lois sont plus souples. Le Danemark autorise la recherche sur les embryons, si l'objectif visé est d'améliorer les techniques de FIV. La Finlande permet aux organismes autorisés d'effectuer sur des embryons d'au plus 14 jours des recherches médicales visant une large gamme d'objectifs, mais elle interdit la production [17] d'embryons à des fins de recherche. En Suède, la recherche doit avoir pour objectif d'améliorer les traitements de l'infertilité, et les expériences visant la mise au point de méthodes de transformation génétique de l'embryon sont interdites. La création d'embryons à des fins de recherche n'est pas explicitement interdite. Le gouvernement révise actuellement ses lignes directrices concernant la recherche sur les cellules souches et le clonage.

La Belgique, la Grèce, l'Italie et le Luxembourg ne sont dotés d'aucune législation concernant la recherche sur les embryons humains. Cependant, en Belgique, les conditions d'exploitation des centres de FIV sont déterminées par un décret royal de 1999, et le gouvernement a préparé un projet de réglementation de la recherche sur les embryons qui sera étudié par le Parlement belge d'ici un an ou deux. En Italie, on a élaboré un projet de loi interdisant la production d'embryons à des fins de recherche, ainsi que toutes les recherches non thérapeutiques sur les embryons. Cependant, un récent reportage de l'agence Reuters révèle que le ministre de la Santé italien a donne son appui au rapport d'un groupe d'experts scientifiques qui favorise le clonage d'embryons humains pouvant fournir des cellules souches à des fins thérapeutiques. Toute recherche sur les embryons humains est interdite en Norvège et en Irlande.

Le Conseil de l'Europe, composé de 41 États dont les 15 États membres de l'Union européenne, a adopté la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine à Oviedo en Espagne, en 1997. Les pays qui ont ratifié cette convention sont liés par ses dispositions, sauf s'ils sont dotés d'une législation comprenant des dispositions incompatibles, auquel cas ils peuvent ajouter une réserve leur donnant le droit de ne pas appliquer certaines dispositions. Cette convention comporte des dispositions garantissant « une protection adéquate de l'embryon » dans les Etats qui permettent la recherche sur les embryons et interdisant « la constitution d'embryons humains aux fins de recherche ». Elle n'a été ratifiée que par quelques pays, dont le Danemark, la Grèce et l'Espagne.

[18]

Pays du Pacifique

En Australie, le National Health and Medical Research Council (NHMRC) a publié les Ethical Guidelines on Assisted Reproductive Technology en 1996. Ces lignes directrices autorisent :

a) les recherches non thérapeutiques qui ne portent pas atteinte à l'embryon ;

b) les recherches sur les embryons humains qui entraînent la destruction de ceux-ci, uniquement dans des circonstances exceptionnelles et avec l'approbation d'un comité d'éthique interne. Les circonstances sont exceptionnelles s'il existe une probabilité de développement important des connaissances ou d'amélioration sensible des techniques thérapeutiques.

Les lignes directrices interdisent tout transfert de noyaux de cellules somatiques destiné à produire des embryons humains ; toutefois, le Health Ethics Committee du NHMRC de l'Australie recommande un débat public sur la distinction à faire entre le clonage de personnes entières et la copie de parties de cellules et de tissus humains. La législation est du ressort des États, et les ministres de la santé de l'Australie ont reconnu en juillet 2000 qu'il importe d'adopter une approche législative nationale cohérente face à la question de la recherche sur les embryons.

Le parlement japonais a adopté une loi réglementant le clonage humain, le 30 novembre 2000. Cette loi autoriserait la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais elle interdirait le clonage de personnes. Le sous-comité de la recherche sur les embryons humains rattaché au comité d'éthique du conseil des sciences et de la technologie a préparé un projet de lignes directrices concernant la recherche sur les cellules ES. Cette ébauche a été versée sur Internet (en japonais seulement) et il en sera tenu compte dans la préparation d'un rapport final, qui devrait être publié au printemps prochain. Toutes les recherches devront se conformer à ces lignes directrices.

[19]

Enjeux de la recherche
sur les cellules souches pluripotentes


Le Groupe de travail a accordé une attention particulière à cinq grands enjeux scientifiques de la recherche sur les cellules souches et il a formulé les recommandations préliminaires suivantes. L'analyse reposait sur ce que le Groupe de travail connaît à l'heure actuelle du potentiel de la recherche sur les cellules souches dans les domaines des sciences et des soins de santé, sur les enjeux juridiques et éthiques et, en toile de fond, sur les pratiques et politiques nationales ainsi que les comparaisons internationales. Les sujets d'analyse figurant dans les sections a) à e) ci-dessous s'inscrivent dans le contexte de la recommandation suivante :

Recommandation visant une révision constante

Vu les percées qui se réalisent dans le domaine de la recherche sur les cellules souches, la modification du contexte législatif et réglementaire au Canada et ailleurs dans le monde, et l'évolution de l'opinion publique sous l'effet des progrès scientifiques et cliniques, il ne faudrait pas se contenter de lignes directrices statiques. IRSC devrait suivre constamment toute la question de la recherche sur les cellules souches en vue d'être en mesure de répondre aux besoins futurs et de s'adapter aux découvertes issues de recherches sur les animaux, d'élargir ou de restreindre la portée des recherches autorisées, s'il y a lieu, et de récrire les lignes directrices lorsqu'elles deviennent périmées.

a) IRSC devrait-il financer des recherches utilisant des lignées existantes de cellules souches embryonnaires humaines ?

ANALYSE

Le Canada compte un grand nombre d'excellents chercheurs spécialistes des cellules souches qui pourraient, de par leur expertise, contribuer à l'exploration de la valeur thérapeutique possible des lignées de cellules souches pluripotentes humaines. Les lignées de [20] cellules souches pluripotentes actuellement disponibles sont peu nombreuses et elles ont jusqu'ici été utilisées essentiellement dans des recherches financées par le secteur privé. Si ces lignées cellulaires étaient mises à la disposition des chercheurs canadiens, elles ne s'accompagneraient d'aucune information permettant d'identifier les donneurs, de telle sorte qu'il n'y a pas à craindre de problèmes d'atteinte à la vie privée et à la confidentialité. Bien qu'il puisse subsister quelques doutes quant à la nature du consentement éclairé des donneurs de gamètes initiaux, l'utilisation de ces lignées cellulaires ne semble pas exclue.

De façon générale, les travaux faisant appel à des lignées cellulaires humaines immortalisées déjà établies ne sont pas assujettis à une évaluation éthique au Canada, à moins que les expérimentations elles-mêmes ne soulèvent des questions éthiques additionnelles qui pourraient déclencher une évaluation officielle d'un CER. Toutefois, compte tenu des scrupules que l'on se fait au sujet des cellules ES humaines et des préoccupations entourant le consentement éclairé initial au prélèvement de ces cellules, si les recherches sur ces lignées étaient autorisées, il faudrait alors soumettre tous les protocoles de recherche à une évaluation éthique complète. Il conviendrait d'inclure dans une telle évaluation un examen attentif des conditions du consentement éclairé ayant présidé à l'obtention de la lignée cellulaire, pour faire en sorte que ces conditions soient conformes aux lignes directrices canadiennes énoncées dans les chapitres pertinents de l'Énoncé de politique des trois Conseils (chapitres 2, 3, 9 et 10).

Recommandation

Les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines et d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente ne sont pas actuellement l'objet d'exclusion de financement de la part d'IRSC. Il est recommandé que ces recherches puissent être financées par IRSC, mais que tous les projets de recherche soient assujettis à une évaluation éthique complète qui accorde une attention particulière aux questions du consentement, de la vie privée [21] et de la confidentialité. Il conviendrait de noter tout particulièrement les chapitres pertinents de l’Énoncé de politique des trois Conseils (chapitres 2, 3, 9 et 10) et les articles de toute législation applicable.


b) IRSC devrait-il financer des recherches visant à obtenir de nouvelles cellules germinales embryonnaires et d'autres lignées cellulaires de nature plutipotente à partir de matériel fœtal ?

ANALYSE

Les recherches sur les lignées de cellules souches pluripotentes humaines existantes ne seront pas suffisantes pour permettre de comprendre et d'explorer à fond le potentiel de telles lignées. Il importera de découvrir les modes de variation des lignées cellulaires, le degré de stabilité du phénotype pluripotent et le degré de sensibilité des lignées cellulaires aux différences dans les conditions d'obtention et de conservation. Les cellules EG qui sont apparemment pluripotentes ont été obtenues à partir de matériel gonadique foetal, mais par un seul laboratoire. De plus, les cellules souches fœtales provenant d'autres tissus, notamment du système nerveux et du système hématopoïétique, peuvent avoir une pluripotentialité et une capacité de prolifération plus grandes que les cellules souches adultes et elles devraient être étudiées plus à fond. À l'heure actuelle, IRSC finance un certain nombre de projets de recherche au Canada sur divers aspects du développement foetal, dans le cadre desquels on utilise du matériel fœtal humain prélevé après une interruption volontaire de grossesse. Il faut reconnaître qu'il subsiste des incertitudes éthiques, sociales et juridiques (par exemple, en ce qui concerne le statut moral et juridique des tissus foetaux et la façon d'obtenir le consentement éclairé). Ces questions et d'autres également justifient un suivi permanent. Dans l'intervalle, toutefois, les lignes directrices et règlements en vigueur permettraient - et le potentiel envisagé dans le domaine scientifique et le domaine des soins de santé justifieraient - l'obtention de lignées cellulaires pluripotentes à partir de tissus fœtaux.

[22]

L’Énoncé de politique des trois Conseils comporte des dispositions se rapportant à la recherche sur les tissus fœtaux [3], mais celles-ci ont été rédigées avant la réalisation de bon nombre des récentes découvertes sur les cellules souches. Les projets de recherche faisant appel à des tissus fœtaux sont admissibles à un financement dans la mesure où ils se conforment aux normes scientifiques et éthiques applicables, notamment en ce qui concerne l'obtention d'un consentement libre et éclairé, sans intervention susceptible de compromettre la décision d'une femme de poursuivre ou non sa grossesse, et dans la mesure où les dons ne sont pas dirigés.

Recommandation

Les recherches visant à obtenir et à étudier des cellules germinales humaines et d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente à partir de tissus fœtaux humains à des fins thérapeutiques futures devraient être admissibles à un financement de la part d'IRSC. Il est recommandé que tous les projets de recherche du genre soient assujettis à une évaluation éthique complète qui tienne particulièrement compte des questions du consentement ainsi que de la vie privée et de la confidentialité. Il conviendrait de noter tout particulièrement les chapitres pertinents de l'Énoncé de politique des trois Conseils (surtout la section 9D) et les articles de toute législation applicable.


c) IRSC devrait-il être disposé à financer des recherches visant à obtenir de nouvelles cellules souches embryonnaires et d'autres lignées cellulaires de nature pluripotente à partir de blastocystes humains ?

ANALYSE

Des recherches effectuées sur des rongeurs laissent supposer que les cellules souches embryonnaires prélevées sur des blastocystes plutôt que sur des gonades fœtales pourraient être une source de lignées cellulaires pluripotentes préférable, en raison de leur potentiel et de l'absence d'éventuels problèmes liés aux empreintes. Il existe des embryons surnuméraires produits par FIV qui ne serviront pas à des [23] fins de procréation et pourraient être utilisés pour la recherche. À l'heure actuelle, ils sont conservés à l'état congelé, éliminés ou utilisés pour des recherches dans des domaines autres que celui des cellules souches. Tout en reconnaissant qu'aux yeux d'une partie de la population, ces embryons doivent être considérés comme des personnes potentielles et être protégés contre toute atteinte, le Groupe de travail était d'avis que bien des couples seraient favorables à ce que leurs embryons surnuméraires soient utilisés pour le prélèvement de cellules souches, compte tenu des bienfaits thérapeutiques envisageables. Il est clair que les questions du consentement éclairé sont d'une importance primordiale et qu'il faut éviter de contraindre des personnes à donner des embryons à ces fins. Seuls les embryons qui ne sont plus requis à des fins de procréation devraient être utilisés. Compte tenu des préoccupations pratiques et éthiques majeures qui entourent la création d'embryons devant servir uniquement à des fins de recherche, mieux vaut s'abstenir de féconder des ovules in vitro dans le seul but de fournir des embryons pour la recherche sur les cellules souches, ce qui irait à l'encontre du moratoire de 1995.

Recommandation

Les recherches visant le prélèvement de cellules souches embryonnaires humaines et d'autres cellules ou lignées cellulaires humaines de nature pluripotente sur des embryons humains subsistant après des traitements de l'infertilité devraient être admissibles à un financement de la part d'IRSC. Il est recommandé que tous les projets de recherche du genre soient assujettis à une évaluation éthique complète qui tienne particulièrement compte des questions du consentement ainsi que de la vie privée et de la confidentialité. Il conviendrait de noter tout particulièrement les chapitres pertinents de l'Énoncé de politique des trois Conseils (surtout le chapitre 9) ainsi que les articles de toute législation applicable. Pour l'instant, aucun argument convaincant n'a été avancé en faveur de la création d'embryons humains par fécondation in vitro en vue du prélèvement de telles lignées de cellules souches.


d) IRSC devrait-il financer les recherches mettant en cause le transfert de noyaux de cellules somatiques ?

ANALYSE

L'un des problèmes pratiques associés à l'éventuelle utilisation de cellules souches pour des traitements de remplacement dans le cas de maladies dégénératives est celui du rejet des cellules « étrangères » par le système immunitaire. Idéalement, les gènes des cellules souches devraient être identiques à ceux du receveur, pour prévenir tout rejet. Une façon de le garantir serait de prendre le noyau d'une cellule du receveur, de le transférer dans un ovocyte donné énucléé et de permettre au noyau ainsi introduit d'ordonner le développement de l'ovule. Il s'agit de la technique de transfert de noyaux de cellules somatiques ou technique de clonage. Le prélèvement de cellules ES sur des blastocystes créés par transfert nucléaire devrait en théorie permettre la production de cellules génétiquement identiques à celles du receveur, à des fins thérapeutiques. Les embryons obtenus par transfert de noyaux de cellules somatiques pourraient également être implantés dans l'utérus dans le but de produire un enfant génétiquement identique au donneur du noyau. Cette technique a été appliquée avec succès chez un certain nombre d'espèces animales, mais elle est presque universellement condamnée chez l'homme.

Il y a énormément de questions à considérer sur le plan de la technique et de la sécurité dans le développement et l'application thérapeutique de la technique du transfert nucléaire chez l'homme. Le transfert de noyaux de cellules somatiques est très peu efficient, même chez les mammifères non humains, et il n'est pas certain que les embryons et les lignées cellulaires obtenus de cette manière puissent se développer normalement. Pour l'heure, il demeure préférable d'examiner chez des espèces non humaines la façon dont le transfert nucléaire reprogramme l'ADN nucléaire et la façon dont cette information pourrait être appliquée dans la recherche sur les cellules souches. En outre, il faudra explorer bon nombre de questions fondamentales liées au potentiel thérapeutique des cellules ES humaines avant de songer à quelque application directe de la [25] technique du transfert nucléaire. L'imposition à ce stade-ci d'un moratoire sur le financement par IRSC de recherches sur le transfert de noyaux de cellules somatiques chez l'homme serait conforme aux politiques envisagées par la plupart des autres pays - sauf le Royaume-Uni, les Pays-Bas et peut-être la France à l'heure qu'il est (voir ci-haut) - qui ont laissé la porte ouverte à ce type de recherche dans les cas où il n'existe aucune alternative raisonnable.

Recommandation

Il faudrait imposer un moratoire sur le financement, par IRSC, de recherches mettant en cause le transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes humains en vue de développer des lignées de cellules souches. L'interdiction applicable aux recherches mettant en cause le transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes humains en vue de créer des êtres humains complets, telle qu'énoncée dans le moratoire de 1995, devrait demeurer en vigueur.


e) Quelles conditions faudrait-il appliquer aux expérimentations sur des lignées cellulaires de nature pluripotente prélevées ?

ANALYSE

Même s'il convient d'appuyer l'étude du développement, de la différenciation et des applications thérapeutiques des cellules souches pluripotentes humaines, certains types d'expériences dans le cadre desquels des lignées cellulaires gardées en culture sont réintroduites dans un environnement embryonnaire en vue de créer des embryons à composantes génétiquement différentes (mosaïques de cellules provenant de l'embryon hôte et de la lignée cellulaire du donneur) causent des problèmes éthiques. On propose d'imposer un moratoire sur le financement, par IRSC, des types suivants d'expériences ; nous reconnaissons toutefois qu'il faut pousser plus loin les discussions et les définitions se rapportant à ce sujet.

[26]

Recommandation

Il faudrait imposer un moratoire sur le financement, par IRSC, des activités suivantes :

  • les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes humaines sont utilisées pour créer ou contribuer à créer des embryons humains ;
  • les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes humaines sont combinées à un embryon animal ;
  • les recherches dans le cadre desquelles des cellules souches pluripotentes animales sont combinées à un embryon humain.


ANALYSE DU PROCESSUS D'ÉVALUATION ÉTHIQUE

À l'heure actuelle, l'évaluation éthique du genre de recherche dont on parle ici se ferait au niveau des comités locaux d'éthique pour la recherche (CER locaux), par le biais du processus usuel d'approbation et de rapports fondé sur les lignes directrices de l'Énoncé de politique des trois Conseils. Cependant, on pourrait affronter certains problèmes dans le domaine particulièrement délicat de la recherche sur les cellules ES et EG humaines. Premièrement, l'Énoncé de politique des trois Conseils ne traite pas expressément de questions concernant la recherche sur les cellules ES et EG. Deuxièmement, la qualité des évaluations locales ne pourrait être uniforme dans tout le pays, et il y aurait assurément des différences au niveau de la capacité et de l'expertise des différents centres. Troisièmement, on ne saurait assurer la reddition de comptes au public et la protection des scientifiques.

Les CER locaux ont besoin de directives dans l'immédiat pour répondre aux demandes de financement se rapportant à des projets de recherche sur les cellules souches, et le comité d'évaluation national qui est proposé (voir ci-après) aura également besoin de normes nationales. Notre rapport final suggérera des façons de traiter des [27] questions relatives au consentement, à la divulgation, à la vie privée et à la confidentialité, ainsi qu'au remboursement des frais, mais ces questions nécessitent de toute urgence un débat plus approfondi, non seulement en ce qui concerne la recherche sur les cellules souches, mais aussi en ce qui concerne d'autres nouvelles sphères de recherche. Nous sommes d'avis qu'IRSC devrait engager immédiatement un tel débat.

Pour éviter les disparités régionales et bien rendre compte à la population canadienne, il faudrait instituer au palier national un processus d'évaluation et de surveillance qui viendrait compléter l'évaluation éthique effectuée par les CER locaux. L’organisme de surveillance défendrait la position nationale dans ce processus d'évaluation éthique des recherches mettant en cause des embryons et cellules souches humains, alors que les comités d'évaluation locaux veilleraient à ce que les projets de recherche respectent les valeurs communautaires. L'organisme de surveillance devrait avoir accès à tous les types requis d'expertise, ne pas être compromis par des conflits d'intérêts, être intègre et être en mesure de rendre des comptes à la population canadienne. Au départ, cet organisme pourrait être rattaché à IRSC, mais à plus long terme, il faudrait confier cette tâche à un organisme autonome. En maintenant la transparence du processus de création de cet organisme, on assurerait sa crédibilité. Le Groupe de travail souhaite que cette évaluation éthique puisse s'appliquer non seulement aux recherches financées par le gouvernement fédéral, mais également aux recherches effectuées avec des fonds privés (bien qu'il soit conscient du fait que le cadre réglementaire actuel limite la compétence d'IRSC dans ce contexte). Les chercheurs titulaires de subventions du secteur privé devraient être encourages à soumettre leurs protocoles de recherche à l'approbation de l'organisme de surveillance national. Cette approbation pourrait devenir la norme acceptée pour toutes les recherches faisant appel à des embryons.

[27]

Il convient de noter que, selon les Lignes directrices pour la recherche sur la thérapie génique somatique chez les humains publiées en 1990 par le Conseil de recherches médicales, il pourrait être difficile d'obtenir au palier local de bonnes évaluations de questions scientifiques et éthiques complexes. Ce rapport propose également un processus d'évaluation à deux paliers dans le cadre duquel un comité d'évaluation national assurerait une expertise scientifique et éthique et garantirait l'uniformité des évaluations dans tout le pays.

Un certain nombre de pays se sont déjà dotés ou entendent se doter d'un comité d'évaluation national des techniques de reproduction en général. Au Royaume-Uni, les recherches peuvent se faire uniquement sous le régime de la Human Fertilisation and Embryology Act, avec l'octroi d'une licence par la Human Fertilisation and Embryology Authority. Cet organisme doit être convaincu que le projet de recherche est à la fois nécessaire et souhaitable. Dans son rapport d'août 2000, le médecin hygiéniste en chef recommandait que l'on fasse en outre assurer un suivi continu des projets de recherche par un organisme approprié qui déterminerait si les résultats escomptés sont effectivement obtenus et relèverait les problèmes imprévus. Le projet de loi sur les embryons déposé devant le parlement des Pays-Bas imposerait l'approbation des projets de recherche par le comité central de la recherche sur les sujets humains, créé en décembre 1999. Les lignes directrices proposées par les NIH aux États-Unis créeraient un Human Pluripotent Stem Cell Review Group (HPSCRG) qui serait chargé de déterminer si les projets faisant appel à l'utilisation de cellules souches pluripotentes humaines sont conformes aux lignes directrices.

Les CER locaux et l'organisme de surveillance national auront besoin de directives sur les méthodes à suivre pour fournir le matériel source nécessaire aux recherches sur les cellules ES et EG pluripotentes. Ces directives pourraient être intégrées dans une version révisée de l'Énoncé des trois Conseils, rédigée de manière à tenir compte des récentes découvertes dans le domaine des cellules souches et d'autres domaines émergents de la biologie humaine. Bien que le Groupe de travail ait pour mandat de conseiller IRSC, il conviendrait d'adopter une politique commune aux trois organismes fédéraux de financement.

[29]

Santé Canada entend élaborer un cadre de réglementation sur les techniques de procréation assistée qui englobera la réglementation de la recherche sur les cellules souches. Les méthodes d'approvisionnement en matériel source et les types d'expériences autorisés seront assujettis à la réglementation et peut-être à l'octroi de licences. Le Groupe de travail est d'avis qu'IRSC, en tant qu'organisme de financement ayant le plus d'expertise en matière de recherche sur les embryons, les tissus foetaux et les cellules souches pluripotentes, devrait participer activement aux discussions concernant l'établissement d'une réglementation fédérale.

Recommandations

  • Il faudrait créer un Comité d'évaluation national pour assurer en plus des évaluations des CER locaux, une évaluation éthique de toutes les recherches sur les embryons, les tissus fœtaux et les cellules ES et EG humains financées par les secteurs public et privé. Les évaluations éthiques complètes devraient comporter une évaluation des CER locaux et une évaluation du comité d'évaluation national.

  • Il faudrait réviser l'Énoncé de politique des trois Conseils, et en particulier les chapitres 9 et 10, pour tenir compte des nouveaux domaines de la recherche sur les embryons, les cellules ES et EG et les tissus foetaux d'origine humaine.

  • IRSC devrait participer activement à toute discussion sur une réglementation fédérale qui viserait la recherche sur les embryons, les cellules ES et EG et les tissus fœtaux humains.

[32]


Le Groupe de travail spécial
concernant la recherche sur les cellules souches


Présidente : Dr Janet Rossant, co-directeur du Programme du développement et la santé fœtale au Samuel Lunenfeld Research Institute, Hôpital Mount Sinai, Toronto.


MEMBRES :

Prof Françoise Baylis
Office of Bioethics Ed. & Research,
Université Dalhousie, Halifax
Timothy Caulfield
Directeur de la recherche, Health and Law Institute,
Université de l'Alberta
Dr Roger Gosden
Département d’obstrético-gynécologie,
Hôpital Royal Victoria, Montréal
Dr Keith Humphries
Principal scientifique, Laboratoire Terry Fox,
British Columbia Cancer Agency, Colombie-Britannique
Dr Gregory Korbutt
Surgical-Medical Research Institute,
Université d'Alberta, Edmonton
Dr Anne McLaren
The Wellcome/CRC Inst. of Cancer and Dev. Biology,
Université de Cambridge, R.-U.
Prof. Marcel J. Mélançon
Université du Québec à Chicoutimi, Chicoutimi, Québec
Dr Samuel Weiss
Centres des sciences de la santé, Faculté de médecine,
Université de Calgary, Calgary
Dr Barbara Beckett
Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa, Ottawa

OBSERVATEURS :

Phyllis Colvin
Santé Canada, Ottawa
Rhonda Ferderber
Santé Canada, Ottawa


[1] L’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains a été publié en août 1998 par les trois organismes fédéraux chargés du financement de la recherche : le Conseil de recherches médicales du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Son but est de promouvoir l'application des normes éthiques les plus strictes dans les recherches sur les êtres humains, et les chercheurs et organismes qui demandent des subventions (ou le renouvellement de subventions) doivent attester qu'ils se conforment à cette politique.

[2] La position de l'Énoncé de politique des trois Conseils sur la recherche mettant en cause des embryons humains se décrit ainsi :

Règle 9.4 : Du point de vue éthique, il est inacceptable de créer des embryons humains uniquement à des fins de recherche. Cependant la recherche avec des embryons peut être acceptable sur le plan éthique lorsque des embryons humains créés à des fins de reproduction ne seront par la suite plus utilisés à cette fin, à condition toutefois que toutes les conditions suivantes soient respectées :

a) les ovules et les spermatozoïdes dont les embryons sont issus ont été obtenus conformément aux règles 9.1 et 9.2*,

b) la recherche n'entraîne aucune modification génétique des gamètes ou des embryons,

c) les embryons ayant fait l'objet de manipulations non directement reliées à leur croissance normale ne seront pas implantés dans un but de grossesse,

d) la recherche avec des embryons humains ne sera menée que pendant les 14 jours suivant leur création par combinaison de gamètes.

Règle 9.5 : Du point de vue éthique, est inacceptable toute recherche entraînant l'ectogénèse, le clonage d'êtres humains par quelque moyen que ce soit, y compris par transfert de noyaux de cellules somatiques, par formation d'espèces hybrides animales/ humaines ou par transfert d'embryons entre des humains et d'autres espèces.

* Règle 9.1 : Les chercheurs obtiendront le consentement libre et éclairé des personnes acceptant de fournir des gamètes à des fins de recherche.

Règle 9.2 : Du point de vue éthique, il est inacceptable d'utiliser à des fins de recherche du sperme ou des ovules obtenus à la suite de transactions commerciales, y compris d'échanges de services.

[3] Les règles de l’Énoncé de politique des trois Conseils sur la recherche faisant appel à des tissus foetaux sont formulées ainsi :

Le respect de la dignité de la femme devrait inspirer toute recherche entraînant l'utilisation de tissus foetaux. En conséquence, les chercheurs devraient obtenir le consentement libre et éclairé de la mère autorisant l'utilisation des tissus de son foetus. Ce respect a pour corollaire qu'il est inacceptable de pratiquer des interventions de recherche susceptibles de compromettre la décision de la femme de poursuivre ou d'interrompre sa grossesse. Répondant à une question sur la transplantation chez des sujets de tissus obtenus à la suite d'avortements sélectifs, le ministre de la Santé d'alors avait indiqué qu'il n'approuverait pas que le gouvernement fédéral finance de telles pratiques. Pour sa part, la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction recommande que la recherche entraînant l'utilisation de tissus foetaux (y compris la recherche reliée à des transplantations chez des êtres humains) puisse être financée par le Conseil de recherches médicales du Canada et par d'autres organismes publics à condition que celle-ci respecte des normes éthiques et scientifiques de recherche et que les tissus soient obtenus conformément à ses propres recommandations, qui comprennent la mise en place d'une structure de réglementation et d'agrément bien définie.

Dans de tels domaines, les règles absolues sont rares car la réflexion éthique et les valeurs sociales continuent d'évoluer rapidement. En conséquence, il convient de respecter l'autonomie des femmes consentant à ce que les tissus de leur foetus soient utilisés ; en revanche, celles-ci ne peuvent pas, pour des raisons éthiques, exiger que ces tissus profitent à certaines personnes précises (par exemple, un proche participant à une recherche sur la maladie de Parkinson). Cette interdiction se fonde sur la crainte que les foetus soient uniquement vus comme des sources de tissus et non comme des êtres humains en devenir, ayant droit au respect.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 12:55
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref