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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marcel J. Mélançon, “Les marqueurs génétiques: les dilemmes éthiques du savoir/non-savoir sur la condition génétique pour les personnes et familles à risque.” Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Gérard Bouchard et Marc de Braekeleer, Histoire d'un génome. Population et génétique dans l'est du Québec, chapitre 23, pp. 543-593. Québec: Les Presses de l'Université Laval, 1991, 607 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[545]

Marcel J. Mélançon

Philosophe, professeur chercheur en bioéthique à l'Université du Québec à Chicoutimi
Directeur du Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec (GÉNÉTHIQ)

Les marqueurs génétiques :
les dilemmes éthiques du savoir/non-savoir
sur la condition génétique pour
les personnes et familles à risque
.

Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Gérard Bouchard et Marc de Braekeleer, Histoire d'un génome. Population et génétique dans l'est du Québec, chapitre 23, pp. 543-593. Québec : Les Presses de l'Université Laval, 1991, 607 pp.


Introduction
LA MALADIE DE HUNTINGTON
LES ORIGINALITÉS DES MARQUEURS GÉNÉTIQUES ET LE QUESTIONNEMENT ÉTHIQUE
LES AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE SAVOIR ET DE NE PAS SAVOIR
Les non-porteurs : avantages de savoir
Les non-porteurs : inconvénients de savoir
Les porteurs : avantages de savoir
Les porteurs : inconvénients de savoir
LA PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE DU SAVOIR/NON-SAVOIR DANS UNE DYNAMIQUE HISTORIQUE (1968-1989)
De 1968 à 1983
De 1983 à 1989
Qui peut savoir ? Smurl et Weaver distinguent entre les tiers parents et les tiers non parents.
CONCLUSION
Références bibliographiques


Introduction


Gusella et ses collègues (J.F. GUSELLA et alii, 1983) découvraient en 1983 un marqueur (le G8) étroitement lié au gène de la maladie de Huntington, permettant ainsi de localiser sur le chromosome 4 le gène responsable de cette maladie. Par rapport aux autres tests prédictifs antérieurs pour cette maladie (J. P. CONOMY, G. KANOTI, 1984), la découverte des marqueurs génétiques (MG) marque un tournant décisif non seulement pour cette maladie à caractère autosomal dominant, mais pour les autres maladies et l’avenir de la génétique médicale : les mêmes techniques peuvent en effet être appliquées à d'autres maladies génétiques (N. S. WEXLER et alii, 1985).

Des éditoriaux ou des articles de revues scientifiques (P. S. HARPER, 1983 ; B. MERZ 1985) n'ont pas manqué de signaler l’importance de cette découverte et les prévisions des pionniers se sont récemment confirmées : « Recombinant DNA technology puts genetics in the mainstream of medicine. Genetic tests will predict common diseases as well as many rare ones and touch the lives of most people » (N. A. Holtzman, 1988, p. 624). En 1989, un article de l’American Journal of Human Genetics s'intitulait : « The paradigm of Huntington disease » (J. G. JENKINS, P. M. CONNEALLY, 1989), et deux autres (M. FOX et alii, 1989 ; K A. QUAID, 1989) soulignaient aussi ce caractère paradigmatique pour d'autres maladies. De plus, les techniques utilisées pour la mise au point des MG, conjuguées aux autres techniques du génie génétique, contribuent à la cartographie du génome humain (R.WHITE, J.-M. LALOUEL, 1988 ; B. JORDAN, 1989) et ouvrent la porte à la thérapie génique (T. FRIEDMANN, 1989) sur laquelle des organismes publics [1], ou des équipes de recherche (M.J. MÉLANÇON et alii, 1989) se penchent déjà du point de vue de l'éthique.

L’utilisation des MG apporte une nouvelle génération de questions éthiques dans le dépistage et le conseil génétiques, ce dont les écrits scientifiques témoignent depuis 1983. La valeur prédictive très élevée des MG, par rapport aux tests antérieurs, permet de dépister de façon plus sécuritaire (quoique non absolue) les porteurs de génopathies dans des familles ou populations à risque. Pour ce faire, ils nécessitent la collaboration de la famille sur deux, voire trois générations. Ce faisant ils donnent sur soi et sur autrui un savoir inédit dont il est difficile présentement de mesurer l'influence, celui de connaître des années à l'avance qu'un individu est atteint d'une génopathie la plupart du temps incurable (à ce jour du moins), même sil n'a pas encore développé les symptômes de cette maladie. Ils nous placent ainsi devant des dilemmes éthiques sur la condition génétique : Savoir ? Ne pas savoir ? Refuser de savoir ? Échapper au savoir ?

L’objectif du présent chapitre est d'étudier, du point de vue de l'éthique, cette question du savoir lié aux MG. D'autres questions liées à la vie privée, à [546] la confidentialité, à l'informatisation des données ou au stockage de l’ADN, si elles sont abordées, le seront par ce biais. Pour ce faire, le point de référence sera la maladie de Huntington. Ses marqueurs sont découverts, son gène est localisé (quoique non isolé encore), elle est la plus étudiée et la plus documentée pour ce qui touche à la question de l'éthique des tests prédictifs. Même si cette maladie génétique possède ses propres caractéristiques, cliniques et autres, non transposables à d'autres génopathies, le questionnement éthique dont elle a fait l'objet depuis 20 ans peut servir de guide pour l'utilisation des tests prédictifs sur d'autres maladies héréditaires.


La maladie de Huntington

La maladie de Huntington (ou chorée de Huntington) [2] est une maladie neurodégénérative progressive, transmise selon le mode autosomal dominant (elle affecte les deux sexes), avec pénétrance complète (tous les individus porteurs du gène manifesteront les symptômes et mourront naturellement de la maladie). Un seul parent atteint suffit pour la transmettre à la descendance, avec une probabilité de 50% à chaque grossesse. Les premiers symptômes, à la différence d'autres maladies héréditaires, apparaissent tardivement, entre la trentaine et la cinquantaine (la moyenne d'âge d'apparition est de 41 ans) et résultent de la mort prématurée des neurones. La maladie ne se manifeste que rarement durant la jeunesse et l'enfance ou après la soixantaine. Le taux de prévalence est d'environ 1/10 000 dans le monde.

Les premiers symptômes sont des tics nerveux involontaires dans les doigts, les bras et la figure, ainsi que des contractions saccadées dans le tronc et le cou. Ces contractions deviennent de plus en plus incontrôlées, « choréiques » et grotesques. L’individu perd progressivement son autonomie motrice et est confiné au fauteuil roulant ou au lit. La détérioration intellectuelle accompagne la dégénérescence physique, doublée habituellement de symptômes psychiatriques et de dépressions graves résultant parfois en un suicide. Le décès survient généralement 10 ou 20 ans après l'apparition des premiers symptômes. La maladie de Huntington est considérée comme l'une des maladies héréditaires les plus éprouvantes pour les individus et leur famille.

Il n'existe pas de traitement curatif pour cette maladie (J. BRANDT et alii, 1989, p. 3113) et il n'existait pas, avant l’arrivée des MG, de tests fiables pour détecter la présence ou l'absence de ce gène délétère chez les personnes à risque.

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Les originalités des marqueurs génétiques
et le questionnement éthique

Quelles sont les principales originalités des tests prédictifs par marqueurs et les principales questions éthiques qui leur sont reliées ? Certaines concernent l'aspect technique, d'autres l'aspect psychologique et social. En premier heu, les MG offrent une plus grande fiabilité pour porter un diagnostic, par comparaison avec les tests présymptomnatiques utilisés antérieurement en clinique auprès des personnes à risque (J. P. CONOMY, G. KANOTI, 1984), ou par rapport aux méthodes de calcul de risque basées sur l'étude des antécédents dans l'histoire familiale et la reconstruction généalogique. Cependant cette fiabilité, selon les marqueurs et l'état de leur mise au point n'est pas absolue même si elle peut être de 95%, comme dans le cas de la maladie de Huntington. « There is a possibility of crossing-over between HD and the molecular marker, which means that the probability of carrying or not carrying the allele is approximately 95% rather than 100%. This complicates predictive testing », (J.G. JENKINS, P.M. CONNEALLY, 1989, p. 173. L’empressement à faire passer les MG du stade de la recherche à celui de l'application clinique risque de causer des erreurs de diagnostic (D. CRAUFURD, R. HARRIS, 1986, p. 250 ; J. F. GUSELLA, 1986). Tant que le gène n'est pas isolé, il ne peut servir lui-même de témoin de la maladie ; une fois isolé, le facteur de recombinaison n'entre plus en ligne de compte. De nouveaux marqueurs ont été découverts depuis 1983, ce qui augmente la fiabilité (M. BLOCH et alii, 1989, p. 222). S'ils ont considérablement augmenté la valeur prédictive du test qui serait de l'ordre de 99% en 1989 (K.A. QUAID et alii, 1989, p. 431 ; J. BRANDT et alii, 1989, p. 3108), des erreurs de diagnostic sont encore possibles (M. Fox et alii, 1989, pp. 214-215). De plus, des MG ne valent que pour une même famille ou série de familles portant la même mutation au même locus et lorsqu'il n'y a pas d'hétérogénéité génétique (N. A HOLTZMAN, 1988).

Une conséquence importante, du point de vue de l'éthique, est la possibilité de résultats faux positifs ou faux négatifs qui pourraient entraîner des conséquences importantes pour les patients (l’impact psychologique) et leurs décisions (par exemple, l'abstention d'avoir des enfants, la stérilisation définitive, l'interruption de grossesse, etc.). En second lieu, les MG informent sur l'état du génome d'une personne à risque. La présence ou l'absence de ces témoins génétiques de la maladie renseignent sur la constitution génétique d'un individu ; ils peuvent annoncer s'il est « destiné » ou non à une génopathie donnée déjà présente dans sa famille. Ils permettent, par conséquent, de prédire avant même l'apparition des symptômes cliniques si un individu est atteint ou non et, dans l'affirmative, de connaître par anticipation l'évolution propre à cette maladie.

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Troisièmement, ils détectent généralement des génopathies sans traitement curatif, telle la maladie de Huntington. À ce jour, la médecine est impuissante à les guérir, la thérapie génique sur les cellules germinales ou sur les cellules somatiques étant encore loin des premiers essais précliniques, même si des progrès sont en cours (T. FRIEDMANN, 1989). Elle peut cependant offrir des traitements palliatifs et d'autres services de soutien comme le conseil génétique, l'aide et le suivi. Cette absence de traitement entraîne, de la part des proposeurs ou des demandeurs de MG, une question éthique majeure : Quelles raisons peuvent justifier l’administration de tels tests en l'absence de thérapie ?

La possibilité d'un diagnostic présymptomatique d'une maladie incurable et létale remet en question l'association culturelle faite en médecine occidentale entre le diagnostic, le traitement et la guérison. Ici le diagnostic est associé à la mort (M. BURGESS, 1988) et il a des conséquences indéniables sur la psychologie de la personne diagnostiquée atteinte, faisant suite aux résultats positifs du test par MG. De plus, cette personne n'est pas la seule en cause, puisqu'un conjoint, une famille, des proches peuvent être également atteints.

Les réactions des patients face à l'annonce d'une maladie terminale, tel le cancer, ont été analysées par Elisabeth KUBLER-Ross (1969). On connaît aussi l'influence de la connaissance de l'infection au VIH chez les séropositifs ou les sidatiques (D. MILLER et alii, 1986 ; A RUFFIOT, 1989). Il y a certes plusieurs points communs, du point de vue de l'éthique et du droit, entre la découverte du marqueur pour la maladie de Huntington et la découverte des anticorps au VIH (M. W. SHAW, 1987, p. 246). Cependant, la communication de l'information obtenue par test prédictif pour la maladie de Huntington diffère de celle d'un diagnostic de cancer ou de sclérose multiple : la maladie ne se manifestera que des années plus tard, la personne ne s'attend pas au diagnostic ou ne s'en doute pas, et surtout sa situation de porteur a des conséquences génétiques importantes pour les autres membres de sa famille (D. CRAUFURD, R. HARRIS, 1986, p. 250).

Quatrièmement, l'utilisation des MG nécessite la collaboration de tiers parents [3]. En vertu des liens génétiques qui unissent une famille, si une personne est atteinte, toutes les autres sont à risque de 50% les maladies autosomales dominantes) de développer elles-mêmes et de transmettre cette maladie à leurs enfants. Ainsi, les tests par MG demandent des prélèvements sanguins dans la famille immédiate, père-mère, frères-sœurs, atteints et nonatteints, de même que les grands-parents s'ils sont vivants. Lorsque legène lui-même sera cloné et que le défaut sera identifié, un test préclinique direct sera [549] possible sans l’ADN de la famille (J. B. MARTIN, J. F. GUSELLA, 1986, p. 1274). « Linkage analysis will not be necessary ; only the at-risk person wanting to be tested will need to donate a blood sample for DNA analysis » (J. BRANDT et alii, 1989, p. 3113). En attendant, des questions éthiques se posent, parmi lesquelles : Peut-il y avoir des pressions pour obtenir cette collaboration ? Faut-il transmettre les résultats à ceux qui ont collaboré, mais qui ne les ont pas demandés (il est possible qu’il y ait parmi eux des atteints) ? Peut-on moralement refuser sa contribution à ses proches ?

Cinquièmement les données recueillies sont informatisées et, en général, l'ADN est conservé [4]. Des échanges s'effectuent entre centres de recherche et entre chercheurs. Comment contrôler la circulation de cette information ? Des compagnies d'assurances, des employeurs peuvent-ils avoir accès à ce savoir ? Le dossier génétique d'un patient, ainsi que les données sur la famille, devraient-ils être séparés du dossier médical habituel ?

En dernier Heu, les MG peuvent donner lieu à des découvertes fortuites, comme une non-paternité (relation extramaritale, insémination artificielle, adoption) ou un génotype XY chez une femme. Faut-il transmettre cette information ?

Une revue des écrits (1968-1989) sur la maladie de Huntington éclaire sur l'histoire de la pensée de l'éthique des tests prédictifs. Cette pensée peut servir de paradigme pour des questions éthiques semblables soulevées par l'application de méthodes prédictives pour d'autres maladies plus communes (D. CRAUFURD, R. HARRIS, 1986, p. 251). Les premières lignes directrices (J. F. SMURI, D. D. WEAVER, 1987) le soulignent : le test présymptomatique pour la maladie de Huntington doit être traité différemment des autres tests de dépistage génétique parce qu'il est inédit, et la façon dont on procède pour cette maladie pourrait servir de précédent pour d'autres formes de dépistage génétique (J. F. SMURI, D. D. WEAVER, 1987, pp. 246-247). « Preclinical and prenatal testing for HD is complex and will eventually serve as a model for the delivery of genetic testing for other late onset genetic disorders (M. R. HAYDEN et alii, 1987, p. 762).

La question de l'éthique des testsprédictifspour la maladie de Huntington, d'après la documentation étudiée, a déjà été soulevée par M. SÉGAL en 1968, 15 ans avant la découverte des marqueurs génétiques. Il la rappelait en 1978 : « Est-il humain et moral d'administrer des tests prédictifs à des personnes à risque pour une génopathie incurable, et de les informer des résultats ? » (M. SÉGAL, 1978, p. 859).

[550]

La réponse à cette question est complexe. Pour en percevoir la portée, on a intérêt à peser les avantages et les désavantages pour les personnes à risque de connaître par tests prédictifs si elles sont porteuses ou non du gène. La présente étude comprend deux parties complémentaires. Dans un premier temps, elle présentera de façon statique (sans considération de chronologie) les arguments en faveur et les arguments contre les tests prédictifs, dont ceux par MG. Une seconde partie reprendra ces arguments en les situant dans la dynamique historique ; celle-ci permettra de prendre connaissance de l'apport respectif des auteurs et de percevoir l'évolution de la pensée dans le domaine de l'éthique des tests prédictifs, notamment par MG.


Les avantages et inconvénients
de savoir et de ne pas savoir


Les non-porteurs : avantages de savoir

Des avantages manifestes découlent du résultat négatif d'un test prédictif pour les non-porteurs du gène. Théoriquement, 50% des personnes à risque seraient assurées de ne pas développer la maladie (D. L. STEVENS, 1971 ; ÉDITORIAL, 1972 ; K. A. QAIRD et alii, 1989, p. 437). Le test par MG offrant une plus grande fiabilité que les tests prédictifs antérieurs, une estimation des risques serait beaucoup plus précise que tout autre système de dépistage (M. LAPPÉ, 1984, p. 20). Avec ces marqueurs, une proportion significative des parents du premier degré des personnes atteintes seraient informés qu'ils n'ont probablement pas hérité du gène (M. R. HAYDEN, S. L FOX, 1985, p. 2). La levée de l'incertitude réduirait l'anxiété liée au fait de se savoir à risque, de guetter l'apparition de symptômes. Elle permettrait aussi une plus grande liberté face aux choix de reproduction (J.P. CONOMY, G. KANOTI 1984, p. 80). Le non-porteur pourrait prendre des décisions importantes, comme se marier et avoir des enfants (A. ROSENFELD, 1984) ; s'il a déjà des enfants, il serait certain qu’il ne leur a pas légué le gène. Bref, les avantages sont indéniables pour le non-porteur lui-même, sa famille, ses proches et la société.

Les non-porteurs : inconvénients de savoir

Les personnes à risque, mais non porteuses du gène, pourraient cependant faire face à deux désavantages soulignés dans la littérature. Le premier a trait au « complexe du survivant » (S. J. BIRD, 1985, p. 3289), le second a rapport à des résultats faux négatifs ou faux positifs.

Those who are found to be free of the gene should not be expected to show unmitigated joy. Most have siblings or close relatives at risk who may not have escaped. The 'guilt of the survivor', which plagued many servicemen in wartime [551] as they watched their friends die around them, is a powerful psychologic dynamic. « Escapees » may feel that they must atone for their good fortune and health through bondage to relatives not so lucky. Economics, pragmatism, love and guilt push the healthy to care for the sick. Learning that one is no longer at risk can be jolt to one's identity that is almost as major as leaming that one is at risk. Concessions and sympathy that family and friends may have offered to someone suffering the stress of being at risk may be summarily withdrawn. The « exotic » status of being someone at risk is suddently lost. Those formerly at risk are ordinary and accountable overnight. Counseling must be available to help these people make the transition. (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 22)

Le second désavantage concerne les torts encourus par le non-porteur qui recevrait un résultat faussement positif. Que peut-il découler d'un savoir faux ?

The patient will make choices based on false information. Thus, the false knowledge will produce loss of options (reproductive ones, for example) ; loss of hope for a full productive life (the fear of symptoms will be omnipresent) ; and the loss of accurate clinical settings in which to study HD. In fact, the false assumption can lead to totally inaccurate, ambiguous, and misleading conclusions. […] Furthermore, the steps taken to anticipate and minimize the expect onset of HG will have counterproductive and misleading effects on both clinically and scientifically. All the data will be misinterpreted because they will be interpreted under the false assumption that the patient who is being treated or studied has the HD gene. (J. P. CoNomy, G. KAN(m, 1984, p. 80)

Les MG diminuent de façon très significative les risques de faux négatifs, mais ils ne les réduisent pas à zéro. Dans cette perspective, les essais cliniques ne devraient commencer que lorsque la validité et la fiabilité du marqueur ont été éprouvées (J. F. SMURL, D. D. WEAVER, 1987, p. 250 ; J. F. GUSELLA, 1986, p. 21).

Les porteurs : avantages de savoir

Quels pourraient être les avantages pour les porteurs du gène de connaître leur constitution génétique par le test prédictif des MG ?

Chacun sait qu’il va mourir, qu'il va connaître la dégénérescence et la perte d'autonomie fiées au vieillissement et à la sénilité. Cette connaissance ne cause pas l'abattement et la dépression pour autant. Des personnes atteintes d'autres maladies (de dystrophie musculaire par exemple) peuvent y faire face tout en envisageant la progression ; certaines surprennent même par leur optimisme face à la vie (E. ROTHSTEIN, 1971, p. 751). Il n'est pas aussi facile qu'on croit d'enlever l'espoir chez un patient ; en fait, il est presque toujours possible d'associer la divulgation franche de la vérité à l'infusion d'espoir (H. BRODY, 1981).

[552]

L’incertitude est une expérience pénible pour une personne à risque, qu'elle soit porteuse ou non du gène, jusqu'au moment où elle développe - ou ne développe pas - les symptômes de la maladie ; dans cette perspective, des tests prédictifs pourraient assister les personnes dans des décisions non médicales (S. J. BIRD, 1985, p. 3288 ; K BERG, J. FLETCHER, 1986, p. 1043). Beaucoup de ces personnes préféreraient supporter une vérité pénible plutôt que de rester dans cette incertitude. Des décisions personnelles importantes comme se marier, avoir des enfants, choisir une carrière et adopter un style de vie peuvent être angoissantes pour les personnes à risque. Des tests pourraient les aider à acquérir l'information nécessaire à de telles prises de décision.

[...] although extremely early diagnosis serves no medical purpose, it can give a person time to prepare emotionnally, financially, and in other ways, so that when the symptoms appear they are not as devastating to the patient and family as they might otherwise be. Giving time to cope, prepare and plan while still healthy may actually reduce the possibility of suicide. Of course appropriate psychologic screening and counseling should be made available. (M. BATES, 1981, p. 175).

En effet malgré tous les inconvénients possibles, il est probable que beaucoup de personnes qui souhaitent le test pour affronter lucidement l'avenir utiliseront l'information de façon constructive ; elles pourront être incitées à vivre pleinement leur vie pendant qu'elles en sont encore capables (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 22) ; elles pourront mieux se préparer à l'inévitable (A. ROSENFELD, 1984, p. 8). Sachant que ses années asymptomatiques sont comptées, l'individu pourrait planifier sa vie et se fixer des objectifs personnels et sociaux en conséquence : choisir la stérilisation pour éviter la transmission de la maladie, écarter le mariage, se porter volontaire pour la recherche clinique (étude de la progression des symptômes, de l'efficacité des interventions thérapeutiques) (J. P. CONOMY, G. KANOTI, 1984, p. 79).

Il faut également considérer un autre avantage pour le porteur de connaître sa condition génétique. Des tiers sont concernés, surtout la descendance. En effet, 50% des enfants risquent d’hériter du gène, sans compter la détresse qui s'en suivra pour la mère et les autres enfants. Mieux vaut faire face à cette connaissance malheureuse sur son avenir et prendre les décisions qui s'imposent pour l'abstention de la reproduction, que de risquer de transmettre la maladie aux générations futures (E. ROTHSTEIN, 1971).

Un test fiable et sécuritaire, tel celui des MG, pourrait cependant permettre aux porteurs d'avoir des enfants, puisque l'analyse de l’ADN fœtal par amniocentèse ou biopsie chorionique pourrait démontrer que le futur enfant est sain (P. S. HARPER, 1983, p. 1567). Un enfant pourrait être très important dans la vie d'un porteur. Celui-ci pourrait profiter de plusieurs années de vie asymptomatique pour en avoir et, grâce au diagnostic prénatal, la grossesse pourrait être interrompue dans le cas d'un fœtus atteint, si [553] l'avortement était une solution acceptable pour le porteur (S. J. BIRD, 1985, pp. 3289-3290). Les applications prénatales du marqueur causent cependant un problème moral particulier lié à l'interruption de grossesse advenant un résultat positif (J. F. SMURL, D. D. WEAVER, 1987, pp. 250-251).

Autre avantage, la personne qui connaît son état de porteur et qui sait qu'elle développera la maladie n'aura pas à subir une série de tests incorrects, elle pourra garder espoir dans des possibilités de traitement et pourra même influencer ces possibilités comme Nancy Wexler l'a fait (A. ROSENFELD, 1984, p. 8). Elle pourra bénéficier d'assistance et d'examens périodiques pour l'assurer qu'elle ne démontre pas encore de symptômes, ce qui peut l'aider à mener une vie productive jusqu'à leur apparition (M. R. HAYDEN, S. L. FOX, 1985, p. 2) et même après (S. J. BIRD, 1985, p. 3288). Elle pourrait avoir la compréhension des autres personnes qui se savent porteuses (A ROSENFELD, 1984, P. 8) et bénéficier de l'assistance d'organismes qui se consacrent à cette maladie (S. J. BIRD, 1985, p. 3288).

Bref, le porteur pourrait s'ajuster à sa situation s'il disposait d'aide et d'un suivi de la part des parents, des amis, des professionnels de la santé, des conseillers génétiques, des psychologues. Il pourrait aussi faire face à la diminution de soi, à la stigmatisation sociale et à l'isolement qui sont liés à la condition du porteur (S. J. BIRD, 1985, p. 3288).

Les porteurs : inconvénients de savoir

Si la connaissance de l'état de porteur comporte des avantages, elle engendre néanmoins des désavantages incontestables.

En effet jusqu'à ce que des études d'impact soient effectuées, les conseillers en génétique n'ont aucun moyen de prévoir quelles seront les réactions des personnes : l'information est-elle compatible avec leur santé mentale, surtout si elles n'ont pas cherché activement cette information ? (S. THOMAS, 1982, p. 1384). L’influence des tests prédictifs sur la famille n'est pas encore déterminée, les effets sur les personnes à risque sont encore incertains, même si 70% d'entre elles souhaiteraient passer ce test, d'après certaines études (M. R. HAYDEN, S. L FOX, 1985, p. 2). En 1989, l'évaluation des effets à court et long terme sont encore incertains puisque peu d'individus engagés dans des projets-pilotes ont terminé le programme de suivi (M. FOX et alii, 1989, p. 214).

Il y aurait un prix à payer pour la tranquillité d'esprit du non-porteur, c'est la certitude, pour le porteur, qu'il ou qu'elle va développer la maladie et risque de la transmettre ou de l'avoir transmise à ses enfants (S. THOMAS, 1982, p. 1384). Wexler et ses collègues soulignent le dilemme auquel font face les personnes [554] à risque ; une fois que la personne choisit de savoir et obtient une réponse, il y a quelque chose d'irréversible dans l'information :

As there is nothing that can be done for the illness, an at-risk person wishing to be tested for the sake of knowledge and planning alone gambles for very high stakes : salvation and delivery from a lifetime of anxiety and ambiguity or a virtual death sentence to be rendered by a quixotic, but inescapable, executioner. (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 22)

En effet si les premiers 50% sont rassurés, les autres 50% seront plongés dans l'abattement lorsqu’ils apprendront qu’ils sont porteurs et voués à la dégénérescence physique et mentale ; la dépression et le risque de suicide seront plus ou moins inévitables (D. L. STEVENS, 1971 ; S. J. BIRD, 1985, p. 3288), ou tout au moins très élevés, résultant d'une connaissance sans espoir (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 21). L’espoir lié à la première incertitude fera place à une réalité redoutable accompagnée d'une nouvelle anxiété fiée à l'attente des premiers symptômes (M. R. HAYDEN, S. L. FOX, 1985, p. 2 ; N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 21) ; cette attente peut être encore plus poignante que la première incertitude, puisqu'il n'y a ni prévention, ni traitement, ni période fixe d'apparition de la maladie (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 21). Non seulement cette connaissance réduit ou élimine des options fondamentales ayant trait à la reproduction et à la famille, mais elle peut créer la dépression et le désespoir causant des comportements antisociaux ou autodestructeurs (J. P. CONOMY, G. KANOTI, 1984, p. 79). La présence de désordres psychiques est élevée chez ceux qui vont développer la maladie, et la prévalence du suicide l'est aussi dans des familles à risque (D. CRAUFURD, R HARRIS, 1986, p. 250 ; J. F. GUSELLA, 1986, p. 21). Les études de 1987 montrent que ce risque de suicide va s'accroissant (S. KESSLER, 1987 ; L. A. FARRER, 1987 ; C. MASTROMAURO et alii, 1987). En 1989, l'étude de Bloch et ses collègues rapporte que 33% de leurs candidats considèrent le suicide comme une possibilité pour l'avenir, bien qu'a n'y ait pas de risque élevé dans l'immédiat (M. BLOCH et alii, 1989, p. 223).

Des personnes présymptomatiques peuvent faire face à des risques tels la rupture de la famille, la perte d'emploi, la séparation ou le divorce, des perturbations psychiques (irritabilité, réactions dépressives entraînant l'apathie, la démobilisation ou l'hyperactivité), l'hospitalisation possible pour des raisons physiques ou psychiatriques, l'abus d'alcool ou de drogues, le désespoir et le deuil de projets de vie (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 22).

Comme il a été dit plus haut, à la différence des tests utilisés antérieurement qui faisaient surtout appel à un seul individu, le test par marqueurs requiert la participation de tiers dans la famille (J. B. MARTIN, J. F. GUSELLA, 1986, pp. 1273-1274). L’éthique des tests prédictifs doit en tenir compte (J. F. SMURL, D. D. WEAVER, 1987).

[555]

Living under the shadow of the disorder with a 50% risk is itself traumatic, but the removal of most or all of the uncertainty may radically alter the person's reaction. Some relatives may choose not to be tested (between 10% and 40%, according to previous studies) ; others who request testing may not be able to cope with the burden that the new knowledge places on them. (P. S. HARPER, 1983, pp. 1567-1568)

Les réactions de la famille qui connait le résultat positif du test peuvent constituer un autre traumatisme (J.B. MARTIN, J. F. GUSELLA, 1986, pp. 1273-1274). Des parents peuvent désirer faire subir le test à leurs enfants mineurs (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 22 ; J. F. SMURL, D. D. WEAVER, 1987, p. 249 ; C. R MACKAY, J. M. SHEA, 1978). D'autres parents peuvent ne pas vouloir être testés (entre 10% et 40%, d'après certaines études) et ceux qui voudraient l'être peuvent ne pas être en mesure de porter le poids du savoir (P. S. HARPER, 1983, pp. 1567-1568). Étant donné qu'il y a peu d'avantages et des risques sérieux pour les enfants, les mineurs en dessous de 16 ans ne devraient normalement pas subir ce test; ils sont déjà en crise psychologique, ils ne font pas encore de projets de famille, et ils sont vulnérables à la coercition et à la surprotection (J. F. SMURL, D. D. WEAVER, 1987, p. 256).

Certains peuvent ne pas vouloir connaître leur condition et d'autres, tel le parent non atteint, peuvent ne pas vouloir coopérer, sachant l'influence psychologique qu'une telle information aurait sur des membres de la famille ou sur la famille entière. Dans des familles où les relations pourraient déjà être tendues à cause de problèmes financiers, des responsabilités additionnelles, voire de la culpabilité ou de la honte découlant de la nature même de la maladie, peuvent engendrer des tensions nouvelles. De plus, le test prédictif peut diviser les membres de la famille : les porteurs, les non-porteurs et ceux qui refusent de savoir sils sont porteurs ou non. Selon l'appartenance à l'un ou l'autre de ces groupes, a y aura une signification psychologique différente : pour ceux qui sont porteurs du gène, l'attente et le guet des premiers symptômes commencera ; ceux qui en sont exempts seront certes soulagés, mais certains d'entre eux peuvent ressentir le complexe du survivant. Quant à ceux qui ne veulent pas savoir sils sont porteurs ou non, ils peuvent subir des pressions de membres de la famille ou d'amis pour se soumettre au test, spécialement à des moments clés, comme le mariage ou le choix d'une carrière (S. J. Bird, 1985, pp. 3288-3289).

Ces pressions peuvent aussi provenir de l'extérieur du cercle familial. En effet, et dès l'annonce de la découverte des MG, on indique que la plus grande fiabilité de ce test comportera d'autres problèmes pour les personnes à risque, dont celui des pressions de tiers non parents (P. S. HARPER, 1983, p. 1568).

Les compagnies d'assurances ont des intérêts manifestes à demander le test comme condition préalable à l'obtention d'une police (et en cas de résultat positif, augmenter le montant de la prime qui pourrait ainsi devenir [556] prohibitif). Les employeurs en général ont le droit de poser des conditions pour l'embauche des employés ; certains pourraient soutenir que les personnes présymptomatiques devraient être exclues de certaines professions où elles pourraient devenir un danger pour elles-mêmes ou pour d'autres, tels les facultés de médecine pour les futurs chirurgiens, les transporteurs aériens ou les forces de l'air pour les candidats pilotes (N. S. WEXLER et alii, 1985, p. 23).

Des administrateurs de la santé soutiennent qu’étant donné l'absence de traitement et la chronicité des maladies génétiques, celles-ci devraient être considérées du point de vue des coûts sociaux autant que du point de vue des individus. Le gouvernement et les agences gouvernementales pourraient exercer des pressions pour rendre les tests obligatoires pour les personnes à risque (M. LAPPÉ, 1984, p. 20 ; M. R. HAYDEN, S.L. FOX, 1985, p. 2). Les fonds de retraite, les milieux d'éducation et autres institutions pourraient aussi demander de l'information (K. BERG, J. FLETCHER, 1986, p. 1043).

Il est peu probable, selon S. J. BIRD (1985), que les risques sociaux et les coûts financiers liés à la maladie de Huntington amènent une législation imposant le dépistage obligatoire des porteurs, puisque la Commission présidentielle sur le dépistage et le conseil génétiques (PRESIDENT’S COMMISSION FOR.... 1983) s'est prononcée en faveur de l'autonomie des personnes. Par contre, deux autres formes de pressions subtiles sur l'autonomie peuvent s'exercer. D'abord, les attitudes et politiques des professionnels de la santé et des institutions peuvent affecter les décisions des individus. Ensuite, les attitudes et les valeurs de la société à l'égard de ce qui est normal, désirable ou acceptable peuvent concourir à la stigmatisation, à l'isolement et à la perte d'estime de soi associés à la maladie (S. J. BIRD, 1985, p. 3290).

M. Lappé offre une analyse vigoureuse des risques de pression sociale de la part du gouvernement, des employeurs, de la fainille et des chercheurs :

The reality is that tests like this one [genetic markers] may increasingly be done not at the behest of the patient, or even the physician, but at the urging of third parties, such as insurers or employers. […] In these circumstances, the need of the person taking the test may be subordinated to family, research, or social needs. [...] Genetic tests in such circumstances become tools of great social power and potential coercition. (M. LAPPÉ, 1984, p. 20)

La subordination des droits et libertés individuels au bien public en résulterait.

Ainsi, non seulement la divulgation de l'information à l'individu rend le conseil génétique nécessaire [5], mais l'accès à l'information et le contrôle de l'information deviennent prioritaires avec le test prédictif des MG.

[557]

La confidentialité des résultats est un autre sujet de préoccupation, puisque les résultats obtenus pour une personne peuvent dans certains cas, affecter directement les autres membres de la famille (D. S. HARPER, 1983, p. 1568). Même si la confidentialité est maintenue, on ne pourra éviter que la présence du gène soit connue de la famille et des amis qui surveilleront, de façon consciente ou inconsciente, rapparition des premieers symptômes (S. J. BIRD, 1985, p. 3289). Quant aux travailleurs, les possibilités d'abus sont réduites s’ils peuvent contrôler ces données génétiques M. LAPPÉ, 1984, p. 20). Cependant, à cause des diverses pressions possibles, l'information génétique ne doit pas être accessible à des organismes sans le consentement de l'individu (M. R. HAYDEN, S. L. FOX, 1985, p. 2).

Les progrès en technologie de l’ADN étendront probablement ces tests à un vaste éventail de maladies. Seule une législation pourrait protéger les individus contre des utilisations indues des résultats des tests et pourrait éviter que des personnes responsables recourant au test ne soient sélectivement pénalisées. L’information doit être la propriété exclusive de l'individu et personne d'autre n'a le droit de la divulguer.

The ethical justification for insurance companies and commercial pension schemes seems to be that a great number of people absorb the expenses of those less fortunate, knowing that they themselves and their families would be protected in case of disease or death. The use of predictive tests to increase revenues lacks such ethical justification. (K BERG, J. FLETCHER, 1986, p. 1043)

Les problèmes de santé fiés aux conditions de travail pourraient être attribués aux gènes « fautifs » ou à l'« hypersensibilité génétique » de certains travailleurs ; leur attribution à des causes génétiques pourrait divertir l’attention publique du problème des coûts de réaménagement du milieu et des conditions de travail. Le remplacement de travailleurs génétiquement affectés par des travailleurs en santé exposerait ceux-ci aux mêmes risques. De plus, les problèmes liés aux tests prédictifs par MG peuvent déborder la population des travailleurs et s'étendre à des populations entières, puisqu'on cherche des marqueurs pour d'autres maladies telles la psychose maniaco-dépressive, la maladie d'Alzheimer, etc. Par conséquent, une législation, des lignes directrices éthiques et scientifiques peuvent être des mécanismes efficaces pour de saines politiques (L. UZYCH, 1986).

Parmi les institutions intéressées à obtenir de l'information sur un individu à risque se trouvent les agences d'adoption. Elles semblent refuser catégoriquement les demandes en provenance de candidats ayant des antécédents familiaux pour la maladie de Huntington. Certains couples ont été réticents à déclarer leur histoire familiale sur le formulaire en usage et d'autres ont regretté de l'avoir fait ; un parent candidat à l'adoption s'est vu signifier qu'il était inopportun d'y songer, puisque son espérance de vie était réduite du fait d'être à 50% de risque (M. A HULTEN, 1986). On a soutenu, pour plusieurs [558] raisons, que l'administration de tests prédictifs à des enfants à adopter va contre leurs intérêts et ne devrait pas s'effectuer, même si des agences d'adoption ou des parents prospectifs insistent (M. MORRIS et alii, 1988, pp. 1069-1070).

Un autre désavantage encouru par le porteur est la possibilité d'un résultat faux négatif. Cela causerait des pertes surpassant les gains. La partie serait simplement remise à plus tard et les conséquences seraient plus grandes. Les symptômes de la maladie n'étant pas attendus, leur apparition prendrait le porteur par surprise :

The losses include lack of adequate warning about the onset of HD, a breakdown of the trust and confidence necessary for good patient care, intensified feelings of shock, depression and hopelessness when the HD symptoms occur, inaccurate reading of the HD symptoms (because of the false negative predictive test), and reproductive choices that will transfer the defective HD gene to another generation. Gains from a false negative test are temporary and illusory. The feelings and the confidence about the future provide only temporary gains for the patient (J. P. CONOMY, G. KANOTI, 1984, p. 80)

Même avec le marqueur, il y a encore possibilité de 5% d'erreur dans les prédictions, ce qui est une estimation peut-être trop optimiste, et d'autres erreurs peuvent survenir dans de rares familles où la maladie n'est pas liée au marqueur G8 (D. CRAUFURD, R. HARRIS, 1986, p. 250). L’appfication clinique prématurée des sondes d’ADN (distribuées aux laboratoires pour des fins de recherche seulement) comporte de tels risques, de même que des risques psychologiques et sociaux encore mal évalués (J. F. GUSELLA, 1986, p. 21).

Tels sont les principaux arguments présentés dans les écrits de la période 1968-1989, exposant les raisons militant en faveur ou contre l’utilisation des tests prédictifs, notamment par marqueurs génétiques.


La problématique éthique du savoir/non-savoir
dans une dynamique historique (1968-1989)


La question à l'étude dans le présent chapitre porte sur le problème éthique du savoir/non-savoir sur la condition génétique, problème suscité par la possibilité d'administrer des tests prédictifs, notamment par marqueurs génétiques, aux personnes et familles à risque de la maladie de Huntington. La première partie du travail exposait les divers arguments présentant les avantages et les inconvénients de savoir et de ne pas savoir apportés dans les écrits scientifiques. Il est important maintenant de situer cette question et ces arguments dans une dynamique historique. On pourra alors saisir la contribution des divers auteurs dans le débat, et vérifier si la découverte des [559] marqueurs a modifié la pensée éthique face à l'utilisation des tests prédictifs pour dépister la présence ou l'absence du gène d'une maladie incurable.

De 1968 à 1983


- M. SÉGAL (1968) soulève la question de l'éthique de l'utilisation des tests prédictifs pour la maladie de Huntington : Est-il humain et moral d'administrer des tests prédictifs à des personnes à risque pour une génopathie incurable et de les informer des résultats ?

- H. L KLAWANS et alii (1970) décrivent un test prédictif possible pour la chorée de Huntington, à partir du levodopa, qui augmente les mouvements choréiques chez les patients atteints. Le débat sur l'éthique des tests prédictifs s'engage.

- D. L. STEVENS (1971) et E. ROTHSTEIN (1971) amorcent les deux axes de pensée autour desquels d'autres arguments viendront se joindre par la suite. Pour le premier, les non-porteurs seront certes rassurés, mais les autres 50% seront plongés dans la détresse et risqueront la dépression et le suicide. Aussi, tant qu'on n'aura pas de traitement à leur offirir, il n'est pas raisonnable d'utiliser de tels tests. Quant à Rothstein, il conteste cette argumentation : le fait de se savoir mortel et voué au déclin de la vieillesse n'entraîne pas la dépression et le suicide pour autant la connaissance malheureuse de se savoir porteur trouve son contrepoids dans la responsabilité face aux descendants à qui ne pas transmettre le gène.

- W. GAYLIN (1972), éditorialiste du New England Journal of Medicine, commente les résultats plus que décevants rapportés par l'équipe de Klawans (H. L. KLAWANS et alii, 1972) dans le même numéro de la revue. Il rappelle le rôle de la recherche et la responsabilité des chercheurs et prend la position suivante : la recherche diagnostique de cette nature devrait être quand même encouragée, les procédures devraient être largement diffusées, et un dépistage obligatoire serait inopportun pour le moment quant à l'éthique de l'administration de tels tests, elle relève du médecin et du patient, et la question demeure ouverte à la discussion.

- Le British Medical Journal 1972 (ÉDITORIAL, 1972)  émet de sérieuses réserves face au test du levodopa en regard des résultats obtenus par deux équipes, dont celle de Klawans. En l'absence de traitement, seules les personnes envisageant d'avoir des enfants pourraient y avoir accès.

[560]

- En 1978, le British Medical Journal (ÉDITORIAL 1978) fait le point sur les divers tests prédictifs disponibles permettant de distinguer les porteurs des non-porteurs. L’éditorialiste constate le contraste frappant entre le nombre de publications faisant état de résultats prometteurs relativement à des tests préliminaires et, d'autre part l'absence de suivi à long terme pour vérifier les prédictions - à une exception près, soit une étude de 1948, vérifiée 19 ans plus tard, où 23 des 26 personnes furent retestées ; les prédictions s'avérèrent justes dans 11 cas et fausses dans 12 cas, ce qui démontrait l'inutilité complète du test. Il dresse les caractéristiques de ce que devrait être un « test prédictif idéal » et suggère un débat pour traiter de son utilisation. En attendant, même si les tests actuels ne répondent pas à ces exigences, il est important d'en publier les résultats. La nécessité d'un tel débat est corroborée par M. SÉGAL (1978).

- S. FAHN (1980), grandement désappointé par les résultats obtenus par H. L KLAWANS et alii (1980) qui donnent un compte rendu de huit ans de suivi de patients soumis au test du levodopa, conteste l'utilisation de ce test invasif non encore validé. Il fait lui aussi appel à un test idéal où il n'y aurait pas de tels résultats faux positifs et faux négatifs, déconseille l'utilisation de ce test, mais suggère cependant que les résultats de suivi soient publiés. Madeleine BATES (1981) est en accord avec sa position en ce qui a trait à la validité et à la sécurité du test, mais elle exprime son désaccord quant au fait de ne pas y recourir et de ne pas divulguer les résultats aux personnes. Elle rappelle les principaux avantages à en retirer, dont la levée de l'incertitude, la possibilité de faire des choix importants pour le mariage, de se préparer à l'apparition des symptômes. Selon elle, on ne devrait pas refuser ce test aux personnes à risque qui le demandent, chaque cas étant à analyser par le médecin traitant.

- Une première synthèse des écrits sur les tests prédictifs disponibles (S. THOMAS, 1982) constate encore la division profonde à leur sujet au sein et à l'extérieur de la profession médicale. Le courant majeur de la controverse éthique repose sur le peu de progrès réalisé dans la mise au point d'un test fiable. Si les bénéfices sont clairs pour les non-porteurs, les risques sont très élevés pour les porteurs. On n'a aucun moyen de savoir si les porteurs réagiraient positivement ou négativementà l'information. Aucune demande raisonnable ne devrait être rejetée, chaque cas étant jugé à son mérite.

- J. C. FLETCHER (rédaction en 1983, parution en 1984) présente une autre synthèse sur les aspects éthiques et sociaux de la prédiction des risques, dans le contexte de rexpérience pratique et éthique acquise [561] depuis le début des années 70 pour les hétérozygotes, à la lumière des principes fondamentaux de bioéthique appliqués au dépistage génétique par la Commission présidentielle américaine (PRESIDENT’S COMMISSION FOR.., 1983). Il souligne les dilemmes moraux suscités par le dépistage : intérêts de l'individu et de la société ; divulgation de l'information aux tiers, aux parents et aux adoptés, et divulgation des découvertes fortuites ; avortement à l'occasion du diagnostic prénatal ; tensions entre la certitude et l'incertitude fiée à la prédiction des risques. Les problèmes éthiques les plus importants proviennent de la fausse assurance ou de la fausse information, et de l'action sociale prématurée. En conclusion, Fletcher indique que le point saillant est la difficulté de trouver un équilibre entre le respect des personnes à risque et l'intérêt de la société sans qu'il y ait de coercition ou de mesures abusives.

- Dans un article capital du point de vue de la question qui nous occupe, le neurologue J.P. CONOMY et l'éthicien G. KANOTI (1984) (rédaction : 1983, parution : 1984) font de nouveau le point sur l'état de la question des tests prédictifs. Ils dressent un bilan des avantages et inconvénients pour les porteurs et les non-porteurs, eu égard aux tests disponibles et en considération des droits des patients versus les devoirs des médecins. Ils constatent que les risques de faux résultats et le peu de fiabilité des tests ne bénéficient ni au patient ni à la société.

     Our general position is therefore to counsel physicians against the performance of currently available predictive tests for HD. We are joined in this opinion by the scientific advisors to the Committee to Combat Huntington's Disease. […] In conclusion, the routine and general administration of the available predictive tests for HD is not ethically supportable because it does not fulfill the primary obligation of physicians to care for their patients and to do no harm to them. (p. 81)

Ils reconnaissent que cette position demandera cependant une nouvelle analyse de la situation, si un test plus fiable était trouvé. En attendant, en dépit des limites et des risques des tests actuels, on pourrait cependant, et à certaines conditions, répondre à des demandes persistantes de personnes à risque.

De 1983 à 1989

La découverte du marqueur pour la maladie de Huntington est annoncée en 1983.

- Pour J. F. GUSELLA et alii (1983), on doit résoudre certaines questions avant de passer à l'application clinique de la découverte du [562] marqueur G8, dont celle de l'hétérogénéité. On doit être très prudent à cet égard et considérer les avantages et les risques d'un test présymptomatique. P. S. HARPER (1983) salue en éditorial leur découverte, soulève la question de l'impact sur lespersonnes asymptomatiques et sur les familles, impact qui risque d'être amplifié. Selon lui, parmi les tâches urgentes à effectuer avant l'application clinique du marqueur,

The most important are defining guidelines for preparation, couriselling, and support for those undergoing testing and ensuring that any center that undertakes testing is not only reliable in laboratory techniques but has the experience and capacity also to provide counselling and support. (p. 1568)

La divulgation et le contrôle de l'information génétique obtenue deviennent des sujets de préoccupation en 1984.

- Pour A ROSENFELD (1984), les avantages de savoir l'emportent désormais sur les inconvénients. Il centre les dilemmes éthiques sur la question de la divulgation de l’information : « At risk for Huntington's disease : Who should know what and when ?), (titre de l'article).

There has not yet been time to understand completely the implications of the discovery, but my tentative recommendation would be for disclosure and the right to know (never an absolute right) in most cases. Counseling and psychological support should, however, always be built into the informationdelivery package. (p. 8)

Rosenfeld voit difficilement comment celui qui invoquerait les droits sur son corps, pour se réclamer du droit de ne pas savoir et de refuser le test, pourrait refuser la vérité à ceux qui dépendent de lui.

- I. D. YOUNG (1984) présente les résultats d'une enquête d'opinion auprès de la profession médicale et paramédicale. Selon les résultats obtenus, 63% des répondants pensent que l'employeur d'une personne confirmée atteinte d'une maladie héréditaire pouvant constituer un danger pour autrui devrait être informé contre la volonté du patient ; 29% informeraient les parents à risque sans l'autorisation du patient.

The Handbook of Medical Ethics, published by the British Medical Association, states that "the importance of such information (to relatives) probably outweighs the importance of complete individual medical confidentiality", a viewpoint which might leave many doctors uneasy and would almost certainly deter some patients from attending a genetics clinic even if they were aware of its existence. (p. 73)

Une vaste majorité des répondants (96 contre 35) pense que les individus à risque pour la maladie de Huntington devraient être contactés et informés de leur situation, ce qui indique que le droit à l'information est primordial, selon Young.

[563]

- M. LAPPÉ (1984) est réticent face à la nouvelle technologie, principalement pour deux raisons : l'information transmise au patient porte sur une maladie pour laquelle on ne peut rien faire, et les risques de pression ou de coercition de tiers à l'intérieur et à l'extérieur de la famille (employeurs, assureurs, chercheurs) sont très élevés : « In these instances, the needs of the person taking the test may be subordinated to family, research, or social needs (p. 20).- Le contrôle de l'information devient prioritaire avec l'arrivée des marqueurs.

- N. S. WEXLER et alii (1985) exposent longuement les avantages et les risques pour les personnes atteintes. Ils sont certes favorables au test prédictif par MG, mais mettent en garde ceux qui voudraient subir le test : advenant un résultat positif, l’information est irréversible. Aussi, « At-risk individuals should feel comfortable if they decide to wait for the day when therapy is available and should not feel pushed to take immediate advantage of the test (p. 24). » S. J. BIRD (1985) insiste sur l'autonomie des personnes : un test prédictif fiable et sûr devrait être disponible pour celles qui seraient intéressées à l'information. Les limites du marqueur doivent cependant leur être clairement expliquées. Leur décision devrait être pleinement volontaire, des mécanismes de confidentialité devraient être mis en place, des services de counseling à long terme devraient être assurés.

- P. S. HARPER et M. SARFARAZI (1985) suggèrent qu’il serait plus facile et acceptable, au moment des premières applications cliniques, de tester les foetus à risque plutôt que de prédire les risques pour les sujets déjà nés. Les personnes à risque pourraient avoir des enfants exempts de la maladie.


Les publications de 1986 font ressortir encore davantage deux problèmes éthiques particuliers : la divulgation et le contrôle de l'information, ainsi que les conditions pour l'application clinique des marqueurs.

- K. BERG et J. FLETCHER (1986) sont les premiers à réclamer un débat aboutissant à une législation pour la protection de l'information. Même sans traitement curatif, les tests prédictifs peuvent aider les gens à prendre des décisions, par exemple avoir des enfants ou non. Cependant les développements de la technologie de l’ADN font que des tests seront bientôt disponibles pour un vaste éventail d'autres maladies. Ces développements rendent nécessaire un débat qui aboutit à une législation pour que les résultats des tests soient la propriété exclusive des individus et qu'ils soient protégés contre des utilisations abusives des compagnies d'assurances ou des fonds de retraite, par exemple. L. UZICH (1986) corrobore cette position, de même que M. A. HULTEN (1986), qui attire l'attention sur les agences d'adoption.

[564]

Une controverse surgit en 1986 à propos de l'application clinique des marqueurs et déborde sur la question de la propriété et de l’accessibilité aux données génétiques de la recherche. Un échange de lettres dans Nature en témoigne.

Deux ans après l'annonce de la découverte du premier marqueur par l'équipe de Gusella (J. F. GUSELLA et alii, 1983), un groupe d'Oxford, D. C. WATT et alii (1986), a mis sur pied un fichier de plus de 300 patients dans 140 familles, et ont reçu les fonds nécessaires pour utiliser le marqueur chez ces patients. Gusella refuse cependant de le leur procurer, pour des raisons d'ordre éthique, un travail de recherche sur l'hétérogénéité étant nécessaire avant de procéder à l'application clinique. L’équipe de Watt s'oppose à ce retard clinique et ne voit pas de problèmes éthiques nouveaux pour entreprendre ce travail lorsque les conditions requises pour l'application de nouvelles techniques sont respectées. Elle soulève de plus un autre problème, soit celui de l'éthique du non-accès aux informations et ressources publiées dans des articles d'une revue scientifique, ce qui donnerait lieu à un monopole sur la recherche ou le développement ultérieur d'une découverte.

- J. F. GUSELLA (1986) réplique que Watt et ses collègues semblent confondre la recherche scientifique et la pratique clinique. Leur publication (J. F. GUSELLA et alii, 1983) ne présentait pas un test de diagnostic présymptomatique, mais démontrait le lien entre la maladie et un marqueur génétique. Dans le but de répéter et de confirmer l'expérience, ils ont distribué le marqueur G8 à 30 laboratoires de 10 pays aux seules fins de recherche. Il faut s'assurer de la non-hétérogénéité allélique afin d'éviter des diagnostics erronés. Étant donné les effets de la maladie de Huntington sur les individus et leur famille (problèmes psychologiques, risques de suicide, etc.),

We have not performed any presymptomatic or prenatal diagnoses using the marker and feel that universal clinical application of the G8 probe in HD remains premature. [...] We and others are actively searching for additional markers that will increase both the accuracy and applicability of the potential presymptomatic test, butthe heterogeneity issue must be resolved before proceeding to preclinical diagnosis. We feel a moral responsability to prevent the premature clinical use of the G8 probe until the information derived from it can be judged accurately. A scientist cannot ignore the social consequences of his work, especially in medicine, and should not abrogate his social responsibility. (pp. 21-22)

- J. MADDOX (1986) admet que les besoins cliniques sont pressants et que les données dont disposent Gusella et ses collègues possèdent une grande valeur pour le diagnostic génétique. Cependant, les raisons qu'ils apportent, notamment la nécessité de plus de recherche sur le linkage pour éviter des diagnostics faux positifs et faux négatifs, sont recevables. Ils agissent de façon responsable. Ils sont en droit de [565] demander des explications sur la nature et les buts d'autres chercheurs qui veulent utiliser leurs résultats de recherche ; la simple curiosité ne suffit pas pour demander ces échantillons de recherche, l'obligation du chercheur à les fournir n'est pas absolue. M. BRENNAN et U. HOCHGESCHWENDER (1986) contestent ce point de vue : dans les sciences biologiques les découvertes prennent souvent la forme d'échantillons biologiques. Sans accès à ce matériel, des chercheurs ne peuvent pas faire de découvertes. « Reflecting on the idea of science and the role of curiosity in its history we must agree that mere curiosity is indeed a sufficient basis for a request (p. 676). »

- N. FRANK (1986), directement concernée par la maladie de Huntington (mari et fille atteints, trois autres enfants à risque), félicite Gusella et ses collègues qui, par-delà leurs éprouvettes, se préoccupent des effets du test prédictif sur les individus et leur famille.

It hastaken more than 100 years to come this far. To release the probe for clinical use before the initial pilot programme findings have been reviewed may be an error. Another year to probe that the test is in the best interest of all concerned does not seem unreasonable. (p. 676)

- Par contre, S. DALBY (1986) pense que suffisamment de progrès ont été réalisés pour rendre l'hérérogénéité improbable et que, de toute manière, elle ne pourra jamais être totalement exclue. Quoiqu'un test fiable à 100% soit souhaitable, plusieurs personnes à risque de 50% préféreraient voir diminuer leur incertitude à 10%. Il lui apparaît que l'argument du conseil génétique exigé comme condition préalable est le plus critiquable. La plupart des personnes sont en mesure de se faire une idée sur le pourcentage d'erreur acceptable. Certes, un conseil génétique judicieux est essentiel pour la compréhension de l'information et des répercussions possibles de résultats négatifs ou positifs.néanmoins, « Members of the medical and allied professions must be concerned about consequences and mistakes, but by being overprotective they are denying some people the right to take responsibility for their own decisions and lives (p. 676). » Bien qu’il y ait diversité d'opinions à l’intérieur des membres de l’Association to combat Huntington's Chorea (UK), S. Dalby demande de rendre le test disponible en clinique pour ceux (65%) qui voudraient s'y soumettre, pourvu que l'administration du test soit précédée et suivie d'une importante assistance clinique et communautaire.

- D. CRAFURD et R. HARRIS (1986) identifient trois types de problèmes éthiques soulevés par la pratique des tests prédictifs. Le premier a trait à la fiabilité du test et à la possibilité de prédictions erronées. Même avec les limites du marqueur G8, est-il nécessaire d'attendre [566] une plus grande fiabilité avant d'en faire l'application clinique ? La réponse à cette question suppose une distinction entre la prédiction des risques en conseil génétique et le diagnostic présymptomatique. Il n'y a pas d'évidence d'hétérogénéité à ce jour. La possibilité de recombinaison entre le marqueur et le gène se situerait entre 0-05, et il pourrait y avoir d'autres erreurs dans les rares familles où le gène ne serait pas fié au G8. Si le marqueur était utilisé en clinique, les prédictions seraient fausses dans environ 5% des cas. L’évaluation des risques serait beaucoup plus précise que celle dérivant des tests antérieurs, les 5% d'incertitude auraient même le mérite de laisser un peu d'espoir à ceux qui auraient une prédiction de risque très élevée. Selon ces auteurs, le second problème éthique, et le plus sérieux, concerne l'incapacité de certains porteurs à faire face à l'information et les risques qu'ils encourent (désordres affectifs et comportementaux - dépression, risque de suicide surtout - plus fréquents que dans la population en général). Il n'y a pas actuellement d'indication qui laisserait entrevoir un avenir optimiste face aux effets psychologiques du test prédictif. Le troisième problème éthique a trait à la possibilité d'abus de l’information, à l'intérieur et à l'extérieur de la famille. Par rapport à cette possibilité, il faut établir un code de conduite pour les tests prédictifs en regard, par exemple, des mineurs, des compagnies d'assurances. Le conseil génétique serait essentiel pour établir que le consentement est libre et informé et qu’il n'y a pas de pressions extérieures sur la personne qui demande le test.


D. Craufurd et R. Harris voient la nécessité de conduire une étude prospective sur les conséquences psychologiques et sociales que le test prédictif va entraîner, à mesure que sa fiabilité augmentera. Cette étude pourrait définir des paramètres pour déterminer comment une personne pourrait réagir de façon constructive face au résultat du test Elle pourrait aussi servir de modèle pour des problèmes semblables qui surgiront de l'application de nouvelles méthodes prédictives à des maladies plu s répandues. Des lignes directrices devraient être établies qui tiennent compte de ces risques et avantages. Finalement, ces auteurs voient l'urgence de procéder à des essais cliniques contrôlés.

- A. KEARS (1986), commentant l'article de Craufurd et Harris, propose des études de population adéquates. Selon son expérience, si le dépistage des individus atteints a son importance, dans beaucoup de cas il amène plus de questions que de réponses. Puisqu'on doit donner une explication aux gens pour de telles études, il a risque de provoquer une anxiété inutile, spécialement dans les familles où on découvre des gens atteints. On devrait clarifier la responsabilité des chercheurs envers leurs clients dans des lignes directrices.

[567]

- J. B. MARTIN et J. F. GUSELLA (novembre 1986) attribuent un rôle important au conseiller en génétique dans l'administration du test prédictif. La découverte d'un marqueur lié au gène de la maladie de Huntington a rendu possible un test prédictif pour cette maladie. Le test préclinique soulève des problèmes nouveaux dans la pratique habituelle du conseil génétique. Le conseiller doit expliquer la procédure complexe de façon à la rendre compréhensible non seulement à la personne à risque, mais aussi aux membres de sa famille. Il doit leur exposer ce que peuvent entraîner les résultats. Il aura parfois à signifier à une jeune personne en santé qu'elle est à haut risque de porter le gène et de développer la maladie. Plusieurs personnes à risque peuvent requérir le test pour les aider à planifier leur vie. « The inforniation obtained, however, could have a devastating impact on both the patient and the family. The suicide rate among patients with Huntington's disease is considerably higher than the population average (pp. 1273-1274). » Un résultat positif signifie que la maladie aura une influence considérable sur les fonctions affectives et cognitives. Il peut y avoir désintégration de la vie familiale, des tensions maritales, un divorce ou une perte d'emploi. Même un résultat négatif peut avoir une répercussion psychologique considérable, particulièrement lorsqu'un proche parent a obtenu un résultat positif.

The nature of Huntington's disease and the mechanics of linkage testing dictate that predictive information should be delivered only when extensive counseling is available before and after testing and when long term support can be provided to minimize the potential negative effects on the person at risk and his or her farnily. (p. 1274)

Un tel soutien requiert la participation de professionnels tels le neurologue, le généticien, le psychiatre, le conseiller génétique, le psychologue, le travailleur social, l'avocat, de même que des organismes aidant les personnes atteintes.

J. B. Martin et J. F. Gusella souligment que des études pilotes doivent précéder l'application généralisée du test, pour étudier la façon la plus sécuritaire et la plus efficace d'appliquer le test présymptomatique et prénatal, comme cela se fait pour les essais cliniques d'un nouveau médicament pour en étudier les effets négatifs possibles. De plus, plusieurs problèmes juridiques et sociaux doivent être résolus avant que les effets du test préclinique ne soient déterminés, pour que les personnes prennent une décision libre de toute pression externe provenant d'employeurs, de compagnies d'assurances et d'agences gouvernementales.

Selon ces auteurs, le G8 n'a pas été appliqué jusque-là (1986) en test préclinique, parce qu'il est essentiel de vérifier s'il n'y a pas d'hétérogénéité [568] allélique. Il est maintenant justifiable, d'un point de vue scientifique, de procéder au test présymptomatique. Des tests expérimentaux ont déjà commencé dans des institutions qualifiées.

The maximal potential accuracy of the linkage test is 95 percent, if only the G8 marker is used, because of the frequency of recombination between the two loci. Identification of additional markers, especially on the opposite side of the Huntington's disease gene from G8, should increase the accuracy to wen over 99 percent. Ultimately, cloning of the Huntington’s disease gene itself and delineation of the defect might permit direct preclinical testing and obviate the need for DNA from relafives. (p. 1274)

En 1987, l’Ametican Journal of Medical Geneties publiait plusieurs études sur les attitudes des personnes à risque relativement au test présymptornatique par marqueur génétique.


- L’étude de Mastromauro et de ses collègues (C. MASTOMAURO et alii, 1987) (N=131) indique que 96% croient que le test devrait être disponible et que 66% y recourraient. Pour 40% des répondants, la raison première pour demander le test est de lever leur incertitude. Les auteurs concluent :


The at-risk individuals in this survey were almost unanimous in their support of the implementation of a voluntary testing program for adults based on the use of the linked DNA RFLP. This suggests that many at-risk persons believe that the choice to be tested or not should rest with the at-risk individual. (p. 281)


- D'après l’enquête de G.J. MEISSEN et R.L. BERCHEK (1987) (N=56), 65% des individus interrogés recourraient au test présymptornatique et 75% encourageraient leurs enfants majeurs à faire de même. Aussi, 42% recourraient au test prénatal et 35% feraient subir le test à leurs enfants ; mineurs. « These findings emphasized the need for outreach and prevention efforts to prepare the at-risk and specialized programs of genetic counseling and follow up to accompany predictive testing (p. 283). » «  [...] the dilemma of maximizing the positive uses of the test while not violating the rights of at-risk individuals is a perilous one and must be considered with all supportive interventions (p. 292). »

- Selon l'étude de Markel et de ses collègues (D. S. MARKEL et alii, 1987) (N= 155), 63,2% des répondants ont l'intention d'utiliser le test, même s'il n'y a aucun traitement pour la maladie, ce qui confirme les résultats d'autres études antérieures. Les deux tiers voudraient que leurs enfants soient testés (sans possibilité dans l'étude de distinguer la proportion des mineurs et des majeurs).

The strong interest of at-risk persons to make use of both presymptomatic and prenatal diagnosis in HD indicates the need forwell-organized testing programs. These programs must be designed to address the genetic, psychosocial, and ethical issues that may arise in the use of this type of genetic test. (p. 295)

[569]

- L’étude de Kessler et de son équipe (S. KESSIER et alii, 1987) (N=69), indique que 79% des personnes recourraient au test s’il était disponible, et toutes croient qu’il devrait l’être, même s’il n'existe pas de traitement. La plupart pensent qu'un counseling préalable au test devrait être obligatoire et qu'on devrait refuser le test aux personnes psychologiquement instables. La préoccupation pour la confidentialité est élevée : près des trois quarts des sujets sont d'avis que les résultats des tests prédictifs ne devraient pas apparaître dans les dossiers auxquels les employeurs et les compagnies d'assurances ont accès. L’équipe conclut aussi à la nécessité d'un counseling avant le test et à la disponibilité de ressources communautaires et professionnelles pour faire face aux conséquences du test prédictif sur les individus et leur famille.

- S. KESSLER (1987), dans une lettre à l’Éditeur, attire l'attention des professionnels de la santé sur le problème du suicide. L’étude de L.A. FARRER (1986) indiquait qu'une augmentation sensible des suicides et des tentatives de suicide devait être prise en considération par ceux qui ont à informer les personnes à risque au moment des tests prédictifs. Cette étude, selon Kessler, sous-estime le problème. Sa propre enquête (1987) révèle qu'environ 35% des personnes à risque ont rapporté l'hospitalisation d'un proche parent pour des raisons psychiatriques et que 37% ont rapporté au moins une tentative de suicide ou un suicide parmi leurs parents. « In our survey, over two-thirds of at-risk persons expected that they would become depressed if predictive test results were positive, and between 5 and 11% said they would commit suicide (p. 315). » Souvent les individus atteints deviennent dépendants et imposent un fardeau économique et psychologique croissant à leurs parents. Ils sont ainsi tentés de s'enlever la vie. Cependant leur attitude est un appel à l'aide pour trouver des raisons de vivre plutôt qu'une attitude correspondant à un « suicide rationnel ». Les professionnels de la santé doivent, par conséquent, être circonspects lorsqu'ils sont confrontés au problème du suicide dans le conseil génétique qui suit le test prédictif.

- L.A. FARRER (1987) corrobore la position de Kessler. Les récentes études sur le comportement suicidaire des patients devraient alarmer les médecins et les hôpitaux qui entendent mettre sur pied des programmes de dépistage présymptornatique. Farrer voit l’urgence d'assister les patients et les familles. Avec d'autres auteurs, il soutient que le test présymptomatique devrait comprendre obligatoirement un soutien avant et après le counseling en même temps qu'un soutien psychologique à long terme.

[570]

- Margery W. SHAW (1987) commente en éditorial les quatre études précédentes. Grâce à la technologie actuelle, il est maintenant possible d'éliminer de notre espèce le gène de la maladie de Huntington. Ce but est atteignable d’ici deux générations ; en attendant, il est nécessaire que les porteurs du gène prennent des mesures pour prévenir sa transmission.


Selon elle, en vertu du principe d'autodétermination ou d'autonomie, le patient a droit de savoir et, corrélativement, le professionnel de la santé a le devoir de l'informer, à condition que la demande soit raisonnable, que le test soit disponible et fiable, qu'il y ait un conseil génétique préalable. Seules des raisons sérieuses pourraient justifier de ne pas donner l'information. De même, un patient qui refuse de savoir son état de porteur a droit de ne pas connaître sa condition. Plusieurs raisons peuvent légitimer ce refus de savoir (anxiété ultérieure plus grande que l'incertitude actuelle, risque de perte d'emploi, âge de la reproduction dépassé ou décision de ne pas avoir d'enfants). On devrait respecter une telle décision ; le conseiller en génétique a cependant le devoir d'étaler tous les faits pertinents pour s'assurer que le choix est bien informé.

D'autre part, selon Shaw, une personne a le devoir moral de savoir si elle est porteuse ou non lorsqu'un tiers peut être lésé par son refus de passer le test. Si la connaissance de sa propre constitution génétique fait partie de son identité personnelle, cette identité génétique est partagée avec d'autres. Cependant, si cette personne pense avoir des enfants, elle a une obligation morale de ne pas leur causer de mal en connaissant sa condition génétique. M. Shaw soutient que le conjoint a droit de connaître les résultats du test ; il s'agit d'une divulgation limitée et conditionnelle à l'intention d'avoir des enfants. Un conjoint n'a cependant pas le droit d'user de coercition pour faire tester l'autre conjoint. Un conjoint ou futur conjoint devrait être informé que l'autre est à risque.

La nature du test requiert la collaboration d'autres proches dans la famille élargie (oncles, tantes, cousins et conjoints). Shaw indique que, si on ne peut les forcer légalement, on peut les persuader moralement de contribuer à la connaissance de la constitution génétique de la personne à risque : « Compulsory education is not an infringement on an individual's liberties as mandatory testing might be (p. 246). » Elle trouve qu'il incombe au conseiller de fournir l'information à toute la famille et de faire un effort spécial pour contacter ceux qui sont réticents à venir.


- Hayden et ses collègues (M. R HAYDEN et alii, 1987), commentant l'éditorial de Shaw, font ressortir la nécessité d'un débat sur les buts des programmes de tests précliniques pour la maladie de Huntington. Ils contestent que le but eugéniste de l'éradication du gène de la [571] maladie de Huntington puisse être un but à poursuivre dans un tel programme.

While all would welcome a reduction in the gene frequency for HD this eugenic argument is both impractical and certainly not a primary goal for the preclinical testing programmes in Canada and the United Kingdom. (p. 761)

Leurs raisons sont les suivantes. Plusieurs personnes à risque ne pourront participer au programme parce qu'elles n'ont pas les parents nécessaires (décès, éloignement, etc.) pour rendre le marqueur informatif. Ensuite, même si un test préclinique était possible pour toutes les personnes à risque, un programme d'éradication du gène entraînerait de la coercition, ce qui aurait un coût personnel et social considérable pour les familles concernées. De plus, il n'est aucunement certain que ces personnes à risque ne décideraient pas de ne pas avoir d'enfants ; à leur avis, une telle décision n'est peut-être pas aussi irresponsable que M. W. Shaw le pense. Quel devrait être l'objectif principal d'un test prédictif, selon eux ? «The major goal of preclinical detection of HD is the improvement of the quality of fife for persons at risk (p. 762).)- Les programmes doivent reconnaître et respecter la nature profondément personnelle des choix auxquels les participants font face. Les auteurs corroboreront Cette position en 1989 (M. BLOCH et alii, 1989, p. 223).

De plus, selon Hayden et ses collègues, Shaw soutient qu'en certaines circonstances la personne à risque a un devoir moral de savoir si elle est porteuse ou non lorsqu'un tiers pourrait être lésé, par exemple un fœtus. Bien qu'elle soit préoccupée par le tort causé à une tierce personne si quelqu'un ne veut pas subir le test Hayden et ses collègues indiquent qu'elle ne porte pas suffisamment attention au tort possible créé à la personne qui subirait le test à contrecoeur, par exemple la mère qui envisagerait un arrêt de grossesse.

Ils concluent :

Preclinical and prenatal testing for HD is complex and will eventually serve as a model for the delivery of genetic testing for other late onset genetic disorders. The preclinical projects in Canada, Great Britain, the USA and elsewhere are designed to address the psychosocial and ethical implications of such testing. Therefore in this early phase, caution is desirable and it is important that the screening programmes are carefully conceived with adequate support in place to deal with expected and unexpected outcomes. (p. 762)


- J.F. SMURL et D. D. WEAVER (1987) présentent à des fins de discussion, des premières lignes directrices sur l'éthique des tests présymptomatiques par marqueur génétique. Elles sont fondées sur l'expérience passée et sur des principes moraux et juridiques généraux tels l'autonomie, le consentement informé, la bienfaisance, la vérité et la parole donnée. Afin de mettre en lumière les problèmes moraux et sociaux, leurs lignes directrices sont groupées en quatre étapes : la recherche, le développement et l'application clinique (stades [572] d'investigation I, II), l'étape des essais cliniques (III), et l'étape de dépistage et de conseil clinique (IV). Ils insistent surtout sur cette dernière étape.


Qui peut savoir ? Smurl et Weaver distinguent entre les tiers parents et les tiers non parents.

En ce qui a trait aux tiers parents, on peut établir en prémisse que la foi et la confiance envers les proches parents établissent des relations privilégiées. On s'attend à ce que les membres d'une famille agissent dans les meilleurs intérêts les uns envers les autres. Aussi y a-t-il des responsabilités spéciales envers les proches, par-delà les liens qui relient des humains entre eux. Les conjoints, surtout s'ils ont des enfants, et les enfants des personnes présymptornatiques ou asymptomatiques ont de prime abord le droit de connaître les résultats des tests pour prendre des décisions éclairées concernant leur propre reproduction. Par conséquent et idéalement, les autres adultes membres de la famille immédiate devraient participer aux sessions de conseil génétique précédant le test.

Les demandes de parents plus éloignés sont moins fortes du point de vue moral, selon ces auteurs. En tant qu’êtres humains cependant, ils ne doivent pas subir de tort arbitrairement. Par conséquent, s'ils veulent être informés sur les résultats du test, à condition qu'ils aient obtenu le consentement de la personne atteinte et de sa famille immédiate pour cette divulgation, ils ont droit à l'information scientifique et médicale pertinente. Ils ont de même le droit de ne pas savoir ce qu'ils ne veulent pas connaître. La confidentialité des résultats devrait être sauvegardée pour qu'on se comporte professionnellement et socialement d'une façon responsable à l'endroit de ceux qui ne veulent pas connaître les résultats. Les centres devraient développer des mécanismes de sécurité pour protéger cette confidentialité.

Smurl et Weaver constatent que les intérêts des tierces parties (non parents) pour accéder à l'information vont grandissant, d'après l'étude de I. D. YOUNG (1984). Celle-ci indique que 63% des répondants sont d'avis que les employeurs ont le droit de savoir si un travailleur est potentiellement dangereux et que 29% sont en faveur de divulguer l'information aux proches parents sans le consentement de la personne concernée. Outre l'employeur et les co-travailleurs, d'autres personnes, par exemple les voisins, peuvent être en danger ou blessées accidentellement par ceux qui sont en phase avancée de la maladie. D'autre part les agents d'assurances et les agents de sécurité publique ont aussi intérêt à savoir. Ces considérations entrent-elles dans le secteur clinique et, si oui, comment les cliniciens qui ont leur premier devoir à l'endroit de leurs patients peuvent-ils être socialement responsables ? Ces tiers ont-ils le droit de savoir ?

[573]

The general principle implicit in traditional practice seems to have priority still - namely that unless so requested or authorized bythe patient/client, those who have access to test results normally should not disclose it. The presumptions in clinical policies should continue to favor confidentiality and the protection of the client (p. 253).

Cependant, comme dans d'autres secteurs de relations privilégiées, il peut exister un intérêt public supérieur, par exemple dans le cas d'un individu atteint qui est contrôleur aérien. Dans ces cas, le fardeau de la preuve revient à la personne ou à l'agence qui requiert l'information. Considérant l’intérêt croissant pour le dépistage génétique en milieu de travail comme moyen d'améliorer la performance, de hausser les profits, de diminuer les accidents et les coûts de l'assurance-santé, les centres cliniques devraient adopter, selon Smurl et Weaver, des politiques qui justifient moralement l'exclusion de certaines personnes du travail.


- A T. LAMPORT (1987) centre son texte sur les problèmes éthiques et juridiques reliés aux intérêts des tierces parties. Puisque le test présymptomatique par marqueur demande la collaboration de tiers parents, des problèmes surgissent à l'intérieur de la famille nucléaire et étendue. Cette auteure discute des droits et des devoirs de la personne atteinte et de sa famille, ainsi que des tiers non parents (employeurs, compagnons de travail, public en général). Elle fait ressortir les conflits de droits possibles.


These often conflicting interests create ethical dilemmas that must be resolved if the full potential of the proposed test is to be utilized and if the interests of all parties are to be served equitably. By using the ethical principles of fairness and beneficence, and the law based upon those principles, a workable solution to these dilemmas can be reached. (p. 313)


- Morris et ses collègues (M. MORRIS et alii, 1988) s'arrêtent à une catégorie particulière de tiers non parents, les agences d'adoption et les parents adoptifs prospectifs qui peuvent demander des tests prédictifs chez les enfants à adopter. Ils s'y opposent pour plusieurs raisons. La décision de passer un test présymptomatique pour une maladie incurable qui apparaît tardivement dans la vie devrait être assumée volontairement et personnellement et non pas être prise dans l'intérêt de tierces parties comme les agences d'adoption. Les parents peuvent devenir surprotecteurs ou rejeter l'enfant, avec les conséquences que cela entraîne pour cet enfant.


Les écrits disponibles pour l'année 1989 confirment les prévisions de 1983 sur la portée exemplaire des études et des politiques prises à l'endroit des tests prédictifs pour la maladie de Huntington. Des résultats d'études ou de projets pilotes débutés en 1986 sont publiés.

[574]

- D'abord, J. G. JENKINS et P. M. CONNEALY (1989) insistent sur la dimension « paradigmatique » de la maladie de Huntington en tant qu'instrument d'enseignement dans les cours en génétique humaine et médicale. Cette maladie illustre plusieurs concepts importants en génétique, tels l'hérédité autosomale dominante, les maladies à manifestation tardive, l'allélisme multiple, l'expressivité variable, les techniques de recombinaison de l’ADN, la cartographie par RFLP, l'équilibre de Hardy-Weinberg, l'analyse de lod score, la relation entre un phénotype et un génotype, ainsi que plusieurs dilemmes personnels, éthiques et sociaux associés aux maladies génétiques chez l'humain.

- Un projet pilote canadien conduit en Colombie-Britannique depuis 1986 par Fox et ses collègues (M. FOX et alii, 1989) comprend 95 personnes. Les responsables du projet présentent dans l’American Journal of Medical Genetics les objectifs du programme, les considérations qui les ont dirigés dans son élaboration (évaluation de la santé psychologique, du risque de suicide et de dépression, ainsi que du soutien social), les critères d'entrée dans le programme, le mode de recrutement des personnes. Onze sessions de conseil génétique (s'étendant sur plus de deux ans) permettent de suivre les personnes à risque avant, pendant et après l'administration du test. Une équipe pense que les lignes directrices élaborées dans ce programme pilote trouveront des applications importantes pour les tests prédictifs concernant d'autres maladies autosomales dominantes à apparition tardive.

Ces auteurs admettent que les effets à court et long terme des tests prédictifs sont encore incertains puisque relativement peu d'individus ont reçu l'information et ont terminé le programme de suivi. Commentant leur étude, ils indiquent les points suivants (pp. 214-215) :


a) Les tests prédictifs par MG pour la maladie de Huntington ou pour d'autres maladies n'identifient pas le gène lui-même, mais des séquences d’ADN pour déterminer la probabilité que quelqu'un ait ou n'ait pas hérité du gène. « Thus, in any family markers can be identified, but this only becomes meaningful if the diagnosis of HD is confirmed. In a few instances, we have found that the diagnosis of HD was incorrect, and thus predictive testing was of no relevance (p. 214). »

b) Les candidats ont insisté sur le fait que la préparation antérieure à la divulgation des résultats du test revêtait une très grande importance.

[575]

c) Certaines personnes s'étant inscrites au programme dans le seul but d'obtenir de l'information sur leurs enfants (la plupart âgés de moins de 10 ans) ont préféré ne pas recevoir cette information pour le moment et ont opté pour se retirer du programme avec l'intention de réévaluer la situation lorsque leurs enfants seront plus âgés (p. 215).

d) Le suivi, ainsi que des services disponibles en cas de situation de crise, s'avèrent cruciaux dans un tel programme.

e) Il ressort clairement qu'il faut une grande disponibilité et une grande adaptation pour les discussions avant et, après la divulgation en conseil génétique, étant donné la grande diversité des personnalités. Aussi concluent-ils : « [...] thus, we recommend that predictive testing not be performed without appropriate supports in place (p. 215). »


- La même équipe (M. FOX et alii, 1989) présente une étude portant sur les caractéristiques démographiques, le style de vie, les attitudes et l'évaluation psychosociale de 51 de ces 95 candidats. Cette étude démontre encore le rôle capital du conseil génétique. Dans la phase précédant le test, un des buts du conseil est de faire clarifier les motivations poussant à demander le test pour la recherche ? pour les enfants ? Si la raison première est l'intérêt des tierces parties, il peut en résulter diverses frustrations (p. 222). Le rôle du conseiller dans cette phase est celui de la personne-ressource qui offre l'expertise et l'assistance : « The role is facilitative and not directive. Thus, the goal of the program is to facilitate and support at-risk individuals in making personal decisions based on the individual's subjective judgment made in his/her own selfinterest (p. 222). » Dans cette perspective, ils affirment que leur position morale sur l'objectif premier du conseil génétique diffère de l'approche prescriptive d'autres auteurs, tel M. W. SHAW (1987), qui font primer l'obligation morale face aux générations futures sur celle à l'égard de l'individu à risque.

However, the primary goal of this predictive testing program for HD is to give at-risk persons options which may overall improve their quality of life. [...] While a reduction in the gene frequency of HD may be a welcome outcome of predictive testing programs, a decrease in the gene frequency of HD is not an objective of this program. (p. 223)

Ils corroborent ainsi la position prise en 1987 (M. R. HAYDEN et alii, 1987, pp. 761-762).

Cette même enquête indique que la planification est presque toujours l'unique raison donnée pour subir le test et que les résultats auront une influence majeure sur l'avenir de la famille. En ce qui a trait à la répercussion sur la vie personnelle des individus, les réponses divergent selon les questions posées. La possibilité du suicide ou d'autres éventualités dramatiques est un [576] sujet de préoccupation. Les auteurs rapportent que 33% de leurs candidats considèrent l'éventualité du suicide dans l'avenir (p. 223). Le conseil génétique, centrant l'attention non seulement sur la maladie elle-même mais sur l'individu à risque (ses valeurs, ses conduites antérieures, etc.), s'est avéré un facteur de croissance personnelle pour plusieurs candidats.


- K. A QUAID et alii (1989) publient des résultats d'un autre projet débuté en 1986 au Maryland (Johns Hopkins Hospital). Les tests étaient offerts aux candidats (N=47) dans le cadre de protocoles de recherche. L'objectif du projet était d'évaluer la répercussion psychologique et sociologique de cette nouvelle technologie avant de la rendre disponible à l'échelle d'un test clinique. Ils donnent des résultats concernant l'information, les attitudes et les raisons de demander le test. Cet article démontre, lui aussi, le rôle capital du conseil génétique dans les tests prédictifs.


Leur étude fait ressortir un point inattendu. Comparant les résultats des diverses enquêtes menées avant et après la découverte des MG, ils observent que maintenant que le test par MG est disponible, le nombre de personnes à risque demandant le test est significativement inférieur à ce qu'on avait pu prévoir. À quoi attribuer ce phénomène ? Une hypothèse tiendrait à la valeur prédictive du test : le fait qu'il ne soit pas à 100% prédictif pourrait dissuader les gens et avoir une influence psychologique dans la prise de décision. Mais, selon Quaid et ses collègues, « The most likely reason for choosing not to be tested is fear of finding out that one is highly likely to develop HD at some time in the future. This concern raises new issues for genetic counselors (p. 432). » Ceux-ci doivent s'attendre à ce que malgré l'intérêt initial manifesté pour le test, peu d'individus se rendront jusqu'à le subir (p. 436). À mesure que des tests pourront prédire d'autres maladies génétiques, le conseil génétique deviendra crucial Le rôle des sessions d'information et d'éducation apparaît déterminant Les auteurs terminent ainsi l'article : « Counselors should be aware of the possibility of greatly increased demands on their time and on their own emotions as those previously at-risk come to terms with their futures (p. 436). »


- Brandt et ses collègues (J. BRANDT et alii, 1989) publient les résultats d'une étude de deux ans portant sur 55 personnes, étude débutée en 1986 à la Johns Hopkins University School of Medicine. De ce nombre, 12 ont reçu un résultat positif, 30 un résultat négatif, et 13 un résultat non informatif. Les réactions initiales variaient de la joie et du soulagement au désappointement, à la tristesse et à la démoralisation, mais il ne s'est pas manifesté de réactions dépressives sérieuses. Ces auteurs font les commentaires suivants (pp. 3113-3114) :


a) Les individus qui se sont présentés étaient exempts de troubles psychiques et très instruits, ce qui empêche de généraliser les [577] résultats à d'autres types de candidats, et ce qui confirme aussi les observations d'études antérieures.

b) Lorsque le programme est hautement structuré et inclut l'éducation, le conseil génétique préalable, le soutien psychologique et un suivi régulier, ces gens s'en tirent bien au moment de la divulgation des résultats des tests génétiques, du moins à court terme.

c) Chez ceux qui ont reçu un résultat positif, une légère augmentation de l'anxiété et de la dépression indique la nécessité d'un suivi à long terme pour évaluer pleinement l'influence d'un tel résultat.

d) Par rapport aux prévisions d'études antérieures, le nombre d’individus à risque demandant le test présymptornatique a beaucoup diminué ; la demande augmenterait probablement si des traitements pouvaient retarder l'âge d'apparition de la maladie ou en ralentir la progression.

e) la découverte du gène et de la mutation simplifierait grandement la technique des tests prédictifs et la rendrait virtuellement exempte d'erreur ; une seule prise de sang chez la personne suffirait, et davantage de personnes à risque pourraient requérir le test pour obtenir un diagnostic certain.


Cette même étude, bien qu'elle ne comprenne que 55 personnes (peut-être non représentatives de l'ensemble des personnes à risque pour la maladie de Huntington, d'après ces auteurs) et bien qu'elle ne fournisse que des résultats préliminaires, est intéressante en ce que les auteurs y donnent (pp. 3114-3115) des éléments de réponse à certaines questions qui se sont posées durant plusieurs années.

La première question portait sur l'influence du résultat positif d'un test prédictif par marqueur génétique sur la personne à risque pour une maladie sans traitement.

Our preliminary data suggest that presymptornatic testing can be done safely in supportive setting with appropriate long-term monitoring of test-positive cases. Carefully screening is important to avoid testing persons who are obviously psychologically vulnerable and to be certain that at-risk individuals who request testing are doing so without coercition from theirfamilies or others. (p. 3113)

La seconde question concernait la fiabilité du test par marqueurs et la nature de l'information qu’il fournit. Le fait que la maladie de Huntington soit une maladie autosomale dominante avec pénétrance complète permet au test actuel d'être prédictif à 95% ou 99% dans la plupart des familles.

Tests for disorders that are not fully penetrant will not likely be as conclusive, and it will be difficult to interpret a « positive » test outcome. Pretest counseling is essential to educate people about the genetic aspects of such tests, the [578] concepts of risks and probability, and how to interpret personal risk to make decisions about the future. (p. 3114)

La troisième question qui se posait avait trait à l'utilisation indue de l'information obtenue par le test génétique. La préoccupation pour la vie privée et la confidentialité est justifiée, selon eux, puisque par le passé des compagnies d'assurances ont refusé d'assurer les personnes infectées par le VIH, et des employeurs ont usé de discrimination à l'endroit de travailleurs testés pour l'anémie falciforme. Cependant, la maladie de Huntington est à ce point rare, selon ces auteurs, qu'on ne pourra probablement pas en apprendre beaucoup sur le sujet comparativement aux maladies plus répandues. Par contre, il est à craindre que les employeurs et les assureurs demanderont le test pour les personnes ayant des antécédents familiaux, et que la discrimination sera possible sur la base de la constitution génétique des individus. « In the absence of knowledge of how insurance companies and employers are going to handle this information, individuals may be well advised to be cautious about disclosing either their participation in testing or test results (p. 3114).

Finalement, ces mêmes auteurs (Brandt et ses collègues) soulèvent deux autres problèmes. D'abord, celui du coût des tests prédictifs. À mesure que ceux-ci passeront du stade de la recherche à celui de l'application clinique, seuls les individus aptes à en assumer les coûts pourront y accéder ; cependant, la découverte du gène rendra le test plus simple, plus rapide, plus fiable et plus accessible. Par contre, plus on découvrira de gènes, plus la demande de tests augmentera et plus l'éducation des professionnels et du public s'imposera face à cette nouvelle technologie médicale. « Physicians and other health care providers will be forced to grapple with complex psychological, social, and ethical issues in the application of molecular genetic technology to clinical practice (p. 3114). »


CONCLUSION


L'histoire des tests prédictifs - dont le test de marqueur génétique - pour la maladie de Huntington remonte à plus de 20 ans. Le débat éthique portant sur l'opportunité et l'influence de tels tests pour cette génopathie, ouvert en 1968, n'est pas encore terminé en 1989.

La période 1968-1983 se caractérise d'abord par une controverse, au sein et à l'extérieur de la profession médicale, portant sur la moralité de l’utilisation des tests prédictifs disponibles alors pour une maladie dévastatrice et sans traitement curatif.

Sur le plan clinique, cette période est caractérisée par le tâtonnement dans l’élaboration et l’administration des tests prédictifs, par leur faible [579] fiabilité entraînant des résultats faux positifs et faux négatifs, par des erreurs de diagnostic, par l'absence de suivi à long terme pour vérifier la justesse des prédictions et par l'absence ou le très faible soutien en conseil génétique. Le test du levodopa, provocateur des symptômes chez les patients à risque, apparaît avoir le mieux illustré le genre de questions posées par les tests prédictifs antérieurs aux marqueurs.

Sur le plan de l'éthique, le débat de la période 1968-1983 a porté à la fois sur le principe et la pratique des tests disponibles pour une génopathie incurable.

Dans le premier cas, c'est la question de fond qui est soulevée. Elle se formule ainsi : En principe, est-il moralement acceptable d'utiliser un test prédictif pour les personnes à risque d'une génopathie incurable et à expression tardive ? Cette question, posée en 1968 (M. SÉGAL 1968), a divisé la profession médicale : Stevens (D. L STEVENS, 1971) et Rothstein (E. ROTHSTEIN, 1971) y ont amorcé les deux courants de pensée. Il apparaît clairement que l'argument principal du premier courant de pensée ait été d'enrayer la transmission de la maladie à la descendance et ait servi de justification pour intervenir auprès des personnes à risque. L'autre courant d'idée a surtout été préoccupé par l'influence du résultat positif sur la personne à risque et sur sa famille.

Dans le second cas, la question éthique a porté sur une question de technique et elle est liée aux circonstances historiques. Elle peut s'énoncer ainsi : Est-il moralement jusfifiable d'employer tel ou tel test prédictif disponible ? Les résultats de ces tests, notamment celui du levodopa, se sont avérés plus que décevants. Il n'est pas étonnant que J. P. CONOMY et G. KANOTI (1984) en soient arrivés à déconseiller aux cliniciens l'utilisation de tels tests au nom même de leur devoir de ne pas faire de tort à leurs patients. Ils ont toutefois indiqué que leur position était dépendante des circonstances. Par contre, ces auteurs, comme une majorité d'autres, n'ont pas rejeté le principe même du test prédictif, puisqu'ils ont tourné leur espoir vers un test « idéal » d'une grande fiabilité qui pourrait être offert aux personnes qui le demanderaient. Il est significatif de constater qu'on ait recommandé de poursuivre la recherche pour des tests prédictifs dès 1972 (Éditorial, New England Journal of Medicine), même si les résultats étaient très pauvres.

La période 1983-1989 est caractérisée par la découverte du premier marqueur génétique (1983). Une grande partie de l'approche antérieure est modifiée, mais une nouvelle génération de questions éthiques apparaît ce qui complexifie davantage les données du problème. Si la question de principe mentionnée précédemment n'est pas totalement résolue, une orientation est claire dans les publications recensées : le test prédictif par marqueur génétique est en principe acceptable, mais il doit être encadré de conditions pratiques strictes, tels le volontariat, l'exclusion des mineurs, la réalisation d'études et [580] de programmes pilotes, des centres et des cliniciens qualifiés, une infrastructure de services en conseil génétique avant et après le test pour les porteurs et les non-porteurs, le soutien aux familles et le contrôle de l'information.

On peut regrouper ces nouvelles questions éthiques (1983-1989) autour de trois axes : la fiabilité du test, son influence sur les personnes, les familles et la société, et la divulgation de l'information génétique.

En ce qui a trait à la fiabilité du test par marqueur génétique, il y a indubitablement un progrès par rapport aux tests prédictifs antérieurs. Mais ce test a ses limites. Dès 1983, les 5% de risque d'erreur, statistiquement faibles, sont apparus cliniquement très significatifs pour l'équipe de Gusella et ses collègues, découvreurs du marqueur. Ils ont exigé plus de recherche dans des laboratoires de divers pays avant d'accepter de mettre le marqueur à l'essai clinique, ce qui a suscité une controverse en 1986. L’empressement de certains chercheurs ou cliniciens à les utiliser en milieu clinique de façon prématurée risquait d'entraîner des dommages importants pour les personnes et familles. L’équipe des découvreurs s'est montrée très prudente à cet égard ; plusieurs auteurs les ont appuyés et suivis : la politique adoptée pour la maladie de Huntington servirait probablement d'exemple pour le dépistage d'autres maladies et il y a des possibilités d'erreurs de diagnostic tant que le gène lui-même n'est pas isolé. Fox et ses collègues reconnaissent en 1989 que quelques diagnostics se sont encore révélés faux malgré la haute fiabilité des tests prédictifs par marqueurs.

Le second groupe de questions se rapporte à l’influence humaine des marqueurs. Les publications de 1986 concentrent l'attention sur la nécessité du conseil génétique, et les écrits ultérieurs iront dans cette direction en l'accentuant encore, au point d'en faire en 1989 une condition essentielle pour l'administration des tests prédictifs. Déjà les grandes études sur les attitudes des personnes à risque, parues principalement dans l’American Journal of Medical Genetics en 1987, se sont montrées révélatrices : des personnes à risque pourront être incapables de supporter l’information. D'une part, certaines enquêtes montrent que la majorité (environ les deux tiers) des personnes à risque recourraient au test, même s'il n'y a pas de traitement. D'autre part, d'autres enquêtes démontrent que la dépression, le suicide et le risque de suicide s'accroissent dans cette population à risque, ce qui confirme la nécessité du soutien et du suivi auprès des porteurs, des non-porteurs et de leur famille. Le problème de l'influence humaine des résultats des tests prédictifs n’est pas encore résolu en 1989. Même si certaines publications donnent quelques indices, le petit nombre de programmes pilotes, le nombre restreint de candidats, la sélection ou l'autosélection de ces candidats et l'absence de suivi à long terme ne semblent pas permettre l’extrapolation des données à l'ensemble de la population à risque de la maladie de Huntington.

[581]

Le troisième groupe de questions a trait à la propriété, à la divulgation et au contrôle de l’information génétique. Puisque le test par marqueur ne peut avoir lieu que si des membres de la famille collaborent, la question du consentement libre est posée. Il en est de même pour celle de l'accès à l'information de tiers parents. La divulgation et le contrôle de l'information obtenue par le test prédictif préoccupent dès 1984 : Qui doit savoir et qui doit être exclu du savoir ? Cependant c'est surtout en 1986-1987 que les publications se penchent sur la question de la protection de l'information face aux tiers non parents (compagnies d'assurances, employeurs, fonds de retraite, agences d'adoption, etc.). On y voit un des plus grands dangers sociaux qui guettent les individus et les familles, raison pour laquelle des législations ont été demandées. En 1989, la question de la divulgation de l’information génétique aux personnes et familles semble prépondérante dans les écrits étudiés. Celle du contrôle social de l'information génétique y apparaît moins traitée que dans les années précédentes ; néanmoins on y indique qu'elle se posera de façon accrue avec l'arrivée de nouveaux marqueurs pour des maladies plus répandues que celle de Huntington.

Ces trois groupes de nouvelles questions soulevées par l'avènement des marqueurs génétiques sont en interaction. Leur complexité explique la grande réserve, voire l'extrême prudence, que l'on observe depuis 1983 face à leur application clinique. On peut constater que la politique adoptée par l'équipe de Gusella, Wexler et leurs collègues en 1983 se poursuit avec Hayden en 1987 et jusqu'en 1989 dans les écrits analysés. Les programmes d'application préclinique sont préparés de façon à tenir compte des répercussions morales et psychosociales, en même temps que des effets prévisibles et imprévisibles. De plus, il apparait nettement que le caractère paradigmatique de l'expérience pour la maladie de Huntington a contribué à la politique de prudence pour l'administration des tests prédictifs.

L'histoire de la pensée (1968-1989) face aux tests prédictifs pour la maladie de Huntington démontre bien les dilemmes éthiques auxquels les cliniciens et les personnes à risque sont confrontés avec la découverte des marqueurs génétiques : Dire ou ne pas dire ? Savoir ou ne pas savoir? À quelles conditions dire et savoir ? L'histoire de la pratique des marqueurs pour cette maladie peut servir de précédent pour le dépistage d'autres maladies génétiques plus rares ou plus répandues. Dans cette perspective, la génétique médicale future jugera certainement heureux qu'on ait résisté à l'empressement d'administrer le test ou à la sollicitation des personnes à risque, avant d'avoir mis en place les dispositifs et les infrastructures nécessaires permettant de préserver le plus possible les personnes et les familles des risques inhérents au savoir/non-savoir sur leur condition génétique.

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[1] VOIR CONSEIL DE RECHERCHES MÉDICALES DU CANADA (1989) ; S. B. MELANÇON (1989).

[2] Voir J.B. MARTIN, J.F. GUSELLA (1986) ; J.G. JENKINS (1989) ; J.P. CONOMY, G. KANOTI (1984) ; M. R. HAYDEN (1981).

[3] Voir J. B. MARTIN, J.F. GUSELLA (1986), pp. 1273-1274 ; M. W. SHAw (1987), p. 245 ; A. T. LAMPORT (1987) ; K. A.QUAID et alii (1989).

[4] Voir M. R. HAYDEN, S. L. FOX (1985), p. 2; J. B. MARTIN, J. F. GUSELLA (1986), pp. 1273-1274 ; J. F. SMURL, D. D. WEAVER (1987), p. 249.

[5] Voir J. F. GUSELLA (1986), p. 21 ; J. B. MARTIN, J. F. GUSELLA (1986), p. 1274 ; M. FOX et alii (1989), p. 215 ; J. BRANDT et alii (1989) ; M. BLOCH et alii (1989), pp. 222-224.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 12:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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