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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marcel J. Mélançon, “Introduction.” Un article publié dans l'ouvrage publié sous la direction de Marcel J. Mélançon, L'insémination artificielle thérapeutique. Aspects cliniques, juridiques, éthiques et philosophiques, pp. 11-16. Québec: Les Presses de l'Université Laval, 1983, 217 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

Un article publié dans l'ouvrage publié sous la direction de Marcel J. Mélançon, L'insémination artificielle thérapeutique. Aspects cliniques, juridiques, éthiques et philosophiques, pp. 11-16. Québec : Les Presses de l'Université Laval, 1983, 217 pp.



Un couple juge que le moment est venu pour lui de mettre au monde un enfant. Mais ce projet est mis en échec par son infécondité, et la cause en est cliniquement attribuable à la stérilité du mari.

Le taux de stérilité des couples est communément situé à 15%. La Société canadienne de Fertilité indique que ce taux approche les 20% en Amérique du Nord et que, dans près de la moitié des cas, il s'agit du mari. Une constatation similaire est faite dans divers pays. Pour un couple désireux d'avoir un enfant, un constat d'infertilité est dramatique et provoque la plupart du temps une crise plus ou moins profonde selon ceux qui en sont victimes.

Diverses solutions s'offrent en une telle situation. Le couple peut opter pour le statu quo et accepter de vivre son union sans enfants. Il transposera dans d'autres domaines son besoin de fécondité (productivité professionnelle, sociale, artistique ou autre), et trouvera ainsi un équilibre satisfaisant. L'épouse fertile pourrait cependant continuer à se sentir frustrée dans la réalisation d'un désir fondamental.

D'autres opteront pour l'adoption d'un enfant étranger à leur mariage. C'est la solution prise par d'innombrables couples. Cependant, depuis quelques années, l'adoption est de plus en plus difficile, et cela pour deux raisons.

La première est qu'il y a de moins en moins de bébés ou d'enfants disponibles. La contraception, largement répandue, prévient les naissances non désirées. La stérilisation masculine [12] ou féminine aussi. L'interruption de grossesse arrête les gestations non souhaitées. La seconde raison est que, devant une grossesse menée à terme, les mères célibataires conservent habituellement leur enfant, car la société accepte maintenant ce genre de famille monoparentale.

Pour les rares enfants disponibles, un autre facteur diminue l'accessibilité à leur adoption. En effet, la période d'attente varie de 3 à 6 ans, les conditions requises sont sévères et soumises à des normes d'âge, de stabilité émotionnelle, maritale, financière et sociale de plus en plus exigeantes. D'autre part, l'adoption, si elle a l'avantage de placer le couple sur un pied d'égalité face à l'enfant (tous deux n'en sont pas les parents biologiques), ne peut satisfaire qu'à moitié le besoin de maternité de l'épouse et n'offre pas au mari la possibilité de vivre la grossesse de sa femme, de se préparer à la naissance d'un enfant dans son propre mariage.

Une troisième solution peut aussi être envisagée. Que ce soit sur l'initiative de l'épouse, du mari, ou des deux, le divorce peut être envisagé face à l'infertilité. Une femme pourrait tenir à la grossesse et à la maternité à un point tel qu'elle préférerait se remarier avec un homme qui lui donnerait des enfants. Au handicap de son infertilité s'ajouterait alors pour le mari l'échec de son mariage et il risquerait d'en sortir considérablement diminué.

Une quatrième solution a été et est encore choisie par certains couples, dans une proportion impossible à déterminer à cause du secret qui l'entoure : recourir à la fertilité d'une tierce personne (un frère du mari, un ami des conjoints, ou encore un inconnu). Mais il s'établit alors des relations sexuelles et affectives, et il y là adultère, même consenti « pour une bonne cause ». En dehors des considérations morales, cette solution pose un risque sérieux de détérioration à long terme des relations entre les personnes en présence, ou tout au moins de fragilité à la base de l'entreprise.

Une cinquième solution s'offre maintenant aux couples infertiles pour accéder à la paternité et à la maternité. C'est l'insémination thérapeutique qui permet à la femme de vivre [13] la maternité, à 1’homme de devenir le père d'un enfant sans toutefois en être le géniteur. Le gynécologue insémine l'épouse avec la semence d'un donneur totalement inconnu. Cet acte médical, pratiqué dans la « neutralité » du contexte clinique, permet au couple infertile qui désire fonder une famille de relier son projet à une décision conjointement mûrie à l'intérieur de son propre mariage, et de le dégager de relations affectives, personnelles ou sexuelles qui pourraient nuire à leur situation maritale et parentale.

C'est de cette cinquième solution qu'il sera question dans le présent ouvrage : une option hautement recommandable pour un couple émotionnellement et maritalement apte à cette forme exceptionnelle de fertilité.

Le milieu socioculturel de la fin de notre XXe siècle est complexe et paradoxal. L'insémination thérapeutique fait partie de ce tableau. À une époque où des techniques préviennent, la vie, l'interrompent, l'abrègent ou la déshumanisent, l'insémination thérapeutique se présente a priori et en principe comme une technique en faveur de la vie, des personnes, des droits et des valeurs, et en pratique elle exige des conditions qui ne sont pas accessibles à tous les couples infertiles. Il convient d'expliciter ceci.

La contraception est devenue affaire courante et des programmes sociaux de planning familial sont instaurés dans presque tous les centres urbains pour permettre aux couples de contrôler leur fertilité. La stérilisation, volontaire ou thérapeutique, est en voie de devenir le moyen contraceptif permanent le plus utilisé. Le Worldwatch Institute la qualifie de phénomène contraceptif par excellence des années 70. Dans le cas du Québec, 175. 000 hystérectomies, 206 000 ligatures de trompes et 93 000 vasectomies ont été effectuées de 1971 à 1979, d'après les statistiques établies par E. Lapierre-Adamcyk et N. Marcil-Gratton, du département de démographie de l'Université de Montréal. Par ailleurs, Statistique Canada rapporte 67 135 avortements légaux pratiqués au pays en 1979, soit un taux de 18,1 interruptions de grossesse par 100 naissances à travers le Canada, de 34,2 en Colombie-Britannique et de 9,1 au Québec. Le Alan Guttmacher Institute [14] faisait état de. 1,32 million aux USA en 1977, soit 28,6% d'interruptions de grossesse ; le chiffre de 1,5 million y était presqu'atteint en 1979. Il ne s'agit évidemment pas ici de poser un jugement de valeur sur la contraception, la stérilisation ou l'avortement, et encore moins de tomber dans le militantisme de droite, de gauche ou du centre, mais de poser un jugement de fait : ces techniques préviennent ou interrompent la vie amorcée, tandis que l'insémination se présente comme étant en faveur de la vie.

L'insémination est aussi au service des droits de la personne, en l'occurrence du droit à la famille. Bien que le droit à la paternité ne soit pas un droit absolu mais relatif (pour des raisons qu'il ne convient pas d'aborder ici), il n'en est pas moins un droit fondamental. Pour divers motifs, des personnes peuvent ne pas se prévaloir de ce droit, demeurer sans enfants, et même en tirer une certaine fierté, comme dans Childless by Choice (Jean E. VEEVERS, Toronto, Butterworth & Co., 1980) et Célibataire, pourquoi pas ? (sous la direction de Marcelle BRISSON et Louise POISSANT, Québec, Serge Fleury Éditeur, 1981). La paternité/ maternité est un droit mais d'abord et avant tout un choix, et ce choix ne convient pas à tous. On ne s'impose pas des enfants, on les assume. La médecine a ouvert une porte inédite à l'infertilité, avec la possibilité d'accéder délibérément à une nouvelle forme de paternité et de maternité, qui s'inscrit dans le droit fondamental d'un couple à la famille.

Cependant, étant donné les démarches qu'elle requiert, les investigations cliniques qu'elle exige et les qualifications émotionnelles qu'elle implique, l'insémination thérapeutique ne peut être accessible qu'à une minorité de couples qui se sentent aptes à cette forme de fertilité. L'insémination peut leur permettre de réaliser leur projet de famille, s'ils répondent à certaines exigences d'ordre personnel et conjugal. Dans le cas contraire, il serait psychologiquement, socialement et moralement déconseillé d'y avoir recours. L'insémination est une option recommandable pour certains couples, mais elle ne peut en aucun cas être une potion consommable par tous les couples infertiles, en guise de remède plus ou [15] moins magique pour secourir un mariage déjà déficient. Dans ce cas, l'insémination n'aurait absolument rien de thérapeutique et viendrait, au contraire, aggraver une situation où l'enfant risquerait fort de faire les frais d'une décision irréfléchie.

En principe, dans une insémination on a aussi en vue le bonheur de l'enfant. On peut théoriquement supposer qu'un couple équilibré, qui a désiré un enfant au point de se soumettre durant des mois aux investigations cliniques, de tenir bon dans sa démarche, de se soutenir mutuellement dans l'infertilité puis dans la grossesse, veuille lui offrir tous les soins et toute l'affection possibles. Certaines études, que l'on souhaiterait plus nombreuses et plus exhaustives, corroborent cette hypothèse sur le couple et l'enfant.

C'est donc au départ sous un angle positif que les auteurs du présent ouvrage abordent la question de l'insémination artificielle thérapeutique, sans pour autant taire des réserves ou camoufler des contre-indications qui pourraient se présenter sur le plan de leur propre discipline.

Le premier chapitre traite de l'aspect clinique, en deux exposés. Jacques-E. Rioux offre d'abord un scénario général du cheminement d'un couple-type, des investigations faites chez l'homme et la femme, de l'insémination et de la grossesse qui s'ensuit. Dans le second exposé, Sylvain Gagnon présente un rapport médical plus spécialisé. Après un bref aperçu historique, il traite de l'infertilité masculine et féminine, de ses causes et de son traitement. Il aborde ensuite la question de l'insémination, de ses techniques, de ses résultats, ainsi que celle des donneurs et des banques de sperme.

Mais, par-delà la dimension médicale, l'insémination implique l'affectivité des personnes. Aussi au deuxième chapitre Andrée Chatel analyse-t-elle l'aspect psychologique de la question. Elle donne un aperçu du drame que cause l'infertilité non voulue chez le couple, explore les motivations qui conduisent au choix de l'insémination, pose certains critères d'évaluation et suggère un type d'aide. Elle considère le devenir des couples et des enfants, et soulève aussi certaines questions relatives aux donneurs. Dans son étude, elle révise la littérature [16]  sur l'insémination et s'appuie également sur sa propre expérience de consultante auprès des couples.

L'insémination se pratiquant dans une société régie par des lois sur le mariage, la parenté, la filiation et la famille, Jean-Louis Baudouin aborde au troisième chapitre l'aspect juridique de la question, qui pose pour le droit des problèmes fort complexes. Il rappelle les sources et l'évolution de la question, puis traite de la légalité de l'insémination et des effets juridiques qu'elle peut avoir sur les conjoints, l'enfant, le donneur, le médecin ou l'auteur de l'opération.

Si l'insémination est une technique simple, elle est plus qu'une simple technique, puisqu'elle touche des personnes et des valeurs humaines. Après avoir établi, au quatrième chapitre, ce que sont la moralité et l'éthique, David J. Roy fait des considérations morales et éthiques sur l'insémination hétérologue, pose des questions morales essentielles concernant la sexualité, le mariage, l'enfant, et prend position sur ces questions. Il passe finalement en revue les problèmes récents posés par la pratique de l'insémination.

Qu'en est-il de la paternité dans l'insémination ? C'est à cette question que Marcel J. Mélançon consacre le cinquième chapitre. Il passe d'abord en revue les formes de paternité historiquement connues, établit la distinction entre « père » et « géniteur », situe la paternité spécifiquement humaine dans la relation affective entre un homme et un enfant. Il traite ensuite de la paternité dans l'insémination : une paternité intramaritale, sans « adultère génétique », où ce qui est adopté n'est pas un enfant en phase post-natale, pré-natale ou pré-conceptionnelle, mais des gènes étrangers qui lui permettront d'avoir un enfant avec son épouse. Il termine sur la prise de décision responsable.

Marcel J. Mélançon, Ph.D.

Mars 1982.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 11:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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