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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Richard Gagné, Marcel J. Mélançon et Bruno Leclerc, “L’information génétique en période prénatale: que faire?” Un texte publié dans l’ouvrage  sous la direction de Marcel J. Mélançon et Richard Gagné, Dépistage et diagnostic génétiques. Aspects cliniques, juridiques éthiques et sociaux. Chapitre 3: pp. 27-32. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1999, 225 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[27]

Dépistage et diagnostic génétiques.
Aspects cliniques, juridiques, éthiques et sociaux.

Partie I.
Résultats empiriques sur le dépistage génétique

L’information génétique
en période prénatale :
que faire ?
 [1]


Un texte publié dans l’ouvrage  sous la direction de Marcel J. Mélançon et Richard Gagné, Dépistage et diagnostic génétiques. Aspects cliniques, juridiques éthiques et sociaux. Chapitre 3 : pp. 27-32. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1999, 225 pp.


Richard GAGNÉ

Faculté de médecine, Université Laval, Québec
Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec

MARCEL J. MÉLANÇON

Département de philosophie, Collège de Chicoutimi
DSRE, UQAC, Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec

Bruno LECLERC

Département de philosophie, Collège de Rimouski
Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec



Il y a un consensus relativement large d'exclure les enfants des tests génétiques diagnostiques et prédictifs et d'attendre qu'ils soient capables d'exercer leur autonomie et de décider eux-mêmes d'avoir ces tests ou non, en temps voulu, à la majorité légale de 18 ans ou, tout au moins, à la majorité médicale, qui est de 14 ans au Québec, à moins qu'il y ait un bénéfice concernant leur santé à subir ces tests plus tôt.

La problématique concernant l'application de tests génétiques chez les mineurs a été l'objet de nombreuses discussions, opinions et recommandations depuis le début des années 1990 et est encore discutée.

Plusieurs des arguments utilisés peuvent d'ailleurs être mis en relation avec l'actuelle présentation concernant l'information génétique obtenue sur indications ou fortuitement lors du diagnostic prénatal pour des enfants à naître, ce qui, à notre connaissance, n'a pas fait l'objet d'autant d'attention jusqu'à maintenant, à la fois concernant l'existence même de cette information génétique et son utilisation ultérieure.

Il faut réaliser que le diagnostic prénatal est de loin l'occasion la plus fréquente pour prendre contact avec un service de génétique médicale. En [28] effet, la pratique médicale habituelle des services de génétique montre qu'une majorité d'individus se questionnent lorsqu'ils veulent avoir des enfants et qu'ils consultent, soit avant la grossesse ou lors de la grossesse. Il en est de même pour les apparentés détectés à partir d'un propositus : ils ne consulteront en génétique que lorsque le couple à risque connaîtra une grossesse.

Il faut aussi bien comprendre que l'issue d'un diagnostic prénatal révélant une anomalie sévère est en général l'avortement, bien que d'autres options soient acceptées, comme celles d'utiliser cette information pour se préparer à la naissance d'un enfant souffrant d'un handicap. Même si de nombreuses questions éthiques sont soulevées par l'avortement sélectif que la majeure partie des couples adoptent lorsque le diagnostic d'une anomalie est posé, nous ne nous attarderons pas à cette question aujourd'hui. Nous considérons que cette décision relève de la conscience morale de chaque couple.

En effet, la préoccupation de la présente communication est surtout à l'égard des fœtus qui n'ont pas d'anomalie notable détectée pendant la grossesse, mais chez qui on découvre indirectement ou fortuitement un risque de transmettre une maladie génétique à leurs descendants lorsqu'ils auront atteint l'âge adulte.

Pendant près de vingt ans, soit de 1970 jusqu'à la fin des années 1980, nous détections peu ces conditions et, conséquemment, le problème se posait moins. En effet, nous pouvions, entre autres, découvrir des translocations chromosomiques équilibrées d'origine parentale ou « de novo » et parfois soupçonner des états de porteur hétérozygote par la mise en évidence de taux enzymatiques intermédiaires. On comptait de manière plus ou moins explicite sur les parents pour éventuellement annoncer la nouvelle à leur enfant devenu plus âgé afin de le prévenir des risques associés et aucun mécanisme spécifique en général n'était mis pour s'assurer que cela se réalise.

L'application de tests génétiques moléculaires à des fins diagnostiques lors du diagnostic prénatal a multiplié ces occasions.

Par exemple, les parents n'optent pas, en général, pour l'avortement d'un fœtus mâle ayant une prémutation pour le X fragile, car il ne sera pas lui-même déficient. Cependant, ses petits-enfants, par l'intermédiaire de ses filles qui seront toutes porteuses saines, pourraient être atteints de déficience [29] intellectuelle. Un autre exemple est en relation avec le diagnostic prénatal de conditions récessives autosomiques comme la fibrose kystique du pancréas. Chaque fois que nous faisons un tel diagnostic prénatal, nous avons 50 % de probabilité de trouver un individu porteur hétérozygote, deux fois plus que la chance de découvrir un individu atteint. D'autre part, des filles porteuses des maladies récessives liées à l'X, comme la dystrophie musculaire de Duchenne, sont maintenant souvent étiquetées pendant la période prénatale. Elles seront à risque d'avoir des garçons atteints plus tard. Ces exemples deviendront de plus en plus nombreux.

Ces « enfants à naître » n'ont évidemment pu consentir à ces tests selon le principe d'autonomie reconnu en matière de diagnostic génétique.

Dès lors que ces résultats existent (cela n'ira pas en diminuant comme nous l'indiquions précédemment), que ferons-nous en contrepartie afin de gérer correctement cette information génétique pour qu'elle ne porte pas préjudice à l'individu concerné et qu'elle lui serve adéquatement plus tard.

Les parents ont, dans ces circonstances, des droits et des devoirs, sans doute aussi comme les professionnels qui connaissent cette information. L'enfant, une fois né, a des droits. Comment faire le partage ?

L'une des attitudes qui a déjà prévalu et qui prévaut encore occasionnellement est de ne dévoiler aux parents que les conditions sévères recherchées lors du diagnostic prénatal. Il est parfois même suggéré de prendre une entente avant le diagnostic prénatal pour ce faire. Nous questionnons ces deux positions qui ne vont pas dans le sens des indications juridiques et déontologiques définissant l'obligation de dévoiler au patient tout renseignement médical le concernant. Bien que la question reste à analyser, on peut présumer que ces indications s'appliqueront, dans une majorité de circonstances, aux renseignements génétiques. Conséquemment, les parents devront être mis au courant des informations révélées chez le fœtus, ce qui inclut les trouvailles fortuites et celles qui sont liées à la recherche d'une pathologie génétique qui est l'indication pour le diagnostic prénatal, comme la mise en évidence d'un état de porteur hétérozygote.

Par ailleurs, si l'on admet la nécessité de dévoiler toute information aux parents, il faut déterminer si l'enfant doit en être informé, quand, comment et par qui ?

[30]


EST-CE QUE L'ENFANT
DOIT EN INFORMÉ ?

Si l'on retient le principe admis plus haut selon lequel toute information à caractère médical doit être transmise à l'individu concerné, on devrait donc en informer l'enfant éventuellement, puisque cette information génétique lui appartient, du moins en partie, même si lui-même ne l'a pas requise.

Dans une majorité de cas, nous pensons donc que l'enfant devrait être informé des données génétiques le concernant et obtenues en période prénatale. On peut d'ailleurs s'attendre à ce que les parents s'en chargeraient.


QUAND L'ENFANT DEVRAIT-IL
EN ÊTRE INFORMÉ ?

Il est évident que le moment et le contexte pour donner cette information à l'enfant sera différent d'un cas à l'autre, différent selon la portée du résultat, différent aussi selon les personnes qui transmettront l'information à l'enfant.

Dans le cas où les parents assument seuls cette responsabilité, ils peuvent sans doute profiter de certaines questions de leur enfant, de certaines circonstances comme d'un cours de biologie pour aborder cette question. L'âge de l'enfant est alors une variable plus souple étant donné la capacité qu'ont les parents de juger si leur enfant est apte à recevoir cette information.

Selon les règles que nous avons défendues concernant l'utilisation des tests génétiques chez les mineurs, la prudence nous dicte que cette intervention ne devrait intervenir qu'après la majorité légale de l'enfant (18 ans) ou à la majorité médicale (14 ans), dans le cas d'une demande spécifique de sa part ou si cette information est bénéfique à sa santé. Les professionnels devraient respecter ces mêmes règles quand ils interviennent pour divulguer à l'enfant l'information génétique obtenue en période prénatale.


PAR QUI CETTE INFORMATION
DEVRAIT-ELLE ÊTRE TRANSMISE ?

Nous l'avons mentionné auparavant, les parents ou des professionnels peuvent intervenir ou les deux à la fois.

Dans la mesure du possible, nous croyons que les parents devraient être les acteurs principaux et transmettre eux-mêmes cette information à [31] leur enfant. Les professionnels ont dans ce cas le devoir de sensibiliser les parents pour qu'ils informent leur enfant, comme par comparaison, ils sensibilisent un propositus de la nécessité de partager une information génétique dans une fratrie.

Souvent, leur participation ne se limitera pas à cette seule intervention et, à la demande des parents, ils interviendront directement auprès de l'enfant, les secondant dans cette tâche souvent difficile pour plusieurs raisons, soit pour mieux faire comprendre les données médicales et scientifiques souvent complexes de la génétique, soit pour les dégager de ce fardeau. En effet, des parents craignent souvent les reproches de leur enfant dans ces circonstances et ils ne savent pas comment annoncer la nouvelle.

On sait par ailleurs que chez des adolescents, de telles révélations peuvent engendrer une diminution de l'estime de soi ou un sentiment d'être malade ou différent des autres, comme l'ont révélé des études à ce sujet. C'est d'ailleurs l'un des arguments invoqués pour interdire l'accès aux tests génétiques avant la majorité légale, sauf s'il y a une indication médicale. Un support psychologique devra donc être prévu, surtout si ces révélations en particulier sont faites plus tôt.


BIEN QUE PEU PROBABLE, QUE FAIRE
PAR AILLEURS S'IL Y A REFUS DES PARENTS
DE DIVULGUER CETTE INFORMATION
GÉNÉTIQUE À LEUR ENFANT ?

Nous rappelons que les résultats d'examen lors d'une grossesse sont versés au dossier médical de la mère et, bien que concernant l'enfant à venir, cette information, à notre avis, ne peut être dévoilée, sauf après l'autorisation expresse de la mère. Un tel refus sera sans doute exceptionnel. D'autres circonstances peuvent cependant survenir comme un décès, une séparation...

S'il y avait objection formelle de partager une information génétique dans la famille, le professionnel de la santé pourrait prendre l'initiative de divulguer cette information aux personnes concernées, dans le respect des règles juridiques et déontologiques du secret médical et de la responsabilité professionnelle. Cela suppose d'abord que tous les efforts pour persuader l'individu concerné de partager cette information ont été faits et que le tort lié à l'absence de l'information est sérieux. Il faut surtout réaliser et faire réaliser que l'existence même d'une information génétique concernant un individu d'une famille se répercute obligatoirement sur les autres individus de cette famille.

[32]

En résumé, une partie grandissante des tests génétiques indiqués lors du diagnostic prénatal de conditions sévères permettent dorénavant de détecter, parfois fortuitement, des conditions qui ne conduisent plus à un avortement. Cette information génétique devient cependant importante plus tard pour l'enfant lui-même ou sa descendance.

Il nous faut donc gérer cette information correctement, s'assurer qu'elle ne soit pas perdue et qu'elle ne porte pas préjudice à l'individu concerné. Nous pensons que cette responsabilité n'incombe plus aux seuls parents, mais que les professionnels de la santé sont aussi interpellés de plus en plus.


L'OBLIGATION DE SUIVI À LONG TERME
SE DESSINE ET DES RÈGLES FORMELLES
DOIVENT ÊTRE ÉLABORÉES À CETTE FIN

Étant donné le nombre d'années qui séparent le diagnostic prénatal de la divulgation éventuelle des résultats à l'enfant, les centres de génétique et de diagnostic prénatal, pour s'acquitter de cette responsabilité, devront établir une infrastructure permettant de garder contact avec les parents (ou la famille), puis s'assurer que cette information est transmise, en respectant le régime de protection dont bénéficie le dossier médical.

Dès le diagnostic prénatal, les parents devraient être informés de l'ensemble de ces faits et du suivi qui sera instauré selon l'information génétique recueillie chez le fœtus. Ce suivi périodique, d'ailleurs, aurait une influence bénéfique sur l'éducation génétique des parents.

Comme nous l'avons toujours soutenu, la formation et l'information sont toujours les clés du succès pour gérer les renseignements génétiques et éviter toute discrimination. Ce sont les meilleures options à moyen et long terme.



[1] Note : Texte intégral de la communication telle que présentée au Congrès de l’ACFAS en mai 1998. Ce texte est le résultat d'une réflexion partagée, menée sur la base de l'expérience du D' Gagné, médecin généticien, dans le domaine du diagnostic prénatal et du conseil génétique.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 11:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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