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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marcel J. Mélançon, “À quand la bioéthique dans les cégeps?” Un article publié dans la revue Cégep propos, no 73, mai 1981, pp. 9-10. Chronique: “La vie dans les cégeps.” [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[9]

Marcel J. Mélançon

Philosophe, professeur chercheur en bioéthique
à l'Université du Québec à Chicoutimi
Directeur du Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec (GÉNÉTHIQ)

LA VIE DANS LES CÉGEPS

À quand la bioéthique dans les cégeps ?”

Un article publié dans la revue Cégep propos, no 73, mai 1981, pp. 9-10. Chronique : “La vie dans les cégeps.”



L'ère de la révolution biologique est amorcée par la progression quasi géométrique des techniques issues des sciences biomédicales. Elle ouvre un temps où l'homme est en mesure de contrôler et de modifier la vie, la vie humaine et son comportement individuel et spécifique. La révolution industrielle apparaît artisanale à cet égard. En même temps que cette poussée des sciences biomédicales, une nouvelle science naît: la bioéthique.


LA MODIFICATION DE LA NATURE HUMAINE:
UNE POSSIBILITÉ SÉRIEUSE


Les sciences biomédicales (biologie et médecine avec leurs spécialisations: génétique, neurologie, endocrinologie, embryologie, pharmacologie et psychiatrie) se donnent des techniques d'intervention de plus en plus sophistiquées (microchirurgie, chimiothérapie, chirurgie génétique, etc.). Ces sciences et techniques explorent la vie biopsychique de l'homme. Elles progressent d'autant plus qu'elles s'effectuent en collaboration interdisciplinaire.

Un secteur privilégié d'investigation est celui de la reproduction humaine. Les banques de sperme (cryobanques) congèlent (nitrogène liquide, -196˚F.), entreposent et échangent le sperme humain destiné à l'insémination artificielle (IAD). Elles s'accompagneront bientôt des banques d'ovules et d'embryons (déjà expérimentées). La fertilisation in vitro a rendu possible la reproduction en dehors du corps humain (FIV, "bébés-éprouvettes"). Celle-ci n'était réalisable que par le contrôle du cycle ovulatoire, le prélèvement des ovules (par laparoscopie), leur fécondation en milieu artificiel par les spermatozoïdes rendus aptes à fertiliser (capacitation), la reconstitution in vitro du milieu biochimique in vivo favorisant la division cellulaire (clivage), le transfert de l'embryon au stade de zygote dans la paroi utérine préparée pour la gestation par traitement hormonal.

Le clonage est réalisé chez les grenouilles (1964), chez des souris (1979), et à l'essai chez l'homme (1981). Il permet la reproduction asexuée à partir d'un seul parent: un oeuf fertilisé est privé de son noyau qui est remplacé par celui d'une cellule étrangère; comme le noyau est porteur du code génétique, le descendant est à la fois fils et jumeau de son parent grâce à cette transplantation nucléaire. D'autre part des êtres à parents multiples sont réalisés (souris) par injection de cellules d'autres embryons. Des croisements hybrides sont réussis. Les croisements interspécifiques sont à l'expérimentation. Les utérus artificiels, où toute la gestation se fait en laboratoire, sont à l'essai (1974).

Un autre secteur de recherche ouvrant des perspectives insoupçonnées concerne la génétique moléculaire. Le code génétique de bactéries a déjà été modifié et de nouvelles formes de vie sont apparues. On a parlé de manipulation génétique (genetic engineering) et de chirurgie génétique. Il est maintenant possible d'isoler des gênes, de scinder la chaîne moléculaire d'ADN en des endroits spécifiques, de les ressouder en position différente ou de leur intégrer des fragments d'ADN étranger. Des applications en industrie, en agriculture et en thérapie (vg culture d'enzymes, d'insuline) sont en cours. Ce qui ne va pas sans risques (tumorisation, infection bactérienne des laboratoires ou des organismes), si cette 'manipulation' n'est pas contrôlée. À long terme, la modification de la 'nature humaine' qu'on croyait immuable et éternelle est une possibilité à envisager avec sérieux, de l'avis des généticiens. L'homme serait en mesure de contrôler et d'orienter l'évolution de son espèce.

Les deux extrémités de la vie humaine sont progressivement sous contrôle. Des techniques d'investigation foetale dont l'amniocentèse (prélèvement et culture de cellules foetales permettant de dresser leur constitution chromosomique) et l'échographie (ultrasons reproduisant l'image du foetus sur écran), permettent le diagnostic prénatal dépistant de quelque 40 des 1600 maladies génétiques connues (vg mongolisme, spina bifida, etc.). La détermination du sexe du futur enfant est établie, offrant la possibilité de sa présélection. D'autre part, le perfectionnement de plus en plus sophistiqué des appareils (stimulateurs cardiaques, respirateurs et tous [10] les life support systems) peut maintenir artificiellement la vie biologique alors que le cerveau est cliniquement mort (Karen Quinlan). Les banques d'organes feront probablement place dans un avenir plus ou moins proche aux banques de corps artificiellement maintenus vivants pour le prélèvement d'organes.

Il va de soi que des progrès du genre, la découverte de nouvelles thérapies ne vont pas sans soulever le problème éthique de l'expérimentation chez les humains. À un point donné, les expériences chez les cobayes ne suffisent plus puisque l'être humain est spécifique. Elles sont menées chez des foetus vivants avortés, des femmes enceintes, des prisonniers, des patients. Ce qui pose le problème du consentement informé à l'acte biomédical. La Déclaration d'Helsinki a déjà posé des conditions. Les modifications de comportement par neurochirurgie, chimiothérapie ou autres techniques, sont étudiées chez les violents, les délinquants sexuels, les épileptiques. Il est également loisible de les effectuer dans des buts autres que thérapeutiques.


RENDRE L'HOMME BÉNÉFICIAIRE
ET NON VICTIME DE LA SCIENCE


La vie biopsychique de l'homme est donc de plus en plus explorée par les sciences biomédicales interdisciplinaires. En même temps que leur élaboration, une nouvelle science, elle aussi interdisciplinaire, est née et est en voie de développement : la bioéthique. Des spécialistes de diverses disciplines (biologistes, juristes, philosophes, théologiens, psychologues, médecins, sociologues) se groupent pour se pencher sur la dimension éthique de ces sciences et techniques biomédicales, prenant pour critère l'homme et la vie humaine à protéger. Elles ont des retombées sur le présent et un impact considérable sur l'humain futur.

La bioéthique n'a pas pour but de moraliser la science, ni de la retarder par obscurantisme, ni de la figer, mais de la penser en fonction de l'homme qui doit en être le bénéficiaire et non la victime. Il n'est pas possible d'empêcher un chercheur de chercher, mais il est possible de lui suggérer ou de lui dire quel type de recherche est souhaitable et quel genre d'investigation est indésirable dans l'état actuel de l'histoire. Les moratoires qui mettent l'embargo sur la recherche (vg USA, 1974, sur la FIV) ne sont que des mesures d'urgence dont la portée est à très court terme. La société, par ses penseurs de diverses disciplines, se doit de réfléchir sur la dimension éthique des recherches en les mesurant à l'homme d'aujourd'hui, de prévoir l'orientation de l'homme de demain, et de dire ce qu'elle souhaite et ne souhaite pas. La bioéthique se propose une telle réflexion et une telle prise de parole.

Les USA ont mis sur pied des comités d'éthique pour leurs politiques sociales en matière de recherche biomédicale. L'Institute of Society, Ethics and the Life Sciences et sa revue The Hastings Center Report sont parmi les plus influents dans ce pays. Un tel centre existe à Montréal : Le Centre de bioéthique de l'Institut de recherches cliniques qui, avec ses Cahiers de bioéthique, ses symposiums, joue et est appelé à jouer un grand rôle à cet égard au Québec, au Canada et à l'étranger.

Quelque 10 000 cours ayant trait à des thèmes de bioéthique sont au programme dans les universités et les collèges américains. Quelques universités québécoises, dont l'Université Laval, ont mis sur pied de tels cours (Laval attire présentement plus de 300 étudiants dans son cours d'éthique médicale).

Et dans les cégeps du Québec ? À ce jour, et à notre connaissance, un cours spécifique en bioéthique n'existe pas. La philosophie est la première à être interpellée et impliquée d'une façon urgente par la biomédecine. Le cours 401 Éthique et Politique pourrait en traiter, mais n'est pas suffisant. Au moins un cours optionnel dans la grille des cours complémentaires ne serait-il pas souhaitable ? Il serait peut-être bon et intéressant qu'on songe à philosopher sur la philosophie des Prix Nobel et sur les conséquences qu'elle peut impliquer pour l'homme d'aujourd'hui et de demain.

Marcel J. Mélançon, Ph. D.
département de philosophie




Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 6:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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