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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Hélène Masson, “L’industrie de défense européenne et les marchés d’Amérique du Nord et d’Amérique latine: entre attractivité et maîtrise des risques.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Dorval Brunelle, Communautés atlantiques / Atlantic Communities: asymétries et convergences, pp 295-329. Montréal: Les Éditions de l’Institut d’Études Internationales de Montréal, 2012, 425 pp. [Autorisation formelle de Monsieur Dorval Brunelle de diffiser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales accordée le 23 mars 2013.]

[295]

Troisième partie

Les alliances transatlantiques :
l’économie de la défense


L’industrie de défense européenne
et les marchés d’Amérique du Nord
et d’Amérique latine: entre attractivité
et maîtrise des risques
.”

[pp 295-329]

Hélène Masson


L’environnement externe des entreprises de défense se caractérise par une complexité croissante, liée à l’évolution des contraintes politiques, réglementaires, économiques et technologiques. L’approche des marchés d’Amérique du Nord et d’Amérique latine par les industries de défense européennes en offre une bonne illustration. Si ces marchés demeurent synonymes d’opportunités commerciales et de nouvelles dynamiques industrielles, ils sont également le lieu d’une concurrence exacerbée et d’une relation client/fournisseur particulière. Cet article propose quelques clés de lecture quant à la stratégie des groupes de défense européens sur ces marchés internationaux. Une première partie s’intéressera aux conséquences sur les maîtres d’œuvre et équipementiers européens des choix budgétaires et des nouvelles orientations des politiques d’acquisitions et de coopération des principaux États producteurs d’armement. Une seconde partie portera sur l’évolution de la présence de ces mêmes industriels européens outre-Atlantique dans un contexte d’incertitudes budgétaires et règlementaires. En dernier lieu, l’analyse de la stratégie [296] de pénétration du marché de défense brésilien nous permettra d’exemplifier l’évolution des exigences des clients étrangers dans le domaine des transferts d’informations et de technologies.


Marché européen de la défense :
le temps des incertitudes

Crédits d’équipement
et politique d’austérité budgétaire

Les dernières statistiques publiées par l’Agence européenne de Défense (AED) confirment la tendance baissière des budgets de défense en Europe [1]. Depuis le milieu des années 2000, cette décroissance est régulière. Globalement, les dépenses de défense sont passées de 201 milliards d’euros (G€) en 2006 (1,77 % du PIB européen) à 194 G€ en 2010 (1,61 % du PIB), soit une diminution d’environ 2 % par an et de 7 % en pourcentage cumulé.

Si les dépenses d’équipement affichent une légère hausse entre 2009 et 2010 au sein des principaux États européens producteurs d’armement (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie et Suède), la contraction des budgets de recherche et développement (R&D) est, quant à elle, déjà bien engagée, comme le montrent les graphiques de la page suivante.

Quant à la recherche fondamentale (R&T), la détérioration de son financement est encore plus marquée. Rappelons que le Royaume-Uni et la France représentent à eux seuls la moitié des dépenses de défense en Europe, 80 % des dépenses de R&D, 90 % de la capacité de projection militaire, et sont les contributeurs [297] les plus actifs aux opérations en Afghanistan, en Libye et sur d’autres théâtres de crise.

Dépenses de défense en Europe 2006-10 :
en prix courants et constants (G€)


Source : Maria Leonor Pires pour l’European Defence Agency, « Additional Defence Data Statistics 2010 », 16 décembre 2011. En ligne à la p. 3.


En revanche, le traitement des données statistiques pour les années 2011 et 2012 devrait faire apparaître une évolution à la baisse des dépenses d’équipement, suivant en cela celle des dépenses de personnel, conséquence de la politique de réduction du format des forces armées engagée par la majorité des États européens (-17 % entre 2006 et 2010) [2]. En effet, l’impératif pour les États de juguler leur dette publique rend désormais difficile toute politique de sanctuarisation des dépenses d’équipement, en particulier quand les autres ministères sont appelés à réaliser des efforts toujours plus importants.

[298]

Dépenses d’équipement 2009-10 en Europe (G€)


Source : Maria Leonor Pires pour l’European Defence Agency, « Defence Data : EDA participating Member States in 2010 », 18 janvier 2012. En ligne : www.issuu.com aux p. 10-2.

[299]

Dépenses de R&D (dont R&T) 2009-10 en Europe (G€)


Source : Maria Leonor Pires pour l’European Defence Agency, « Defence Data : EDA participating Member States in 2010 », 18 janvier 2012. En ligne : aux p. 10-2.

[300]

Jusqu’ici relativement préservées, les commandes d’équipement sont placées sous le feu des projecteurs et apparaissent au cœur des discussions budgétaires. Au Royaume-Uni, suite à la publication en 2010 de la Strategic Defence and Security Review [3] (SDSR), puis de la Spending Review [4], le premier ministre David Cameron a annoncé une réduction du budget de la défense de 7,8 % hors inflation sur quatre ans, soit 4,3 milliards de livres sterling (G£) d’économies. Plusieurs programmes emblématiques sont remis en cause : annulation du programme d’appareils de reconnaissance Nimrod MRA4, remaniement du programme d’avion de combat F35 (préférence pour le F35 C en lieu et place de la version B) avec le cas échéant une cible d’acquisition revue à la baisse, retrait des 60 Harrier GR9 et de la flotte de cinq Sentinel R1 ASTOR, réduction du nombre de missiles et têtes nucléaires sur les SNLE type Vanguard, désarmement de nombreux navires et ventes sur le marché de l’occasion, etc. Quant au futur porte-avions Queen Elizabeth, il restera finalement quatre ans en service avant d’être vendu lors de la livraison du second bâtiment Prince of Wales. Il semble que ce ne soit qu’un début. Un rapport du Public Accounts Committee [5] du Parlement britannique de décembre 2011 annonce ainsi plus de 5 G£ de coupes supplémentaires à horizon 2020, soit 400 à 500 millions de livre (M£) de dépenses en moins par an pour les programmes d’équipement. Sont principalement ciblés les programmes de véhicules terrestres (Scout Specialist Vehicle, et la remise à niveau des chars de combat Challenger 2), avions de combat, programmes de missiles ou encore de navires de surface [6].

Bien qu’en Allemagne le budget de la défense 2012 affiche une hausse de 133 millions d’euros (M€) par rapport à 2011, pour atteindre 31,7 G€, le ministre de la Défense Thomas de Maizières a annoncé au Bundesrat un [301] budget en décroissance au moins jusqu’en 2015. À cette date, ce dernier devrait se stabiliser autour de 30,4 G€. En Italie, le budget de la défense pour l’année 2012 (13,54 G€) est en baisse de 5,7 % par rapport à l’année précédente, avec de nouvelles coupes claires prévues en 2013 et 2014. La situation n’est pas meilleure en Espagne où le gouvernement conservateur a adopté une série de mesures d’économies totalisant 8,9 G€ dont 340 M€ pour la défense (sur un budget des forces armées de 6,92 G€). L’annonce d’une hausse de 37,4 M€ du budget de la défense suédois, pour atteindre 6,82 G€, s’inscrit en réalité à la suite de plusieurs années de coupes drastiques dans les budgets de R&D et d’une politique privilégiant les achats sur étagères au financement de programmes domestiques.

En France, il semble bien que la pratique qui consiste à reporter la décision et à entretenir l’illusion budgétaire ne puisse plus durer au-delà des échéances électorales du printemps 2012. Ainsi, le projet de loi de finances initial présenté au Conseil des ministres en septembre 2011 prévoyait une progression de 1,6 % du budget de la défense, soit 30,63 G€ (hors pensions), dont 16,5 G€ pour les équipements, une hausse de 3 %. Or, en février 2012, c’est une double réduction de 167 M€ puis de 100 M€, conséquences d’arbitrages budgétaires dans un contexte de révision à la baisse des prévisions de croissance de l’économie française, qui a finalement été décidée [7]. Comme l’a souligné la commission de la Défense du Sénat « la stabilisation des crédits d’équipement conjuguée aux crédits qui ont du être consacrés à la production supplémentaires de Rafale en raison de l’absence d’exportations de cet avion, ne permet pas de relancer les programmes qui avaient été reportés depuis 2009, en particulier la rénovation des Mirage 2000D, le programme d’avions ravitailleurs [302] multirôle MRTT et le programme de satellite d’écoute Ceres. […] L’ampleur de la crise économique et monétaire fait peser de lourdes incertitudes sur l’exécution budgétaire 2012 » [8].

Ouverture à la concurrence
et renégociation de contrats

Avec des crédits d’équipements ainsi « rabotés » et la nécessité de réduire les coûts des programmes, le principal levier d’action des États clients reste la politique d’acquisition. Plusieurs pays sont aujourd’hui en phase de réorientation de leur stratégie d’achat et de reconfiguration de leur relation avec les industriels de la défense. Le Royaume-Uni et l’Allemagne en offrent le meilleur exemple.

Le 1er février 2012, la publication du Livre blanc sur les équipements, National Security Through Technology [9] (NST), formalise les nouvelles orientations de la politique d’acquisition britannique à l’heure de l’austérité budgétaire. La NST marque le retour en force d’une politique de recours systématique à la concurrence et d’achats sur étagère. Précédemment appliquées entre 1998 et 2005 (Smart Acquisition), ces mesures avaient été remises en cause suite à la parution de la Defence Industrial Strategy [10] (DIS) et le choix de privilégier des contrats de partenariat à long terme (sans mise en concurrence) avec les principaux fournisseurs du Ministry of Defence (MoD) (BAE Systems, Agusta Westland, MBDA, Rolls Royce, etc.).

En Allemagne, des négociations particulièrement ardues sont en cours entre le ministre de la Défense et les grands maîtres d’œuvre en raison des ajustements souhaités sur [303] des programmes aussi importants que l’avion de combat Eurofighter (140 unités commandées au lieu des 177 prévues, soit un abandon des 37 appareils de la Tranche 3B), l’avion de transport militaire A400M (40 au lieu de 53), l’hélicoptère de transport NH-90 (80 au lieu de 122), l’hélicoptère de combat Tigre (40 au lieu de 80), les véhicules blindés PUMA (de 41 à 350), les chars Léopard II (de 350 à 225), ou encore le drone EuroHawk. En décembre 2011, la rudesse des propos du ministre de la Défense à l’encontre de ses fournisseurs en dit long quant aux tensions engendrées par ces négociations : « the relationship between the state and industry has simply gone to rack and ruin. […] It simply must be a more serious, harder and clearer relationship between the government and defense industry » [11].

Or, comme le déplore l'association européenne des industries d'aéronautique et de défense (ASD) par la voie de son président Domingo Urena-Raso, « […] d'un côté, il y a une détérioration des budgets de défense et d'autre part, on voit qu'il est difficile de mettre les différents pays sur une stratégie commune » [12]. En effet, l’harmonisation des politiques dans le domaine de la R&D et de l’acquisition d’équipements de défense reste aujourd’hui un vain mot. L’hétérogénéité des politiques nationales relatives à l’armement demeure la règle et reflète les écarts d’ambition des principaux États européens concernant le devenir des capacités industrielles et technologiques du secteur. Le retour sur expérience de quelques grands programmes européens menés en coopération n’incite pas les États à faire cause commune. Le 2 novembre 2010, par la signature du Traité de Lancaster House [13] lors du sommet franco-britannique de Londres, le Royaume-Uni et la France ont de facto privilégié en ces temps de fortes contraintes budgétaires une approche purement bilatérale et top-down.

[304]

Des industriels face aux choix de coopération
de la France et du Royaume-Uni

Pour David Cameron, « This is a Treaty based on pragmatism, not just sentiment » [14]. Le traité fait notamment référence au développement de « bases industrielles et technologiques de défense et de centres d’excellence autour de technologies clés » [15]. Au-delà de la construction et de l’exploitation conjointe d’installations radiographiques et hydrodynamiques dans le domaine du nucléaire militaire, le Royaume-Uni et la France ont ciblé plusieurs domaines de coopération avec, dans un premier temps, le lancement d’études menées en commun. Tel est le cas sur les segments missiles, les drones MALE, et la guerre contre les mines.

Les États-majors des armées française et britannique ont ainsi établi une fiche commune de caractéristiques militaires relative au développement d’une capacité de drone MALE de troisième génération, conçue autour d’une architecture ouverte et modulaire. Dans ce cadre, une équipe de programme conjointe a été installée à Bristol, au Royaume-Uni, et des accords industriels signés entre BAE Systems et Dassault Aviation [16]. Actuellement en phase de réduction de risques, la décision de lancement du programme est attendue en 2014 pour une première livraison en 2020. Mais alors que les deux maîtres d’œuvre s’affrontent à l’exportation sur le marché des avions de combat (par exemple, en Inde), et que chacun pilote un programme de démonstrateur d’UCAV (Taranis pour BAE-en national, et Neuron pour Dassault Aviation-en coopération), le Royaume-Uni et la France ont convenu, le 17 février 2012, de franchir une nouvelle étape, en décidant d’initier en 2013 un programme de démonstrateur technologique de système futur de combat aérien, censé ouvrir la voie à une [305] « coopération d'importance stratégique pour l'avenir du secteur de l'aviation de combat en Europe » [17]. Ces travaux devront fournir un cadre pour développer les technologies et les concepts opérationnels nécessaires à la mise en œuvre de drones de combat armés dans des opérations de haute intensité.

Une démarche équivalente a également été lancée sur le segment de la guerre contre les mines [18]. En outre, deux études portant sur un futur missile de croisière et un missile antinavires ont été confiées au missilier MBDA. Ces dernières participent de la volonté des deux pays de consolider une « One Complex Weapon Industry » structurée autour du premier producteur européen, et de réduire les coûts des programmes de missiles de 30 %.

Dans le même temps, en septembre 2012, à Ganden en Belgique, les ministres de la Défense de l’Union européenne (UE) convenaient d’approfondir les options de mutualisation et de partage des capacités militaires des États membres, ou « Pooling & Sharing », via des projets menés en coopération bi et multilatérale, et confiés le cas échéant à l’AED. Comme s’évertue à le rappeler le Parlement européen, les États ont intérêt à rechercher en commun des solutions aux déficits capacitaires (mis une nouvelle fois en lumière lors de l’opération en Libye) dans les domaines du ravitaillement en vol, de la surveillance maritime, des drones, de la lutte contre les « improvised explosive devices » (IED) [19], des capteurs et plateformes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (RSR), de la communication satellitaire, etc [20]. Pour Catherine Ashton, Haut représentant de l'UE (HRUE) pour les Affaires étrangères, cette politique dite de « pooling & sharing » des capacités militaires représente « the only pragmatic way forward » [21], ajoutant que « a capability driven, competent and competitive European defence [306] technological and industrial base is vital to ensure that Europe is able to respond to today's and tomorrow's security and defence challenges. Its reinforcement is not only an economic but also a strategic necessity for Europe » [22]. Alors que l’AED prévoit présenter en 2012 une nouvelle stratégie relative au renforcement de la base industrielle de défense européenne, l’option privilégiée par la France de se rapprocher d’un Royaume-Uni toujours aussi réticent à entrer dans le jeu de la coopération européenne soulève certaines questions. Quid de l’agrégation d’autres États européens, en particulier l’Allemagne, l’Italie ou encore la Suède et l’Espagne, voire la Pologne, aux initiatives franco-britanniques ? Considérés comme un véritable coup de butoir porté à la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ces accords bilatéraux ont été mal perçus par les autres partenaires européens de la France.

Une relation franco-britannique exclusive ne ferait-elle pas montre d’une certaine incohérence au moment de la transposition par les États membres de l’UE dans leur législation nationale de deux directives destinées, pour la première d’entre elles, à fluidifier les transferts intracommunautaires d’équipement de défense [23], et par là même à faciliter le fonctionnement des groupes industriels transnationaux, et pour la seconde [24], à décloisonner les marchés nationaux par une meilleure coordination et transparence des procédures de passation des marchés publics de la défense et de la sécurité ? Les industriels de la défense devraient ainsi bénéficier d’un environnement règlementaire plus favorable au niveau européen. On ne peut exclure que cet effort d’harmonisation soit contrebalancé par des accords politiques bilatéraux susceptibles d’édifier de nouvelles barrières sur la voie de coopérations élargies et de complexifier les alliances industrielles. Cassidan (EADS Allemagne) et Alenia Aeronautica (conglomérat italien [307] Finmeccanica), tout deux partenaires de BAE Systems sur le programme d’avion de combat Eurofighter, ont ainsi signé en décembre 2011 un Memorandum of Understanding (MoU) portant sur les drones MALE et UCAV, et ce, en réponse aux travaux en cours entre BAE Systems et Dassault Aviation… La recherche de synergies industrielles et l’harmonisation des politiques d’armement relèvent ainsi de problématiques somme toute différentes mais qui devront nécessairement trouver un point de convergence.

En effet, les perspectives d’évolution budgétaire en Europe à court et moyen terme bousculent des entreprises européennes, ayant été jusqu’ici relativement peu touchés par la crise économique et financière.

L’heure des restructurations

Actuellement, les principales capacités technologiques et industrielles européennes de défense (conception, développement et production) se répartissent entre le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie. Ces pays concentrent les plus importants bassins d’emplois du secteur.

Emploi, secteur Aéronautique et Défense 2010

Dans le secteur aéronautique et de défense, six grands groupes industriels ont généré environ 120 G€ de ventes en Europe, soit les trois quarts du chiffre d’affaires (CA) du secteur en 2010 : EADS, BAE Systems, Finmeccanica, Thales, et les équipementiers motoristes Rolls Royce et Safran.

[308]



En considérant uniquement le périmètre des activités de défense, BAE Systems apparaît aujourd’hui au 2ème rang mondial des industries de défense derrière Lockheed Martin, et devant Northrop Grumman. EADS se positionne au 7ème rang mondial, suivi de Finmeccanica au 8ème rang, puis Thales au 11ème rang.

6 grands groupes d’aéronautique
et de défense en Europe



BAE Systems a ainsi réussi le tour de force de jouer les premiers rôles, en ravissant la seconde place à des [309] compétiteurs américains aussi puissants que Northrop Grumman, Boeing, General Dynamics, ou encore Raytheon. Mais cette incursion réussie ne peut masquer la permanence de la domination des industriels américains, ces derniers représentant 47 entreprises du top 100 (dont sept dans les premières positions), et 57 % du CA cumulé en défense.

Classement des principaux groupes
de défense européens dans le TOP 100



Par ailleurs, comme le montre le graphique ci-dessus, la structure des ventes des principaux groupes de défense européens diverge de celle de leurs homologues américains. Ces derniers possèdent un portefeuille d’activités très centré sur la défense quand les groupes européens interviennent plus largement sur des segments de marché défense, civil et sécurité (à une exception près, le groupe BAE Systems, dont plus de 95 % du CA provient de contrats en défense).

Les industriels européens, grands maîtres d’œuvre et équipementiers/motoristes, ont également un profil davantage international. Évoluant sur des marchés domestiques relativement capricieux depuis 10 ans, la [310] conquête des marchés extérieurs et l’accroissement de leur empreinte internationale apparaissent depuis le début des années 2000 au cœur de leur stratégie. C’est ainsi qu’en 2010 BAE Systems ne réalise plus que 19 % de ses ventes au Royaume-Uni, Finmeccanica 20 % sur le marché italien, Thales 22 % sur le marché français et EADS 25 % en Europe. Bien que moins dépendants qu’auparavant du client national, les coupes budgétaires à l’œuvre sur le Vieux Continent doublées d'une exacerbation de la concurrence sur les marchés tiers ont pour effet d’accélérer la stratégie d’expansion internationale et les efforts de restructuration des industriels européens. Quels que soient les secteurs (aéronautique militaire, naval, armement terrestre, électronique de défense, C4ISTAR), maîtres d'œuvre et équipementiers se recentrent sur leurs activités cœur de métier et à forte valeur ajoutée, ce qui se traduit souvent par des réductions d’effectifs et des fermetures de sites. Ainsi, au cours du second semestre 2011, les annonces de suppressions d'emplois se sont multipliées. On en compte plus de 3 000 chez BAE Systems (15 000 en l’espace de deux ans), 3 600 dans les filiales de Finmeccanica entre 2010 et 2013, 1 500 chez Thales, entre 400 et 600 postes supprimés au sein des filiales défense/sécurité et hélicoptère du groupe EADS. Ces difficultés se répercutent sur la chaîne de fournisseurs, notamment sur les équipementiers de rang 2 et 3, soumis à une pression toujours plus forte sur les prix. Au Royaume-Uni, l’association des industriels de défense (ADS) anticipe ainsi une perte de plus de 40 000 emplois au cours des prochaines années (sur un total de 110 000 emplois directs et 190 000 emplois indirects) [25].

Les nouvelles opportunités de croissance pour les industriels de défense européens sont donc à rechercher sur les marchés Grand export, parmi lesquels figurent [311] l'Amérique du Nord et l'Amérique latine. Pour les uns, il s'agit d'une consolidation d'une présence historique, pour d'autres d'une pénétration de marché. Dans les deux cas, les variables d’évolution de ces marchés se sont complexifiées au cours du temps, entraînant plus de contraintes et d’incertitudes pour les entreprises.


La conquête du marché de la défense américain :
nouvelles approches stratégiques
en environnement contraint

Un marché de défense et sécurité toujours attractif

Après une décennie de croissance continue et exponentielle de leurs ventes, les groupes industriels américains entrent également dans une phase de restructuration liée à une stabilisation (voire une baisse) de leur CA 2011 réalisé sur le marché domestique. Cependant, si les plans de licenciement se multiplient (3 850 suppressions d’emplois chez Lockheed Martin [26] et un plan de départs volontaires concernant 6 500 personnes, 10 000 chez Boeing, environ 1 000 chez Northrop Grumman [27], etc.), la situation n’est pas comparable avec celle du début des années 1990, caractérisée par des fusions/acquisitions de grande ampleur entre les principaux contractants du Department of Defense (DoD). Ces derniers consolident actuellement leurs activités cœur de métier et diversifient leur portefeuille d’activités sur des marchés à forts potentiels, et ce, principalement par l’adoption d’une stratégie d’acquisition. Ces opérations ciblent des fournisseurs de taille moyenne et des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes, et ne relèvent donc pas – pour le moment [28] – d’opérations d’intégration horizontale entre primes, d’ailleurs non souhaitées par les responsables de [312] l’acquisition (le DoD, particulièrement le Under Secretary of Defense for Acquisition, Technology and Logistics ou USD AT&L). C’est ainsi que General Dynamics a racheté son concurrent dans le domaine des véhicules terrestres, Force Protection, tout en se portant acquéreur d’une entreprise de réparation de navires, Metro Machine, ou encore d’un fournisseur de systèmes d’information dédiés au secteur de la santé, Vangent Holding Corp. Sur ce même segment de marché, Lockheed Martin a racheté QTC Holdings Inc. [29]. Dans le secteur des équipements aéronautiques, United Technologies Corp. s’est emparé de Goodrich en septembre 2011.

Si l’appel de l’international se fait également plus fortement sentir qu’auparavant (les ventes internationales représentent aujourd’hui moins de 10 % de leurs ventes en défense) en raison des coupes budgétaires orchestrées par le DoD, les groupes industriels de défense américains continuent de bénéficier d’un marché domestique encore à un point haut. Il n’est qu’à comparer les investissements dédiés à l’acquisition d’équipements de défense et à la R&D des deux côtés de l’Atlantique pour s’en convaincre.

Dès lors, malgré des perspectives budgétaires en demi-teinte, le marché de défense américain reste un marché extrêmement attractif pour les industriels européens. Ils sont tendus vers l’objectif soit d’une consolidation de leurs activités aux États-Unis, comme BAE Systems et Finmeccanica, soit d’une pénétration du marché, sur l’exemple d’EADS.

[313]

Comparaison Europe/États-Unis des budgets
d’équipement, R&D et R&T, 2006-10 (G€)


Sources : Maria Leonor Pires, Europe and United States Defence Expenditure in 2010, Brussels, EDA,12.01.2012, p. 10.


BAE Systems et Finmeccanica :
des liens transatlantiques historiques

BAE Systems doit largement sa place de n°2 mondial à sa stratégie réussie d’expansion de ses activités outre-Atlantique, multipliant acquisitions, prises de participation et coopérations avec les primes américains, sur les marchés électronique de défense et d’armement terrestre. En sus d’une dizaine d’opérations d’acquisition de systémiers/ équipementiers américains (sur, par exemple, les systèmes avioniques, les systèmes de guidage et de navigation, les systèmes d’autoprotection, la sécurité réseaux et C4ISR), c’est surtout la reprise, en 2005 et en 2007, de deux fournisseurs de premier rang du DoD, United Defense Industries et Armor Holdings, qui permet à BAE Systems de franchir un nouveau cap et de monter dans la chaîne de valeur. Le groupe peut se targuer d’une présence significative au sein des plus grands programmes d’aéronefs militaires américains (F-22, F-35 [30], programmes de drones, etc.), accédant à des contrats aussi stratégiques que ceux relatifs aux systèmes de guerre électronique. De plus, BAE Systems est devenu un acteur incontournable dans les domaines de la construction, de la modernisation et de la maintenance des véhicules de combat chenillés et des systèmes au sol, ainsi que sur le marché des véhicules tactiques à roues, moyens et lourds (FMTV, Pinzgauer), systèmes de blindage et technologies de protection balistique. À l’origine, cette montée en puissance est à replacer dans le contexte des relations fortes et privilégiées entre les États-Unis et le Royaume-Uni.

BAE Systems a montré la voie aux autres industriels britanniques, en particulier le motoriste Rolls Royce et les équipementiers aéronautiques de taille moyenne Cobham (électronique et ravitaillement des avions), Ultra [315] Electronics (systèmes de communication), ou encore Meggitt (systèmes d'autopilotage), et plus récemment QinetiQ, première société privée britannique spécialisée dans les activités de R&D en défense et de conseils.

Le conglomérat italien Finmeccanica représente le second grand groupe européen d’aéronautique et de défense ayant réussi à se construire progressivement un profil transatlantique, s’appuyant sur ses filiales Agusta Westland et Alenia Aeronautica. Sur le segment hélicoptère, depuis le début des années 1980, Agusta Westand coopère indifféremment avec Bell, Lockheed Martin et Boeing. Allié à Lockheed Martin puis à L3-Com, Alenia Aeronautica est positionné sur la gamme médiane des avions de transport militaire grâce au modèle C27J Spartan, tout en étant partenaire de Boeing depuis de nombreuses années sur le secteur aéronautique civil. En mai 2008, l’acquisition du groupe américain d’électronique de défense DRS Technologies (représentants 10 000 salariés et un CA de 2,8 milliards de dollars en 2007), également convoité par le français Thales, ancre un peu plus le conglomérat italien aux États-Unis, tout en lui offrant de nouvelles opportunités sur le marché de la sécurité nationale.

En 2010, BAE Systems et Finmeccanica emploient respectivement 39 200 (40 % de l’effectif groupe) [31] et 12 000 salariés [32] sur le territoire américain. La part des ventes générées outre-Atlantique atteint 46 % pour le premier et 23 % pour le second. En 2011, les ventes marquent logiquement le pas, en raison des réductions de commandes (notamment dans le cadre du programme d’avion de combat F-35) et de l’annulation de programmes engagées par le DoD.

[316]

Présence de BAE Systems et Finmeccanica
aux États-Unis (2010)



Les derniers chiffres communiqués par BAE Systems montrent ainsi une légère décroissance, les ventes générées sur le marché américain passant de 46 % à 44 % du CA global [33]. Malgré ce premier bémol, Linda Hudson, chef de la direction de BAE Systems Inc, souligne rester en « mode acquisition » :

We see a lot of target properties and some of the more interesting ones have extraordinary valuations. Coming up with a business case that makes sense is very difficult in that regard, particularly with all the uncertainty we see right now from a budget perspective. [34]

En février 2011, la reprise des activités Intelligence services du groupe L-1 (SpecTal, LLC, Advanced Concepts, Inc. and McClendon et LLC) donne le ton quant à l’orientation choisie : la recherche de nouvelles opportunités sur les marchés de la sécurité et du renseignement. Cette stratégie est également suivie par d’autres groupes de défense européens en quête d’un premier succès majeur outre-Atlantique.

Repositionnement et stratégie indirecte
de pénétration du marché

Jusqu’à présent, et en dépit de l’établissement d’une filiale américaine [35], des groupes comme Thales, EADS ou encore SAAB AB n’ont pas atteint le même niveau de réussite que leurs concurrents britanniques et italiens. Thales emploie 2 300 salariés aux États-Unis et réalise 10 % de ses ventes en Amérique du Nord [36]. Privé du contrat des avions ravitailleurs, le marché américain pèse très peu dans le CA du groupe EADS. Parmi ses filiales, seul Eurocopter tire son épingle du jeu, ayant conquis 50 % du marché des hélicoptères civils [37].

[318]

Groupes européens :
comparaison des ventes réalisées
aux États-Unis (données 2010)



L’objectif est désormais d’obtenir l’équivalent sur le segment défense [38]. Fort d’une trésorerie nette de 11,9 G€, EADS envisage des acquisitions à même d’élargir son portefeuille clients et de limiter sa dépendance vis-à-vis du secteur aéronautique civil en se déployant sur les marchés des services et de la sécurité [39]. C’est donc par une stratégie indirecte que le groupe entend pénétrer le marché américain de la défense avec, par exemple, la reprise d’entreprises non américaines mais bien implantées outre-Atlantique ayant un accès privilégié aux programmes du DoD. En mars 2011, les rachats de l'équipementier aéronautique canadien Vector Aerospace, spécialisé dans la maintenance et la réparation aéronautique, puis, en août 2011, de Vizada, l’un des principaux fournisseurs indépendants sur le marché des services de communications mobiles mondiales par satellite, relèvent de cette approche indirecte.

[319]

Contraintes règlementaires et risques ITAR

Si le marché américain de la défense et de la sécurité recèlent d’importantes opportunités commerciales, ce marché extérieur est également synonyme de contraintes règlementaires extrêmement fortes. En effet, la réglementation américaine en matière de contrôle des exportations, ou règles ITAR (Title 22, Code of Federal Regulations) est stricte, son champ particulièrement large et son application extraterritoriale. La législation ITAR couvre les équipements et les données techniques d’origines américaines. Le terme « export » est défini ainsi dans l’article § 120.17 

Any oral, written, electronic, or visual disclosure, shipment, transfer, or transmission outside the United States to anyone, including a US citizen, of any commodity, technology (information, technical data, or assistance), or software or codes [...] with intent to transfer it to a non-US entity or person, wherever located.

Les contrôles s’étendent à tout produit incorporant le moindre équipement ou composant américain ou réalisé à partir de données techniques américaines (le produit est alors dit « itarisé »), et ce, quelque soit sa localisation dans le monde, et pour l’ensemble du cycle de vie du produit. Le made in USA peut vite devenir un véritable casse-tête règlementaire, avec un coût élevé en cas de non-respect de la législation. Or, la complexité de cette dernière, en raison de l’étendue de son champ d’application et d’une définition « attrape-tout », rend le système de contrôle peu transparent et peu prédictif pour les entreprises, générant le cas échéant, incertitudes, délais et coûts additionnels.

Pour satisfaire aux règles ITAR, les fournisseurs étrangers installés outre-Atlantique sont dans l’obligation d’organiser leurs activités en érigeant des barrières, ou firewall, entre [320] leurs entités. C’est ainsi que BAE Systems a cloisonné ses activités américaines, consolidées au sein de BAE Systems Inc., des activités étrangères pilotées par sa maison mère au Royaume-Uni (BAE Systems Plc). BAE Systems Inc. a obtenu un Special Security Agreement (SSA), moins contraignant qu’un proxy board, l’autorisant à intégrer parmi les membres du board des citoyens non américains. Il oblige toutefois les participants non américains à sortir de la réunion selon la nature des sujets abordés et le niveau de classification des informations communiquées. Comme se plaisait à rappeler un responsable britannique de BAE Systems : « We are allowed to operate in the most sensitive areas of national security under the terms of a Special Security Agreement – SSA.

[...] The British members of the corporate leadership, me included, get to see the financial results ; but many areas of technology, product and programme are not visible to us[40]

Cette situation entraîne des doublons et freine la recherche de synergies internes. Ces règlementations sont autant d’obstacles aux transferts d’informations et de technologies entre les deux rives de l’Atlantique, même pour le principal allié des États-Unis.

Dans le cadre de la participation du Royaume-Uni au programme d’avion de combat F-35 [41], il est vite apparu que les contrats à haute valeur ajoutée et les plus stratégiques (ceux relatifs aux technologies liées à la furtivité, au système avionique, au système de guerre électronique, etc.) étaient confiés à la branche américaine de BAE Systems, les sites britanniques du groupe devant se contenter de la production d’éléments d’aérostructures (tronçon avant du fuselage et dérives horizontales et verticales). De nombreuses années de négociations auront été nécessaires pour que le Royaume-Uni et les États-Unis [321] signent un traité destiné à faciliter les contrôles et les transferts de biens tangibles et intangibles de défense entre les deux États, en limitant le nombre de biens soumis à l’autorisation ITAR. Etabli en 2007, le Defense Trade Cooperation Treaty (DTCT) n’aura été ratifié par le Sénat que quatre ans plus tard (en passant par un traité, l’exécutif américain évite une énième fin de non-recevoir de la Chambre des Représentants). Son champ d’application est toutefois limité à quelques programmes menés en coopération intergouvernementale et ne signifie pas pour autant la fin des proxy boards et autres SSA. Bien qu’une réforme de la législation ITAR soit en cours [42] sous l’impulsion de l’administration Obama, l’étau législatif et règlementaire n’est pas encore desserré.

À l’exportation, les entreprises européennes de défense sont donc soumises à de nombreux risques, le risque règlementaire étant certainement parmi les plus élevés sur le marché défense américain. En Amérique latine, conquête des marchés et transferts de technologies vont de pair.


Le Brésil, exemple des opportunités
et des risques liés à la conquête de nouveaux marchés
en Amérique latine

En Amérique latine, et plus généralement sur l’ensemble des marchés Grand export, les États acheteurs ambitionnent de reconstituer leurs capacités technologiques et industrielles de défense, voire de créer ex nihilo une filière industrielle spécifique, grâce aux transferts de technologies négociés dans le cadre d’accords offsets. Les transferts de technologies sont ainsi devenus un critère majeur et imposé pour remporter les appels d’offres liés aux programmes de renouvellement [322] des équipements des forces armées de la région. Les contrats d’exportation impliquent désormais, et de manière quasi systématique, des transferts de savoir faire, l’implantation de capacités de production (et le cas échéant de développement) sur le sol de l’État client, ainsi que des partenariats avec les industriels locaux.

Le Brésil offre de ce point de vue un excellent exemple de ces pratiques, au même titre que l’Argentine, le Chili et le Mexique. Toutefois, le gouvernement brésilien a davantage formalisé cette orientation dans sa politique d’acquisition, adoptant notamment une posture particulièrement agressive dans le domaine des transferts de technologies.

Des fournisseurs européens
face aux ambitions de puissance du Brésil

En termes de présence européenne sur le marché brésilien de l’aéronautique et de la défense, EADS était jusqu’en 2010 le groupe aux positions commerciales et industrielles les plus solides, progressivement construites par ses deux têtes de pont, Eurocopter et Airbus. L’avionneur détient ainsi en 2010, 70 % du marché de l'aviation civile brésilienne [43], et Eurocopter 53 % du marché des hélicoptères. Ce dernier est le seul fournisseur étranger à avoir implanté une activité industrielle complète au Brésil, et ce, depuis 1978, avec l’installation d’un établissement industriel, Helibras, à Itajuba dans l’État du Minas Gerais et, plus récemment, d’ateliers de maintenance à Brasilia et Rio de Janeiro. Unique hélicoptériste en Amérique du Sud, Hélibras connaît depuis cette date une croissance continue de ses activités (avec plus de 600 hélicoptères livrés entre 1978 et 2011 [44]). Le contrat le plus récent assorti d'un transfert [323] de technologies porte sur l'acquisition de 50 EC 725 de transport lourd pour l'armée brésilienne. Dans ce cadre, Helibras prévoit doubler la capacité de son centre d'ingénierie et ouvrir un institut technologique en association avec l'université d'Itajuba. D’ici 2015, sa principale usine de production devrait employer 1 100 salariés contre 610, en 2011, et 290, en 2009. Pour les autorités brésiliennes, il s’agit prioritairement de s'appuyer sur le savoir faire d'Helibras pour lancer un nouveau programme d'hélicoptères 100 % made in Brazil d’ici 2020.

Le Brésil a réédité cette pratique d’acquisition et ce modèle de coopération avec un fournisseur/ partenaire étranger pour son programme Prosub de renouvellement de sa flotte de sous-marins [45]. En décembre 2008, le groupe naval français DCNS a ainsi remporté la compétition portant sur quatre sous-marins conventionnels (contrat de 6,7 G€), grâce à son offre-produit Scorpène. L’État brésilien a préalablement exigé la création d’une société commune, Itaguaí Construcciones Navales, entre DCNS et le groupe national de travaux publics Odebrecht, ce dernier étant en charge de la production des sous-marins au Brésil (la livraison est prévue entre 2017 et 2021). Au final, l’intervention du chantier naval DCNS de Cherbourg se limitera à la production de la moitié avant du premier bâtiment et à la formation d’une centaine d’ingénieurs et de techniciens brésiliens. Le contrat prévoit également une assistance à maîtrise d’œuvre pour l’établissement d’un chantier de construction navale (notamment d’une unité de fabrication de structures métalliques) et une base sous-marine.

Afin de consolider ce premier succès, le groupe naval français se positionne sur le programme de [324] renouvellement de la flotte de surface (Prosuper, acquisition de 61 bâtiments, frégates, navires de ravitaillement et patrouilleurs hauturiers), affrontant la concurrence des groupes navals allemand, sud coréen, espagnol, italien et britannique. Début 2012, sur le segment des patrouilleurs hauturiers, c’est l’offre du britannique BAE Systems qui a été retenue, soit la reprise de 3 OPV, initialement vendus aux gardes-côtes de Trinidad & Tobago qui les ont finalement refusés, et la cession d’une licence pour la production locale de cinq autres unités.

Le programme FX2, relatif à l’acquisition de 36 avions de combat, met en œuvre les mêmes leviers, le Brésil ayant l’ambition de produire à terme son propre appareil de nouvelle génération sous maîtrise d’œuvre de l’avionneur brésilien Embraer. Le gagnant, parmi le français Dassault Aviation (Rafale), le suédois SAAB AB (Gripen) et l’américain Boeing (F-18), sera l’industriel le plus flexible en termes de transferts de technologies, dans les limites posées par les autorités politiques de l’État fournisseur et par le cadre législatif et règlementaire régissant le contrôle à l’exportation des équipements, technologies, logiciels et du savoir-faire (immatériel ou intangible) stratégiques. Si, aux États-Unis, les transferts de technologies sont soumis à un vote du Congrès, traditionnellement extrêmement réticents et prudents sur cette question, en France, la décision relève du Président de la République. Nicolas Sarkozy s'est ainsi prononcé en faveur d’un « transfert total vers le Brésil » [46], un État dont les forces aériennes sont déjà équipées de Mirage 2000.

La concurrence est donc intense entre industriels européens pour la conquête de marchés aussi structurants et stratégiques que ceux relatifs aux flottes de sous-marins, navires de surface et avions de combat, véritables [325] outils de protection et de projection de puissance [47]. Dans le secteur de l’armement terrestre, la situation est assez identique. Les constructeurs italiens et allemands sont sur les rangs pour répondre aux appels d’offre relatifs à l’acquisition de véhicules blindés. L’italien Iveco a ainsi établi, en avril 2011, une usine de production à Sete Lagoas et une nouvelle division brésilienne, Iveco Defence Vehicles, après avoir remporté un contrat de production de véhicules amphibies (VBTP-MR 6×6). Quant à l’allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW), ce dernier a annoncé lors du salon Latin America Aero & Defence 2011 (LAAD), la création de KMW do Brasil à Santa Maria (région du Rio Grande do Sul), nouveau point d’ancrage du groupe pour la zone Amérique du Sud, aspirant ainsi à consolider sa présence suite à l’obtention d’un contrat de production de chars lourds LEOPARD 1A5 [48].

L’inauguration par EADS d’un nouveau siège social à Sao Paulo est aussi symbolique de l’aspiration du groupe à franchir une nouvelle étape dans son développement au Brésil. Tout en capitalisant sur les positions historiques d’Eurocopter et Airbus, EADS mobilise ses autres divisions pour la conquête des marchés dans les domaines des missiles, des satellites de télécommunications, de la sécurité liée à l’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux Olympiques en 2016, surveillance des frontières terrestres et maritimes, etc.

Sur de nombreux segments de marché, EADS affronte la concurrence de Thales, présent depuis de nombreuses années au Brésil (par exemple, dans les systèmes radars, les systèmes de communication sous-marins, les systèmes de communication et d’information pour les services de police, etc.). Actionnaire majoritaire depuis 2005, puis désormais filiale à 100 % de Thales, l’entreprise [326] d’électronique de défense Omnisys, localisée près de Sao Paulo, représente le centre d’excellence du groupe sur le segment radar en bande L. EADS et Thales se sont toutefois associés autour d’une offre commune pour le futur programme SisGAAz de système de surveillance des frontières maritimes, évalué à 10 milliards de dollars sur 5 ans. Le conglomérat italien Finmeccanica se montre également très actif, sa filiale Selex Galileo ayant, par exemple, signé un MoU avec le brésilien Atmos Sistemas pour collaborer au développement de systèmes radars.

De plus, une grande majorité des équipementiers aéronautiques européens sont aujourd’hui impliqués dans le programme du futur avion de transport militaire bi-réacteur de moyenne capacité KC-390 (dont l’entrée en service est prévue en 2015), sous maîtrise d’œuvre Embraer. Hispano-Suiza, du groupe Safran, fournit le système de génération électrique de secours, Cobham, les nacelles de ravitaillement sous voilure, Selex Galileo, son radar tactique T-20 Gabbiano, BAE Systems, les ordinateurs de contrôle de vol et l'électronique des actionneurs de commande, International Aero Engines (Rolls-Royce, Pratt & Whitney), les moteurs, ou encore OGMA sur plusieurs éléments de structure de l’appareil. Grâce à ce futur produit phare, Embraer, plus connu pour son positionnement sur le segment des jets et appareils de petite capacité, brigue une place sur le marché des avions de transport militaire moyen/lourd. A terme, les responsables de l’avionneur brésilien visent une part de 20 % de ventes en défense dans le CA global de l’entreprise.

[327]

Parade stratégique

Pour les fournisseurs étrangers, toute la difficulté est donc de « jouer le jeu » tout en évitant que les industries d’armement de leurs États clients montent dans la chaîne de valeur (grâce à un accès accéléré aux technologies) et endossent les habits de concurrents sur le marché international. Cette problématique se pose de manière aiguë aussi bien en Amérique latine qu’en Asie. La pression se faisant plus forte sur le marché domestique des maîtres d’œuvre et équipementiers européens, les caveats, ou limites à ne pas dépasser, jusqu’ici posés dans le domaine des transferts de technologie, tendent plus ou moins à s’assouplir. DCNS et Eurocopter, pionniers dans la négociation d’accords de co-développement et de co-production, se rejoignent sur le constat de l’importance de conserver une avance technologique, donc des verrous technologiques, en particulier en matière de conception et de design pour les systèmes les plus complexes et stratégiques. Le commentaire ci-dessous d’un responsable de DCNS lors d’une audition en Commission Défense de l’Assemblée nationale française en 2007, est-il toujours vrai cinq ans après dans un contexte d’exacerbation de la concurrence et d’exigences pressantes d’États clients comme le Brésil ?

Nous nous protégeons en ne transférant pas ce qu’on appelle le know why, c’est-à- dire le savoir-faire de fond de conception. La personne à qui nous transférons la technologie saura tout au plus reproduire exactement le produit que nous lui avons vendu. Deuxièmement, nous nous protégeons par des verrous technologiques. Dans le cas des sous-marins, par exemple, il s’agit des cloisons résistantes, des brèches de coque résistantes, qui sont des outils particulièrement difficiles, à la fois à concevoir et à réaliser, et des tubes lance-torpilles. Nous gardons en propre ces fabrications [49].

[328]

En outre, au sein des accords offsets, les investissements à réaliser auprès de l’industrie locale et autres partenariats, joint ventures ou offset directs, ne sont pas neutres pour la chaîne de fournisseurs historiques des maîtres d’œuvre européens. Une partie de plus en plus grande de l’activité générée par les contrats d’exportation devrait être aspirée par les sous-traitants locaux étrangers. Limiter ce transfert d’activités implique pour les équipementiers européens d’être en capacité de suivre les maîtres d’œuvre en installant de nouveaux points d’ancrage sur les marchés étrangers et en développant des liens avec le tissu de sous-traitants locaux, une stratégie relativement accessible pour les équipementiers de rang 1, mais plus difficile pour les PME situées aux rang 2 et 3. Miser sur le haut de gamme, les produits à haute valeur ajoutée, représente également un autre moyen de se maintenir face à la concurrence, ce qui signifie, là encore, d’être en capacité de renforcer le financement de la R&D menée à l’interne.


Conclusion

Ainsi, ces différentes tendances d’évolution des marchés d’équipements de défense en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine illustrent l’ampleur et la difficulté des défis auxquels sont confrontés les industriels de la défense européens. Cet environnement plus complexe questionne leur capacité à s’adapter à horizon 5-10 ans. Si ces derniers possèdent un temps d’avance sur le marché international, l’émergence de nouveaux concurrents et une présence plus marquée des groupes américains dans l’exportation devraient contribuer à fragiliser certaines de leurs positions et durcir la compétition sur les futurs grands appels d’offre. Le cadre règlementaire, [329] notamment la législation ITAR, et la multiplication des demandes de transferts de technologies à l’international, représentent deux points durs, sources de fortes incertitudes pour les entreprises européennes. Les dépasser implique, d’une part, de soutenir l’innovation sur les segments les plus stratégiques et, d’autre part, de repenser les modes de coopération. Les États européens n’ayant plus seuls les moyens de leurs ambitions, ces deux problématiques sont désormais intimement liées.

[330]



[1] Maria Leonor Pires pour l’European Defence Agency, « Defence Data : EDA participating Member States in 2010 », 18 janvier 2012. En ligne.

[2] Ibid.

[3] Royaume-Uni de Grande-Bretagne (R-U), gouvernement de Sa Majesté, Securing Britain in an Age of Uncertainty, UK Strategic Defence and Security Review, Londres, 19 octobre 2010. En ligne : www.direct.gov.uk. Ce document a été publié à la suite de la nouvelle stratégie nationale de sécurité, A Strong Britain in an age of Uncertainty : the National Security Strategy, Londres, 18 october 2010. En ligne : www.direct.gov.uk.

[4] R-U, gouvernement de Sa Majesté, Spending Review 2010, Londres, octobre 2010. En ligne : www.direct.gov.uk.

[5] R-U, Public Accounts Committee of the House of Commons, Providing the UK's Carrier Strike Capability', Londres, 29 november 2011 ; The cost-effective delivery of an armoured vehicle capability, 9 décembre 2011. En ligne : www.publications.parliament.uk.

[6] Tim Ripley, « UK outlines further budget cuts », 16 décembre 2012. En ligne : Jane's Defence Weekly jdw.janes.com.

[7] Il devrait être finalement en progression d'environ 1 %.

[8] Projet de loi de finances pour 2012 : Défense : équipement des forces, France, Sénat, 17 novembre 2011. En ligne : Sénat.fr www.senat.fr.

[9] R-U, Secrétaire d’État à la defense, National Security through Technology : Technology, Equipment and Support for UK Defence and Security, février 2012. En ligne : www.mod.uk.

[10] R-U, Secrétaire à la defense, Defence Industrial Strategy. Defence White Paper, décembre 2005. En ligne : www.mod.uk.

[11] Albrecht Muller, « German Defense Minister Attacks Industry » Defense News, 20 décembre 2011. En ligne : Defense News.com.

[12] « Défense : baisse des budgets en Europe », Agence France-Presse, 14 avril 2011. En ligne : Le Figaro.fr.

[13] Traité de coopération en matière de défense et de sécurité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 2 novembre 2010. En ligne : Digithèque de matériaux juridiques et politiques.fr (entré en vigueur le 1er juillet 2011).

[14] R-U, ministère de la Défense (MoD), UK and France make final step towards co-operation treaty, Londres, MoD Press, 10 mai 2011. En ligne : Ministry of Defence.uk www.mod.uk.

[15] Le traité de Lancaster House englobe la coopération entre les forces armées, ainsi que dans les domaines technologiques, industriels et des programmes, autour de 13 domaines de coopération ciblés : arsenaux nucléaires (installation commune à Valduc dans le domaine de la simulation et du Centre de développement technologique commun à Aldermaston), force expéditionnaire commune interarmée, force aéronavale d’attaque intégrée franco-britannique à l’horizon 2020, soutien intégré A400M, développement en commun des équipements et technologies pour la prochaine génération de sous-marins nucléaires, harmonisation des plans d’équipement et de systèmes antimines, étude de concept commune pour la prochaine génération de satellites de communication, ravitaillement en vol (capacités excédentaires britanniques du FSTA utilisées par la France), drone MALE (développer de nouveaux équipements entre 2015 et 2020), missiles (plan stratégique décennal et « one MBDA »), R&T (chaque État prévoit un budget annuel de 50 M$ pour des projets communs de R&D), cyber-attaques et lutte contre le terrorisme. Quant aux armées, les objectifs sont ambitieux avec la création d’une force expéditionnaire commune interarmée (d’ici 2016) ainsi qu’une force aéronavale d’attaque intégrée.

[16] Memorandum of Understanding (MoU) signé en mars 2011. Une maquette à l’échelle 1 a été présentée au salon du Bourget en mai 2011 sous le nom de Telemos.

[17] France, ministère de la Défense, Déclaration conjointe franco-britannique de Défense, Paris, 17 février 2012. En ligne.

[18] La première phase débutera en 2013 avec la mise au point et la réalisation d'un démonstrateur/prototype de système autonome, reposant sur des technologies de type drone sous-marin. L'équipe commune de programme est mise en place au sein de l'Organisation for Joint Armament Cooperation (OCCAR) et engagera en 2012 une phase d'évaluation conjointe et une mise en concurrence au niveau européen.

[19] Engins explosifs improvisés.

[20] Nicolas Gros-Verheyde, « La crise économique atteint les budgets de défense. Le Parlement sonne l’alarme », 16 novembre 2011. En ligne.

[21] Jane’s, « EU High Representative reiterates need for pooling of resources », 1er février 2012. En ligne : articles.janes.com.

[22] Ibid.

[23] CE, Directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, Communautés européennes, 2009, L146. En ligne.

[24] CE, Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les marchés publics de la défense et de la sécurité, Communautés européennes, 2009, L216. En ligne.

[25] Aerospace Defense Security Space (ADS) « UK Defence Survey 2011 », 2012. En ligne.

[26] Christopher Drew, « Lockheed Cuts Profit Estimate for Year » The New York Times, 19 October 2010, p. B2.

[27] Washington Technology « Big 3 defense contractors feel axe of 1,000 cuts » Washington Technology, 17 mai 2011. En ligne.

[28] Andrea Shalal-Esa, « Bigger Firms Seen In US Defense Future » Aviation Week, 20 septembre 2011. En ligne.

[29] Lockheed Martin, « Lockheed Martin Agrees To Acquire QTC Holdings Inc. » LM News Press, août 2011. En ligne.

[30] Le système de guerre électronique Helmet Display Solution notamment.

[31] BAE Systems, « BAE Systems Annual Report 2010 » (2011). En ligne.

[32] Finmeccanica, « Finmeccanica Annual Report 2010 » (2011). En ligne.

[33] BAE Systems supra note 31.

[34] « Reuters Summit-BAE sees no bold deals near term-US CEO », Reuters, 7 septembre 2011. En ligne.

[35] EADS North America, SAAB North America, Thales USA Defense & Security Inc.

[36] En 2009, l’ensemble de ses activités a été consolidé au sein de Thales USA Defense & Security, Inc., une nouvelle organisation censée permettre une meilleur conquête des marchés naval, terrestre, avionique et sécurité.

[37] Face aux hélicoptéristes comme Sikorsky et Bell.

[38] En 2006, Eurocopter a remporté le contrat des hélicoptères légers UH-145 destinés à l’US Army, soit 345 appareils à livrer pour 2 milliards de dollars. L’activité industrielle est regroupée sur le site American Eurocopter de Columbus (Mississippi). La fabrication de l’UH-145, réalisée en Allemagne, sera transférée progressivement sur le site de Columbus (assemblage partiel dans une première phase, suivi de l’assemblage complet, puis, fabrication aux États-Unis des sous-ensembles majeurs).

[39] L'avionneur représente 66 % des revenus du groupe, qui veut ramener cette part à 50 % d'ici 2020. EADS souhaite également porter à 25 % la proportion de son chiffre d'affaires dans les services, contre 11 % en 2010.

[40] Mike Turner, discours devant le Washington Economic Club, 10 mai 2006.

[41] Voir Masson Hélène, « Participation de pays européens au projet d'avion de combat JSF et conséquences pour l'Europe de l'armement », Recherche & Document FRS, janvier 2004. En ligne. Voir également, « La réorganisation de l’industrie de défense britannique », Recherche & Document FRS, février 2008. En ligne.

[42] Kate Brannen, « Export Rules for US Military Aircraft Proposed » Defense News, 7 novembre 2011. En ligne.

[43] 600 appareils vendus et plus de 250 avions à livrer.

[44] Entre 1978 et 2011, la part de marché d'Eurocopter est passée de 14 % à 53 % au Brésil.

[45] Il prévoit la construction de quatre sous-marins Scorpène et d’un sous-marin à propulsion nucléaire, ainsi que la création d’un chantier naval et d’une base navale à Itaguaí (dans l’État de Rio de Janeiro au Brésil).

[46] Rémy Mancourt, « Rafale : Les USA garantissent des transferts de technologies au Brésil » L’Usine nouvelle, 18 février 2011. En ligne : L’Usine nouvelle.com

[47] Yannick Quéau, « L’Amérique du Sud sur la voie d’une autonomie stratégique renforcée » dans Dorval Brunel, dir, Repenser l’Atlantique : commerce, immigration et sécurité, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 325-43.

[48] BAE Systems a obtenu depuis la fin des années 1990 plusieurs contrats de maintenance et remise à niveau dans le domaine des véhicules blindés.

[49] France, Commission de défense de l’Assemblée nationale, Auditions du 20 décembre 2007. En ligne.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 30 mars 2013 16:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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