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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Raymond MASSÉ, “Les apports de l'anthropologie à l'épidémiologie: le cas du rôle étiologique de l'isolement social.” Un article publié dans la revue Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, vol. 2. no 1, 1995, pp. 102-117. Montréal: Le Groupe de recherche interdisciplaire en santé (GRIS) de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal. Un article originalement publié dans la revue Santé Culture/Culture Health, Vol. IX (1), 1992-1993, pp. 109-138. [Autorisation accordée par l'auteur le 14 novembre 2008 de diffuser cette oeuvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Raymond MASSÉ

Les apports de l'anthropologie à l'épidémiologie :
le cas du rôle étiologique de l'isolement social
”. *

Un article publié dans la revue Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, vol. 2. no 1, 1995, pp. 102-117. Montréal : Le Groupe de recherche interdisciplaire en santé (GRIS) de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Résumé / Abstract
Introduction
Anthropologie et épidémiologie : opposition des paradigmes méthodologiques
Anthropologie, épidémiologie et santé publique
Soutien social et santé
Premier apport de l'anthropologie : produire une définition globale de l'isolement social
Deuxième apport de l'anthropologie : mettre en évidence le fait que l'isolement social est un construit social
Troisième apport de l'anthropologie : mettre en évidence le fait que l'isolement est un construit culturel
Quatrième apport de l'anthropologie : resituer les marqueurs de l'isolement dans le cadre du vécu des individus
Conclusion
Bibliographie
Biographie


RÉSUMÉ

L'anthropologie a traditionnellement été définie comme l'antidiscipline de l'épidémiologie. Les profondes divergences aux plans de la définition des problèmes de santé et des paradigmes méthodologiques ont masqué leur potentiel de complémentarité. Les contributions de l'anthropologie à l'analyse de la prévalence des "maladies de civilisation" et à la production de modèles étiologiques sensibles aux réalités sociales et culturelles sont particulièrement mises en évidence dans le cas de recherches visant à soutenir l'élaboration de programmes de prévention et de promotion de la santé. L'objectif du présent texte est d'identifier les principaux apports de l'anthropologie à l'épidémiologie en se référant aux études traitant du rôle étiologique de l'isolement social.

Abstract

Anthropology and epidemiology are respectively associated  with qualitative and quantitative methodological paradigms. While anthropology is dedicated to an "emic" approach in the definition of illness, epidemiologic studies are based on a medical consensual definition of diseases. These methodological and theoretical oppositions have undermined their potential for complementarity. Recent research in sociocultural epidemiology and medical anthropology illustrates the benefits of collaboration in the production of etiologic models sensitive to social and cultural factors. Referring to the use of social support in current epidemiologic research, this paper analyzes four contributions of anthropology to epidemiology and to programs of prevention and health promotion in public health.

Mots clefs : Isolement social, paradigmes méthodologiques, santé publique, épidémiologie

L'anthropologie médicale et l'épidémiologie ont traditionnellement eu tendance à se définir comme des disciplines aux finalités et aux méthodologies difficilement conciliables. Toutefois de multiples recherches ont récemment mis en évidence leur potentiel de complémentarité. La production, dès les années 1950, d'études d' "épidémiologie socioculturelle" traitant des désordres psychiatriques (Leighton et al., 1963 ; Murphy, 1982) et les études plus récentes sur l'épidémiologie socio-culturelle des maladies cardio-vasculaires (Dressler, 1984) ou du SIDA (Anthropologie et Société, 1991) de même que divers travaux synthèses (Kleinman, & Good, 1985 ; Janes, Stall, & Gifford, 1986 ; True, 1990) ont montré le potentiel d'enrichissement mutuel des deux disciplines.


INTRODUCTION

Le présent article aura pour objectif de démontrer la nécessaire complémentarité entre les deux disciplines. Nous illustrerons nos propos à partir de l'exemple des recherches traitant du soutien social comme déterminant socio-culturel majeur des problèmes de santé tout en identifiant les apports réciproques d'une discipline à l'autre. Notre réflexion s'appuie sur le constat suivant : les limites de l'une et l'autre approche de même que l'impératif de leur complémentarité deviennent manifestes lorsqu'on resitue les recherches épidémiologiques et anthropologiques dans le cadre des contributions concrètes qu'elles peuvent apporter à l'élaboration de programmes de prévention de l'isolement social ou de promotion du soutien social.

Anthropologie et épidémiologie :
opposition des paradigmes méthodologiques

On reconnaît généralement que le potentiel d'enrichissement réciproque de l'anthropologie et de l'épidémiologie fut sous-exploité en large partie à cause du fossé qui sépare leurs approches méthodologiques. Alors que l'épidémiologie est le bastion des études contrôlées avec larges échantillons, quantification des facteurs à l'étude et inférences statistiques, l'anthropologie s'est imposée comme le promoteur des méthodologies qualitatives et des études en profondeur auprès d'échantillons restreints, à échelle communautaire (villages, communautés ethniques, etc.).

Selon Rubinstein (1984), la recherche inconditionnelle d'une crédibilité scientifique aurait conduit les épidémiologistes à adopter une approche positiviste de la science calquée sur les sciences physiques. Les principales conséquences en seraient un accent exagéré mis sur la méthode, un réductionnisme quantitatif dans le traitement des variables socioculturelles et une obsession de la prédictibilité des problèmes de santé, au dépens d'une analyse du processus de négociation du malade avec son environnement. De même, une certaine conception positiviste de la "scientificité" conduit souvent les épidémiologues (mais aussi certains sociologues et psychologues sociaux) à une certaine "fétichisation" des devis et outils de mesure (Massé, 1993) qui tiendraient leur force du pouvoir de la quantification.

L'épidémiologie a, par contre, développé une solide expertise dans l'ajustement des devis méthodologiques aux questions de recherche (True, 1990). Elle a su raffiner, de façon toute particulière, l'analyse des rapports de causalité entre facteurs de risque et maladies, d'une part en développant un arsenal complexe de devis expérimentaux qui prennent en considération divers déterminants de la causalité tels les rapports dose-réponse et la stabilité de l'association dans le temps ou la spécificité de l'association, d'autre part en contrôlant la comparabilité des résultats obtenus par des groupes expérimentaux et témoins pour divers biais tels l'historicité, la mortalité expérimentale, l'effet de l'expérimentation ou de l'instrumentation (Cambell, & Stanley, 1963). La rigueur conceptuelle et méthodologique promue par l'épidémiologie dans l'analyse des rapports de causalité entre déterminants de la santé et maladie est d'un apport central à la santé publique.

Quant à eux, les anthropologues tirent profit d'une manipulation adéquate de ces outils et concepts méthodologiques. D'ailleurs, l'opposition de ces deux disciplines sur la base de la différenciation entre méthodologies qualitatives et quantitatives ne traduit plus que partiellement la réalité, l'une et l'autre tendant à recourir à un éventail diversifié de méthodes (Janes, Stall, & Gifford, 1986, Kleinman, & Good, 1985). De plus, si l'épidémiologie est loin d'être la seule discipline axée sur l'exploitation des méthodes quantitatives, l'anthropologie ne peut en aucune manière revendiquer le monopole des méthodes qualitatives.

La contribution de l'anthropologie va toutefois bien au-delà d'une critique négative des abus de la quantification. Elle propose, en fait, une approche compréhensive et interprétative (Kleinman, 1980 ; Good, & Delvecchio-Good, 1981) plus flexible et sensible, qui tient compte, pour la définition des problèmes et des facteurs de risque, tant du vécu individuel que de l'importante variabilité d'un contexte social et culturel à l'autre. L'anthropologue ne peut se résoudre à traiter les individus d'un échantillon comme des "cas" désincarnés de toute vie sociale. Il verra fondamentalement derrière le répondant un individu socialisé et enculturé. La maladie, les comportements à risque, les valeurs reliées à la santé, pour toutes "variables" qu'elles soient, ne seront conçues autrement que comme des produits socioculturels inscrits dans un processus de signification (Rubinstein, 1984).

Nous soulignerons dans les pages qui suivent une liste d'apports de l'anthropologie à la recherche épidémiologique. Ces apports plus spécifiques s'articuleront autour de deux contributions plus générales, que nous résumons brièvement :

1) La démonstration du rôle central que jouent les déterminants socio-culturels dans les modèles étiologiques traitant des causes des problèmes de santé. Rappelons ici que la production de modèles étiologiques efficaces suppose l'identification et la compréhension d'une large variété de facteurs de risque. Dans le cas des "maladies de civilisation" prévalentes dans les sociétés industrialisées, les principaux facteurs de risque sont d'ordre environnemental ou comportemental. Dans la mesure où l'environnement physique et social de même que les comportements et les attitudes qui les sous-tendent sont profondément conditionnés par l'organisation sociale et ancrés dans la culture, l'épidémiologie devra être socio-culturelle ou ne pas être. Ce champ de recherche traitant de l'influence des facteurs socio-culturels sur la santé est bien couvert dans la littérature (Kasl, 1983 ; Kaplan, 1985), en particulier dans le champ de la santé mentale (Tousignant, 1992) et à travers plusieurs travaux qui traitent du rapport à la santé de diverses composantes de cet environnement socio-culturel tels le soutien social (Cohen, & Syme, 1985) et les événements de vie (Brown, & Harris, 1988). Même si l'épidémiologie moderne a su ajuster le traditionnel modèle bio-médical aux nouveaux modèles et aux nouvelles définitions de la santé axés sur l'environnement socio-culturel, l'anthropologie, comme les autres sciences sociales, est appelée à parfaire les modèles "écologiques" en mettant à jour et en dépeignant le complexe enchevêtrement des déterminants socio-culturels de la santé.

2) La redéfinition des problèmes de santé dans le cadre d'une approche "émique" c'est à dire qui part des conceptions et représentations que s'en fait la population. À cet égard, le travail demeure immense. Il s'agit d'une remise en question des prétentions d'universalité inhérentes aux définitions occidentales des problèmes de santé et des facteurs de risque. L'objectif est de produire une définition de la "maladie" qui soit fondée sur les normes, valeurs, conceptions et idéologies propres à chaque groupe ethnique comme à chaque sous-groupe social et qui balisent les conceptions du normal et de l'anormal, du tolérable et de l'intolérable. L'enjeu est une quête du sens populaire des phénomènes de santé. Il s'agit ici d'un virage de 180 degrés par rapport aux approches épidémiologiques classiques qui mesurent la prévalence ou l'incidence de problèmes de santé définis à partir d'un consensus médical. Cette "révolution sémantique" devient l'un des préalables à toute épidémiologie socio-culturelle (Bibeau, 1981).

Anthropologie, épidémiologie
et santé publique

L'enjeu de la recherche en santé publique ne se limite pas à analyser la distribution de la maladie dans le temps et l'espace, à intégrer dans un modèle prédictif une liste de facteurs de risque ou à quantifier le risque relatif qu'ils représentent pour des populations. Pour être en mesure d'élaborer des moyens et stratégies de prévention adéquats, la santé publique doit chercher à comprendre les fondements sociaux et culturels de même que le contexte sociétal dans lequel ils se développent et se reproduisent. Ces "variables" doivent être considérées comme des construits sociaux et culturels dont les significations ne sont ni constantes ni indépendantes du contexte qui les sous-tend. Plus à l'aise avec les déterminants biologiques, chimiques et physiques, mais tout en reconnaissant l'influence déterminante de la culture, l'épidémiologie se résoud souvent à un traitement superficiel des déterminants socioculturels. Pour des impératifs méthodologiques (modélisations mathématiques) et à cause d'un manque de sensibilité à l'interprétabilité des facteurs socio-culturels, elle a tendance à réduire abusivement les déterminants socio-culturels à des entités conceptuelles décontextualisées, prédéfinies et rigides. L'origine ethnique, la langue, l'appartenance religieuse, le niveau de scolarité sont souvent utilisés dans les modèles multivariés comme variables résumant les facteurs culturels. L'anthropologie, tout comme les autres sciences sociales, est appelée à jouer un rôle complémentaire en identifiant et en définissant les facteurs culturels dans le respect du sens et de l'interprétation qu'en donnent les individus. Sans cette contextualisation des facteurs de risque dans le cadre de la culture et des histoires de vie, la santé publique en sera réduite à cibler, dans ses programmes, des facteurs de risque désincarnés, dans lesquels ne se retrouvent pas les populations-cibles : cela étant, on déplorera le peu de réceptivité qu'obtiennent ces interventions auprès de ces populations.

L'exemple de l'étude de Corin et al. (1990) sur la santé mentale dans six communautés du nord-ouest québécois illustre de façon percutante les modes de complémentarité entre anthropologie et épidémiologie. Les auteurs montrent que non seulement la prévalence mais aussi la définition des problèmes de santé mentale et l'appropriation qu'en fait la communauté sont largement tributaires du contexte social, culturel et économique. On y montre que l'épidémiologie socio-culturelle repose sur une ethnographie en profondeur de chaque communauté. Cette ethnographie repose sur l'étude des réseaux de soutien social, de la désintégration sociale et du degré d'ouverture face au monde extra-communautaire de ces communautés. Les systèmes de signes, de sens et d'action qui conditionnent le rapport de l'individu avec la maladie mentale ne prennent sens que dans ce contexte communautaire global.

Il faut rappeler d'ailleurs, que du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, l'épidémiologie était essentiellement socio-culturelle, fondée sur les études de communauté et nettement arrimée à des préoccupations de santé publique. Partant du constat que la maladie n'est jamais distribuée aléatoirement dans la population, les épidémiologues désignaient déjà les conditions de vie et de travail comme les principaux facteurs de risque à cibler. Ils étaient de même directement impliqués dans la conception et l'administration des politiques de santé publique. Depuis les années 1950, certains (Lilienfeld, 1984) ont déploré sa conversion en une discipline plus fondamentale, plus préoccupée par sa crédibilité scientifique que par les applications "pratiques". C'est à un virage vers ses origines socio-culturelle que l'anthropologie appelle l'épidémiologie. L'analyse comparée des environnements physiques, sociaux et culturels des individus atteints et non-atteints deviendra ainsi un mandat tout aussi incontournable pour l'épidémiologie que pour l'anthropologie. Déjà en 1958, un anthropologue et un épidémiologiste (Fleck, & lanni, 1958) écrivaient, dans un texte conjoint, que le principal dénominateur commun et lieu de convergence des deux disciplines était leur approche écologique axée sur la multi-causalité, et ce, tout particulièrement depuis le virage "néo-écologistes" de l'épidémiologie au milieu du XXe siècle.

Anthropologie de la santé et épidémiologie poursuivent donc un objectif commun, soit la compréhension du rôle des facteurs de risque sociaux et culturels dans la genèse des problèmes de santé. L'atteinte de cet objectif passe par la mise en commun des expertises qui leurs sont propres. Force est de constater, avec Trostle (1986), qu'en dépit de plusieurs expériences fructueuses de rapprochement de deux disciplines et d'une vigueur certaine de l'épidémiologie socio-culturelle aux États-Unis, nous sommes témoins d'une "négligence bénigne" de ces disciplines l'une envers l'autre. Le cas de la recherche portant sur le soutien social, retenu dans le présent texte à titre d'exemple, nous permettra d'illustrer la complémentarité des deux disciplines autant aux plans conceptuel que méthodologique.

Soutien social et santé

L'isolement et son pendant positif, le soutien social, sont les deux déterminants vedettes des années 1980 dans l'épidémiologie des problèmes de santé mentale ou physique. L'article majeur publié par l'épidémiologue Cassel (1976) dans l'American Journal of Epidemiology allait consacré un virage vers une analyse plus nuancée du rôle de l'environnement social dans les rapports de l'individu à la santé. Les facteurs stressants ne sont plus perçus comme ayant une influence automatiquement négative et directe sur la santé. Il avance l'hypothèse que les stress psychosociaux doivent être perçus comme des facteurs prédisposants et non comme des agents pathogènes directs. Le soutien social peut jouer un rôle de "tampon" (buffer) et agir comme facteur de protection qui atténue les conséquences psychologiques ou physiologiques de l'exposition aux situations ou aux agents stressants. Conscient que l'amélioration de l'état de santé de la population passe plus par la modification des facteurs environnementaux que par le traitement des individus, il propose que les programmes de prévention en matière de santé concentrent leurs efforts sur les familles et les groupes à risque qui présentent des problèmes d'ajustement à leur milieu social et manquent de soutien de la part de membres de leur entourage. Dans la foulée des recherches sociologiques sur le rôle immunitaire de l'intégration et de la participation sociale depuis Durkheim et après les études des psychologues sociaux sur l'importance des réseaux de soutien dans la prévention et du traitement en santé mentale (mouvement de santé mentale communautaire), le plaidoyer de Cassel en faveur de recherches plus approfondies sur les rapports entre soutien social et santé de même que les travaux d'autres épidémiologues sociaux (Cobb, 1976 ; Kasl, 1983) allaient légitimer la recherche sur les rapports entre environnement social et santé en épidémiologie.

Le soutien social deviendra donc une variable clef dans les études épidémiologiques traitant d'un large éventail de problèmes : suicide, dépression, maladies cardio-vasculaires, abus et négligence envers les enfants et autres maladies de civilisation (Cohen, & Syme 1985 ; Bozzini, & Tessier 1985). Déjà au début des années 80, un bilan des recherches (Broadhead et al., 1983) démontrait, dans le respect des critères épidémiologiques (temporalité, spécificité, consistance, force de l'association, etc.), l'existence d'un rapport de causalité entre soutien social et santé. Que l'on se range du côté de la théorie de l'effet principal (les effets bénéfiques du soutien social son attribuables au simple fait que l'individu dispose d'un large réseau de soutien) ou de la théorie de l'effet tampon (le soutien social n'a d'effet que lorsque l'individu est exposé à un fort stress), ses effets sur la santé sont reconnus. Il fut d'ailleurs proposé que ces deux théories soient plus complémentaires qu'opposées (Cohen, & Ashby Wills, 1985).

Cette popularité de l'isolement social comme variable explicative utilisée récemment dans les modèles épidémiologiques s'explique par le virage néo-écologiste de l'épidémiologie (Fleck, & lanni, 1958) mais aussi largement par le fait que le concept est facilement réductible à des paramètres quantifiables. Il peut aisément être morcelé et réduit à une série de variables quantitatives facilement manipulables dans les analyses statistiques. Il s'agit malheureusement d'une "récupération" quantitative qui ne rend pas justice à sa complexité et à son profond conditionnement socio-culturel.

Le traitement qu'on a fait du soutien social dans les modèles de prédiction des abus et négligences envers les enfants a été particulièrement critiqué. Sans remettre en question la pertinence de ce facteur, des analyses critiques (Massé, 1990) mettent clairement en évidence des abus majeurs dans la définition et l'utilisation de cette variable. Résumons ici ces principales lacunes.

1) Le morcellement de ce concept complexe en une multitude d'indicateurs mis sur un pied d'égalité sans qu'aucun modèle théorique ne soit proposé pour rendre compte des interactions inter-variables qui, seules, peuvent donner sens au concept de soutien social.

2) Le réductionnisme quantitatif généré par les impératifs méthodologiques des études quantitatives. L'obsession, au départ louable, de vouloir quantifier l'effet spécifique de telle ou telle composante du soutien social sous forme de risque relatif que l'enfant subisse un épisode de maltraitance, conduit à des raccourcis malheureux.

3) L'absence de mise en contexte des composantes du soutien social dans le cadre du type d'organisation sociale et de sous-culture dans lesquels vivent les individus interviewés.

Ces lacunes sont aussi caractéristiques du traitement fait du soutien social dans la recherche épidémiologique concernant d'autres problématiques liées à la santé. je vais donc utiliser cet exemple de l'isolement social pour illustrer quatre apports possibles de l'anthropologie à l'épidémiologie et à la recherche en promotion et prévention de la santé.

Premier apport de l'anthropologie :
produire une définition globale
de l'isolement social

L'une des premières contributions de l'anthropologie aux études épidémiologiques visant à intégrer l'isolement social parmi les variables explicatives des problèmes de santé est d'en proposer une définition holistique et systémique. Toute définition du soutien et de l'isolement social doit être en mesure de rendre compte des interrelations existant entre l'ensemble de ses diverses composantes. Il s'agit d'abord de sensibiliser les chercheurs aux dangers d'un morcellement excessif de ce facteur de risque en une multitude d'indicateurs, puis de proposer une méthodologie capable de mettre en évidence les principes régissant les interrelations entre ces composantes.

Le traitement qu'on fait actuellement de ce déterminant socio-culturel est pour le moins décevant. Il repose sur un a priori, inacceptable aux sciences sociales, qui veut que le tout puisse se résumer à la somme des parties. Le chercheur dispose d'une foule d'indicateurs qui mesurent tantôt les caractéristiques du réseau social d'aidants (taille, densité, étendue, etc.), la provenance de l'aide (sous-réseaux de la famille, de la belle-famille, des amis, des ressources communautaires, des ressources professionnelles, etc.), les caractéristiques des liens existants entre les membres du réseau (multiplexité, réciprocité, symétrie, durée, etc.), la nature de l'aide offerte (soutien affectif, cognitif, normatif, matériel, etc.), les composantes subjectives (le besoin ressenti d'aide ou le degré de satisfaction face à l'aide reçue, l'adéquation de l'aide reçue, etc.), le tout pouvant être ventilé selon qu'on considère l'aide que l'on a effectivement reçue ou l'aide potentielle que l'on croit pouvoir recevoir en cas de besoin. Le soutien social peut aussi être abordé par le biais du degré de participation sociale de l'individu à diverses institutions (églises, comités de citoyens, clubs sportifs ou de loisirs, etc.) ou de son degré d'intégration sociale mesurée par le partage des valeurs dominantes de sa culture, de son intégration au marché du travail, de son intégration à l'institution familiale, etc.

Ce découpage du concept d'isolement social a le mérite d'en démontrer la complexité et la multidimensionalité. Il représente toutefois un risque si on oublie que ces divers marqueurs de l'isolement social ne peuvent être traités indépendamment l'un de l'autre et que l'isolement n'est que la résultante des interrelations entre les parties. Pour l'instant, le soutien social est trop souvent présenté comme un menu à la carte regroupant un ensemble d'ingrédients constitutifs. La tentation est forte pour les chercheurs de puiser dans ce menu un sous-ensemble d'indicateurs jugés "intéressants". À cette tentation, il appert que l'on succombe assez facilement.

Ce traitement morcelé du concept d'isolement est flagrant dans les enquêtes épidémiologiques nationales. L'exemple de l'Enquête Santé Québec est révélateur en ce sens. L'influence de l'isolement social sur divers problèmes de santé fut mesurée, dans les enquêtes de 1987 et de 1993, à partir d'une dizaine de questions traitant de certaines composantes du réseau de soutien. Il est clair que l'on ne peut prétendre mesurer l'adéquation du soutien social d'un individu à partir de ces seules variables. En épidémiologie, comme ailleurs, les conclusions tirées des recherches doivent toujours avoir l'humilité de leurs moyens. D'évidence, de telles enquêtes nationales ne peuvent prétendre qu'à évaluer, à titre indicatif, la force de l'association entre certains indicateurs de l'isolement et les problématiques santé investiguées. Le fait que les marqueurs d'isolement social et les indices d'événements stressants constituent de puissants prédicteurs de la détresse psychologique, du bien-être et des pensées suicidaires (Massé, & Poulin, 1990) ne fait que confirmer la pertinence d'une piste de recherche et n' "explique" en rien comment s'opère le processus morbide.

L'approche empruntée quant à l'isolement social dans les études portant sur les abus et négligences envers les enfants est encore plus révélatrice. Les bilans des recherches publiées sur cette thématique (ex. : Seagull, 1987) montrent que, là aussi, seul un sous-ensemble restreint de marqueurs est retenu. Bien que, règle générale, ces études concluent à une association entre l'inadéquation du soutien social des parents abuseurs et la maltraitance, la validité de cette hypothèse demeure douteuse pour plusieurs raisons. D'une recherche à l'autre, non seulement ne retient-on qu'un nombre très limité d'indicateurs de l'isolement et du soutien, mais ces indicateurs ne sont pas les mêmes d'une étude à l'autre. Chaque étude s'attarde à une section différente du menu des indicateurs. Tous ces éléments sont présentés comme indépendants l'un de l'autre. Un individu est considéré comme "isolé" s'il présente l'une ou l'autre de ces caractéristiques qui se voient toutes attribuées la même importance. Ce n'est plus l'isolement social comme facteur de risque qui est analysé mais simplement certaines de ses manifestations. On en arrive à conclure à l'influence de l'isolement social sur la maltraitance à partir de la performance statistique de l'un ou l'autre de ces marqueurs dans des modèles de prédiction. L'importance accordée à ce déterminant dans les modèles étiologiques repose donc sur le nombre de fois que des marqueurs partiels sont mis à contribution dans l'analyse de la présence ou de l'importance de divers problèmes. Si de telles études ont le mérite d'attirer l'attention sur une corrélation entre isolement social et maltraitance, elles ne contribuent que peu à la compréhension du problème et à l'identification d'approches préventives. Cette vision parcellaire d'un concept complexe risque, d'ailleurs, selon certains auteurs comme Barrera (1986), d'en miner la crédibilité.

De même, la sélection des marqueurs ne semble reposer sur aucune démarche théorique qui permettrait d'étayer l'hypothèse de l'influence des marqueurs sélectionnés sur le problème de santé à l'étude. Malgré l'abondance de la littérature traitant du rapport entre isolement social et maltraitance, on ne peut que constater l'absence de définition de ce concept. Les seules tentatives de définition recensées reposent davantage sur des manipulations statistiques de ces marqueurs (manipulations axées sur des efforts de validation des composantes principales du concept à partir de sous-ensembles de marqueurs quantifiés ou d'évaluation de la qualité métrique des échelles de mesure), que sur de véritables validations du construit du concept global.

La principale explication de cette "parcellarisation" d'un facteur aussi complexe est moins le manque de sensibilisation des chercheurs aux complexités des phénomènes socio-culturels que les impératifs des méthodologies quantitatives. Les contraintes de temps inhérentes aux entrevues directes avec les répondants conduisent à limiter le nombre de questions abordées et, en particulier, le nombre de questions relatives à chacun des facteurs considérés par l'enquête. Plus grave encore, les informations seront recueillies à l'aide de questions fermées qui ne laisseront aucune place aux nuances, contextualisations et précisions de l'interviewé. L'information sera condensée sous forme d'indices quantifiés relatifs au nombre de personnes contactées, d'actes de soutien, de rapports conflictuels, etc. Les composantes subjectives comme le degré de satisfaction ou les besoins ressentis seront évaluées par des indicateurs chiffrés liés à des échelles de type psychométrique. On ne peut que difficilement prétendre à une évaluation adéquate du potentiel préventif du soutien social ou au drame humain que cache l'isolement social avec des outils adaptés, en fait, à la mesure de ses seuls aspects formels et manifestes.

Les méthodes qualitatives basées sur l'observation de terrain, les histoires de vie, les entrevues en profondeur auxquelles a recours l'anthropologie mettent en évidence la superficialité des données recueillies avec des outils aussi rigides. Elles mettent aussi en relief l'importance de l'implication directe du chercheur auprès de la population à l'étude.

L'une des premières contributions de l'anthropologie au traitement épidémiologique de l'isolement social en est donc une de mise en garde contre le morcellement de ce phénomène social en un ensemble d'indicateurs décontextualisés. L'isolement sera toujours plus que la somme de ses indicateurs. La production d'une telle définition holistique et systémique de l'isolement et du soutien social ne sera toutefois rendue possible que par le développement d'une "sensibilité-terrain" du chercheur. Enfin, ce concept ne prend son sens qu'une fois resitué dans le contexte de la société, de la culture et de l'histoire de vie qui servent de cadre à sa construction.

Deuxième apport de l'anthropologie :
mettre en évidence le fait que l'isolement social
est un construit social

L'anthropologie est en mesure d'orienter l'épidémiologie sur un second axe de sensibilisation en démontrant que ce concept d'isolement social n'est pas universel mais pluriel. En fait, il existe autant de formes d'isolement social que de sous-groupes sociaux et de problématiques de santé concernés. L'isolement social est un concept qui se construit sur le terrain social propre à chaque sous-groupe. Cette approche n'est pas nouvelle comme en font foi, entre autres, les travaux de Belle (1982) sur les femmes défavorisées, de Barrera (1981) sur les adolescentes enceintes, de Brown et Harris (1978) sur les femmes dépressives ou de Corin (1987) sur les ex-patients schizophrènes. Cette sensibilité de la recherche à l'influence du sous-groupe social sur la conception de l'isolement social est toutefois loin d'être un acquis universel.

L'anthropologie incite donc l'épidémiologie à modifier son approche. Plutôt que de chercher chez les scientifiques une définition consensuelle de l'isolement, valide pour tous et pour tous les contextes, elle devrait faire émerger la définition de l'isolement tel que conçu par un groupe donné confronté à un problème donné. On est ici en face d'un premier haut-lieu de complémentarité entre les deux disciplines. Cette mise à jour de l'acceptation populaire de l'isolement social devrait se faire dans le cadre d'études préalables s'appuyant sur des méthodes qualitatives aptes à saisir les nuances dans les critères de définition de l'isolement.

L'anthropologie montre que le concept d'isolement est un construit : d'abord par le fait que chaque sous-groupe social utilisera des critères de définition basés sur les normes qui régissent ses rapports sociaux et qui seront ainsi différents d'un sous-groupe à l'autre ; ensuite par le fait que l'influence de l'isolement sur l'individu sera médiatisée par son environnement social. Cette notion d'isolement social est un construit social, et dans son contenu et dans ses fonctions.

Au plan de la variabilité du contenu, notons que l'on peut se percevoir comme isolé parce qu'on ne dispose pas de personnes ressources, parce que ces personnes ressources ne sont pas disposées à nous aider, parce qu'on se sent isolé même si ce n'est pas effectivement le cas, parce qu'on est insatisfait de la quantité ou de la qualité de l'aide reçue, ou pour toute autre raison. La mère célibataire, la personne âgée vivant seule à domicile, la mère adolescente aux prises avec des pensées suicidaires ou le père qui vient d'abuser physiquement son enfant se sentent-ils isolés au sens où l'entendent les outils habituels de mesure de l'isolement utilisés dans les enquêtes épidémiologiques ? Le cumul des indicateurs quantifiés ne permettra jamais de répondre à ces questions, car la définition de l'isolement ne peut se faire en dehors du contexte socio-culturel et de l'histoire de vie dans lesquels se construit la notion d'adéquation d'un soutien social.

Un exemple saisissant en est donné par l'étude de Corin (1987) traitant de la réintégration des ex-patients schizophrènes dans la communauté. L'auteure a travaillé auprès d'un échantillon restreint de 45 ex-patients. Elle a utilisé une batterie de méthodes qualitatives (reconstitution ethnographique de la dernière semaine vécue, questionnaires traitant des rapports interpersonnels, des rôles sociaux, de la dynamique familiale). Au cours de quatre à sept entrevues réalisées à domicile, au restaurant, dans des parcs ou autres sites "naturels", l'auteure a utilisé l'isolement social à travers l'expérience concrète des répondants et à travers le sens que génère ou reflète chez eux cette expérience. Une telle entreprise anthropologique de "reconstruction du sens" de l'isolement montre que ce sous-groupe social, qui serait considéré comme très isolé socialement en fonction des critères généralement retenus par les divers outils de mesure (taille du réseau de relation, participation sociale, etc.), représente une réalité autrement plus complexe. L'étude montre, par exemple, que les ex-patients ont développé une forme de "sociabilité générale" caractérisée par des déplacements rituels vers les mêmes lieux (parcs, tavernes, dépanneurs), chaque jour et aux mêmes heures, en même temps que des contacts superficiels, mais réels, avec des aidants virtuels rencontrés dans ces lieux. La conception professionnelle prévalente ne cadre aucunement avec cette situation : elle se borne en effet, à présumer que la base de la réduction d'isolement social se résume à l'intégration dans un milieu de travail, au développement de liens familiaux, à l'implication émotive envers des amis et aux liens avec des aidants potentiels. Cette conception professionnelle occulte une partie significative du besoin que ressentent beaucoup d'individus (comme c'est le cas des répondants de la recherche de Corin) de maintenir une saine distance avec l'entourage et de se retirer d'un monde envahissant. Ce sous-groupe d'ex-patients reconstruit, en effet, une forme d'intégration sociale par un rapport acceptable de proximité-distance avec l'entourage, de désinvestissement dans les relations interpersonnelles et sociales. La comparaison faite ailleurs (Corin, 1990) entre les ex-patients fréquemment réhospitalisés et ceux qui réussissent àéchapper au syndrome de la porte tournante montre que les premiers vivent ce retrait comme une "exclusion" dont ils seraient victimes alors que les derniers vivent plus ce retrait sous le mode du "détachement" face au monde extérieur. Qui plus est, les symptômes négatifs associés par la psychiatrie aux schizophrènes, tels le retrait émotif ou la pauvreté des rapports sociaux, apparaissent ici en opposition aux théories prévalentes sur la "désinstitutionnalisation sociale" comme un facteur facilitant le maintien dans la communauté. Bref, le concept d'isolement social n'a de sens qu'une fois reconstruit à partir du sens que lui donne, en propre, ce sous-groupe.

Sensible aux dangers des modèles aux prétentions universalistes, l'anthropologie devrait proposer autant de définitions de l'isolement qu'il existe de sous-groupes sociaux et de problématiques santé qui lui donnent sens. Non seulement n'est-on pas isolé de la même façon d'un groupe sexuel, d'une classe sociale ou d'un groupe ethnique à un autre, mais ce ne sont pas automatiquement les mêmes composantes du soutien social qui seront mises en cause dans les cas de suicide, de violence conjugale ou de maladies transmises sexuellement. Conséquemment, il ne peut exister d'outils de mesure capables de saisir les diverses dimensions de l'isolement social dans tous les contextes.

Appuyée par ses méthodes qualitatives et son approche "émique" des facteurs de risque, l'anthropologie peut alimenter l'épidémiologie en études qui mettent en évidence les composantes de l'isolement social les plus pertinentes pour diverses populations et par rapport à diverses problématiques. Ces divers marqueurs de l'isolement pourront par la suite être intégrés, sous forme d'indicateurs quantifiés, aux enquêtes épidémiologiques. Soyons clair. Notre propos n'est pas de faire la promotion d'outils idéaux qui n'existeront jamais. Il s'agit plutôt de plaider en faveur d'un souci constant d'adapter les outils de mesure aux formes mouvantes que prennent certains problèmes de santé et facteurs de risque d'un groupe ethnique, d'une classe sociale ou d'une génération à l'autre.

En ce qui concerne le second niveau de construction sociale, soit le conditionnement social des effets de l'isolement, il est clair que les effets pathogènes ou immunitaires de l'isolement et du soutien social ne peuvent être déduits d'une simple lecture de la taille du réseau de soutien potentiel ou actualisé, du degré d'insularité ou du niveau de réciprocité de l'aide. Ces indicateurs de l'isolement ne prennent sens qu'une fois resitués dans le contexte plus large du milieu social (quartier, organismes communautaires, services municipaux, milieu de travail, etc.) dans lequel évolue l'individu. Dans son étude Culture, Stress and Disease, Dressler (1990) cite plusieurs recherches qui démontrent que l'effet tampon du soutien social sur le stress varie considérablement selon les contextes socio-culturels dans lesquels ils interagissent. Une étude effectuée au Mexique (Dressler, Matta, et al., 1987) sur les rapports entre pression artérielle et soutien social montre que les hommes et les femmes âgés qui ont un bon réseau de soutien potentiel ont moins de problèmes d'hypertension. Toutefois cette relation ne se vérifie pas chez les jeunes femmes. Il explique que les femmes âgées souffrent moins d'hypertension si elles perçoivent plus de soutien potentiel provenant de la famille étendue alors que les jeunes femmes voient leur niveau de tension artérielle monter si leur soutien potentiel perçu provient des amis. L'interprétation avancée veut que la recherche du soutien social à l'extérieur du groupe familial soit perçue comme une menace à la solidarité familiale alors que les normes sociales confinent la vie sociale des jeunes filles à l'intérieur du cadre domestique. La recherche de soutien à l'extérieur de ce cadre est stigmatisée et les jeunes filles subissent des pressions stressantes. Les normes sociales définissent ici l'acceptabilité du soutien. Il semble donc que la provenance du soutien social devient plus importante que ses composantes quantifiables, du simple fait qu'elle est plus conforme aux normes en vigueur dans le groupe. Les changements relatifs au statut et au rôle social des femmes, changements généralement causés par le développement économique et l'évolution des valeurs, influenceront donc le rapport entre soutien social et stress.

La densité du réseau peut aussi avoir des effets sur la santé ; mais ces effets sont nécessairement médiatisés par la nature du problème ou par les caractéristiques sociales et culturelles de la population concernée. House et Kahn (1985) rapportent diverses études montrant que la densité du réseau de soutien est tantôt positivement, tantôt négativement et tantôt nullement reliée à la santé et au bien-être. Certains chercheurs, comme Walker, MacBride et Vachon (1977), rapportent qu'un réseau très dense, homogène et de petite taille améliore le bien-être des individus dans un contexte où le maintien d'une forte identité sociale est important. Toutefois, dans un contexte social nécessitant de rapides et importantes modifications dans les rôles sociaux et l'identité sociale, un réseau moins dense (dans lequel les membres ne sont pas tous liés les uns aux autres) serait préférable. Bref, il faut étudier le rôle du soutien social, non seulement en respectant la spécificité du rôle de chacune de ses composantes, mais aussi en respectant le contexte social dans lequel s'inscrit ce rôle.

L'importance d'une bonne ethnographie pour la production d'une connaissance adéquate du contexte socio-culturel dans lequel interagissent isolement social et santé est aussi démontré par une étude qualitative récente portant sur un échantillon restreint (n = 25) d'immigrants polonais aux États-Unis. Dans son étude, Aroian (1992) rappelle aux responsables des programmes de santé visant les groupes ethniques minoritaires que, s'il est vrai que les immigrants recherchent d'abord du soutien auprès des membres de leur groupe ethnique déjà établis dans la société d'accueil, il n'est pas évident que ces "coethniques" soient des sources suffisantes de soutien. Il montre que si, dans les premières années d'immigration, les besoins de soutien sont d'abord et avant tout "instrumentaux" (informations de base sur la société hôte, trouver du travail, etc.), ceux-ci évoluent vers des besoins plus "affectifs" (sentiment d'appartenance ethnique, compréhension, recherche d'identité, partage, etc.). Or, cette forme de soutien social n'est Pas facilement accessible. À titre d'exemple, le soutien affectif ne serait disponible qu'auprès de membres de la même vague migratoire (qui ne sont pas toujours accessibles) alors que le soutien instrumental ne peut être offert que par des immigrants de vagues plus anciennes. Seule une bonne ethnographie de chaque groupe ethnique peut informer adéquatement les responsables de santé communautaire sur les besoins de soutien de chacun des sous-groupes sociaux qui composent les groupes ethniques de même que sur le soutien effectivement disponible dans ces sous-groupes.

Enfin, si les recherches ont amplement démontré l'existence d'associations/ corrélations entre les diverses manifestations de l'isolement social et les abus et négligences envers les enfants, on ne connaît a peu près rien sur la façon dont ces corrélations varient selon les contextes sociaux (niveau socio-économique, organisation familiale, stade de développement de la cellule familiale, etc.). On est encore moins en mesure d'identifier les manifestations de l'isolement social qui sont "pathogènes" dans un contexte social mais qui peuvent être bénéfiques dans un autre (ex : la solitude, l'insularité, etc.). Bref, peu de recherches se sont préoccupé de réinterpréter les scores obtenus aux divers indicateurs quantitatifs de l'isolement dans le contexte social et économique (familial, communautaire ou national) qui leur donne sens. Une famille ayant un réseau social restreint mais vivant dans un quartier caractérisé par un esprit d'entraide, des rapports sociaux serrés et l'existence de plusieurs groupes communautaires, est moins isolée que si elle réside dans un quartier anomique présentant un tissu social déstructuré. Les indicateurs de l'isolement social fondés sur les caractéristiques du réseau de soutien primaire (famille, amis) ne prennent sens qu'une fois resitués dans le contexte social plus large dans lequel évolue la famille. Le traitement des indicateurs de l'isolement par simple juxtaposition et association de ceux qui présentent des valeurs "faibles" conduit à des aberrations.

L'apport complémentaire, mais original, de l'anthropologie réside ici dans son souci de resituer les marqueurs formels de l'isolement social dans le contexte social plus large (communauté, quartier, institutions sociales, etc.) qui les met en perspective. Le défi est alors de redécomposer le processus de construction sociale de ce concept. Une fois assurés que le concept d'isolement mesuré par les outils de recherche est défini dans le respect de l'environnement social qui lui donne sens, les anthropologues auront à produire une grille d'interprétation des effets de l'isolement qui tienne compte de l'organisation et des normes sociales associées à telle ou telle problématique.

Troisième apport de l'anthropologie :
mettre en évidence le fait que l'isolement
est un construit culturel

Une autre contribution de l'anthropologie sera de montrer dans quelle mesure l'isolement est aussi un "construit culturel". La conception populaire de l'isolement et les rapports de l'individu avec le réseau de soutien sont ici fondamentalement conçus comme conditionnés par l'environnement culturel. Ce que l'individu considère comme un aidant potentiel, la satisfaction face à l'aide reçue, la taille du réseau de soutien, la réceptivité de l'individu face à certaines formes d'aide et surtout sa propension à se reconnaître des besoins de soutien et à demander de l'aide ne sont que quelques composantes de l'isolement profondément conditionnées par les valeurs et idéologies dominantes. En l'absence d'un corpus de recherches attestant de ce troisième apport, voici, pour illustrer cette contribution potentielle, six exemples d'interactions entre culture et isolement social.

1) La valorisation de l'autonomie et, corrélativement, le stigma associé à la perte d'autonomie peuvent freiner le recours à l'aide ou aux aidants disponibles et conduit à une sous-utilisation du réseau potentiel de soutien. Pour comprendre ce point, il faut reconnaître que nous vivons dans une société qui valorise l'indépendance et l'autonomie. L'importance reconnue par divers types d'intervenants à la mise sur pied de programme de soutien aux personnes en perte d'autonomie est révélatrice. Alors que certaines cultures incitent les personnes à exprimer leurs besoins, la nôtre stigmatise les personnes qui demandent de l'aide sans avoir fait tous les efforts pour s'en sortir seules avant d'être réduites à la dernière extrémité. Les scores obtenus dans les enquêtes épidémiologiques (ou autres) à des échelles mesurant les besoins d'aide ressentis, l'ouverture à recevoir l'aide offerte ou encore le "fardeau" ressenti par les aidants naturels devront être interprétés à la lumière de ce conditionnement culturel.

2) L'idéologie de la vie privée influe aussi directement sur la provenance de l'aide reçue ou attendue. Dans une société axée sur le repli dans la cellule familiale, bastion ultime de la vie privée, on aura tendance à considérer comme "admissible" et non déplacée l'aide venant de la famille, de la belle-famille ou des ressources professionnelles mais pas celle pouvant provenir des voisins, par exemple. Sans doute en rapport avec l'idéologie de la scientificité (ce qui est scientifique est bon, la science peut tout, ...), l'aura de crédibilité qui entoure les professionnels de la santé peut également expliquer le recours volontaire et spontané à ces professionnels.

3) La division sexuelle des tâches et des rôles amène les femmes à se culpabiliser si elles cherchent de l'aide auprès de leur conjoint pour accomplir des tâches ménagères ou parentales et à censurer l'expression de leur besoin d'aide dans des domaines "féminins". Les programmes de soutien au rôle parental sont souvent confrontés à ce phénomène qui consiste, chez ces femmes, à nier qu'elles peuvent avoir besoin de leur conjoint, notamment pour les soins aux enfants. Un score faible obtenu par ces femmes à une échelle de mesure du besoin d'aide perçu devra être interprété avec prudence.

4) Corrélativement, l'idéologie "machiste" conduit les hommes à nier les besoins d'aide de leur conjointe, ce qui entraîne évidemment une surcharge de travail et de responsabilité pour leur femme. À cet égard, lors de plusieurs enquêtes, beaucoup d'hommes paraissent peu concerné par les tâches parentales. Cela semble indiquer qu'ils nient ou occultent leurs propres besoins de soutien émotif en même temps qu'ils affirment leurs besoins au plan matériel.

5) La crainte ou les préjugés négatifs qu'alimentent beaucoup de défavorisés envers les autorités les conduisent à repousser les interventions des travailleurs sociaux ou des infirmières dans les cas de maltraitance. La composante culturelle en cause ici est la dimension "contestataire" de la culture populaire : en effet, celle-ci se définit en bonne partie par ses rapports d'opposition avec la culture dominante et les pouvoirs qu'elle incarne à leurs yeux.

6) La crainte des personnes âgées de "déranger" leurs enfants ou voisins en demandant de l'écoute ou d'autres formes d'aide semble inhiber l'expression de leur besoin de soutien ; cette crainte étant manifestement reliée au fait que les sociétés occidentales ne valorisent pas les aînés.

Ces quelques exemples n'illustrent que partiellement certaines des composantes qui influencent la représentation que se fait la population de ce qu'est une aide, une demande d'aide, ou une offre d'aide raisonnable et pertinente, acceptable, une aide adéquate ou encore un besoin légitime de soutien. Ces exemples suffisent néanmoins à démontrer que l'isolement social, tel qu'on peut le définir ici et là, est fondamentalement un construit culturel, bien que ce à quoi il se réfère soit concrètement vécu par plusieurs personnes. Ils devraient, en tout cas, mettre en évidence le caractère superficiel d'une lecture purement empirique des chiffres obtenus aux diverses échelles de mesure couramment utilisées en épidémiologie socioculturelle.

Ici encore, se trouve pavée la voie de la complémentarité de l'épidémiologie et de l'anthropologie. Si l'habilité de la première est incontestable dans l'opérationnalisation de la mesure de concepts complexes, la seconde peut, en amont du processus de recherche, identifier les composantes de l'isolement qui sont les plus pertinentes pour une problématique et une population donnée ; en aval, elle peut produire une grille d'interprétation "émique" du sens donné à ces manifestations de l'isolement. Ce conditionnement culturel des expressions de l'isolement varie, répétons-le, non seulement d'une culture à l'autre, mais aussi d'une sous-culture ou d'un sous-groupe social à l'autre, à l'intérieur d'un même groupe ethnique.

Quatrième apport de l'anthropologie :
resituer les marqueurs de l'isolement
dans le cadre du vécu des individus

L'un des dangers des études épidémiologiques (en particulier les études transversales) réside dans l'a priori voulant que la cueillette d'un petit nombre de données auprès d'un large échantillon peut être aussi (sinon plus) valide et pertinente que la cueillette, dans les études en profondeur, d'un grand nombre de données auprès d'un petit échantillon. Sans nier la pertinence de valider le bien-fondé d'hypothèses dans des populations d'enquête "nationales", il ne faut pas perdre de vue qu'un concept mal défini ou qu'une mesure superficielle de l'isolement social n'ont pas plus de valeur s'ils sont appliqués à un large échantillon plutôt qu'à un seul individu ou à un petit nombre d'individus. Or, il appert que l'épidémiologie et l'école quantitative des sciences sociales tendent à mettre de côté tout débat sur la validité de leurs construits conceptuels et sur la pertinence théorique ou la signification sociale et culturelle des indicateurs qu'elles utilisent. La mesure de l'isolement apparaît souvent, dans certaines études, plus comme un prétexte justifiant les méthodes que comme une fin en soi.

L'isolement social est pourtant, d'abord et avant tout, un drame vécu par des individus en chair et en os ; ce drame est vécu à la fois dans un environnement social et culturel structurant et dans le cadre d'une histoire de vie particulière. Les scores obtenus aux divers indicateurs de l'isolement social ne prennent ainsi sens que dans ce cadre culturel et idiosyncratique. Le fait d'être ou de se percevoir comme socialement isolé et sans soutien ne résulte pas d'une démarche analytique d'un individu qui comptabiliserait son score personnel à chacun de ces marqueurs. Il s'agit d'une synthèse personnelle toujours réévaluée en fonction de l'évolution des besoins et du contexte concret de vie. L'anthropologie fera la promotion de la reconstitution d'"histoires naturelles de l'isolement social".

Il faut cependant se rendre à l'évidence : dans la très grande majorité des cas, les chercheurs chargés de l'analyse des données des enquêtes épidémiologiques n'ont eu aucun contact direct avec les répondants de leurs enquêtes ; c'est même le cas des chercheurs qui ont effectué des recherches sur l'isolement social des parents abuseurs. Or, le contact direct du chercheur avec des parents abuseurs dans un logement délabré, le contact avec les voisins, parents ou amis au gré des visites impromptues, l'observation directe de la dynamique de couple et des rapports avec les enfants dans le ménage, les informations venant de la communication tant verbale que non verbale par le biais d'une discussion ouverte sur les aidants, l'aide reçue et non reçue, le "timing" de l'aide, etc., tous ces éléments amèneront inévitablement le chercheur à faire une relecture des indicateurs chiffrés qui ont été obtenus par des recherches de nature quantitative. Même réduite à quelques heures passées auprès d'une famille, toute expérience de terrain révèle qu'il y a derrière les variables quantifiées une réalité aux nuances multiples. Les chiffres ne prennent ainsi leur pleine signification qu'une fois replacés dans la réalité de la vie. Il en va de même pour les facteurs de risque souvent désincarnés par leur représentation quantitative ou graphique : un bref travail de terrain réussit souvent à donner à ces facteurs le visage d'un drame humain vécu au quotidien. L'isolement social ne peut donc pas se résumer à la simple sommation des scores obtenus à un sous-ensemble de variables. À cet égard, par sa capacité à articuler les dimensions personnelles et culturelles des problèmes, le concept de "réseaux sémantiques" développé par Good (1977) et appliqué depuis, par plusieurs chercheurs, à l'analyse d'une foule de problèmes de santé devrait offrir une contribution majeure à l'étude de l'isolement social

Une telle reconstruction sociale et culturelle de l'isolement dans le cadre du vécu de chaque répondant n'est accessible qu'à des entrevues en profondeur axées sur des histoires de vie ou des épisodes vécus d'isolement. On retrouve ici l'importance d'une véritable ethnographie de la vie quotidienne.

L'enjeu fondamental en est un de sensibilisation et d'implication du chercheur face non seulement à ses propres questions de recherche, mais aussi face aux préoccupations réelles de la population étudiée, telles qu'elle les ressent et les exprime. Répétons-le, un des facteurs "d'insensibilisation" des chercheurs face à la dimension humaine des enquêtés est justement l'absence de contacts directs de ces derniers avec les répondants. Parce qu'ils font la cueillette des données à l'aide d'outils qui filtrent les messages et parce qu'ils délèguent les entrevues à des intervieweurs, les chercheurs se coupent de toute considération de l'histoire naturelle de l'isolement. Le fait de ne vivre les contacts avec les répondants qu'à travers l'écran cathodique d'un micro-ordinateur et de ne discuter avec la population que par le biais d'indicateurs quantifiés rend le chercheur souvent aussi insensible à la complexité des variables étudiées que les outils de mesure qu'il utilise. Cette coupure du "monde des répondants" est à tort justifiée par un souci d'objectivité et par la crainte de subjectivité dans l'interprétation des données.

La promotion d'une plus grande sensibilité dans les mesures en épidémiologie passe par l'assouplissement du parti-pris du retrait sécurisant du chercheur ou du paradigme de la recherche de bureau : il faut opter résolument pour le paradigme de la sensibilité et du contact avec le terrain.


CONCLUSION

Nous n'avons souligné ici que certains des apports de l'anthropologie à l'épidémiologie. Ils auront peut-être suffi à convaincre les professionnels de la santé communautaires de la pertinence et de l'urgence d'une complémentarité des méthodes et des approches. La contribution de l'anthropologie à une définition de l'isolement social qui repose sur une compréhension des mécanismes de sa construction sociale et culturelle n'est pas que théorique. Elle débouche sur une critique des usages abusifs du concept, sur la promotion de méthodologies complémentaires aptes à le redéfinir et sur la production d'outils de mesure plus sensibles. Elle propose de faire précéder les mesures populationnelles de la prévalence de l'isolement par une phase préliminaire de recherches visant à en produire une définition qui soit adaptée à une problématique et à un sous-groupe socio-culturel donnés. Les contributions mutuelles et les multiples possibilités de complémentarité entre ces deux disciplines devraient conduire à l'émergence d'une nouvelle "épidémiologie anthropologique".

La santé communautaire offre, à cet égard, un terrain particulièrement fertile. Les résultats de recherches complémentaires ou interdisciplinaires devraient conduire à des recommandations susceptibles de guider les programmes de prévention et de promotion de la santé. Il apparaît clairement aux professionnels de terrain que les programmes devront viser les composantes de l'isolement social qui font du sens pour des population-cibles spécifiques. Le succès d'un programme repose sur le fait que les messages qu'il véhicule et que les interventions qu'il propose s'arriment à la conception que s'en fait la population. Les recherches qui identifient en conclusion deux ou trois indicateurs d'isolement mal définis et décontextualisés ne peuvent inspirer et aider les intervenants qui ont besoin d'une connaissance approfondie de cette problématique. C'est en tant que "science appliquée" que cette épidémiologie anthropologique prendra tout son sens.

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BIOGRAPHIE

Raymond Massé a obtenu son doctorat en anthropologie de l'Université Laval en 1983. Chercheur en santé publique àMontréal durant les onze dernières années, il enseigne depuis 1994 au département d'anthropologie de l'Université Laval, à Québec. L'anthropologie de la santé, et en particulier l'ethnoépidémiologie, est son principal champ de recherche.



* Avec l'approbation de Santé Culture/Culture Health, Vol. IX (1), 1992-1993, pp. 109-138.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 13 mai 2009 7:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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