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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean-Christophe Marcel, Bataille et Mauss: un dialogue de sourds? (1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Christophe Marcel, Bataille et Mauss: un dialogue de sourds?” Un article publié dans la revue Temps modernes, no 602, décembre 1998 - janvier-février 1999, pp. 92-108. Paris: Les Éditions Gallimard. [Autorisation formelle de l’auteur accordée le 25 juillet 2006 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

C'est une habitude bien assise aujourd'hui que d'associer aux travaux de Georges Bataille le nom de Marcel Mauss (1872-1950), neveu et élève d'Émile Durkheim (1858-1917), le père fondateur de la sociologie universitaire en France. 

La référence à Mauss n'a en soi rien d'étonnant chez des auteurs de la génération de Bataille, tant il est vrai que le travail de son « disciple » a dans l'entre-deux-guerres un renom comparable à celui qu'avait eu jadis Durkheim. Cette consécration, Mauss la doit à sa réputation de penseur original et précurseur [1] doublé d'un orateur hors pair, ce qui lui vaut d'être entouré en permanence d'un petit cénacle d'étudiants fidèles [2]. Parmi eux, on retrouve Alfred Métraux qui parle pour la première fois des cours de son professeur à son ami Bataille [3] et lui fait partager son intérêt pour cet « enseignement remarquable » [4]. C'est ainsi que, ayant fait connaissance avec la sociologie durkheimienne par personnes interposées [5], Bataille ne cessera jamais de considérer Mauss comme une référence incontournable. 

Si tout ceci est largement connu, on insiste toutefois beaucoup moins sur l'absence de réciprocité qui caractérise la relation entre les deux hommes. Car enfin, sauf erreur de notre part, Mauss ne mentionne jamais les travaux de Bataille, dont il ne pouvait ignorer, l'existence, ne serait-ce qu'à l'époque du Collège de Sociologie. Pourquoi ? Certes, le professeur n'entretenait de relations étroites essentiellement qu'avec ses élèves, et était mis au courant de leurs projets communs par Leiris et Caillois. Toutefois, cette explication nous semble insuffisante à épuiser la réalité de ce qui fut, nous semble-t-il, un dialogue de sourds, ou si l'on préfère un monologue. 

C'est qu'en fait rien dans le projet de Bataille ne pouvait trouver grâce aux yeux de Mauss. Malgré une référence commune à un fait social observé dans plusieurs sociétés archaïques, popularisé par Mauss et que la postérité allait continuer à sa suite à désigner par le terme de potlatch, la sociologie de Bataille se veut plus compréhensive en ce sens qu'elle cherche à connaître la signification que prend dans les esprits l'acte transgressif. Or la recherche de ce sens débouche sur une théorie du sacrifice qui se veut une clef de compréhension du lien social, parce qu'elle donnerait à voir un besoin vital, constitutif de la nature humaine, argument que Mauss ne pouvait cautionner. Révélatrice des interrogations d'une génération qui, face à la montée de ce qu'Halévy appela « l'ère des tyrannies » [6], cherchait de nouvelles façons de comprendre le monde, la pensée de Bataille heurtait sans doute le rationalisme irréductible d'un Mauss qui croyait encore dans les années 30 en le triomphe de la raison et du progrès.


[1] Lévi-Strauss, pour ne citer que lui, dit de Mauss qu'il avait établi « le plan de travail qui sera, de façon prédominante, celui de l'ethnographie moderne au cours de ces dix dernières années » (Lévi-Strauss, « introduction à l'œuvre de Marcel Mauss », in Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1985, p. xi). [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[2] « Peu d'enseignements sont restés aussi ésotériques », confirme Lévi-Strauss qui voit là une des principales raisons du succès de la pédagogie de Mauss (op. cit., p. ix).

[3] Métraux, « Rencontre avec les ethnologues », Critique, no 195-196, août-septembre, 1963.

[4] Bataille, « Le Sens moral de la sociologie », Critique, no 1, 1946, p. 58.

[5] Au nom de Métraux, il faut ajouter ceux de Caillois et Leiris, tous deux élèves de Mauss.

[6] Halévy, L'Ère des tyrannies, Paris, Gallimard, 1938.


Retour au texte de l'auteur: Jean--Christophe Marcel, sociologue, Sorbonne Dernière mise à jour de cette page le vendredi 11 août 2006 15:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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