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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Pierre Maranda, Appendice. Situer l’anthropologie.” (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Pierre Maranda, Appendice. Situer l’anthropologie.” Un article publié dans l'ouvrage collectif intitulé: Perspectives anthropologiques. Un collectif d'anthropologues québécois, pp. 399 à 436. Montréal: Les Éditions du Renouveau pédagogique, 1979, 436 pp.
Introduction

Le deuxième chapitre situait l'anthropologie dans le contexte général de nos façons de vivre et de penser. Il fut, forcément, de caractère synthétique. Ici, on refait le trajet d'une manière plus schématique, plus documentaire et plus analytique. On y trouvera matière à lectures et recherches encadrées (voir la colonne Remarques du Tableau A.2). Il s'agit donc d'une recension pour stimuler l'étude et la réflexion critiques. Cette partie se compose essentiellement de tableaux dont les grandes conclusions sont représentées par un graphique qui trace le déroulement de la problématique anthropologique telle qu'elle émergea diachroniquement.

Le tableau A.1 recense la production anthropologique selon le nombre d'ouvrages réclamés par la discipline depuis Montaigne au 16e siècle. On y voit que c'est à partir de 1850 que les publications commencent à se multiplier. L'anthropologie démarra donc quelques décennies après l'ethnologie et le folklore.

En même temps que le Romantisme s'affirmait et que le christianisme se rabattait sur un durcissement dogmatique face à la poussée du modernisme, l'évolutionnisme prenait forme et gagnait de plus en plus de terrain (Darwin, de son côté, publiait The Origin of Species en 1859). Les traités entachés de racisme firent bon ménage avec lui. Ensuite, ce fut la percée du fonctionnalisme vers la fin du 19e siècle, qui coexista avec l'évolutionnisme (voir aussi la Figure A. 1). Des versions de ces deux doctrines, plus sophistiquées que les premières persistent encore de nos jours. Cependant, depuis les dernières décennies, elles se sont vu voler la vedette par le structuralisme et le marxisme.

Le tableau A.2 donne le détail du tableau A. 1. Il regroupe chronologiquement et par pays d'origine des auteurs, les principales publications en anthropologie, de l'aube de la discipline jusqu'à 1940. On y trouvera, sous forme schématique, la période de formation de l'anthropologie sociale et les principales écoles qui l'ont façonnée. Bien sûr, ce tableau est sujet à toutes sortes d'objections sur le choix des noms retenus - pourquoi Montaigne et non pas Comte, pourquoi Durkheim et non pas Marx et Spencer, etc... ? Le principe a été de n'inclure que les auteurs de contributions techniques, c'est-à-dire d'études soit monographiques, soit comparatives, où on observe en exercice une application ou une innovation méthodologique en anthropologie sociale. Ce long tableau se trouve aux pages 405 à 432. Le tableau A.3 pages 433 et 434, et le tableau A.4 page 435.

Comme dans le tableau A.3, les auteurs sont groupés par pays d'origine afin de favoriser une réflexion sur les orientations idéologiques et culturelles de chaque école et/ou de chaque auteur. Car, on sait - Boas l'a bien montré [1] - qu'il n'existe pas de science qui soit culture-free, c'est-à-dire libérée des contraintes culturelles et idéologiques de la société où elle a pris forme.

Les remarques dans la colonne de droite caractérisent sommairement, à la première mention de leurs noms, les auteurs dont les ouvrages sont cités. Les renseignements de cette colonne sont présentés, de façon plus systématique, au tableau A.4.

Ce furent donc les Anglais qui lancèrent l'anthropologie avec assez de force pour qu'elle prenne sa place parmi les sciences humaines. Et ce premier élan fut celui de l'évolutionnisme. Or c'étaient les Français Lafitau (1724) et de Brosses (1760) qui, avec Monboddo en Grande-Bretagne (1763), avaient proposé de lire les sociétés et l'histoire humaines en mettant en lumière l'opposition « sauvage » - « civilisé » et en faisant porter l'étude sur le contraste entre les temps préhistorique et historique.

Ensuite, alors que les Allemands faisaient des monographies sur les traits culturels élémentaires (v.g., Bastian, Elementärgedanke, 1859-1892) et scrutaient leur diffusion et que les Anglais réfléchissaient sur la méthode, les Français Durkheim, Mauss et leurs collègues de L'Année sociologique définissaient, au tournant du siècle, les problématiques fonctionnaliste et structuraliste qui devaient être adoptées peu après par les Anglais Malinowski, Radcliffe-Brown et Evans-Pritchard. Et puis, à partir des années 1914, les Américains, recombinant certaines tendances des anthropologies allemande et britannique, réalisèrent plusieurs travaux d'orientation psychologique (culture and personality) dont ceux de M. Mead sont les plus connus.

En filigrane dans ces courants, les perspectives racistes des anciens Grecs se maintenaient toujours : chez les Anglais avec Galton (1865, etc.), chez les Français avec Gobineau (1853), Lapouge (1896, etc.) et Lévy-Bruhl (1910, etc.) et chez les Allemands avec Frobenius (1898) dont les œuvres alimentèrent la réflexion nazie.

Quant aux thèmes ou « institutions » qui devinrent les centres d'intérêt des anthropologues - parenté, mariage, religion, économie, etc. - ils émergèrent peu à peu. (Voir à ce sujet les tables des matières des monographies parues au cours des quarante dernières années.)

Grimm (1836) en Allemagne lança la mythologie comparée que Frazer (1915) développa considérablement en Angleterre. À la suite des controverses sur le matriarcat et le patriarcat (Bachofen en Allemagne, Maine en Angleterre, etc.), ce furent Morgan aux États-Unis (1871), Tylor (1888) et Rivers (1900) en Angleterre qui consacrèrent les études de parenté grâce à des méthodes affermies d'analyse et de collecte des données. Les Allemands Bastian (1859-1892) et Wundt (1873-1912) se consacrèrent à la « psychologie des peuples » et fondèrent l'anthropologie linguistique (Schrader, 1890). La religion occupa intensément les Allemands (par exemple, Manhardt en 1866, etc.), les Anglais (par exemple, Lang en 1887, etc.) et les Français. Ici encore, comme dans le cas des études de parenté, à une période de débats assez peu documentés sur l'animisme, succédèrent des travaux plus rigoureux, surtout ceux des chercheurs groupés autour de L'Année sociologique. L'art et l'esthétique percèrent comme domaines anthropologiques vers le tournant du siècle (par exemple, les travaux du Suédois Stolpe en 1889). Enfin, l'économie devint un sujet proprement anthropologique avec Richards en Angleterre (1932) et Thurnwald en Allemagne (1933).

La pratique ethnographique ne commença vraiment qu'avec Malinowski. Ce physicien polonais, émigré en Grande-Bretagne et forcé de séjourner en Mélanésie, fut le premier à chercher à intégrer, dans une étude sur le terrain, tous les aspects mentionnés ci-dessus. Son fonctionnalisme eut ainsi une influence marquante sur les méthodes d'enquête ; on est encore aujourd'hui tributaire de sa contribution.

Bien sûr, cette façon de caractériser une discipline par rapport à un contexte national (Tableaux A.2 et A.3) est un procédé simpliste. Néanmoins, elle peut provoquer une réflexion qui devrait conduire à une plus grande lucidité idéologique de même qu'à une critique de l'anthropologie dans le contexte des auteurs qui l'ont conçue - une anthropologie de l'anthropologie, ou méta-anthropologie, pour ainsi dire.

Des trois nations colonisatrices du temps passé figurant aux tableaux A.2 et A.3, l'Angleterre connut la production la plus volumineuse, à l'époque où l'empire britannique voulait encore croire en son destin. Après son effondrement, la production anthropologique anglaise ne s'éteignit pas : les anthropologues qui avaient travaillé sous l'empire sont encore vivants.

En même temps que l'impérialisme américain s'affermissait et assurait sa domination économique, le nombre d'anthropologues, de publications, d'associations et d'institutions anthropologiques s'accroissait aux États-Unis pour atteindre des proportions encore inégalées dans le monde.

Ces corrélations voudraient-elles dire que la production anthropologique et la consolidation de la discipline sont fonction du degré d'impérialisme des nations où elles se manifestent ? Si tel était le cas, faudrait-il soutenir que si l'Espagne et le Portugal, par exemple, n'ont pas contribué à la discipline de façon aussi impressionnante que d'autres nations, c'est parce que, à l'époque de leur expansion coloniale, les missionnaires suffisaient à accomplir une tâche idéologique pour laquelle ils n'étaient pas encore dépassés ?

Toujours dans la même perspective, qu'en est-il de la production soviétique, néerlandaise, belge ? Comment se définissent les anthropologies hongroise, roumaine, finnoise, suédoise, canadienne, québécoise ? et celles (créées sur notre modèle) qu'on développe en Afrique, en Asie, en Océanie ?

Le tableau A.3 résume, par pays, la période 1850-1940, c'est-à-dire celle de la consolidation de l'anthropologie. On remarquera que la Grande-Bretagne domine la scène jusqu'en 1930. L'empire britannique est alors prospère et, de toutes les puissances européennes, c'est celle qui se doit le plus de justifier son rôle d'exploiteur. À partir de 1930, cependant, les États-Unis commencent à s'imposer.

Le tableau A.4 reprend les données consignées au tableau A.2 en les réorganisant selon les problématiques, orientations idéologiques, méthodes et domaines, à partir de la colonne Remarques du tableau A.2.

Enfin, la figure A. 1 trace la courbe du développement des principales problématiques adoptées de 1850 à 1940. On y retrouve l'évolutionnisme et le fonctionnalisme (voir p. 436) ; le diffusionnisme y apparaît également : outil de l'évolutionnisme, auquel elle s'opposait parfois, cette problématique portait sur les « lois » de passage d'une aire géographique à une autre, de traits culturels dont on essayait de retracer le cheminement.


[1] Voir P. MARANDA, Introduction, in Id., Mythology, Penguin Books, 1972.


Retour au texte de l'auteur: Michel Seymour, philosophe, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le lundi 20 février 2006 11:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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