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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Comités d'usine et contrôle ouvrier à Petrograd en 1917 (1993)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Mark-David Mandel, Comités d'usine et contrôle ouvrier à Petrograd en 1917. CAHIERS D'ÉTUDE ET DE RECHERCHE / NOTEBOOKS FOR STUDY AND RESEARCH, no 21, 1993, 40 pp. Institut international de recherche et de formation [IIRF]. [Autorisation accordée par l'auteur le 13 décembre 2006 de diffuser le texte de cette conférence dans Les Classiques des sciences sociales.]

Préface

La révolution d'octobre a été constamment caractérisée par la droite comme une expérience cruelle imposée aux peuples de Russie contre leur volonté par une bande de fanatiques, principalement des intellectuels, inspirés par les théories de Karl Marx. L'un des buts de cette étude est de mettre fin à cette falsification, aujourd'hui plus largement acceptée que jamais, ce qui reflète le rapport de forces actuel dans le monde. Aucun autre aspect de l'histoire de 1917 n'est plus complètement en contradiction avec ce mythe que l'expérience des comités d'usine de Petrograd. 

Ni la création de comités d'usine, ni la lutte pour le contrôle ouvrier menée par ces comités ne figurait dans les programmes d'aucun des partis socialistes, Bolcheviks inclus. Ils trouvèrent leur origine et leur développement "d'en bas". Ils représentaient une réponse pragmatique des ouvriers aux menaces de crise économique et de fermetures d'usines, face à l'inactivité et au sabotage actif de la part des propriétaires d'usines et du gouvernement de coalition des libéraux et des socialistes modérés. 

Aucun autre aspect de la révolution ne montre aussi puissamment le rôle joué par la créativité et l'initiative des ouvriers de la base. En même temps, le mouvement pour le contrôle ouvrier révèle le rôle du parti bolchevik, comme partie organique de la classe ouvrière, organisée démocratiquement, qui donnait une forme organisationnelle et des buts pratiques aux initiatives prises par la base, et qui les reliait à la lutte générale pour la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière. 

Dans cette lutte pour arracher le pouvoir politique à la bourgeoisie, les ouvriers étaient dramatiquement conscients de leur faiblesse, de leur impréparation à la tâche de diriger les usines et l'économie, et de l'arriération générale de la Russie comme base pour construire le socialisme. S'ils ont cependant continué, ce n'est pas, comme le prétendent les historiens de droite, en raison d'impulsions utopiques irrationnelles, même si la majorité des ouvriers étaient socialistes et considéraient le socialisme comme but ultime. C'était plutôt parce qu'ils comprenaient que la seule alternative était d'accepter la défaite de la révolution démocratique. En même temps, la crainte des ouvriers devant ce saut dans l'inconnu était tempérée par l'espoir, largement répandu dans la classe ouvrière, que de l'aide leur viendrait de révolutions dans des pays capitalistes plus avancés. 

Le deuxième objectif de cette étude est de rendre l'expérience du mouvement ouvrier russe plus accessible aux socialistes. L'expérience russe n'a pas perdu sa signification malgré les changements profonds qui nous séparent de la montée révolutionnaire qui suivit la guerre 1914-1918. Elle nous rappelle que la ligne de défense ultime du capital contre le mouvement ouvrier reste fondamentalement son contrôle sur les moyens de production et de distribution. 

Contrairement à la bourgeoisie, qui avait déjà atteint la domination économique a l'intérieur de la société féodale avant la révolution bourgeoise, les ouvriers sont incapables, à cause de la nature du capitalisme, de prendre le contrôle des principaux moyens de production et de distribution avant de s'emparer du pouvoir politique. Toute révolte ouvrière importante, sans parler du mouvement révolutionnaire, se heurte inévitablement à l'opposition du capital à continuer la production, à la fois à cause de la diminution de la rentabilité et parce que le sabotage économique est une arme indispensable contre le mouvement ouvrier. 

Le mouvement pour le contrôle ouvrier était une réponse concrète des ouvriers russes à ce problème fondamental. Une analyse soigneuse de cette réponse basée sur l'expérience de Petrograd, la capitale et le plus grand centre industriel de Russie, explique pourquoi les ouvriers, qui saluèrent le renversement du régime tsariste de février 1917 comme une révolution démocratique-bourgeoise, mais qui ne modifierait pas fondamentalement les rapports de propriété capitalistes, décidèrent au cours des mois suivants qu'il était nécessaire, d'abord de limiter sévèrement le pouvoir économique du capital et ensuite, de prendre ce pouvoir eux-mêmes. 

_______________

 

Cette étude est basée presqu'entièrement sur des sources russes contemporaines publiées. À l'époque de mes recherches, je n'avais qu'un accès limité aux archives, mais elles ont néanmoins joué un rôle important en confirmant la validité du matériel publié. Ceci comprend des comptes-rendus et des documents d'assemblées ouvrières, de réunions de comités d'usine et des conférences de comités d'usine de Petrograd et de Russie de 1917 ; des comptes-rendus et des documents de réunions de soviets, de gouvernements, de syndicats et de partis-, des extraits de la presse de l'époque (presse de la gauche socialiste et des socialistes modérés, ainsi que de la presse bourgeoise) ; et des mémoires écrits principalement dans les premières années après la révolution. Les quelques sources secondaires utilisées datent principalement des années 20, période où des rapports honnêtes sur le mouvement ouvrier étaient encore possibles, et des années 60 et du début des années 70, période de liberté accrue pour les historiens soviétiques étudiant la période révolutionnaire. 

Étant donné que pratiquement toutes les sources utilisées pour ce Cahier ne sont accessibles qu'aux chercheurs connaissant le russe, les notes de référence ont été rassemblées à la fin du texte, où elles ne gênent pas la lecture. Seules les notes pouvant être utiles à tous les lecteurs ont été mises en bas de page. Les lecteurs peu familiarisés avec les dates et les noms de l'histoire révolutionnaire russe sont invités à consulter la Chronologie qui précède le chapitre II et le glossaire à la fin du Cahier. Ceux qui veulent apprendre davantage sur "l'histoire à partir de la base" de la Révolution russe ou sur des expériences de contrôle ouvrier sous le capitalisme sont invités à consulter les "Suggestions de lecture". 

J'ai utilisé tout le matériel disponible. Je ne l'ai pas sélectionné en vue de défendre un point de vue particulier. Mon but était d'éclairer la nature du mouvement pour le contrôle ouvrier et son rôle dans la radicalisation des ouvriers en 1917. Mais il est impossible d'écrire à propos d'événements historiques importants sans avoir un point de vue. Ma profonde sympathie pour les ouvriers de Petrograd et leurs luttes est évidente dans les pages qui suivent. Cependant, l'impossibilité d'être neutre dans l'étude de l'histoire n'empêche pas d'en avoir une compréhension objective.

 

Traduit de l'anglais par
Pierre Laliberté et Marcel Huybrechts



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 31 décembre 2007 7:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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