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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de Louis Maheu, “Mouvements sociaux et politiques. Les enjeux d'une articulation entre grandes problématiques du politique.” Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Gérard Boismenu, Pierre Hamel et Georges Labica, Les formes modernes de la démocratie. Chapitre 10, p. 201-224. Montréal: L'Harmattan et Les Presses de l'Université de Montréal, 1992, 300. Collection: Politique et économie. Tendances actuelles. [Autorisation formelle accordée par l’auteur de diffuser cet article le 28 mai 2008 dans Les Classiques des sciences sociales.]

LOUIS MAHEU 

Mouvements sociaux et politiques.
Les enjeux d'une articulation
entre grandes problématiques du politique
. 

Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Gérard Boismenu, Pierre Hamel et Georges Labica, Les formes modernes de la démocratie. Chapitre 10, p. 201-224. Montréal : L'Harmattan et Les Presses de l'Université de Montréal, 1992, 300. Collection : Politique et économie. Tendances actuelles.
 

Introduction
 
Refus de l'État et du politique institutionnel
L'espace social public-politique comme paradigme du politique
Politique de l'espace social et politique institutionnel : les défis de l'articulation
Des débats porteurs d'articulation entre paradigmes du politique
 
Bibliographie

 

Introduction

 

Dans un article paru d'abord en 1977, C.B. Macpherson se demande si nous avons besoin d'une grande théorie de l'État (Macpherson 1977, réédité en 1985). Avons-nous besoin d'une théorie qui permette de comprendre les relations les plus globales entre l'État et la société, qui situe en même temps le politique et l'État par rapport aux besoins les plus fondamentaux de l'homme, par rapport à ses aspirations les plus profondes ? Avons-nous besoin d'une théorie qui soit tout à la fois réaliste et normative, apte à engager des analyses concrètes des rapports entre État et société sur la base d'une généreuse et large vision du social et de l'homme ? 

Poser la question c'est y répondre, constate C.B. Macpherson. On aurait besoin de pareilles grandes théories parce que nous n'en avons point de complètement satisfaisantes. Dans la tradition libérale démocratique ou la tradition marxiste, des développements intéressants se sont avérés des acquis et Macpherson accorde une grande attention à ceux qui relèvent de la tradition marxiste. Ils lui paraissent mieux expliquer, dans les années 1960 et 1970, les rapports complexes entre État et société capitalistes même s'ils ont du mal à explorer certains traits des plus actuels de nos sociétés, notamment leur pluralisme politique. 

Macpherson reproche aussi au marxisme un manque de sensibilité envers les aspirations et les besoins fondamentaux des hommes. Et les unes et les autres lui semblent des composantes essentielles d'une grande théorie de l'État capable de parler adéquatement du politique des sociétés contemporaines. Une approche d'économie politique de l'État étant maintenant mieux maîtrisée, il estime que la voie est ouverte pour des emprunts plus substantiels à la philosophie politique. Cette dernière meublerait la réflexion au sujet des aspirations et besoins fondamentaux de l'homme sur lesquels on pourrait fonder en partie une grande théorie de l'État. 

En 1977, ce texte était, à certains égards, prémonitoire : il annonçait et accompagnait des développements à venir, notamment du côté de la philosophie politique. Mais son interrogation fondamentale, pour être encore plus d'actualité, devrait être formulée ainsi : Avons-nous besoin d'une grande théorie réaliste, normative, programmatique, non pas de l'État, mais plus globalement encore du politique ? 

Poser la question c'est en effet y répondre. Nous soutiendrons donc ici que nous en avons grandement besoin. Nous le ferons en ayant constamment à l'esprit le champ des pratiques politiques des nouveaux mouvements sociaux comme fondement à nos préoccupations. Sans nier, bien sûr, que d'autres formes et champs de pratiques sociales, et leurs propres facteurs structurels et conjoncturels de développement, seraient aussi plus adéquatement éclairés par pareille grande théorie du politique. 

Nous soutiendrons encore que deux grandes interrogations présentées comme autant de défis théoriques et pratiques peuvent conduire à cette grande théorie du politique. Interrogations qui ont un relief particulier du point de vue précisément des pratiques politiques des nouveaux mouvements sociaux. La première mène à examiner le refus du politique qui, selon certains, caractériserait souvent les nouveaux mouvements sociaux. Refus appréhendé de l'État, de sa légitimité et de son fondement politiques, refus appréhendé du politique institutionnel, des institutions du politique. 

La deuxième interrogation est relative, elle, aux voies à explorer pour parvenir à l'articulation de deux paradigmes du politique, l'un qui fonde sa légitimité sur l'espace social public-politique, l'autre qui la rattache aux institutions du politique, au politique institutionnel. Il ne faut point, bien sûr, exagérer l'écart entre ces deux paradigmes : à certains égards, ils forment une échelle continue et se recoupent quelque peu. Mais il arrive aussi qu'ils s'opposent chez des analystes qui veulent rendre compte de pratiques politiques spécifiques et des enjeux du pouvoir, notamment du pouvoir politique, au sein de nos sociétés. Les développements des pages qui suivent reprennent ces interrogations qui sont au fondement d'une grande théorie du politique sensible, entre autres, aux liens encore mal maîtrisés entre les pratiques des nouveaux mouvements sociaux et le politique. 

 

Refus de l'État et du politique institutionnel

 

De premières réflexions synthèses, conjoncturellement possibles maintenant que plus d'analyses ont été consacrées à des pratiques aussi plus répandues, illustrent combien les conduites collectives conflictuelles des nouveaux mouvements sociaux soulèvent d'importantes interrogations à propos du politique et du pouvoir (Kitschelt, 1985 ; Offe, 1985 ; Cohen, 1985 ; Touraine, 1978 ; Thériault, 1987 ; Maheu, 1983a, 1983b). 

Une grande théorie du politique devra, surtout maintenant que le train post-moderniste est passé, interroger et discuter le refus appréhendé du politique de la part des mouvements sociaux. Refus appréhendé plus particulièrement du politique institutionnel, de la légitimité du politique s'inscrivant dans des institutions politiques, refus appréhendé de ce politique où se cristallise tout particulièrement l'État. 

Qui pourrait nier, dès qu'il est question du politique et des mouvements sociaux, la profonde ambivalence et l'ambiguïté des pratiques conflictuelles des mouvements sociaux, y compris et surtout les nouveaux mouvements sociaux ? Pour certains, tout se passe comme si leurs pratiques engendraient toujours plus d'ambivalence et d'ambiguïté. Réclamant pour la société globale toujours plus de démocratie, les mouvements sociaux sont trop souvent, à l'interne, tout le contraire d'une démocratie active et formelle. Véhiculant des revendications sociales de qualité de vie, ils les définissent bien souvent de manière à les rendre imperméables aux enjeux plus profonds de recherche et d'expression de la liberté, cette assise moderne de formes démocratiques de société (Feher et Heller 1982, 1984). 

La promotion, caractérisant plusieurs mouvements sociaux dont les mouvements pacifistes, d'un politique très autonomiste détaché du contexte politique concret et réel et d'enjeux de pouvoir marquant les rapports entre États-nations mènerait à une esthétique exacerbée du politique. De même que leur trop forte insistance, non critique de surcroît, sur la qualité de la vie peut engendrer un « a-politisme » situé aux antipodes de l'éthique émancipatoire dont les mouvements sociaux pourtant se réclament (Berman, 1982a, 1982b, 1983 ; pour une critique de cette position, voir Brienes, 1982 ; Benhabib, 1982). 

Nombreuses sont les analyses qui notent combien les nouveaux mouvements sociaux appartiennent à un champ de conflits sociaux où sont débattues les formes d'emprises exercées sur les identités de groupes et d'individus, sur les besoins sociaux, sur la société. Emprises qui ne sont pas que le fruit du marché économique et des modes de consommation. Les sociétés sur-administrées contemporaines, sociétés à base institutionnelles complexes, diversifiées et fort denses, marchent aussi aux mécanismes régulateurs de la normalisation du social. Elles marchent aux institutions et aux appareils qui gèrent de manière autoritaire les besoins, les identités, les ressources d'action, les politiques sociales et par là ultimement l'ensemble du social. La « longue marche » dans et contre les institutions est partant un terrain conflictuel de prédilection pour les mouvements sociaux (Maheu, 1983a, 1983b ; Melucci, 1985). 

Pour parler comme Habermas, on notera alors que les mouvements sociaux luttent contre la colonisation du monde-vécu. Les mécanismes régulateurs tant de l'économie que de la société administrée imposent une gestion et une rationalisation instrumentales du monde-vécu, des rapports intersubjectifs, des débats publics. Les mouvements sociaux, dont le mouvement des femmes, sont donc mobilisés sur ce front de la défense des relations intersubjectives, de la communication symbolique interactive, de l'univers relationnel (Habermas, 1981, 1987). Ils contribuent à l'émergence et à l'émancipation d'un espace normatif plus sensible à la rationalité symbolique, interactive, communicationnelle. 

On affirmera alors le caractère politique de ces luttes sociales. Mais cette affirmation s'avère finalement ambiguë et vague puisqu'elle connote plusieurs significations. Sont par exemple qualifiées de politiques des luttes plus vives et radicales dirigées contre certaines institutions de normalisation du social. Tout se passe comme si l'expression servait principalement à mesurer l'intensité et l'ouverture de conflits particuliers. Conflits particuliers dont on dira, selon l'expression courante libéralement appliquée d'ailleurs à bon nombre de situations conflictuelles tout à coup plus vives et aiguës, qu'ils sont très « politisés ». Tournées contre la normalisation pluridimensionnelle des besoins, des identités, de la vie privée et quotidienne, bref du social, des luttes sociales sont conjoncturellement plus radicales et dirigées à l'encontre de pouvoirs sociaux, d'agents et d'institutions publiques et étatiques. Mais toutes ces luttes sociales contre la normalisation, contre les normes et les règles quasi naturelles et mécaniques de pouvoirs sociaux disciplinaires ne sont ni directement, ni automatiquement luttes sociales contre les règles, les normes juridiques, l'exercice du pouvoir politique souverain et légitime. Elles ne sont pas automatiquement des luttes contre la loi et les fondements restrictifs des droits enchâssés dans le politique juridique, contractuel, dans le pouvoir souverain de l'État. Elles ne sont pas par définition des luttes concernant directement et de manière impérative l'organisation globale, le mieux-être et le devenir d'une collectivité. 

Pourquoi et comment des luttes sociales deviennent-elles politiques, construisent-elles le système d'action politique d'un ensemble historique concret ? Ces interrogations balisent un champ important et dynamique des sciences sociales contemporaines, y compris un courant majeur de la philosophie politique actuelle (Howard, 1989). Elles ne peuvent être relevées et traitées que si, dès le point de départ, on refuse, n'en déplaise à Foucault, de confondre normalisation du social, pouvoir d'intégration et d'encadrement social et pouvoir politique légitime, fonctionnement du système d'action politique au sein d'un ensemble historique concret. Que ces réalités puissent, selon des conditions socio-historiques à expliquer, se recouvrir dans des espaces et des temps sociaux particuliers ne saurait être contesté. Mais semblable contingence n'autorise point à les fusionner comme si leur mode historique d'existence dans les sociétés industrielles avancées prenait toujours la forme d'une étroite articulation. 

On peut dès lors formuler les constats suivants à propos du politique et des nouveaux mouvements sociaux. Tout ce qui est dominé ne formule pas nécessairement ni automatiquement une réaction, une riposte qui prend la forme d'une construction positive du politique comme système d'action de l'organisation globale du social. Souvent la contestation et la dénonciation de la domination et de l'oppression s'expriment essentiellement par la défense et la résistance contre l'encadrement. Dit autrement, les luttes sociales contre les oppressions et pour un étalement à plusieurs espaces sociaux du principe radical de l'égalité, comme référent de la révolution démocratique, ne sont pas automatiquement une démocratisation effective du politique. Elles ne sont pas par définition recherche d'une nouvelle organisation globale du social, construction d'une nouvelle forme d'hégémonie sous-tendant une démocratisation radicale (Laclau et Mouffe, 1985, p. 176-177, 182-192). Bien sûr, elles peuvent le devenir ; c'est là un produit socio-historique contingent obéissant à certaines conditions de développement. 

Puis ce deuxième constat. Les références socio-historiques des mouvements sociaux classiques, mouvements sociaux s'étant fréquemment révélés de puissants acteurs politiques, ne sont pas des plus utiles pour comprendre l'articulation actuelle des nouveaux mouvements sociaux au politique. En fait, le mouvement ouvrier, par exemple, fut un agent politique central sous-tendu par une pratique, une culture, une idéologie politiques qui accordaient une importance extrême à la recherche de grandes mutations sociales, à la rupture révolutionnaire, à la prise de contrôle du pouvoir d'État. Nous devons rompre avec certains credos théoriques et pratiques du politique fondés, par exemple, sur la totalité expressive d'un méta-sujet collectif apte à conjuguer naturellement contestation et révolution, politique et politique holiste au sens d'une politique de la transformation sociétale globale. La politique de la transformation globale, politique de « rédemption » selon l'expression de Whitebook (1985 ; pour des réflexions analogues, voir Feher, 1985), ne serait point caractéristique des principales pratiques politiques des nouveaux mouvements sociaux. Ces derniers viseraient plutôt une politique de la maturité et de l'autonomie cherchant à parfaire les avancées de la modernité en s'appuyant en partie sur des traditions démocratiques dites bourgeoises, qui ne sont pas toutes nécessairement évidées et défigurées par les discours idéologiques du capital (Whitebook, 1985 ; pour une critique de cette position, voir Brienes, 1985 ; Wolin, 1985 ; Gonsales, 1985 ; Whitebook, 1986). On notera ainsi la tendance de plusieurs mouvements sociaux à pratiquer une politique de l'autolimitation (self-limiting politics ; Cohen, 1982a, 1982b, 1983, 1985). 

Et, troisième constat, les mouvements sociaux viennent souvent au politique par le biais de l'action politique directe, ou, dit autrement, par le politique non institutionnel (Touraine, 1978, 1983 ; Melucci, 1985 ; Offe, 1985). Ce trait incontournable est trop fréquemment repéré dans de multiples pratiques pour ne pas être dûment noté. 

Il convient cependant de se demander comment et pourquoi l'action politique directe et non institutionnelle interpelle vraiment le fonctionnement du système d'action politique, le politique institutionnel. Comment et pourquoi le politique non institutionnel en arrive-t-il à contribuer à la construction du politique comme système d'action d'un ensemble historique concret ? La question est d'autant plus centrale et déterminante que ne peuvent être niées au sein d'un politique en voie de reconstruction dans nombre de sociétés des tendances à l'infra-politisation de certains enjeux sociaux (Maier, 1987). Au nom d'un néo-libéralisme qui n'ose avouer ses penchants conservateurs et rigides, comme parfois sous l'influence de forces sociales contestant l'ordre établi, des pratiques ont pour effets pertinents de diriger vers des réseaux primaires de solidarité, vers des institutions parallèles de regroupement et d'encadrement des populations les grands débats et conflits sociaux relatifs à la gestion et à l'utilisation des ressources, à l'organisation globale et au devenir d'une collectivité sociale. 

Aussi, quand est menée l'analyse des pratiques effectives des nouveaux mouvements sociaux, la question d'une articulation entre le politique institutionnel et le politique non institutionnel ne peut éluder, au point de départ, la possibilité de pratiques demeurant pré-politiques ou infrapolitiques au sens strict du terme. Des pratiques de nouveaux mouvements sociaux peuvent s'avérer trop défensives, relever essentiellement de la résistance, voire du repli sur soi. Amputées d'une tension tournée vers la constitution élargie du pouvoir, la démocratisation du politique, elles seraient en quelque sorte en deçà des enjeux du politique comme système d'action et d'organisation globale du social. 

Les mouvements sociaux peuvent encore verser dans une politique trop autonomiste, une esthétique idéaliste du politique qui en ferait des acteurs sans impact pertinent sur le politique concret. Ils peuvent aussi tendre trop aisément vers une politique de la « rédemption » qui les projetterait dans une fuite en avant et la recherche utopique d'une grande transformation sociétale. Ils peuvent, enfin, adopter objectivement une position contradictoire par rapport à l'État. Demandeurs d'interventions étatiques, appuyées sur des revendications sociales, ils peuvent bloquer partiellement le fonctionnement de l'État par un refus de lui consentir le droit d'arrêter démocratiquement certains choix, l'obligation de garantir démocratiquement certains possibles collectifs. 

Les nouveaux mouvements sociaux n'emprunteraient pas automatiquement de telles trajectoires : elles demeurent bien plus prégnantes à certains moments, des produits socio-historiques contingents et pourraient être autres. Des effets socio-politiques pertinents découlant des pratiques de mouvements sociaux ont au contraire constitué des victoires contre les inégalités et pour la démocratie (Offe, 1985 ; Kitschelt, 1985). Mais certaines tendances et trajectoires des pratiques conflictuelles identifiées aux nouveaux mouvements sociaux semblent se démarquer par un refus de la légitimité du politique institutionnel, de la légitimité de l'État et des institutions du politique. 

Nous voudrions, à cet égard, avancer l'hypothèse que la visibilité conjoncturelle actuelle de ces dernières trajectoires politiques particulières des nouveaux mouvements sociaux est en grande partie alimentée par une culture politique se fondant sur un paradigme spécifique du politique. Soit ce paradigme qui loge la légitimité du politique dans l'espace social public-politique.

 

L'espace social public-politique
comme paradigme du politique

 

Derrière les enjeux et les questionnements tout juste évoqués se profile de fait un paradigme du politique. Il ne peut toujours prétendre à une constante et complète autonomie par rapport à d'autres manières globales de construire le politique. Mais en même temps, on ne saurait nier qu'il se donne assez souvent à voir sous des traits prévalents qui lui conviennent mieux qu'à tout autre construit théorique global du politique. Un peu à la manière d'un type idéal que l'on ne retrouve guère à l'état pur mais qui permet d'identifier une cohérence autrement des plus difficiles à saisir, j'en durcis quelque peu les traits. 

Dans un texte publié en 1984, au titre évocateur de Polis and Praxis, Exercises in Contemporary Political Theory, Dallmayr propose une définition du politique fondée sur l'interaction des fellow humans. Le monde des fellow humans, en tant que base même de l'expérience ouverte sur un monde d'interactions plus ou moins denses, prend la forme d'un espace public-politique ou d'une polis. Polis se démarquant, comme l'entend Arendt, des impératifs instrumentaux de la production et des chaînes de causalité mécanique du travail. 

On ne saurait alors dissocier polis et praxis tant la première, comme espace public, est constituée et maintenue par la seconde. Par la praxis véritable, celle de l'interaction politique qui n'est possible que dans l'arène publique. La polis n'est pas alors fusion de visées particulières dans une commune volonté uniforme sous-tendue par le pouvoir suprême ou la souveraineté. Plutôt, la polis et la praxis du politique transcendent conformité et consensus de même qu'inimitié et hostilité. Elles confinent, comme le soutient Foucault, à l'« agonisme » en vertu duquel relations de pouvoir et résistance de la volonté, de même qu'intransigeance de la liberté, sont en rapport de réciprocité. La politique est alors une pratique humaine particulière, une pratique de friendship, par laquelle les relations publiques s'enracinent dans le respect mutuel et la volonté to let one another be (Dallmayr, 1984, p. 8, 9 ; note 26, p. 267). 

Il s'avère tout à fait essentiel alors de différencier la polis de l'État, surtout de cette forme moderne de l'État-nation. L'État des derniers siècles, on doit le remarquer, aura été un siège non pas de raison mais d'émotion ethnique (ethnic emotion) et de chauvinisme agressif avant d'être maintenant un monopole de force nucléaire. La polis de nos jours a ses propres impératifs du moment : elle engage à renforcer l'interaction politique sous et au-dessus de l'État. Seule la combinaison d'une pratique politique locale et régionale située à l'échelon le plus bas des structures sociales et d'un cosmopolitisme bien institutionnalisé, la combinaison donc d'une pratique locale à un cosmopolitisme transnational serait de nature à contraindre le pouvoir central arrogant de l'État (Dallmayr, 1984, p. 9, 10). 

On ne saurait taire, au passage, que cette invitation à contourner l'État central national par le bas des espaces publics-politiques locaux et régionaux et par le haut du trans- et du super-national, le laisse, lui, sans aucune confrontation en terme de polis et de praxis. De même, on notera, Dallmayr étant à cet égard des plus explicites, combien sa démarche lui semble s'inscrire dans la foulée de celle d'abord d'Arendt, pour ce qui est plus strictement du politique, puis aussi plus largement de celle de Heidegger. 

On sait que pour Arendt le politique, le pouvoir est d'abord affaire de vérité fondée sur une action tournée vers l'exercice de la parole publique. Elle est aussi une praxis créant et se créant par la recherche de la pluralité. Praxis d'interaction, elle sera recherche d'excellence et de vertu publiques, de convergences libres au travers de la discussion, de l'échange et de l'interaction. La pluralité à la base du politique est tout à la fois égalité et distinction, pouvoir et liberté, tous constitutifs des espaces publics-politiques. 

Le pouvoir est alors concertation, communication, persuasion par des échanges non-coercitifs sous-tendus par une intersubjectivité discursive sans recours à la violence. À la base du politique, il y a donc la communauté politique, siège de la liberté, capable de générer la res publica à même les espaces politiques et publics de discussion. Le politique est ainsi vérité tissée de concertations, d'échanges et d'interactions dans la sphère publique (Parekh, 1981, 1982 ; Dallmayr, 1984). 

Habermas, tout en lui donnant une tournure abusivement « habermasienne » selon Dallmayr (1984, p. 99-102), a manifesté à la fois sympathie et distance critique par rapport à cette conception du pouvoir avancée par Arendt (1985). Les reproches qu'il lui adresse sont certes cruciaux ; et paradoxalement, ils s'apparentent fort curieusement à des critiques déjà développées par certains à l'encontre de la conception « habermasienne » du pouvoir et du politique (Benhabib, 1982). Selon Habermas, toutefois, Arendt propose une conception du pouvoir qui oblitère les stratégies du politique, la compétition politique pour le pouvoir, les formes d'allocation du pouvoir, l'emploi même du pouvoir dans un système politique et le champ du contrôle et de la domination politiques. Si la praxis de l'interaction politique par exercice de la parole publique cristallisant la res publica peut expliquer la genèse et la constitution du pouvoir, elle ne pourrait expliquer ses jeux stratégiques, son maintien comme pouvoir politique et la domination recourant aussi a ce pouvoir politique. 

Sous les traits que nous lui avons prêtés, traits qui convergent en un type idéal, le paradigme du politique fondant la légitimité et du politique et du pouvoir sur les espaces publics-politiques, sur la communauté politique est ici à l'état pur. On pourra objecter que les travaux de philosophie politique qui lui sont rattachés relèvent d'auteurs dont la pensée jouait souvent de toutes les nuances nécessaires pour échapper à un formalisme trop unilatéral. Ou encore on notera que d'autres visions globales du politique et du pouvoir ne recourent pas moins occasionnellement, entre autres construits théoriques, à la légitimité du pouvoir que des groupes sociaux dominés opposent à un État garantissant l'ordre et la paix particularistes des dominants. Et ces dernières visions globales, elles, sont plus sensibles aux dimensions institutionnelles du politique, aux stratégies du politique et du pouvoir, aux formes d'allocation du pouvoir et de la domination. 

Mais tout se passe comme si la cohérence globale de ce paradigme du politique qui loge la légitimité et du pouvoir et du politique dans la communauté politique est l'éclairage requis pour mieux distinguer et jauger certains éléments d'analyse, certains construits théoriques qui autrement ne pourraient être perçus sous leur vrai jour. C'est aussi l'éclairage requis pour en saisir toutes les limites et les dimensions fort problématiques. Tant il est vrai que sans contrepoids approprié, l'accent prévalent sinon exclusif mis sur le politique comme émanation légitime de la seule communauté politique laisse en plan d'importantes composantes constitutives du système d'action politique des sociétés contemporaines. 

Cet éclairage est requis d'ailleurs pour mieux nuancer puis dépasser l'apport aux débats théoriques sur le politique du texte provocant et, à maints égards, fort intéressant écrit en 1985 par Laclau et Mouffe. À l'aide d'analyses de conjonctures politiques et de luttes socio-politiques d'émancipation largement étalées dans le temps et l'espace, à l'aide encore de construits théoriques sur le pouvoir et le politique, ils s'engagent dans la voie d'une réflexion programmatique devant mener à une politique de démocratisation radicale. Politique de démocratisation radicale interpellant la gauche qui, elle, devrait poser les gestes appropriés, maîtriser les conditions d'actualisation d'une révolution démocratique à parfaire, révolution fondée sur le pluralisme et visant la construction d'une nouvelle hégémonie socio-politique socialiste (Laclau et Mouffe, 1985). 

De considérations relatives aux pratiques discursives, à leur relativisme et à leurs règles d'énonciation, Laclau et Mouffe concluent que la Révolution française a produit un principe d'externalité apte à convertir de multiples relations de subordination en des rapports d'oppression antagonistes. 

Imaginaire démocratique radical dans la forme discursive d'abord de l'égalité puis de la liberté, ce principe d'externalité a servi d'étalon pour plusieurs luttes sociales traduisant en subordinations, puis en oppressions à combattre, des différences jusque-là jugées non problématiques. Ce principe d'externalité, sous la forme d'un processus de diffusion et d'étalement d'équivalents égalitaires, a pénétré, tout au long de l'histoire d'après la Révolution française, de nombreux espaces sociaux distincts. Puis à tour de rôle, les unes après les autres, des pratiques conflictuelles de mouvements sociaux de l'après-guerre mais surtout des années 1960 et 1970 ont, par exemple, embrasé progressivement divers espaces sociaux et publics, y faisant pénétrer le feu radical des revendications d'égalité. Et dans certains espaces sociaux, moins directement sensibles au principe radical de l'égalité, c'est celui de la liberté qui enflammait les rapports sociaux, les revendications et contestations sociales. Notamment dans les rapports aux appareils, dans ces quartiers où s'exerce plus durement la normalisation du pouvoir disciplinaire, les luttes sociales sont alimentées par la recherche de la liberté comme manière de défendre et de promouvoir identité et autonomie face au pouvoir. 

Imaginaire démocratique radical à base d'égalité et de liberté qui connote aussi un pluralisme politique radical. La logique sociale de l'équivalence égalitaire démocratique doit donc être confrontée à une logique sociale de l'autonomie. Cette dernière est elle-même d'ailleurs très intégrée par le principe de liberté à l'imaginaire démocratique radical. Aussi leur articulation ne saurait-elle produire une totalité close, fermée sur elle-même, du social. Cette totalité doit être maintenue ouverte, puisqu'elle est faite de tensions et d'affrontements entre logique d'équivalence et logique d'autonomie. Totalité d'ailleurs située dans un horizon socio-politique toujours à produire mais dont le terme ne viendra jamais. Elle est une pièce essentielle de ce projet politique de construction d'une nouvelle hégémonie démocratique radicale. 

Il y a donc pluralité de logiques sociales, pluralité d'espaces socio-politiques, pluralité de moments théoriques et pratiques des luttes sociales. C'est là le terrain que doit occuper la nouvelle hégémonie démocratique et socialiste proposée comme programme politique à la gauche contemporaine. 

Il faut reconnaître à Laclau et Mouffe le mérite d'une clairvoyance certaine dans la manière de formuler d'importants problèmes concernant la théorie et la pratique sociales contemporaines relatives au politique. Ils notent, par exemple, le danger d'implosion, d'hémorragie du social (1985, p. 186-188) qu'active une chaîne presque sans fin d'équivalences égalitaires toujours nouvelles, de revendications pluralistes à l'égalité. L'intervention nécessaire d'un principe d'unité du social bien articulé à la pluralité faite d'autonomie et de liberté est alors affirmée pour échapper au totalitarisme généré par l'implosion du social. Confrontés à cette difficulté majeure, Laclau et Mouffe semblent se complaire dans des développements théoriques somme toute fort abstraits détachés des processus historiques spécifiques et des exigences concrètes de l'action notamment politique. 

Leurs réflexions et propositions ne s'engagent pas vraiment sur le terrain des institutions politiques. Même l'évocation d'une nécessaire unité du social ne les mène pas a explorer les racines institutionnelles, organisationnelles des pratiques, des tendances structurelles, des stratégies porteuses d'unité du social. Leurs réflexions sont imperméables au politique institutionnel, aux stratégies et politiques enracinées dans les institutions politiques à garantir démocratiquement et aptes elles-mêmes à participer à la démocratisation du social par la construction du politique institutionnel, voire de l'État. Ils évoquent occasionnellement et bien rapidement un politique dit restreint, les partis politiques et l'État, semble-t-il, sur lequel ils ne s'attardent point (1985, p. 153). 

Tout se passe comme si les analyses et construits théoriques de Laclau et Mouffe paraissaient sous leur vrai jour quand leur cohérence globale est finalement rattachée à celle que véhicule ce paradigme qui loge la légitimité et du pouvoir et du politique dans la communauté politique de manière quasi exclusive. Avec des développements plus raffinés qui sont à certains égards d'importants acquis, reconnaissons-le, leurs propositions fondent toutefois de manière prévalente le politique sur les espaces sociaux publics-politiques. Ils ont donc tendance à loger la légitimité du politique principalement sinon exclusivement dans l'espace social public-politique. 

Il n'est point surprenant alors qu'ils traitent la démocratie seulement comme un imaginaire, un référent au fonctionnement analogue à celui des règles et normes des pratiques discursives. Au point où on finit par oublier avec eux que la démocratie, dans l'histoire des formes politiques, est aussi une forme de gouvernement, de régime, une forme étatique. Leurs propositions dans l'ensemble escamotent les institutions politiques de la démocratie, les formes démocratiques des États.

 

Politique de l'espace
social et politique institutionnel :
les défis de l'articulation

 

Il ne saurait être question de reprocher à quelque paradigme du politique que ce soit la volonté de fonder le politique sur la dynamique sociale et interactive de l'espace public-politique, de la communauté politique. Certes la légitimité du politique peut trouver là un fondement majeur et déterminant. La difficulté vient cependant de ce que le politique et sa légitimité sont identifiés à ce seul fondement. Ou encore la difficulté vient de la tendance, bien souvent manifeste dans cette manière de penser le politique, à opposer radicalement ce fondement et cette légitimité du politique aux institutions du politique, au politique institutionnel, aux formes de gouvernement, voire aux formes de l'État. Opposition par moments radicale, au sens où le plus souvent les institutions du politique ne pourraient point, de par ces propositions théoriques, enchâsser elles-mêmes la légitimité du politique. 

La grande théorie du politique, appelée à mieux éclairer les rapports complexes et nouveaux entre les mouvements sociaux et le politique, est donc face à un autre défi majeur, soit celui d'articuler à un paradigme du politique comme espace social public-politique un paradigme du politique comme institution, comme politique institutionnel, comme forme de gouvernement et de régime, comme forme étatique. Ces institutions du politique seraient vues comme un produit social de qualité démocratique variable dans le temps et l'espace. Elles seraient, elles aussi, aptes à garantir démocratiquement, avec leur spécificité de fonctionnement, les possibles à assurer, les espaces à ouvrir, les politiques et choix politiques inscrits dans les institutions. Choix et politiques produits socialement, au travers d'un jeu politique ouvert de façon variable dans le temps et l'espace aux tensions de la démocratie. 

La voie de sortie des difficultés et dilemmes posés par le premier paradigme du politique oblige à dépasser certains courants de pensée qui l'alimentent. Il ne s'agit pas que de tenir liés pouvoir et liberté comme fondement d'un mode d'expérience humaine à distinguer du langage et du travail. Pouvoir et liberté qui n'excluent pas, tout en s'en distinguant et en les confrontant comme des limites et des frontières, la force et la violence, le consentement et le consensus auxquels ils ne sont pas non plus réductibles (Foucault, 1982, dans Dreyfus et Rabinow, 1984). 

Il faut de plus savoir aller beaucoup plus loin que Foucault qui reconnaissait, bien tardivement il est vrai (1982, dans Dreyfus et Rabinow, 1984), que le pouvoir est moins confrontation entre adversaires que question de gouvernement. Une question de gouvernement au sens qu'on donnait au XVIe siècle à ce mot, quand gouverner n'était pas que structure politique du fonctionnement de l'État mais désignait la manière par laquelle les conduites des individus et des groupes pouvaient être dirigées. Gouverner signifie alors créer, ouvrir un champ de possibles, inaugurer, maintenir et consacrer un espace public ou politique pour l'action, structurer des champs d'action possibles pour les autres. 

Bref, la voie de sortie des difficultés et dilemmes posés par ce paradigme qui loge, principalement sinon exclusivement, la légitimité du politique dans les espaces publics-politiques, dans la communauté politique commande le recours simultané à un autre paradigme du politique. Force est de reconnaître que les stratégies de confrontation, les formes institutionnelles d'allocation du pouvoir, les stratégies et les jeux de pouvoir, la violence et le consentement, les formes institutionnelles de gouvernement et de régime peuvent elles aussi enchâsser la légitimité même du politique, le pouvoir et la liberté comme mode de l'expérience humaine.

 

Des débats porteurs d'articulation
entre paradigmes du politique

 

Si à certains moments les nouveaux mouvements sociaux ont pu véhiculer une culture politique qui refuse ultimement de reconnaître la légitimité du politique institutionnel, la légitimité de l'État-nation et des institutions du politique, leurs effets socio-politiques pertinents se sont avérés nettement plus larges et conséquents. Leurs pratiques conflictuelles, leurs luttes sociales ont non seulement rendu visibles des formes camouflées de pouvoir politique dominant, mais encore elles ont illustré certaines limites du politique comme système d'action et de représentation. De façon variée dans le temps et l'espace, le politique est confronté à des conflits sociaux, des demandes et des revendications sociales qu'il arrive fort mal à reconnaître et à traiter. Par leurs pratiques et leurs revendications, les nouveaux mouvements sociaux peuvent interpeller directement le système d'action politique en rendant manifestes et visibles des enjeux conflictuels déterminants pour l'organisation globale de la collectivité. 

Les pratiques conflictuelles des nouveaux mouvements sociaux obligent donc à revoir les rapports entre le social et le politique, entre l'État et la société, certains diront entre l'État et la société civile. Ces rapports doivent d'autant plus être réexaminés qu'ils engagent à établir comment et pourquoi des pratiques pré-politiques ou des pratiques prenant la forme du politique non institutionnel s'articulent au système politique plus traditionnel et institutionnel. Il est alors ultimement question de reconnaître que la légitimité du politique et du pouvoir politique est un produit de conflits sociaux qui traversent tant la communauté politique, les espaces publics-politiques que les institutions du politique, les formes de régime et de gouvernement. 

Des débats contemporains à propos du politique, débats alimentés entre autres par les pratiques des nouveaux mouvements sociaux, constituent précisément un champ d'interrogations qui mène à reformuler les catégories essentielles de l'action politique. Ils constituent un champ d'interrogations qui alimentent et interpellent tout à la fois la grande théorie du politique dont nous avons besoin. On pourrait soutenir que les meilleures composantes, ou les meilleurs moments, du débat relatif aux rapports entre l'État et la société civile, par exemple, appartiennent à ce champ d'interrogations. 

Loin de nous la prétention de soutenir que le thème des rapports entre État et société civile est le seul ou le principal débat témoignant des enjeux contemporains de reconstruction du politique. Mais si ce thème a un véritable sens et une fonction vraiment heuristique, ce n'est que sous la plume de ceux qui l'abordent au nom d'une réflexion globale sur les catégories essentielles de l'action politique, au nom d'une articulation à construire entre divers paradigmes du politique. Ce thème converge alors vers d'autres interrogations sur l'autonomie démocratique, la révolution démocratique, le pluralisme et le relativisme politiques, le politique institutionnel et non institutionnel. Prenons par exemple les travaux que Held et Keane (1984), Keane (1984, 1988a, 1988b), Held (1987) y consacrent. Ils méritent certes l'attention parmi les explorations de ce thème qui cherchent à articuler divers processus sociaux porteurs de la légitimité du politique et du pouvoir. Ces travaux questionnent par là le sens, la finalité du politique de même que les apports du système d'action politique à la constitution, à l'organisation globale de nos sociétés. 

Au départ, on y trouve une définition large du politique. La politique est pouvoir de transformation, pouvoir et capacité des acteurs et des institutions à maintenir et à transformer leur environnement. Il est indissociable des ressources habilitant à agir mais aussi des forces sociales qui informent et influencent l'exercice du pouvoir. Traversant les barrières du public et du privé - qu'il contribue aussi à informer différemment selon le temps et l'espace - le politique s'exprime dans des rapports de négociation, de coopération et dans des luttes entre groupes, institutions et sociétés à propos de l'usage et de la distribution des ressources, de la production et de la reproduction des sociétés. Dès lors, le politique conditionne tous les aspects de nos vies et du développement de nos sociétés. C'est une dimension universelle de la vie humaine qui n'est reliée à aucun « site » social spécifique ni à aucun ensemble spécifique d'institutions (Held, 1984, p. 276-277). 

Par définition, le politique ainsi conçu connote un large pluralisme social et une autonomie profonde des sujets, pluralisme et autonomie articulés à la liberté comme espace de rapports sociaux collectifs. Ces thèses font, elles aussi, le plein des débats et critiques entourant les notions de totalité expressive et structurelle. Le social ne peut être théoriquement éclairé ni politiquement pris en charge par un méta-sujet collectif, ni par des porteurs de projets socio-politiques d'autant plus cruciaux et déterminants qu'ils seraient articulés à un espace central où se produit la suture du social et où peut apparaître sa rupture profonde. 

On ne peut penser le politique sans de multiples références au politique institutionnel, aux institutions de politique, aux formes du gouvernement et de l'État. Le politique institutionnel et l’État ne sont point, loin de là, tout le politique ; la définition large que Held et Keane donnent de celui-ci l'atteste aisément. Mais ils ne sont point exclus des agents clés du politique. À telle enseigne, d'ailleurs, que doivent être refusées certaines traditions politiques et théoriques de la gauche avançant la thèse du dépérissement de l'État et de ses institutions. 

Pareille thèse ne fait plus le poids devant les exigences du pluralisme politique, les conquêtes sociales d'autonomie et de liberté dans l'interaction politique, les unes et les autres mettant à sac les analyses en termes de méta-sujet collectif dont le devenir sociétal est porteur d'une totalité expressive et structurelle du social d'où l'État serait graduellement évincé. Il s'impose tout autant de revoir les rapports entre État et société civile sur la base d'abord de leur dissociation. Les formes de l'un et de l'autre, si elles peuvent socio-historiquement s'entre-influencer, peut-être à l'occasion être superposées, ne sont jamais fusionnées. Et leurs rapports, notamment pour les formes que prend le politique dans les sociétés européennes contemporaines, sont porteurs d'une double démocratisation. L'État, les institutions politiques fournissent des ressources, des garanties légales, constitutionnelles, politiques permettant le développement au sein de la société civile d'espaces sociaux publics-politiques. Dans le temps et dans l'espace, au sein donc d'ensembles historiques concrets, ils œuvrent et œuvreront au contrôle démocratique des inégalités, des injustices, des oppressions enchâssées dans la société civile. Et la société civile, elle, est le siège de processus politiques, d'enjeux, d'acteurs et d'institutions publics-politiques capables, par leurs luttes, leurs pratiques politiques, d'assurer la démocratisation de l'État et de l'investir de plus de légitimité politique.

 

Si l'État procure un code légal et des ressources d'action à la société civile, celle-ci n'en possède pas moins autonomie et caractère distinct. Elle est constituée d'un agrégat d'institutions dont les membres s'adonnent principalement à tout un ensemble d'activités non étatiques. Engagés alors dans la production économique et culturelle, dans la vie domestique, dans les associations volontaires et l'interaction politique, les acteurs et les institutions de la société civile interagissent privément et volontairement hors du contrôle de l'État. Ils préservent, promeuvent et transforment leur identité par toutes sortes de pressions et de contrôles exercés sur les institutions étatiques.

 

Les propositions avancées par Held et Keane occupent un lieu théorique où la légitimité se fonde sur l'articulation de deux paradigmes : celui du politique comme espace public et celui du politique institutionnel. Elles contribuent donc à l'avènement d'une grande théorie réaliste, normative, programmatique du politique. Il est heureux aussi qu'elles donnent du politique une définition large. Les critiques justifiées adressées à certains usages de la notion de totalité ne doivent pas mener pour autant à des conceptions timorées du politique. Certes, ce système d'action politique exerce sur les formes du social une pression structurelle d'autant plus large et à prétention holiste qu'il concerne précisément l'organisation globale du social. Et si l'on vise, comme il se doit, à mieux articuler les deux paradigmes du politique dont il a été fréquemment question, on devra certes avancer des construits théoriques du politique qui tiennent compte de l'étendue sociétale de ce système d'action particulier.

 

Mais encore faut-il reconnaître à ce système d'action des frontières précises. Et de ce point de vue, certains des propos de Held et de Keane inquiètent, surtout les propos qui présentent le politique comme une catégorie universelle, diffuse, s'étendant à toutes les dimensions et facettes de l'expérience humaine et sociale. Cherchant les caractéristiques essentielles de l'action politique, Offe, lui, s'arrête aux deux suivantes (1985, p. 826, 827). Les finalités d'une telle action, d'une part, doivent s'avérer impératives (binding) pour la communauté sociale plus large. Elles concernent son devenir global. Les promoteurs de l'action politique, d'autre part, revendiquent explicitement que leurs moyens d'action puissent être reconnus comme légitimes.

 

La définition même du politique est certes une question fort complexe (Howard, 1989). Décrits comme des exigences minimales du politique (1985, p. 826), les deux éléments avancés par Offe ont une nette pertinence. Ils devront être partie intégrante de construits théoriques plus englobants, plus généreux à propos de l'action politique. D'abord, le premier introduit la notion du caractère impératif d'une action, d'une mesure pour le devenir global de la communauté plus large à laquelle l'acteur appartient. L'attribution, justifiée ou non, d'une telle caractéristique à une mesure, une action, une intervention, une politique est pour le moins matière à débats et conflits. Débats et conflits qui sont au cœur des composantes essentielles des espaces sociaux publics-politiques qui construisent et balisent la res publica, l'arène publique où les acteurs, les sujets sociaux, les agents institutionnels discutent, débattent, s'opposent conflictuellement sur les choix et options à faire. Ces débats et ces conflits sur le caractère impératif d'une action pour le devenir global de la communauté ne seront jamais complètement extérieurs aux institutions du politique, au politique institutionnel, à l'État.

 

Aussi la dimension impérative d'une action pour le devenir global de la collectivité plus large, dimension qui en consacre la nature politique, ne doit-elle pas être oubliée. Un tel attribut qualifiant une action aidera d'ailleurs à établir si les moyens qui la canalisent peuvent être explicitement proclamés légitimes. Et à ce sujet, d'autres considérants joueront aussi, considérants cristallisés dans les formes institutionnelles du politique, d'une part, et dans les débats et les conflits publics et politiques non institutionnels, d'autre part.

 

Bref, toute définition large du politique, comme celle avancée par Held et Keane, devra incorporer, ouvertement et directement, cette nature impérative pour le devenir de la collectivité plus large des mesures, actions dites politiques. Toute interaction sociale, toute capacité de transformation, tout pouvoir, toute subordination, toute coopération ou négociation, tout conflit social n'est pas par définition de nature politique. Held et Keane en conviennent, mais en même temps, chez eux, le politique est une catégorie, un mode tellement diffus de l'expérience humaine qu'il n'admet finalement aucune balise. Tout n'est-il pas alors exagérément politique, et ce politique absorbant, dévorant à l'extrême, le social ne pave-t-il pas subtilement la voie à l'autoritarisme ?

 

Le caractère impératif pour le devenir d'une collectivité d'une action qui ainsi serait politique n'est pas la panacée et, il faut en convenir, il n'est pas des plus faciles à cerner et à contrôler comme construit théorique. Mais son absence, ou l'absence d'une notion équivalente, donne au politique comme système d'action une étendue trop large et des frontières bien difficiles alors à concevoir (voir par exemple Held, 1987, p. 289-299).

 

La définition de la société civile avancée par Held et Keane fait elle aussi problème. Leurs propos, relatifs au politique, aux enjeux du pluralisme et de l'autonomie, aux défis actuels de la démocratie, voire aux rapports entre État et société civile traduisent une large problématique du politique, du pouvoir. Une large problématique aussi de leur structuration tant dans les espaces sociaux publics-politiques que dans les institutions du politique, du moins au sein de l'État.

 

Mais paradoxalement, quand ils en viennent à définir de plus près la société civile, ils retiennent bien souvent, à côté précisément des développements mentionnés qui semblent en la matière sans effet pertinent, une définition très institutionnelle, sinon trop platement « institutionnaliste » de la société civile.

 

Cette notion n'a alors aucunement la force d'un concept. Tout se passe comme si la société civile pouvait être réduite à un réseau, plus ou moins complexe, d'associations, d'institutions, de relations sociales. Certains se demandent même si ce concept n'est pas un concept gadget (Lochak, 1986) ; d'autres plaident avec passion pour son abandon pur et simple (Frankel, 1983).

 

Dans un tel contexte, il est impératif que le mot ait d'abord une valeur conceptuelle. Valeur conceptuelle qui construirait la société civile à partir des principaux axes du politique comme système d'action assurant l'organisation globale du social. À partir aussi de l'articulation dialectique à faire entre paradigmes du politique, fondant le politique, le pouvoir et leur légitimité dans l'espace social public-politique et dans les institutions du politique, le politique institutionnel. Il n'est pas suffisant à cet égard de soutenir que les institutions, les groupes de la société civile s'adonnent à des activités non étatiques, hors du contrôle de l'État, et exercent pression et contrôle sur les institutions étatiques.

 

Les débats actuels et à venir sur les rapports entre État et société civile, ne peuvent contribuer au développement d'une grande théorie réaliste, normative, programmatique du politique que s'ils donnent clairement priorité aux enjeux conceptuels dans la manière de parler de la société civile. On peut alors prendre exemple sur les développements fort intéressants que Bobbio (1979) consacre au rôle de ce concept dans l’œuvre de Gramsci.

 

Sont finalement source d'étonnement les remarques formulées par Held et Keane à propos cette fois des dimensions institutionnelles du politique. Nous l'avons souligné, nous ne saurions les accuser, à cet égard, de cécité. Par contre, la définition du politique avancée notamment par Held est à ce sujet tout à fait paradoxale, sinon contradictoire. C'est une chose que de plaider, à propos du politique, pour une approche et une définition larges qui ne soient pas captives des formes institutionnelles du politique, des institutions du politique. Le politique est beaucoup plus que cela, c'est entendu.

 

Mais c'est une tout autre chose que de soutenir, du même souffle, que le politique n'est aucunement relié à quelque ensemble d'institutions que ce soit (Held, 1987, p. 277). Le politique ne peut être réduit aux institutions du politique mais il ne se structure pas moins, en partie, dans des institutions politiques spécifiques. D'ailleurs, le modèle de l'autonomie démocratique, cette forme de régime politique dont discute Held, reconnaît explicitement l'existence et le fonctionnement légitimes de mécanismes centralisés de gouvernement et de prise de décision. Et Held de rappeler l'importance que Weber, lui, accorde aux institutions du politique dans un tel contexte (1987, p. 297).

 

Le politique comme système d'action produisant l'organisation globale du social doit être défini par le biais de ses volets institutionnel et non institutionnel. Cette problématique du politique qui est à la fois politique institutionnel et politique non institutionnel nous rapproche à nouveau d'Offe (1985). Mais loin de rechercher leur relation au moyen de formes possibles d'alliances entre forces sociales politiquement traditionnelles et bloc politique nouveau (Offe, 1985 et 1987), il faut plutôt reconnaître leur articulation dialectique comme étant constitutive du politique comme système d'action. De manières bien sûr variées dans le temps et l'espace, le politique serait constamment sous-tendu par une dialectique du politique institutionnel et du politique non institutionnel. Les formes historiques concrètes, variées mais toujours présentes, de cette articulation dialectique témoignent de ce que le politique trouve sa légitimité et dans les espaces sociaux publics-politiques et dans les institutions politiques.

 

Nous avons donc besoin d'une grande théorie du politique : elle devra être réaliste, normative, programmatique. Et elle ne pourra vraiment être à la hauteur de ses apports appréhendés que si elle agit, pour reprendre l'expression de Sklair (1987), à la manière d'une méta-théorie. Il serait alors irréaliste et impossible de vouloir en établir, au sens fort et premier du terme, la démonstration et la preuve. Son rôle, primordial et capital, sera d'inspirer, en toute cohérence et homogénéité conceptuelles, des protocoles de recherche qui, eux, doivent requérir la validation systématique des faits, des énoncés, des construits théoriques et pratiques qu'ils mettent en relief.

 

Il faut d'ailleurs souligner à cet égard combien les pratiques socio-politiques des nouveaux mouvements sociaux nécessitent encore plus d'attention systématique. Les premiers travaux plus soignés qui leur furent consacrés, et que nous avons pour la plupart soulignés au passage, doivent en appeler bien d'autres. Le point nodal et stratégique à mieux documenter et travailler ? Comment et pourquoi, dans le temps et l'espace, des conduites collectives conflictuelles souvent pré-politiques finissent par arrimer l'un à l'autre le politique non institutionnel et le politique institutionnel. Comment et pourquoi les nouveaux mouvements sociaux, à l'input du système d'action politique, travaillent à élargir l'espace social publicpolitique, à démocratiser, par le biais de conflits sociaux porteurs du devenir d'une collectivité, le fonctionnement de son système d'action politique, de ses institutions politiques.

 

Il sera toujours approprié d'établir alors si les nouveaux mouvements sociaux tendent à nourrir un refus du politique. Dans quelles circonstances ont-ils tendance à induire une infra-politisation d'enjeux conflictuels ne parvenant pas à s'inscrire dans des espaces sociaux publics-politiques de luttes et de débats, n'interpellant pas vraiment les institutions et le fonctionnement du système d'action politique ? Les sociétés contemporaines sont fréquemment confrontées à des pratiques d'infra-politisation (Maier, 1987). Ces dernières éloignent de débats, de conflits et &-projets politiques certains enjeux sociaux qui sont alors tournés vers des acteurs et des institutions, le plus souvent privés et privilégiés, qui échappent aux conflits sociaux, plus ouverts et publics, porteurs de démocratie et de justice. 

Mais il serait aussi des plus appropriés de questionner ces affirmations qui soulignent combien les pratiques politiques directes, non institutionnelles des nouveaux mouvements sociaux s'écartent, se distancent du politique institutionnel. Cette image de la distance doit être revue et critiquée. Elle doit donner lieu à de nouvelles formulations et ne peut être admise tout de go, sans examen. Il s'impose alors de mieux explorer comment et pourquoi des conduites collectives de nouveaux mouvements sociaux arriment l'un à l'autre, de manières différentes, variées, relativement inédites selon les conjonctures politiques concrètes, le politique institutionnel au politique non institutionnel. 

 

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Retour au texte de l'auteur: Gérald Fortin, sociologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le mercredi 6 août 2008 13:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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