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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte Benoît Lévesque et Jean-Guy Lacroix, “Les libéraux et la culture: de l’unité nationale à la marchandisation de la culture (1963-1984)”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction d'Yves Bélanger, Dorval Brunelle et collaborateurs, L'ère des libéraux. Le pouvoir fédéral de 1963 à 1984, pp. 257-293. Montréal: Les Presses de l'Université du Québec, 1988, 442 pp. [Autorisation de M. Lévesque accordée le 19 juillet 2005. Aussi celle de M. Lacroix.]

[405]

Les Libéraux et la culture :
de l’unité nationale
à la marchandisation de la culture
(1963-1984)
.”

par
Jean-Guy LACROIX
Benoît LÉVESQUE


Département de sociologie
Université du Québec à Montréal

Pour l'essentiel, la politique culturelle canadienne est l'œuvre des libéraux. Si le Rapport Massey [1] en constitue la première esquisse, il faut attendre le début des années 60 pour que le gouvernement fédéral adopte une « approche nouvelle » et relativement systématique [2]. Cette politique en fut d'abord une de compromis. Elle répondait à des exigences de régulation aussi bien économique que socio-politique : compromis entre démocratisation (accès) et centralisation, entre canadianisation et continentalisation, entre unité nationale et industries culturelles. Dans une conjoncture politique « passablement instable et volatile [3] », le Parti libéral, qui a été au cours des dernières décennies au centre de l'échiquier politique, a été un « instrument de cohésion sociale » [4]  pour la société canadienne. En ce qui concerne la culture et les communications, l'ère libérale peut être divisée en deux périodes : une première (1963-1975) où les volets socio-politique [406] et économique de la politique culturelle sont en harmonie et une seconde (1976-1984) où ils ne le sont plus.

Le début de l'ère libérale correspond à une période de forte croissance économique [5] où « toutes les conditions sont réunies [...] pour que le développement de la culture de consommation [...] connaisse une accélération sans précédent » [6]. Dans cette conjoncture, l'intervention grandissante de l'État dans la culture s'est faite sans grande résistance et souvent en réponse à des demandes relativement diverses (ces demandes ont généralement été satisfaites dans le cadre de compromis sociaux allant dans le sens du renforcement du pouvoir et d'un élargissement de la marchandisation). Ainsi, la « société de consommation de masse » correspondait à une demande de démocratisation de la culture définie par les consommateurs en terme d'accès à des équipements collectifs et à de nouveaux produits. L'intervention de l'État dans la culture répondait également aux demandes de travailleurs culturels (créateurs, artistes, etc.) qui trouvaient dans les appareils culturels d'État un emploi et parfois un lieu pour s'exprimer. Enfin, le « protectionnisme mou » [7] (les quotas d'émissions canadiennes à la télévision) et les avantages fiscaux (entre autres dans le cinéma), mis de l'avant par le gouvernement fédéral, ont assez bien répondu aux demandes des capitalistes intéressés aux industries culturelles.

Au milieu des années 1960, les programmes fédéraux dans le domaine culturel ont été suffisamment bien reçus pour que le Secrétariat d'État prenne l'initiative de susciter une « opposition loyale » [8]. Les demandes adressées au gouvernement fédéral ont été aussi adressées aux gouvernements provinciaux et aux municipalités. La culture et les communications deviennent alors un enjeu vital à la fois pour la « souveraineté culturelle » du Québec et pour l'unité nationale canadienne. Avant même que les péquistes ne prennent le pouvoir, les interventions du gouvernement fédéral entraient en conflit avec celles des provinces et, plus directement encore, avec celles du Québec [9].

[407]

Dans la deuxième phase (1976-1984), la crise de l'unité nationale atteint son paroxysme avec l'arrivée du Parti québécois au pouvoir alors que la crise économique pousse le gouvernement canadien à renoncer au keynésianisme. Plus largement, les compromis sociopolitiques qui prévalaient jusque-là éclatent. D'une part, le caractère centralisateur et interventionniste de la politique culturelle suscite des résistances aussi bien des « consommateurs avertis » que des travailleurs culturels eux-mêmes.

D'autre part, la politique d'inspiration néo-libérale qui va dans le sens de la privatisation et de la continentalisation des industries culturelles suscite des inquiétudes tant dans le grand public que chez les travailleurs culturels. Ces derniers sont d'ailleurs fortement touchés par les coupures budgétaires alors que le secteur privé ne semble guère en mesure de prendre la relève. Enfin, si le volet économique de cette politique culturelle apparaît aujourd'hui encore problématique, il faut bien voir qu'avec la « sortie » de la crise de l'unité nationale le volet socio-politique demeure encore plutôt problématique et déphasé.

Nous avons divisé cet article en deux grandes parties qui correspondent pour l'une au gouvernement Pearson (1963-1968) et pour l'autre au gouvernement Trudeau (1968-1984). Même si la politique culturelle sous Trudeau change radicalement d'orientation en 1975, il n'en demeure pas moins que l'ère Trudeau forme par ailleurs un ensemble cohérent, celui du « fédéralisme fonctionnel », alors que la période Pearson, avec son « fédéralisme coopératif », apparaît au plan de la culture comme une période de transition.

1. LA PÉRIODE PEARSON
(1963-1968)


La période Pearson constitue un tournant quant à l'intervention de l’État dans la culture surtout à partir de 1964-1965, alors que Maurice Lamontagne succède à J. W. Pickersgill au Secrétariat d'État. La politique culturelle mise de l'avant demeurait cependant hésitante comme le révèle le dossier des communications. Elle répondait davantage aux exigences des événements qu'à une vision bien arrêtée. Au départ, c'est moins la culture que la langue qui constituait l'enjeu le plus significatif, comme en témoigne la mise sur pied de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme [10]. Mais rapidement, la transformation du Conseil des Arts et l'élargissement des juridictions du Secrétariat d'État révélaient une attention nouvelle pour la culture. Les fêtes du Centenaire de la Confédération confirmèrent l'importance des activités culturelles [408] pour le renforcement de l'unité nationale. Le secteur des communications, qui relevait alors du Secrétariat d'État, fut aussi l'objet d'enquêtes et de redéfinitions.

a) La Commission B-B,
du bilinguisme au multiculturalisme


Au début des années 1960, la « culture n'est guère perçue comme un enjeu significatif [11] alors que la langue semble bien l'être comme le révèle l'affaire Gordon en novembre 1962 » [12]. Cette nouvelle sensibilité s'appuie moins sur la situation des minorités de langue française au Canada que sur le constat de la « baisse du français parlé au Québec » [13] et, finalement, sur la place de cette province dans l'ensemble canadien.

L'attention que le Manifeste libéral de 1962 accorde à la culture n'est pas nouvelle. S'il est question de l'égalité des deux cultures, les propositions ne dépassent pas le « bilinguisme de façade ou de traduction » [14] et le symbolisme primaire comme en témoigne l'adoption de l'unifolié en 1965. Le programme de la Fédération libérale fédérale présenté au début de 1963 va beaucoup plus loin en proposant une enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme et, surtout, en affirmant que, pour « sauver la confédération », il faut restaurer l'esprit du pacte confédératif et chercher un « nouvel équilibre entre les deux cultures » [15]. À partir d'une analyse des programmes des partis politiques fédéraux sur le problème des deux cultures, André Laurendeau écrit alors que les libéraux et le NPD « ont infléchi sérieusement » pour proposer de nouvelles pistes [16].

La Commission coprésidée par André Laurendeau et Davidson Dunton est apparue à plusieurs comme une « tentative de la onzième heure pour corriger presque un siècle d'évolution culturelle ». Alors qu'il avait laissé aux provinces la question des minorités canadiennes-françaises, le gouvernement fédéral tentait alors d'intervenir de manière à « recréer l'identité entre les Québécois et les minorités de langue française ». L'initiative de Pearson apparut donc comme « une tentative de composer avec le néo-nationalisme québécois » [17].

Au moment où Ottawa proposa de bilinguiser le Canada, le gouvernement du Québec travaillait depuis quelque temps à franciser le Québec. À l'occasion de la création du ministère des Affaires culturelles en 1961, Jean [409] Lesage déclare que son parti « a voulu donner priorité aux problèmes culturels et aux questions qui touchent l'éducation » [18]. En vertu de la loi le créant, le MAC a sous sa juridiction la Commission des monument des monuments historiques et les trois nouveaux organismes suivants : l'Office de la langue française, le Département du Canada français d'outre-frontière et le Conseil provincial des Arts. Comme le nouveau ministère ne réussissait pas à se libérer de la tutelle du Conseil du trésor, ses interventions furent centrées sur la langue et le patrimoine.

La Commission B-B, comme on l'appelle familièrement, peut être considérée, selon Bernard Ostry, comme « la plus importante enquête fédérale sur la culture depuis la Commission Massey » [19]. Les auditions à travers le pays, le rapport préliminaire, les nombreux volumes du rapport et les recommandations finales ont effectivement mobilisé des ressources du fédéral sur cette question comme jamais auparavant. Nous apprenons ainsi, dès le dépôt du rapport préliminaire, que le « Canada, sans en être pleinement conscient, traverse la plus grave crise de son histoire ». Il faut cependant attendre l'élection du Parti québécois pour que l'ensemble du Canada en soit convaincu. Le multiculturalisme mis en lumière par la Commission fournit aux libéraux fédéraux la voie à adopter pour éviter le problème que posait le nationalisme québécois [20]. Si la culture était d'une importance stratégique pour l'unité canadienne, les solutions proposées se limitèrent à la fonction de la langue et à inviter les « anglais » à apprendre le français.

b) Le Conseil des Arts :
d'une fondation privée à une agence gouvernementale


À sa création en 1957, le Conseil des Arts du Canada constituait une « formule hybride » qui participait à la fois de la fondation américaine et de l'agence publique de type britannique (par exemple le Arts Council of Great Britain[21]. Le [410] don de cent millions de dollars de deux riches industriels des Maritimes amena le premier ministre, Louis Saint-Laurent, à le créer. Selon la loi le constituant, celui-ci est réputé « organisme ou œuvre de charité » de manière à pouvoir « acquérir des sommes d'argent, valeurs ou autres biens par dons, legs ou autrement et les utiliser pour le développement de ses programmes » [22]. De 1957 à 1964, les revenus du Conseil étaient d'environ 3,4 millions de dollars par année [23] et provenaient exclusivement des intérêts de la dotation de départ.

Au sein de la Corporation chargée de l'administration du Conseil des Arts, le milieu des affaires était bien représenté alors que les artistes ne constituaient qu'une faible minorité [24]. Venant du milieu des affaires, on retrouvait entre autres Samuel Bronfman et Brooke Claxton, vice-président et directeur général pour le Canada de la Metropolitan Life Insurance Company, qui assurait la présidence de la Corporation [25]. À sa première réunion, la Corporation a rencontré des représentants des fondations Rockfeller, Carnegie et Ford afin de tirer profit de leur expérience. Il fut retenu que le Conseil devait favoriser l'excellence plutôt que de saupoudrer ses dons. La dotation de départ était administrée par un comité d'investissement dirigé par Graham Towers, premier gouverneur de la Banque du Canada, assisté de James Muir, président de la Banque royale et J. G. Hungeford, président du National Trust Company.

Dès les premières années de son existence, il apparaît que le Conseil des Arts ne pouvait fonctionner comme une fondation américaine. L'objectif d'aider en priorité les artistes professionnels et les organisations relativement permanentes comme les troupes de théâtre ou les compagnies de ballet fut maintenu, mais il se révéla très difficile sinon impossible de favoriser l'excellence sans tenir compte de la dimension régionale et de l'existence de deux cultures. Les occasions pour le pouvoir politique d'intervenir ne manquaient pas. Cependant, ce fut sous le gouvernement Pearson que les rapports entre le Conseil des Arts et le pouvoir politique se transformèrent.

En premier lieu, le Conseil des Arts, qui relevait jusque-là directement du premier ministre, passa en 1963 sous la juridiction du Secrétariat d'État. À partir de 1965, suite à des transformations dans le mode de financement, il dut rendre des comptes à la fois au Conseil du Trésor et au Parlement. Pour répondre à la volonté de rationalisation du Secrétariat, le Conseil mit sur pied deux [411] commissions consultatives, l'une pour les affaires universitaires, l'autre pour les arts. Enfin, en 1966, les orientations du Conseil furent discutées par le Conseil permanent de la Chambre des communes chargé d'étudier la radiodiffusion, le cinéma et les programmes d'assistance aux arts.

En deuxième lieu, la transformation la plus importante concerne le financement. À la différence des fondations américaines, la dotation de départ n'a pas reçu d'injection de nouveaux fonds de la part du secteur privé. Dès le début des années 1960, la demande croissante d'aide à la création et aux études poussa le Conseil des Arts à demander à John Diefenbaker d'ajouter deux millions au fonds. Ce que le premier ministre conservateur refusa de faire. Quelques mois après l'arrivée au pouvoir des libéraux, le Conseil demanda au premier ministre d'ajouter dix millions de dollars à la dotation de départ. Or Pearson se disant heureux de contribuer à « renforcer [ainsi] l'identité et l'unité de notre pays alors que nous approchons de son centenaire » [26], offrit les dix millions demandés pour satisfaire aux dépenses courantes pour les deux prochaines années sans ajouter quoi que ce soit à la dotation de départ. Les revenus pour 1965-1967 passèrent de 3,3 à 6,9 millions de dollars, mais la porte était ouverte pour un financement sur une base annuelle avec tout ce que cela pouvait signifier de dépendance envers l'État.

Ainsi, à partir de 1967, le Conseil fut subventionné sur une base annuelle : cette subvention représentait désormais 80 à 85% de l'ensemble de ses revenus. Le Conseil est ainsi devenu une « agence tampon » entre le gouvernement et les artistes. Mais il y a plus. À partir du moment où le Conseil dépendit exclusivement des « dons » du Parlement, il devint un objet d'attention non seulement du Conseil du trésor mais aussi du Parlement et de ses comités. C'est ainsi, selon George Woodcock, qu'à partir de 1965, le Conseil des Arts participa à une « politisation » des arts, qui furent de plus en plus vus comme serviteurs de l'unité nationale [27]. La croissance du budget du Conseil correspondait cependant à une « extraordinaire explosion dans le domaine des arts », même si l'action de ce dernier allait plutôt dans le sens de l'encouragement que de l'initiative.

c) Le Secrétariat d'État, un ministère
de la Culture et des Communications


« Au début de 1963, écrit Bernard Ostry, le gouvernement nouvellement élu de Pearson décida d'adopter une nouvelle approche du problème de l'assistance aux [412] arts et aux autres activités culturelles » [28]. L'homme derrière ce projet n'était autre que l'architecte de la dernière campagne électorale, Maurice Lamontagne. En l'espace de deux ans, il transforma le Secrétariat en un véritable ministère de la Culture et des Communications.

Depuis la Confédération, le Secrétariat d'État s'occupait surtout des relations fédérales-provinciales. Relevaient également de ce ministère, le Registraire général du Canada, le bureau de la traduction et une section chargée de l'Office des brevets et des compagnies. À partir de 1963, les diverses agences culturelles y furent transférées et, notamment :

  • le Conseil des Arts ;
  • les musées nationaux ;
  • la Bibliothèque nationale ;
  • les Archives publiques ;
  • le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion ;
  • la Société Radio-Canada ;
  • l'Office national du film ;
  • l'Imprimeur du roi (ou de la reine) ;
  • la Commission du Centenaire (en 1965) ;
  • le Secrétariat de la citoyenneté (en 1966).

Le Secrétariat connut alors une croissance importante de son budget et de son influence.

S'il faut attendre l'ère Trudeau et l'arrivée de Gérard Pelletier à la tête de ce ministère pour qu'émerge une vue relativement claire et cohérente de la culture, il n'en demeure pas moins que plusieurs des initiatives de cette époque avaient été préparées sous Lester Pearson, comme ce fut le cas pour la Loi de l'Office national du film (ONF) et la Loi des musées nationaux votées en 1968. C'est cependant sous Pearson que le Conseil des Arts effectue un tournant, comme nous l'avons vu, et qu'est mis sur pied un comité permanent « ayant pour mandat d'étudier la situation de la radiodiffusion, du cinéma et des programmes d'assistance aux arts » [29]. Il s'agissait d'une des premières tentatives pour opérer une jonction entre l'aide aux arts professionnels et les industries culturelles.

Dans la foulée de la Commission B-B, la nouvelle orientation du Secrétariat ne rencontra aucune résistance au point où celui-ci suscita une « opposition loyale » :

[413]

Another new policy development of the early 1960's was based on the notion that it would be helpful to have some sort of organized « loyal opposition » to act as sounding-bord for new programs and policies, and to provide the minister with points of contacts in bodies representing all or some of the arts [30].

Dans la perspective d'une « participation dépendante », un certain nombre d'associations et de regroupements ont été soutenus et écoutés par le Secrétariat d'État. Ce fut le cas entre autres de la Ligue canadienne de la radiodiffusion, de l'Association canadienne des musées et de la Conférence canadienne des arts.

La visibilité des interventions du Secrétariat d'État dans le domaine de la culture soulevait cependant beaucoup d'inquiétude du côté du gouvernement du Québec et particulièrement du ministère des Affaires culturelles. Après un démarrage passablement rapide, le MAC se voyait doublé par Ottawa dans le contexte de la crise de l'unité canadienne. Ainsi, les revenus du seul Conseil des Arts du Canada atteignaient 21,1 millions de dollars en 1967-1968, alors que le budget du MAC se limitait alors à 12,2 millions [31]. Devant ces faits, Guy Frégault, qui fut longtemps sous-ministre au MAC, concluait avec une sorte de désespoir qu'« à la fin de la décade, l'humble compétiteur fédéral du milieu des années 1960 était devenu roi d'un château » [32]. Il faudra cependant attendre le début des années 1970 pour que le Secrétariat atteigne son âge d'or sous la direction de Gérard Pelletier.

d) Le Centenaire de la Confédération :
spectacles et monuments


L'idée de faire une place importante aux activités culturelles pour fêter le Centenaire de la Confédération remonte à la fin des années 1950. En effet, dès le 2 décembre 1958, le président du Conseil des Arts écrivait au premier ministre John Diefenbaker « pour offrir ses services » à cette fin [33]. Au début de 1960, un « important groupe de citoyens imbus de civisme » [34] fondait le Conseil du Centenaire en vue de promouvoir l'idée de célébrer convenablement l'Année du Centenaire. En 1961, le gouvernement conservateur fait voter « une loi concernant la célébration du Centenaire du Canada ». Au début de 1963, il créait [414] la Commission du Centenaire pour « stimuler l'intérêt et préparer des programmes ». Les provinces étaient invitées à participer par le biais du Comité national et de la Conférence nationale pour le Centenaire, qui réunissaient des citoyens venant des diverses régions du pays. Enfin, en 1965, la Commission passait sous la juridiction du Secrétariat d'État pour permettre une meilleure intégration des activités culturelles et artistiques dans la perspective de l'unité nationale.

Le gouvernement canadien principalement par l'entremise de la Commission du Centenaire, a orienté ses fonds dans trois directions. En premier lieu, il a apporté son soutien à la construction de nombreux bâtiments destinés à des activités culturelles : le Centre national des Arts, construit au coût de 43 millions de dollars, constitue sans doute l'un des exemples les plus connus. Pour chaque province, le gouvernement canadien avait prévu des ententes de partage des frais permettant d'édifier, au coût d'au moins cinq millions, une « œuvre destinée à la culture qui commémorera le Centenaire de façon permanente et utile ». De plus, « en vertu d'un autre programme à frais partagé, environ 2 000 mises en chantier, comportant la construction de bâtiments d'intérêts culturels et récréatifs » ont été construits [35]. Il s'agissait le plus souvent de bibliothèques, de centres culturels, de pavillons universitaires, mais aussi de centres récréatifs, de piscines et de gymnases.

En deuxième lieu, la Commission du Centenaire a apporté son appui aux organismes culturels relevant de la « culture d'élite ». Les Jeunesses musicales, le Centre musical canadien, le Centre du théâtre canadien, les organismes culturels de toutes les universités, etc., ont été ainsi subventionnés. La préoccupation de couvrir l'ensemble du territoire canadien a permis aussi la subvention de troupes folkloriques comme les Feux Follets, des troupes de théâtre comme le Neptune Théâtre et la Comédie Canadienne, d'orchestres symphoniques comme ceux de Vancouver et d'Halifax, de compagnies d'opéra comme le Vancouver Opera Company et le Canadian Opera Company, de ballets comme les Grands Ballets Canadiens de Montréal, de galeries d'art pour des expositions spéciales, etc. Enfin, les plus renommées de ces institutions se sont produites dans les principales villes du pays, le Théâtre du Nouveau Monde s'est rendu dans l'Ouest canadien pendant que le Manitoba Théâtre Centre faisait connaître son répertoire dans l'Est, l'Orchestre symphonique de Montréal a donné des concerts de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique alors que le Stratford Festival visitait les principales villes canadiennes, etc.

En troisième lieu, la Commission avait prévu des spectacles à grand déploiement et diverses expositions destinés soi-disant à mieux « faire connaître le Canada d'hier et d'aujourd'hui ». L'élément le plus important de cet ensemble fut le train de la Confédération, « train spécial de quinze wagons, dont huit [415] d'exposition, qui circulent » à travers le Canada en effectuant des arrêts dans 83 villes. Huit caravanes motorisées parcoururent le pays en suivant des objectifs à peu près identiques. Enfin, de nombreux spectacles à grand déploiement visaient à développer la fierté d'être canadien. Sur ce point, la Commission du Centenaire avait reçu l'aide de plusieurs ministères, dont celui de la Défense, avec, entre autres, son « célèbre carrousel militaire ». Enfin, certains investissements du fédéral dans Expo 67 ont également contribué à « développer la fierté d'être canadien » (même si le Comité Expo 67 était tout à fait indépendant de la Commission du Centenaire).

En somme, les fêtes du Centenaire de la Confédération ont constitué la plus importante injection de capitaux et la plus importante mobilisation de ressources humaines que le Canada ait connu dans le domaine de la culture et des arts. Il y eut, de l'avis du gouvernement, une « variété illimitée de fêtes et de manifestations » [36]. À propos de « Festival Canada », qui était en charge des activités culturelles, le Times de Londres (Angleterre) écrivait en éditorial dès le mois d'août 1966 : « Festival Canada [...] sera probablement, en termes d'étendue géographique, de nombre de personnes engagées et de l'argent qui lui est affecté, le plus grand de tous les festivals » [37]. Avec un peu plus d'humour et de sens critique, L. Mailhot et B. Mélançon ont écrit :

[...] c'est le Centenaire, il faut fêter. Chaque poteau, chaque piquet, chaque borne-fontaine a eu son projet de décoration. Unité, unité, chantent les petits oiseaux et quelques gros rapaces gavés de graines rouges [38].

C'est apparemment sans grande exagération que George Woodcock emploi le terme de national euphoria pour caractériser ces fêtes [39].

Selon Bernard Ostry, on ne saurait surestimer l'efficacité de ces célébrations qui confirmaient les premières analyses de la Commission B-B concernant l'importance de la culture pour l'unité nationale :

Not since victory in the Second World War had Canadians held their heads so high, or looked at each other with so much respect and sensé of nationality. [...] The whole of the Centennial project, and especially Expo 67, had proved that investment in culture could be more than justified by the national awamess and self-confidence it generated [40].

[416]

S'il est difficile d'évaluer avec précision l'effet idéologique des fêtes du Centenaire et d'Expo 67, une conclusion au moins s'imposait avec certitude aux yeux des hommes politiques : c'était celle de la rentabilité politique de tels investissements.

e) Les communications :
unité nationale et canadianisation


Dans le domaine des communications et plus spécifiquement de la radiodiffusion, la période Pearson en fut une de recherche laborieuse de compromis qui se matérialisa à la fin de son règne par l'adoption d'une nouvelle loi sur la radiodiffusion et la création d'un Conseil de la radio télévision canadienne (CRTC) en février 1968. Lorsqu'il était dans l'opposition, le Parti libéral s'était fait le défenseur d'un « système unique » de radiodiffusion dans lequel le secteur public serait dominant. Il avait formulé assez régulièrement des critiques à l'égard de l'instance de réglementation, le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion (BGR), qui affichait manifestement un préjugé favorable au secteur privé comme le souhaitaient les conservateurs. Lester B. Pearson avait lui-même appuyé ouvertement la société Radio-Canada à la Chambre des communes lorsque celle-ci avait été attaquée par les conservateurs ou les créditistes. Son intérêt pour la radiodiffusion et son préjugé favorable pour le secteur public ne dataient pas d'hier, comme le révèle sa longue amitié avec Graham Spry, fondateur de la Canadian Radio League en 1931. Avec l'arrivée des libéraux au pouvoir, on pouvait donc s'attendre à des changements importants, comme l'écrit Frank W. Peers :

The identification of BBG with private broadeasting interests in the minds of some critical bystanders, and the suspicion that some of its members were sensitive to political pressures, guaranted that when Liberals corne to power, some changes would be made  [41].

Pourquoi les changements annoncés dans les campagnes électorales de 1962 et 1963 se sont-ils faits tellement attendre et n'ont-ils pas été aussi importants qu'on aurait pu l'imaginer ? C'est ce à quoi nous tenterons maintenant de répondre.

[417]

f) Consultations et hésitations

Étant donné que le Parti libéral était minoritaire à la Chambre des communes et que Pearson préconisait un style de « direction par consensus », cela peut expliquer pourquoi le gouvernement multiplia les consultations, les enquêtes et les comités avant de suggérer des modifications à la loi sur la radiodiffusion de 1958. Mais il y a plus. D'une part, la position soutenue jusque-là par le Parti libéral, celle de la Commission FOWLER [42] qui proposait un « système unique » avec prédominance du secteur public, ne correspondait plus à la réalité : sous le gouvernement Diefenbaker, le secteur privé était devenu plus important que le secteur public, au moins en ce qui concerne le nombre de stations. D'autre part, la complexité du problème de la radiodiffusion dans la conjoncture de crise de l'unité canadienne, combinée à la diversité des intérêts, ne permettaient pas de dégager facilement un compromis susceptible de satisfaire les principaux groupes impliqués, y compris au sein même du Parti libéral.

En effet, le secteur privé de la radiodiffusion ne comptait plus exclusivement sur le Parti conservateur pour défendre ses intérêts. Il avait réussi à se faire des alliés parmi les libéraux. Ainsi, le Conseil de la Fédération libérale nationale, qui étudiait au début de 1962 une section du programme concernant les « industries culturelles nationales », adopta une résolution sur la radiodiffusion où le terme « système unique » fut remplacé par celui de secteurs parallèles (privé et public) évoluant sous une instance de réglementation unique [43]. De plus, avant même de devenir ministre responsable de Radio-Canada et du BGR en 1963, Jack Pickersgill s'était montré sympathique aux intérêts des stations privées en affirmant que le gouvernement avait été sage de ne pas accorder à Radio-Canada des permis d'exploitation dans des villes où l'on retrouvait déjà une station privée comme c'était le cas à St-John (Terre-Neuve). St-John était un bon exemple puisque la station privée appartenait à Don Jamieson qui était aussi président de la Canadian Association of Braodcasters (CAB), « the lobbying arm of private broadeasting » [44]. Après avoir été fréquemment consulté comme président de la CAB, Jamieson se fait élire comme débuté libéral en septembre 1966. Enfin, Judy Lamarsh, qui prend la direction du Secrétariat d'État après l'élection de 1965, est entrée assez rapidement en conflit avec le président de Radio-Canada, Alphonse Ouimet. Elle accusait la haute direction de « gestion pourrie » et affirmait publiquement que le réseau de langue française était un repaire de [418] séparatistes (elle ne fut évidemment pas la seule à porter de telles accusations). Enfin, le ministre responsable de la société Radio-Canada alla jusqu'à dire que celle-ci serait obsolète dans vingt ans en raison du développement des communications par satellite. Ces quelques indications laissent bien voir que c'est l'absence d'unité au sein du Parti libéral qui a empêché le gouvernement de procéder plus rapidement dans le dossier des communications et qui l'a obligé à multiplier les consultations.

À leur arrivée au pouvoir en avril 1963, les libéraux se sont penchés sur les conclusions du rapport de la Commission sur l'organisation du gouvernement (Commission Glassco), qui avait été déposé quelques semaines auparavant. La Commission proposait une réorganisation de la société Radio-Canada et lui demandait d'adopter une « politique commerciale plus hardie » [45]. Pour y donner suite, Jack Pickersgill constitua un Comité consultatif spécial, surnommé « Troïka », qui était formé du président du BGR, Andrew Stewart, du président de Radio-Canada, Alphonse Ouimet, et du président de la CAB, Don Jamieson. Le rapport que le Comité remis en mai 1964 au ministre Maurice Lamontagne, qui venait de remplacer Pickersgill, révélait un consensus sur « la nécessité pour le gouvernement de définir législativement le rôle de chacun des acteurs de la radiodiffusion et de détailler la structure du système de radiodiffusion ainsi que ses orientations dans un livre blanc » [46]. Sur le reste, les membres de la « Troïka » proposaient trois rapports indépendants où les points de désaccord étaient plus nombreux que ceux sur lesquels il y avait consensus. Alphonse Ouimet proposait deux systèmes de radiodiffusion séparés : l'un formé de stations appartenant à la société d'État, l'autre de stations privées qui seraient sous la juridiction du BGR ou de son équivalent. Pour Don Jamieson, cela signifiait que le BGR n'exerçait sa juridiction que sur les stations privées. Il revendiquait donc que les stations privées aient un traitement égal à celui que recevaient les stations de la société d'État.

Avant même que la « Troïka » ait remis son rapport, Maurice Lamontagne annonçait une autre enquête sur la radiodiffusion pour définir les orientations de base du livre blanc. Le Comité consultatif formé à cet effet était présidé par Robert Fowler, qui avait déjà présidé la Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision et dont le rapport avait été remis en 1957. Sur ce Comité, on retrouvait Marc Lalonde, qui s'était déjà fait connaître pour son opposition au nationalisme québécois et Emest Steele, sous-secrétaire d'État. Tous deux étaient connus comme des amis du ministre. Quant à Robert Fowler, tous ceux qui s'intéressaient aux communications savaient ce qu'il pensait. Le Comité déposa [419] son rapport en décembre 1965, celui-ci est connu sous le nom de Rapport Fowler II [47].

La câblodistribution était exclue du mandat du Comité puisque le ministère du Transport et le BGR avaient déjà fait connaître leur recommandation sur le sujet. De même, le Comité n'étudia pas la concentration croissante de la propriété des stations privées. Dans son rapport, il suggérait que le plus important était le contenu de la programmation : « [...] the only thing that really matters in broadeasting is program content : all the rest is housekeeping » [48]. Le secteur privé devait partager les objectifs du système canadien même si le secteur public avait pour mandat d'assurer un service distinctif faisant une large place aux créations canadiennes. Sur ce point, la performance de la société d'État était jugée supérieure à celle des stations privées. Par ailleurs, Radio-Canada n'avait pas réussi à rapprocher les deux groupes culturels comme son mandat le supposait. Après avoir demandé au gouvernement d'exposer plus clairement les buts et objectifs du système de radiodiffusion, les commissaires recommandaient la création d'un nouvel organisme, une régie canadienne des ondes, qui réglementerait les secteurs privés et public et qui administrerait la société d'État en prenant la place de l'actuel conseil d'administration (les commissaires supposaient qu'on éviterait ainsi les conflits entre la société Radio-Canada et le BGR, deux bureaux qui avaient des comptes à rendre au Parlement dans des domaines connexes.) Il était aussi suggéré que la société Radio-Canada soit redéfinie et que le siège social de la section française soit transférée d'Ottawa à Montréal.

Après les élections de novembre 1965, Judy Lamarsh succéda à Maurice Lamontagne à la tête du Secrétariat d'État. Elle trouva alors devant elle une opposition unanime au Rapport Fowler II, si l'on excepte la Canadian Broadeasting League qui considérait que les recommandations devaient être suivies puisqu'elles correspondaient en gros à celle du Rapport Fowler I (1957). Les radiodiffuseurs privés affirmèrent qu'une régie canadienne des ondes répugnait à leur « sens de la liberté démocratique » : la proposition d'une instance unique de réglementation et d'administration de la société d'État laissait craindre que le secteur privé soit subordonné aux intérêts de la société d'État. La haute direction de Radio-Canada refusait également cette régie unique : elle ne croyait pas qu'une instance unique puisse réglementer l'ensemble du système de radiodiffusion et en même temps administrer efficacement une société comme Radio-Canada, qui était devenue immense et complexe. Enfin, il semblait que le BGR, la CAB et la société Radio-Canada s'entendaient pour demander que la nouvelle législation [420] précise le rôle de chacun. Pour le reste, on semblait s'en remettre à la situation prévalant depuis 1958, celle du two-boards System.

En décembre 1965, le premier ministre Pearson forma un comité de sept membres du Cabinet pour étudier le Rapport Fowler II et pour préparer le Livre blanc sur la radiodiffusion. Fait inhabituel, le premier ministre décida de présider lui-même ce comité. Judy Lamarsh, ministre responsable de ce dossier, ressentit d'autant plus fortement cette absence de confiance que le premier ministre rencontra secrètement certains des conseillers de son ministère en leur disant de ne pas en informer la ministre Lamarsh [49]. De plus, il décida que le comité devait entendre à nouveau les représentants du BGR, de la CAB et de Radio-Canada dont les positions respectives étaient pourtant bien connues. Enfin, le 18 janvier 1966, le gouvernement libéral forma un comité permanent de vingt-cinq personnes pour revoir la radiodiffusion, le cinéma et les programmes d'assistance aux arts. Gérard Pelletier [50] présida ce comité et Pierre Trudeau en fit partie. Ce comité fut appelé à se pencher sur le contenu du livre blanc qui avait été déposé en juillet 1966.

g) Le livre blanc et la nouvelle loi

Ne contenant que dix-neuf pages, le livre blanc était relativement modeste, au moins dans sa facture. Dès les premières lignes, il était affirmé que « la détermination d'établir et de maintenir un système de radiodiffusion sonore et visuelle au Canada s'inscrivait essentiellement dans la poursuite de l'identité et de l'unité canadienne » (p. 5). Les dernières lignes de la conclusion reprenaient le même refrain selon lequel le système canadien devait contribuer « puissamment à la réalisation de l'objectif essentiel qu'est l'unité canadienne » (p. 19). Comme l'écrit Jacques Frémont, le « livre blanc de 1966 propose explicitement pour la première fois que la poursuite de l'identité et de l'unité canadienne constitue un objectif du système de radiodiffusion canadienne » [51].

Pour atteindre cet objectif, il fut proposé que les installations de radiodiffusion appartiendraient à des Canadiens et que le Parlement serait « invité » à autoriser le gouvernement à donner des directives destinées à empêcher le contrôle étranger des installations de radiodiffusion, la domination d'une situation locale par la possession multiple ou l'extension géographique de la possession [421] des installations d'une manière qui ne cadrerait pas avec l'intérêt public [52]. Tous les Canadiens, affirmait le livre blanc, « sauf considérations d'ordre pratique relatives à la dépense des fonds publics », ont droit « d'être servis dans la langue officielle qu'ils parlent habituellement ». Enfin, les radiodiffuseurs publics et privés avaient la responsabilité de fournir une programmation de qualité qui contienne « un fort élément canadien » de sorte que, dans la nouvelle loi, l'instance de réglementation pouvait fixer « des normes minimums de programmation de service public et de teneur en élément canadien. »

Sur l'organisme de réglementation et sur la place des secteurs privés et publics dans le système de radiodiffusion, le livre blanc rejetait la recommandation centrale du Rapport Fowler II (1965) de créer un seul organisme responsable à la fois de la réglementation et de l'administration de Radio-Canada. Il n'acceptait pas non plus la suggestion de la haute direction de Radio-Canada et du BGR de créer un système dualiste où chaque secteur serait sous l'autorité d'un conseil devant rendre des comptes au gouvernement. Ce que retenait le livre blanc, c'était la position de Don Jamieson et de la CAB, position qui s'apparentait au système inauguré par la loi de 1958. Il fut cependant proposé de renforcer l'autorité de l'organisme de réglementation sur Radio-Canada et de lui donner les moyens d'exercer un contrôle sur la teneur canadienne de la programmation. Cet organisme pouvait imposer des amendes et même refuser le renouvellement d'un permis si les conditions formulées lors de l'octroi n'avaient pas été respectées. À l'avenir, un permis ne sera octroyé qu'après audience publique.

Le champ de la juridiction du gouvernement fédéral fut par ailleurs élargi au moins dans deux directions : celles de la radiodiffusion éducative et de la câblo-diffusion. Dans le premier cas, il était affirmé que la « radiodiffusion éducative comporte des responsabilités fédérales et provinciales », mais que « la ligne de conduite des vingt dernières années consiste à ne pas accorder des permis de radiodiffusion à d'autres gouvernements ». Dans le second cas, le livre blanc affirmait sans réserve que « les systèmes de télévision à antenne collective seront traités comme des éléments de la radiodiffusion nationale », en ne faisant aucune allusion aux prétentions des provinces dans ce domaine.

Enfin, on peut supposer que les artistes étaient relativement satisfaits de ce livre blanc puisque certaines demandes de l’Association of Canadian Radio and Television Artist (ACTRA) étaient prises en considération. Les radiodiffuseurs privés et publics étaient invités à se préoccuper de « l'emploi d'exécutants canadiens de toutes catégories ». De plus, on demandait à la société Radio-Canada de « chercher à employer et développer les ressources et les éléments d'ordre artistique et culturel au Canada ». La Canadian Broadcasting League et la [422] Canadian Association for Adult Education, qui représentaient différentes catégories d'usagers favorables à l'élargissement du caractère public de la radiodiffusion, ne furent pas complètement satisfaites dans la mesure où leurs positions (du moins celle de la League) s'apparentaient à celle de la Commission Fowler [53]. Cependant, le livre blanc affirmait que les ondes étaient « des biens publics sur lesquels le public a le droit d'exercer un contrôle approprié » (d'où d'ailleurs des audiences publiques avant l'octroi de permis). Au niveau des principes généraux, il était aussi écrit qu'au Canada, le système de radiodiffusion était composé d'un élément public et d'un élément privé et que « l'élément public doit prédominer dans les domaines d'action où il y a à choisir entre les deux éléments » [54]. La recommandation de financer la société Radio-Canada statutairement pour une période de cinq ans et celle de limiter la croissance de la publicité étaient susceptibles de plaire aux défenseurs du secteur public. Enfin, des mesures étaient prévues pour éviter que les stations privées ne tombent sous le contrôle d'un monopole et d'un propriétaire de médias de différente nature. Sur les plaintes ou les représentations du public, le Bureau devait faire enquête sur des cas de cette espèce.

À l'automne 1966, le livre blanc fut étudié par le Comité permanent de la Chambre des Communes (Don Jamieson, qui avait été élu en septembre de la même année, en faisait partie.) Selon Paul Thomas, qui a étudié le fonctionnement de ce comité, celui-ci n'a pas fait preuve de partisanerie : « The oppositions within the Committee eut across party lines, and were based upon opposing views about the purposes of broadeasting » [55]. Ce sont apparemment les représentants du secteur privé de la radiodiffusion qui étaient les plus satisfaits. Les autres faisaient valoir des positions que nous avons déjà identifiées.

Entre le 14 février 1967 et le 7 février 1968, il y eut pas moins de cinq versions préliminaires du projet de loi sur la radiodiffusion. Celle-ci fut adoptée le 7 mars 1968. Même s'il y eut de nombreuses représentations entre ces deux dates, la loi adoptée reprend les principaux points énoncés dans le livre blanc au moins en ce qui concerne la politique canadienne de la radiodiffusion (l'article 3). Il était précisé que Radio-Canada devait contribuer, en raison de son mandat, au développement et à la préservation du sens de l'unité canadienne (précision qui répondait sans doute à la critique maintes fois formulée concernant les tendances séparatistes du réseau de langue française.) Les paragraphes concernant un financement statutaire de Radio-Canada pour une période de cinq ans furent enlevés : la société continuait donc d'être subventionnée sur une base annuelle. Le montant des amendes que l'instance de réglementation pouvait imposer fut réduit de 100 000 $ à 25 000 $ pour la première offense et à 50 000 $ pour les [423] autres. Enfin, l'instance de réglementation qui remplaçait le BGR s'appelait désormais le Conseil de la radio télévision canadienne (CRTC). Selon la loi de 1958, la société d'État avait un certain pouvoir sur la programmation des stations privées qui lui étaient affiliées. Avec la loi de 1968, les conditions d'opération d'un réseau relevaient désormais du CRTC.

À court terme, il était peu probable que le climat trouble, qui avait été celui de la radiodiffusion au cours des dix dernières années, s'assainisse rapidement. Soumise entièrement au CRTC, la société Radio-Canada voyait ses pouvoirs réduits d'autant plus qu'elle n'avait pas réussi à obtenir ce qui lui semblait important pour son autonomie, à savoir un financement statutaire sur une base de cinq ans. La précision de son mandat dans le sens du développement de l'unité canadienne constituait un lourd défi pour le réseau de langue française à un moment où le mouvement nationaliste québécois était sur sa lancée. Le secteur privé sortait gagnant : « the best piece of broadeasting legislation we have had » clamait hautement Don Jamieson [56]. Restait évidemment à voir si le CRTC pouvait assurer le respect de la teneur canadienne de la programmation aussi bien par les stations privées que par celle de Radio-Canada. La canadianisation du système reposait donc sur l'efficacité du CRTC. Enfin, les dossiers de la câblodistribution et de la radiodiffusion éducative laissaient entrevoir des conflits de juridiction avec les provinces et, particulièrement, avec le Québec.

II. L'ÈRE TRUDEAU :
DE 1968 À 1984


La politique culturelle pratiquée par le Parti libéral du Canada sous la gouverne de Pierre Elliott Trudeau fut caractérisée par un idéalisme certain en ce qui concerne la vision du Canada et par un pragmatisme utilitaire en matière de culture.

Dans le domaine de la culture, les dix-sept années du régime Trudeau furent marquées : par l'accent mis sur la culture comme moyen d'identité et d'unité nationale canadienne et comme instrument de spécification du capital canadien et levier nécessaire au développement économique du Canada. L'ère Trudeau fut également caractérisée par le développement d'une politique culturelle nationale dont le contrôle fut de plus en plus centralisé et par de nombreuses interventions autant législatives et réglementaires qu'économiques afin d'assurer la canadianisation de la propriété des entreprises œuvrant  dans le marché culturel domestique. Enfin, la politique culturelle des libéraux fut, de 1968 à 1984, structurée par la privatisation et de plus en plus déterminée par les impératifs des industries culturelles.

[424]

Ce passage entre le développement d'un ensemble d'appareils et d'institutions étatiques pour assurer la présence et le contrôle canadien dans le champ culturel et la privatisation de celui-ci se fit en trois étapes. Dans la première, de 1968 à 1975, furent mis en place des appareils et institutions venant compléter ceux et celles déjà créés durant l'ère Pearson, tandis que se poursuivait et s'accrut la centralisation des organismes culturels également commencée sous Pearson. Cette première période s'acheva en 1975 avec l'entrée en crise et le gel des prix et salaires imposé par le gouvernement. La deuxième période, de 1975-1976 à 1980-1981, est marquée par la très grave crise d'unité nationale causée par l'arrivée du PQ au pouvoir, par la politique linguistique de ce dernier (la loi 101) et par les restrictions budgétaires imposées aux organismes culturels ayant gardé une certaine autonomie, tel le Conseil des Arts du Canada, et les protestations des artistes et administrateurs dans le domaine des arts devant ces restrictions. Parallèlement, durant cette seconde période de l'ère Trudeau, le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère des Communications, investit massivement dans le développement et l'introduction des nouvelles technologies d'information et de communication. Finalement, la troisième période est totalement dominée par la privatisation et l'internationalisation, alors que politique culturelle et développement des industries culturelles devinrent synonymes.

a) Quand la culture rime avec unité nationale
et canadianisation et qu'on en accentue
et centralise le contrôle : de 1968 à 1975


Dès l'arrivée au pouvoir de Pierre Trudeau et jusqu'en 1975, les libéraux consacrèrent beaucoup d'énergie et d'argent au développement culturel.

Cet intérêt pour la culture n'était pas récent chez le nouveau premier ministre. En effet, dans un essai de théorisation du développement de la communauté canadienne intitulé Fédéralisme et société canadienne-française [57], celui-ci soutenait que la culture est un levier de développement aussi important que le social et l'économique. Cet intérêt pour la culture fut d'ailleurs confirmé en 1969 lorsqu'il créa un comité du Cabinet sur la culture et l'information.

Cette perspective politique liant l'économie et la culture caractérisa dès le début l'action politique des libéraux de Pierre Trudeau. Elle fut précisée par le Rapport Gray en ces termes : « [...] la force économique et politique d'un pays dépend énormément de la création d'un milieu culturel, social et politique qui encourage l'esprit d'initiative et l'innovation » [58]. Le rapport soulignait également [425] l'importance pour le Canada de préserver l'intégrité culturelle de son réseau de radiodiffusion, d'assurer le développement d'un théâtre, d'une industrie du livre, des journaux et des revues qui lui soient propres.

L'action politique dans le champ de la culture des libéraux fédéraux durant cette première période fut donc marquée d'un profond nationalisme. L'objectif de cette politique fut d'assurer au capital canadien une place et une rentabilité dans le marché domestique en espérant que l'appropriation canadienne favoriserait l'expression des talents canadiens [59]. Cette politique nécessitait toutefois que beaucoup plus d'argent soit investi dans la culture. Ainsi, de 1967-1968 à 1977-1978, les dépenses du fédéral pour la culture et les loisirs augmentèrent de 243,9 à 894,8 millions de dollars, soit une croissance de 266,9% [60]. Mais pendant la même période, les dépenses des provinces pour la culture augmentèrent de 81,4 à 625,9 millions [61].

Durant cette première période, furent également mis en place des appareils et institutions qui devinrent les acteurs principaux du développement culturel canadien. On doit à ce titre mentionner la création du ministère des Communications (MCC) et du Conseil de la radio télévision canadienne (CRTC) en 1968. Furent également créés durant cette période d'autres ministères et organismes qui, selon les cas, intervinrent plus ou moins directement dans ce développement, tels le ministère de l'Expansion économique régionale (MEER) en 1969, le ministère de la Science et de la Technologie en 1971 et l'Agence d'examen de l'investissement étranger en 1973. À ces organismes de gestion et de contrôle s'ajoutèrent, grâce au Conseil des Arts du Canada et à l'instigation du Secrétariat d'État, des programmes dont le but était de favoriser la connaissance du Canada et de la société canadienne de même que la participation populaire, tels les programmes d'initiatives locales (PIL) et Connaissance Canada en 1971 (Horizon qui deviendra Exploration en 1973).

Les années 1968-1975 furent également fécondes en lois et règlements dont les objectifs étaient de favoriser l'accroissement de la propriété et du contrôle par les Canadiens, l'élargissement de la place des productions et des contenus canadiens dans le marché domestique et le développement de la cohérence et de la centralisation de l'offre dans certains secteurs. Sont à signaler comme particulièrement importants, les lois des musées nationaux (1968) et sur les langues officielles (1969), l'amendement à la loi d'impôt afin d'établir des déductions fiscales pour l'investissement dans des productions [426] cinématographiques canadiennes (1974) et l'adoption, en 1970, d'un règlement forçant les radio-télédiffuseurs à inclure dans leur programmation un pourcentage important de contenu canadien (plus de 50% en période de forte écoute).

Cette première période de l'ère Trudeau fut aussi extrêmement productive en études, commissions d'enquête et publications qui balisèrent le travail des législateurs et administrateurs fédéraux autant qu'elles permirent l'expression et favorisèrent la cristallisation du point de vue nationaliste canadien sur les problèmes abordés. Ces enquêtes et rapports touchèrent tout particulièrement les domaines de l'éducation supérieure et de la recherche scientifique et technologique, les mass média et les nouvelles technologies d'information et de communication. Parmi ces études et enquêtes mentionnons la Commission Macdonald sur l'aide fédérale à la recherche dans les universités qui publia son rapport en 1969, la Commission Symons sur les études canadiennes, dont le rapport parut en 1975, l'enquête Lamontagne sur la politique scientifique en 1970, l'étude du Comité du Sénat dirigée par Keith Davey sur les mass média publiée en 1970, l'enquête d'un comité du Secrétariat d'État sur l'industrie de l'édition au Canada en 1975, celle de la Télé commission en 1969, les travaux du groupe d'étude sur la téléinformatique au Canada en 1970 dont les résultats furent publiés en 1971 et 1972 sous les titres Univers sans distance et L'Arbre de vie et qui furent suivis d'un ensemble de travaux commandés et publiés par le ministère des Communications : Choix politiques en matière de télécommunication (1972), Vers une politique nationale de la télécommunication et Principes directeurs d'une politique de téléinformatique (1973), Télécommunication : quelques propositions fédérales (1975). À ces enquêtes et rapports, il faut ajouter la pièce centrale que fut le Rapport Gray sur les investissements étrangers au Canada (1972).

b) Le Secrétariat d'État,
cheville ouvrière de la politique culturelle


L'action politique du gouvernement Trudeau dans le domaine de la culture durant les années 1968-1975 toucha donc un ensemble de secteurs et revêtit une telle envergure qu'elle apparut aux adversaires de ce nationalisme canadien, surtout aux nationalistes et autonomistes québécois, comme très cohérente [62] alors qu'elle déplaisait aux nationalistes canadiens à cause de son manque de cohérence et de systématisation [63]. Quoi qu'il en soit, il demeure que cette action fut suffisamment étendue et incisive pour avoir l'allure d'une politique globale.

[427]

La cheville ouvrière de cette politique fut le Secrétariat d'État, dans lequel les libéraux de Pearson avaient déjà commencé à regrouper les organismes culturels relevant du fédéral. À partir de 1968, avec l'arrivée de Gérard Pelletier à sa direction, le Secrétariat d'État va étendre et systématiser son action tout en faisant faire un bond qualitatif important au contrôle politique exercé sur les organismes culturels subventionnés par le fédéral et à la centralisation des décisions dans le secteur.

Bernard Ostry, dans son livre The Cultural Connection, souligne que nul autre que Gérard Pelletier n'était mieux préparé par sa formation, son expérience de travail et sa connaissance de plusieurs cultures et styles de gouvernement pour réaliser cet important travail [64]. De plus, il avait l'assentiment et le support du leader, Pierre Trudeau, et des officiers du parti [65].

Aussitôt en poste, Pelletier entreprend une série de consultations auprès des différents groupes culturels à travers le pays et il présente sa politique comme une tentative d'appliquer à la culture les idéaux de démocratie et de décentralisation. L'activité de consultation et d'enquête du Secrétariat d'État fut telle qu'Ostry affirme : « No subject matter escaped their attention, from crafts and museums to film and theatre, from cultural centres to publishing » [66].

Le Secrétariat d'État durant ces années apparut ainsi d'autant plus comme un véritable ministère de la culture qu'il poursuivit la centralisation des organismes culturels et accrut son contrôle politique.

c) Un contrôle politique de plus en plus centralisé

Cette accroissement de la centralisation et du contrôle se manifesta particulièrement par une restructuration administrative, la transformation de la structure de financement du Conseil des Arts du Canada et des ingérences politiques dans le travail des organismes.

Dès son arrivée au pouvoir, Trudeau modifie la structure de fonctionnement du Cabinet. Il forme un Comité du Cabinet sur la culture et l'information (1969) dirigé par le secrétaire d'État. L'assistant de ce dernier devait seconder le travail des ministres membres du Comité et les conseiller sur toute matière du ressort du Secrétariat mais aussi sur d'autres secteurs majeurs de la sphère de la culture, tels que les communications, les politiques d'information gouvernementale, les langues officielles, la politique scientifique, la citoyenneté, les mouvements politiques, sociaux et culturels, les affaires autochtones, etc. [428] Cette réorganisation transféra donc les centres de décisions vers un cercle plus restreint et moins « transparent », vers l'exécutif. Elle permit d'étendre très rapidement et très efficacement l'emprise politique du Cabinet et du premier ministre sur le champ culturel.

La transformation de la structure de financement du Conseil des Arts du Canada commença en 1965, lorsque le gouvernement canadien lui attribua une subvention de 10 millions de dollars. En 1968, cette aide, devenue annuelle, était de 16,9 millions, ce qui représentait 80,01% des revenus du Conseil. En 1975, l'aide gouvernementale était passée à 54,7 millions, ce qui représentait 85,77% des revenus [67]. À l'origine, les revenus du Conseil provenaient de la dotation et de dons. Avec l'attribution d'une subvention annuelle, le gouvernement, particulièrement le Conseil du trésor, se donna un puissant moyen de pression sur le Conseil. Il n'est donc pas étonnant que Mailhot et Mélançon, auteurs d'une recherche sur le Conseil des Arts, qualifient la période de 1971 à 1976 d'adolescence surveillée et inquiète [68]. Parallèlement, la part du Conseil des fonds attribués à la recherche par le gouvernement fédéral passe, entre 1970-1971 et 1975-1976, de 17,2 à 10,5% pendant qu'augmentent les travaux effectués ou commandés directement par les ministères [69]. De ce double mouvement résulta une emprise politique accrue sur le champ culturel et scientifique.

Cette emprise politique se manifesta et se réalisa également par des ingérences ponctuelles, particulièrement du Secrétariat d'État, dans les affaires culturelles, et entre autres dans celles du Conseil de Arts. Pour cette période de l'ère Trudeau, George Woodcock mentionne, en plus de la création des programmes PIL et Horizon en 1971, suite aux pressions du Secrétariat d'État, deux autres cas. Il s'agit de l'attribution au Conseil des Arts en 1972 de fonds dans le but spécifique de subventionner l'industrie canadienne de l'édition alors en difficulté et la constitution de la Banque d'Art [70].

d) La culture dans le nationalisme
centralisateur de Pierre Trudeau


Cette centralisation politique, Woodcock l'attribue au fait que Pierre Trudeau et ses associés immédiats, entre autres les deux autres colombes, Marchand et Pelletier [71], avaient une vision et une philosophie très claire du Canada. Il souligne :

[429]

When Trudeau and his associates moved into dominant positions, with Trudeau eventually becoming prime minister, they were able to impose their views of cultural politics on a series of cabinets largely because they had a clear philosophy in this field while the rest of the Liberal party did not. Trudeau's view was basically that the control of a nation's cultural life, and especially of its arts, is essential for the consolidation of political power, and cultural policies should be directed towards supporting a governement's principal aims. In the case of Trudeau's Liberal governement, the most important of these aims was the transformation of Canada from a genuine confederation with a balance of federal and provincial powers into a centralized state, a transformation to becarried out in the name of « national unity » [72].

Ce nationalisme canadien des libéraux de Pierre Trudeau se voulait un contrepoids, une arme contre le nationalisme québécois qui, selon eux, mettait en danger le Canada. Dans le champ culturel, ce nationalisme centralisateur suscita de nombreuses réactions des provinces, surtout du Québec, sur plusieurs sujets. Ainsi, l'énoncé de politique du ministère d'État à la Science et à la Technologie en 1973, dans lequel on affirmait que la recherche devait refléter les priorités nationales, ne fit que susciter une protestation générale chez les ministres provinciaux de l'Éducation [73]. Et, la vision « nationale canadienne » appliquée au domaine des communications provoqua entre autres la « guerre du câble » entre Ottawa et Québec et renonciation d'une politique culturelle de plus en plus souverainiste de la part du Québec [74].

Paradoxalement, ce centralisme fut pratiqué par le Secrétariat d'État sous le couvert d'une politique qui affirmait rechercher la démocratisation et la décentralisation [75]. De plus, cette politique contribua à renforcer la tendance à voir les arts et la culture comme une industrie [76]. Cependant, beaucoup fut fait pour les arts et la culture durant cette période de la fin des années 1960 et du début des années 1970. Dans une atmosphère relativement optimiste de croissance économique, l'activité du Secrétariat d'État contribua à imposer l'idée que la culture avait une importance stratégique dans la constitution de l'identité nationale. La politique de canadianisation de la propriété, entre autres de la [430] câblodistribution, connut un succès certain. La fréquentation des activités artistiques augmenta notablement. Et les fonds consacrés à la culture ne cessèrent de croître... jusqu'à un certain 13 octobre de l'année 1975 où les Canadiens virent et entendirent, par le truchement de la télévision, leur premier ministre décréter le gel des salaires et des prix. Officiellement, le Canada entrait en crise économique.

Aussitôt, la tiédeur traditionnelle des politiciens canadiens à soutenir les arts et la culture refit surface. De sévères restrictions budgétaires furent imposées aux organismes culturels, particulièrement au Conseil des Arts du Canada. De 1975-76 à 1978-79, le budget du Conseil en dollars constants resta le même alors que le PNB augmentait de 9,7% et que la valeur réelle de la subvention annuelle versée par le Parlement baissait de 2,1% par an entre 1975 et 1980 [77]. Pendant ce temps, le budget du ministère des Communications ne cessa de croître, de même que son personnel et les recherches et interventions dans le domaine des nouvelles technologies.

e) De la plus grave crise d'unité nationale
aux industries culturelles :
de 1976 à 1980.


Dans un contexte de très grave crise d'unité nationale causée par l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, de crise linguistique provoquée par la loi 101, la seconde période de l'ère Trudeau est marquée par le passage d'une régulation politique du champ de la culture à une régulation essentiellement économique. Au cours de cette période, se poursuivit la politique amorcée dans la période précédente, c'est-à-dire la canadianisation, la centralisation et l'accentuation du contrôle politique. Cette seconde période est également marquée    par les importantes restrictions budgétaires qui furent imposées aux organismes culturels et par les protestations auxquelles ces restrictions donnèrent lieu. Finalement, c'est vers la fin de cette période que s'affirma comme dominante la tendance à voir les arts et la culture en terme d'industrie, avec le passage des organisations culturelles du Secrétariat d'État au ministère des Communications et avec la mise sur pied du Comité d'étude sur la politique culturelle fédérale (Applebaum-Hébert).

Cette deuxième période se caractérise par un certain nombre d'ajustements au niveau des appareils et institutions mis en place dans les périodes précédentes. Ainsi, le gouvernement fédéral créa le Conseil des bibliothèques fédérales et inclut les télécommunications dans le mandat de surveillance et de réglementation du CRTC (1976), mit sur pied la Commission d'examen des exportations des biens culturels (1977), fit de la section sciences humaines du [431] Conseil des Arts du Canada un conseil spécifique nommé Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH, 1978), créa un bureau des relations culturelles internationales rattaché au ministère des Affaires extérieures (1979) et transféra les organisations culturelles du Secrétariat d'État au ministère des Communications.

Cette période fut aussi marquée par l'adoption de lois, amendements et jugements qui influèrent substantiellement sur le champ culturel. Ainsi, fut adoptée en 1976, la loi C-58 par laquelle le Parlement retirait aux éditions canadiennes des revues Time et Reader's Digest la déduction fiscale pour la publicité. La même année, on appliqua l'article 19 de la loi d'impôt permettant de déduire les dépenses des publicités à la radio et à la télévision destinées au marché canadien et on étendit la déduction fiscale pour investissement dans la production cinématographique aux courts métrages et aux vidéos. En 1977 fut adoptée la Loi d'action scientifique du gouvernement fédéral. Et, en 1978, la Cour suprême du Canada jugea que la juridiction sur la câblodistribution appartenait au fédéral.

Les années 1976-1980 furent également prolifiques en études et publications de rapports qui guidèrent l'action politique des libéraux dans le champ culturel. Mentionnons entre autres les rapports : Keynes-Brunet sur les propositions de modifications à la loi canadienne sur le droit d'auteur (1977), Healy sur les études supérieures dans les humanités et les sciences sociales (1978), Disney sur la situation des artistes par rapport au fisc (1978), Pépin-Robarts sur l'unité canadienne (1979), Lambert sur la question financière et l'imputabilité (1979), Kline sur les télécommunications et la souveraineté du Canada (1979) et Therrien sur la télédiffusion dans les régions du Nord et la télévision à payage (1980). D'autres publications furent aussi très marquantes. Sont à signaler : Le Canada et les télécommunications (1979), Le Canada à l'aube du vidéotex (1979) et La révolution de l'information et sa signification pour le Canada (1980).

Finalement, à la fin de cette seconde période, fut présentée au Parlement la loi C-24. Elle visait à contrôler les plans de développements et les budgets d'opération des compagnies de la Couronne, à instaurer le pouvoir d'imposer des directives politiques, de contrôler via des lois et de désavouer. Plusieurs ministres seniors du Cabinet, dont Jean Chrétien, insistèrent pour que cette loi fut appliquée au Conseil des Arts, au Centre national des arts, à la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne (SDICC) et à Radio-Canada, ce qui échoua principalement à cause du tollé de protestations que suscita cette proposition [78].

[432]

f) Un concert de protestation

En 1978, année de la publication du Rapport Disney, des artistes créent le Comité 1812 qui publie un manifeste protestant contre les restrictions et des artistes manifestent à Ottawa leur mécontentement devant les coupures infligées aux organismes culturels, particulièrement au Conseil des Arts du Canada.

En 1980, la Conférence canadienne des arts (CCA) prend l'initiative d'élaborer une politique globale de développement des arts et de la culture afin de la présenter au gouvernement et à la population canadienne. La Conférence avait été fondée en 1945. C'est un organisme non gouvernemental d'envergure nationale qui avait pour mission d'assurer le développement des arts et des industries culturelles au Canada. Au début des années 1980, elle regroupait plus de 600 organismes et institutions du monde des arts et de la culture et un large éventail de membres individuels et d'entreprises artistiques [79]. Aujourd'hui, elle est financée par le ministère des Communications, le Secrétariat d'État et les provinces, sauf le Québec et la Nouvelle-Écosse.

La Conférence travailla en collaboration avec le gouvernement jusqu'au moment où furent imposées les restrictions budgétaires. Elle constitua donc une institution centrale dans l'élaboration du compromis, de l'alliance des artistes, du moins de la partie supérieure de la pyramide que constitue l'organisation hiérarchique du monde des arts [80], avec les tenants du point de vue canadien dans la bourgeoisie et la classe politique canadienne.

L'entrée en crise, le changement de politique et les restrictions qui s'ensuivirent marquent donc la fin d'une phase d'expansion du soutien aux arts et l'ouverture d'une autre où s'affirme la primauté de la régulation économique par laquelle fut brisée la base économique du compromis avec les milieux artistiques et culturels. De ce moment, l'organisme de concertation et de consultation qu'était la CCA tendit à devenir un organisme de pression, de protestation, tout en continuant cependant à « graviter » autour de l'État canadien.

Cette transformation des modalités d'action de la CCA et de ses rapports avec le gouvernement et l'ambiguïté de sa position sont reflétées dans l'énoncé de [433] politique culturelle qu'elle publia en 1980 [81], renouvela en 1981 [82] et reprécisa en 1984 [83].

Une stratégie culturelle (1980) est d'une part un plaidoyer pour retrouver la place qu'occupait la CCA comme interlocuteur institutionnel influant dans l'élaboration de la politique culturelle de l'État et dans l'administration des arts et de la culture. On y manifeste en effet une vive inquiétude devant certaines propositions du Rapport Lambert (1979) sur l'administration financière et comptable soulignant que l'instauration d'un régime d'évaluation du rendement des organismes et la centralisation et standardisation administrative pourraient miner les organisations culturelles [84]. À propos des associations nationales non-gouvernementales, telle la CCA, on affirme que le gouvernement devrait leur accorder son appui puisqu'elles sont vouées à la défense des intérêts communs à tous les secteurs des arts et des industries culturelles recueillant, résumant et consolidant les divers points de vue des groupes qu'elles représentent. On ajoute que ces associations ont un rôle fondamental à jouer dans l'administration et l'essor du monde des arts et de la culture [85]

L'énoncé de 1980 constitue d'autre part une acceptation et une légitimation de la politique culturelle pratiquée par les libéraux à la fin des années 1970, c'est-à-dire la canadianisation, selon trois axes : l'affirmation de la primauté de la juridiction fédérale et du centralisme étatique au nom de l'identité nationale canadienne ; l'appropriation canadienne et l'expression des talents canadiens ; et la primauté de la privatisation et de la forme industrielle du développement culturel où la préoccupation pour le talent canadien veut dire réservoir de main-d’œuvre pour l'industrie [86]. Cette position de la Conférence illustre très bien l'état de dépendance, de soumission dans lequel sont réduits les artistes et les travailleurs culturels par la gestion socio-économique de la crise pratiquée par l'État, puisqu'elle reprend à son compte les éléments centraux du discours des libéraux tel qu'exprimé par Pierre Trudeau dans une allocution qu'il prononça en mars 1979 devant la CCA. Le premier ministre affirmait alors que pour faire face à la concurrence étrangère :

[...] nul pays ne peut se passer d'une politique culturelle au même point qu'il ne peut se passer d'une politique industrielle.

[434]

Il ajoutait :

Il est d'une importance capitale que l'artiste ne soit pas écrasé par l'industrie à laquelle il appartient et que les artistes provenant de petits pays aient les mêmes chances que ceux provenant de grands pays [...] Voilà pourquoi il existe des politiques portant sur le contenu canadien, dans l'édition et la distribution de livres ou de périodiques [...] pour promouvoir la diffusion des films canadiens [...]. Ces politiques sont tout à fait essentielles. [...] nous nous rendons bien compte du fait que les artistes sont plus que des pions dans une industries qui fait de grosses affaires [...] c'est le Canada qu'ils chantent [...] ce sont les sentiments canadiens qu'ils expriment. Voilà pourquoi ils méritent notre soutien [87].

Cette position du premier ministre du Canada résume bien ce que fut la politique culturelle des libéraux et elle illustre bien le mandat politique qui fut confié au Comité d'étude sur la politique culturelle fédérale en 1980 (Comité Applebaum-Hébert).

g) L'échec de la politique culturelle

La politique culturelle des libéraux de Pierre Trudeau fut toujours organisée autour du principe de la canadianisation, de la place du capital canadien dans le marché domestique. Malgré que cette politique connut un certain succès en ayant permis aux entreprises canadiennes de se tailler une place dans certains secteurs et d'en contrôler d'autres, elle s'avéra un échec parce qu'elle souffrit d'une application fréquemment incohérente et qu'elle fut souvent hésitante et timorée, si ce n'est inexistante dans plusieurs secteurs, en plus de négliger le développement de la production.

Paul Audley dans Canada’s Cultural Industries souligne que la politique culturelle du gouvernement fédéral fut à plusieurs niveaux et occasions très incohérente. Il affirme entre autres que l'absence d'agence fédérale responsable de l'industrie des quotidiens et des périodiques est la cause de la défaillance du gouvernement à mettre en application les recommandations du Comité Davey ; que l'action de l'Agence d'examen de l'investissement étranger fut souvent contradictoire, évoquant en exemple les cas du refus d'entériner l'acquisition de Lippincott par Harper & Row et de l'acceptation, quelques mois plus tard, de la transaction par laquelle Herald Company of Syracuse de l'État de New York prit le contrôle de Random House Canada ; et, que les décisions du CRTC furent elles [435] aussi contradictoires, mentionnant à ce titre la permission donnée aux câblodistributeurs d'importer des émissions radiophoniques FM américaines alors que les radiodiffuseurs classiques étaient astreints à respecter des quotas de contenus canadiens [88]. À ce triste panorama d'incohérences nous pourrions entre autres ajouter l'adoucissement en 1971 et 1972 de la politique des quotas de contenus canadiens pour la télédiffusion... privée.

L'application plus ou moins cohérente de la politique de canadianisation, les hésitations du gouvernement avant d'intervenir ou de légiférer et son inaction dans certains secteurs sont dues aux pressions exercées par des forces autant internes qu'externes qui s'opposent à la canadianisation et aux recommandations des commissions d'étude ayant porté sur des questions culturelles. Dans le clan des opposants on retrouve donc des entreprises étrangères, surtout américaines, exportant au Canada leurs marchandises culturelles et des entreprises canadiennes et les filiales des entreprises étrangères qui distribuent et vendent au détail ces marchandises. La composition de ce bloc d'opposants varie toutefois selon les sujets touchés par les commissions et lois. Ainsi, lorsqu'il est question de s'approprier une part plus grande des revenus de publicité, les radio et télédiffuseurs privés canadiens sont dans le clan appuyant les politiques de canadianisation ; cependant, lorsqu'il est question de quotas de contenus canadiens, les mêmes intérêts canadiens passent dans le clan des opposants parce que les produits étrangers leur reviennent moins chers. Cette mouvance ajoute donc aux hésitations et incohérences des interventions politiques.

Ces pressions contre la politique de canadianisation furent particulièrement virulentes dans l'affaire de la loi C-58. Cette loi, adoptée le 16 juillet 1976, amendait l'article 19 de la loi d'impôt, retirant ainsi aux entreprises le droit de déduire les coûts de la publicité destinée au public canadien mais faite dans les médias étrangers, surtout américains. Le but de cette politique était d'orienter les revenus de la publicité vers les périodiques et stations de diffusion canadiennes plutôt qu'américaines. Le projet de loi souleva de vives protestations de la part des entreprises américaines concernées et ayant un « lobby » au Congrès et plusieurs pressions diplomatiques furent exercées par Washington à son sujet [89].

Ces pressions firent que la politique culturelle des libéraux fut constamment soumise à d'importants tiraillements et eut l'allure d'une double politique, d'une politique allant souvent dans des directions opposés. Ces pressions furent donc un facteur important de l'insuccès de la politique culturelle des libéraux. Dans les faits, cette politique se borna à assurer la canadianisation de la propriété des appareils de diffusion en négligeant le contenu. Il n'est donc pas étonnant de constater, après plus de 20 ans d'une telle politique, que la [436] dépendance du Canada face aux contenus étrangers, surtout américains, est loin d'avoir diminué, au contraire [90], et que les artistes ont relativement peu profité de la politique de canadianisation [91].

Bref, de la politique culturelle des libéraux résulta la mise en place d'un ensemble important d'appareils de diffusion et de distribution et d'administration du développement culturel. Mais, cette belle et grosse machine demeura sans âme. Au cours de la seconde période de l'ère Trudeau, le développement culturel et artistique fut de plus en plus pensé en termes d'industries culturelles et l'action du gouvernement et des appareils mis en place contribua surtout à ouvrir et développer le marché. Selon cette vision du développement culturel, les arts et les artistes ne sont que des rouages nécessaires à l'industrie.

h) Quand la politique culturelle
se réduit à une politique industrielle


À la fin des années 1970, les libéraux reconnurent qu'un changement de politique était nécessaire. Cette « nouvelle » vision du développement culturel fut entièrement tournée vers l'économique. La crise et surtout le fait que l'autre déterminant de la politique culturelle fédérale, la question du Québec, devint secondaire avec l'échec référendaire, permirent cette consécration de la primauté de la rationalité économique dans le développement culturel.

C'est le ministère des Communications du Canada (MCC) qui fut l'acteur principal de ce changement. Dès sa création, ce ministère acquit beaucoup d'importance surtout à cause de l'urgence de la maîtrise des nouvelles technologies d'information et de communication. Et sa croissance correspondit au développement et à l'introduction de ces technologies. De 1969 à 1983, les effectifs du MCC passèrent de 326 employés à 2 300 alors que son budget croissait de 30,3 millions de dollars à 480,4 millions [92]. Durant la seconde période de l'ère Trudeau, le MCC investit beaucoup d'énergies et d'argent dans le développement des nouvelles technologies, ce qui permit entre autres de mettre au point la technologie TELIDON. La reconnaissance de la primauté du point de vue industriel dans la politique culturelle fut parallèle à l'affirmation de ce ministère comme organe central de la régulation sociale et fut consacrée en 1980, lorsque la responsabilité politique des organismes culturels fut transférée du Secrétariat d'État au ministère des Communications.

[437]

C'est également en 1980 que le ministre des Communications dans le nouveau gouvernement libéral succédant à l'intermède que fut le gouvernement conservateur de Joe Clark, nomma un comité d'étude de la politique culturelle fédérale (Applebaum Hébert). Ce dernier proposa d'axer la politique culturelle sur la privatisation et l'internationalisation des industries culturelles canadiennes, consacrant ainsi la tendance en émergence depuis 20 ans.

Au cours de cette seconde période, le Parti libéral du Canada constitua donc le principal opérateur de la « marchandisation » des arts et de la culture en faisant perdre aux travailleurs culturels une part importante de leur autonomie et du contrôle des conditions objectives d'exercice de leur métier par les restrictions budgétaires imposées aux organismes culturels et par l'accentuation du contrôle politique sur ces organismes. Ainsi, les interventions politiques de l'État canadien contribuèrent à établir et consacrer le pouvoir des marchands et du capitalisme, dans le champ de la culture.

i) De la marchandisation de la culture au libre-échange

Dans un contexte où la recherche de la rentabilité « quelqu'en-soit-le prix » et de la soumission aux contraintes internationales à laquelle cette recherche menait, le Rapport Applebaum-Hébert constitua, au début des années 1980, le guide politique de l'action des libéraux dans le champ de la culture. Ceux-ci, après avoir constaté l'échec de leur politique de canadianisation au terme de la présence des contenus canadiens sur le marché domestique, voulurent mettre l'accent sur le développement d'un appareil « canadien » de production de contenus canadiens. En ce sens, la politique culturelle esquissée par le Comité Applebaum-Hébert poursuivit l'objectif qu'a toujours eu la politique culturelle des libéraux, c'est-à-dire tailler une place au capital canadien. Cette fois, cependant, cela fut envisagé à l'ombre de l'idéologie néo-libérale, sous le signe de la privatisation et de l'internationalisation.

Le Rapport Applebaum-Hébert, après avoir rappelé que le Canada avait ouvert toutes grandes ses frontières aux produits culturels étrangers en négligeant presque les créations canadiennes [93], esquisse une stratégie de développement des industries culturelles canadiennes d'inspiration néo-libérale. On y propose d'utiliser dans un premier temps les canaux de diffusion appartenant aux Canadiens pour conquérir une partie du marché domestique afin de créer une industrie nationale de production de films et de vidéos. On suggère par la suite d'utiliser dans un deuxième temps cette base, le marché domestique, pour [438] conquérir une part du marché extérieur. Et le rapport affirme que c'est l'entreprise privée qui est la plus apte à relever ce défi. Cette « mini-politique » industrielle du secteur culturel suggère en fait de créer des avantages comparatifs dans la production de contenus, particulièrement au niveau des films et vidéos. Ayant souligné que l'aide fédérale aux activités culturelles est trop faible, le rapport propose, afin de réaliser les objectifs identifiés, un ensemble de mesures : stimulants fiscaux, protection du marché domestique, mécanismes de promotion, etc.

Le ministre des Communications du Canada à l'époque, Francis Fox, fit sienne cette politique comme en témoignent le mémoire qu'il présenta, en novembre 1983, à la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, la Commission Macdonald [94], ainsi que les énoncés de politique de 1983 et 1984.

Vers une nouvelle politique nationale de la radiotélédiffusion commence par affirmer que les objectifs originels de la Loi sur la radiodiffusion de 1968 (la possession et le contrôle effectif par des Canadiens du système de diffusion de façon à sauvegarder la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, l'utilisation des ressources canadiennes et l'accès à un service de radio-télédiffusion dans les deux langues officielles pour tous les Canadiens) étaient après quinze ans les mêmes [95] Le document ajoute que, pour préserver la conscience culturelle canadienne face au torrent des produits culturels américains : « [...] le gouvernement, de concert avec l'industrie, doit aider nos entreprises de programmation et de radio-télédiffusion — publiques et privées — à faire face à la concurrence » [96], parce que : « [...] les producteurs canadiens ne peuvent compter sur des moyens comparables à ceux de leurs concurrents. [...] Le marché canadien est trop restreint pour que nos producteurs puissent rentrer aussi aisément dans leurs frais » [97].

La politique nationale du film et de la vidéo, dans laquelle on proposait de créer Téléfilm Canada (anciennement la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne (SDICC)) [98], poursuivit dans la même direction, en affirmant qu'il s'agissait dorénavant d'établir : « [...] une stratégie visant à donner aux films et aux vidéos canadiens un plus grand accès à notre marché et aux marchés étrangers » [99].

[439]

L'argumentation que contiennent les trois documents que nous venons de commenter très brièvement constitue une rationalisation de la marchandisation de la culture dans laquelle le progrès et le développement culturel sont vus comme soutiens à la rentabilité et à la mise en valeur du capital dans le champ de la culture, comme en témoigne cette affirmation de La politique nationale du film et de la vidéo :

[...] seule une industrie disposant de capitaux suffisants et d'un accès raisonnable aux marchés et aux recettes peut durablement profiter de la production d'œuvres authentiquement nationales. Autrement dit, le développement économique de l'industrie privée du film et de la vidéo permettra de réaliser des objectifs culturels généraux [100].

Dans l'affirmation de l'industrialisation des arts et de la culture, dans la concrétisation de la marchandisation de la culture, le gouvernement Trudeau constitua donc un excellent appareil de régulation social dans le champ culturel, imposant aux Canadiens la primauté de la forme industrielle dans le développement de la culture. Cela eut de profonds effets sur les artistes et ces derniers le manifestèrent bruyamment.

j) Le concert des protestations : 2e acte

Commencées à la suite des restrictions budgétaires imposées à la suite du gel des salaires et prix en 1975, les protestations du milieu artistique devinrent, en 1983-1984, de plus en plus vives devant les poursuites effectuées par le fisc canadien et les injustices du système de taxation. Ces protestations amenèrent d'ailleurs le gouvernement à commander plusieurs enquêtes sur le statut de l'artiste et à poser le problème de la modernisation de la Loi sur les droits d'auteur.

Déjà, en 1981, l'affirmation de la primauté de la forme industrielle du développement culturel avec le passage des organismes culturels du Secrétariat d'État au ministère des Communications (1980) avait alertée la Conférence canadienne des arts qui s'inquiétait :

[...] de voir la direction générale des arts et de la culture se fondre dans les structures et les activités du ministère des Communications et de découvrir qu'elle agit désormais en raison [440] moins d'objectifs culturels que de priorités industrielles et, technologiques [101].

Et, en 1984, la Conférence, tout en soulignant sa déception devant le Rapport Applebaum-Hébert, affirmait que la politique culturelle du gouvernement fédéral sous-estimait le facteur humain et protestait contre le peu de place réservé aux artistes dans ce projet de développement industriel de la culture [102].

k) Une politique qui mène inévitablement
au libre-échange... et à la dépendance culturelle


Dans un article antérieur, nous avons montré que la politique culturelle pratiquée par l'État canadien sous le règne des libéraux menait inévitablement au libre-échange [103] et à l'accentuation de la dépendance culturelle du Canada parce que la plupart des entrepreneurs canadiens se cantonnaient dans le commerce et tiraient avantage de l'importation de produits culturels étrangers, particulièrement américains. La politique de canadianisation favorisa même très substantiellement certains de ces acteurs, pensons entre autres aux câblodistributeurs.

La timidité de la politique culturelle des libéraux de même que l'incohérence dans son application firent que cette politique fut un échec. Ironiquement, après plus de 20 ans d'efforts pour canadianiser la culture au Canada, la souveraineté culturelle canadienne demeure un souhait alors que notre dépendance culturelle à l'égard des États-Unis s'est, en fait, accrue.

*  *  *

Si la politique culturelle des libéraux de Pearson et Trudeau fut un échec du point de vue de la souveraineté et de l'indépendance culturelle du Canada, on doit toutefois convenir qu'elle ne fut pas sans effet et qu'elle connut certains succès. Comme le souligne George Woodcock, le Canada n'est plus le désert culturel et artistique qu'il fut jusqu'aux années 1950 :

Canada is no longer an artistic or intellectual desert with a few precarious oases, as it was in 1949 when the Massey Commission undertook its historic task. [...] Canadian governements through their funding agencies have contributed in [441] many ways to that resuit. Yet for all this splendid record the majority of artists in Canada live below the poverty line. [104]

Malgré que le support du gouvernement fédéral au développement culturel fut, aux yeux de certains nationalistes canadiens, insuffisant, hésitant et incohérent, il demeure que les libéraux ont mis en place un ensemble d'appareils et institutions qui constituent aujourd'hui l'épine dorsale des activités et pratiques culturelles au Canada. Ces organismes (Conseil des Arts, Centre national des arts, Musées nationaux, ministère des Communications, etc.) sont des facteurs très actifs de la formulation et de la reconnaissance de l'image de la nation canadienne comme nation spécifique. Ils contribuent donc très largement à l'identité canadienne.

De plus, la canadianisation, élément central de la politique culturelle des libéraux, a permis l'appropriation et le contrôle par des capitaux canadiens de certains secteurs du champ culturel, particulièrement au niveau de la radio-télédiffusion et de la câblodistribution.

Ainsi, de la politique culturelle des libéraux du dernier régime libéral (1963-1984) résulte un ensemble d'éléments (institutions, pratiques et programmes, ressources humaines, entreprises...) qui donne une matérialité à une certaine culture canadienne. Et, s'il y a aujourd'hui une certaine identité canadienne et une certaine fierté d'être canadien, c'est dû à l'action politique du Parti libéral du Canada (PLC) qui, dans le domaine de la culture, a joué un rôle structurel dans l’édification de la base matérielle de la culture canadienne.

Le PLC a constitué un véritable appareil de régulation sociale au Canada durant les années 1960 et 1970.

Il a en effet été le régulateur de la tension entre la tendance à la canadianisation et la tendance à la continentalisation. En instaurant de nombreuses commissions et comités d'enquête, entre autres dans le domaine de la culture, il a permis l'expression et la cristallisation du point de vue nationaliste canadien, induit l'articulation de la politique culturelle canadienne et favorisé la formation d'un certain consensus social autour de cet idéal. Toutefois, la formulation et l'application de cette politique ont souvent été hésitantes et incohérentes, surtout sous la pression des forces profitant de l'intégration des marchés canadien et américain. C'est à ces niveaux que le PLC a constitué le canal de régulation, de « compromis » entre les deux tendances. C'est aussi ce qui explique que sa politique culturelle ait souvent eu des allures contradictoires.

D'autre part, le PLC a aussi été, surtout sous la gouverne de Pierre Trudeau, l'instrument organisationnel de la lutte contre le nationalisme québécois. C'est le PLC qui a été le principal animateur du consensus canadien refusant de reconnaître le caractère spécifique de la nation et de la culture québécoise et présentant les Canadiens français comme une minorité linguistique [442] et culturelle comme les autres. À ce titre, le détournement du mandat de la Commission B-B (Laurendeau-Dunton) et la participation très active des Libéraux fédéraux au camp du NON lors du référendum sont particulièrement édifiants.

La politique culturelle des libéraux a donc toujours été marquée par un utilitarisme certain. Elle fut considérée comme un instrument contre le nationalisme québécois au nom de l'unité nationale, comme un levier de spécification du capital canadien et comme un moyen pour le capital autochtone de se tailler une place dans les marchés autant domestiques qu'extérieurs.

Si la politique culturelle fut un échec, c'est comme nous l'avons montré, à cause de la nature commerciale de la bourgeoisie canadienne, parce que de larges fractions de cette classe ont davantage d'intérêts à importer plutôt qu'à fabriquer les produits culturels circulant dans le marché canadien. Mais, cet échec est aussi dû au fait que la culture n'a été considérée que comme un moyen. C'est ce qui explique que l'action politique dans le champ de la culture ait toujours confondu politique culturelle et développement de la culture, qu'on ait oublié la culture comme telle et négligé les artistes et travailleurs culturels. De sorte qu'aujourd'hui, malgré certains succès, l'existence et le développement de la culture canadienne demeurent problématiques. Le fait que le plus nationaliste des gouvernements qu'ait connu le Canada n'ait pu que ralentir le rythme de la continentalisation culturelle du Canada et freiner l'affirmation de la spécificité culturelle des Québécois, fonde tous les doutes concernant la possibilité qu'existe un jour une véritable culture canadienne et que puisse être formulée et appliquée une véritable politique canadienne de développement culturel.



[1] CANADA, Commission royale d'enquête sur l'avancement des Arts, Lettres et Sciences au Canada. Rapport, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1951 (Rapport MASSEY).

[2] OSTRY, B., The Cultural Connection, Toronto, McClelland and Stewart, 1978, p. 160.

[3] BRUNELLE, D., Les trois colombes, Montréal, VLB Éditeur, 1985, p. 247.

[4] LAXER, J. et LAXER, R, Le Canada des libéraux, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1978, p. 70.

[5] FIRESTONE, O.J., Broadcast Advertising in Canada, Past and Future Growth, Ottawa, University of Ottawa Press, 1966, p. 151.

[6] LINTEAU, P.A., DUROCHER, R., ROBERT, J.C., RICARD, F., Histoire du Québec contemporain. Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal Express, 1986, p. 676.

[7] Voir BABE, R.E., Structure, réglementation et performance de la télévision canadienne, Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1979, p. 221 ; RESCHENTHALER, G.B., « Direct Régulation in Canada : Some Policies and Problems », dans W.T., STANBURY (éd.), Studies on Régulation in Canada, Toronto, Institute for Research on Public Policy, 1978, p. 88-90. Également HARDIN, H., Closed Circuits : The Sellout of Canadian TV, Vancouver, Douglas and Mac Intyre, 1985.

[8] OSTRY, B., op. cit., p. 104.

[9] SIMARD, C, « La culture institutionnalisée. Étude du cas québécois », dans Questions de culture. La culture : une industrie ?, Québec, IQCR, 1984, p. 155.

[10] CANADA, Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1969 (Rapport Laurendeau-Dunton).

[11] LINTEAU, P.-A. (et aliï), op. cit., p. 760.

[12] BRUNELLE, D., op. cit., p. 191.

[13] LACHANCE, G., « La culture entre l'industrie et l'identité », dans Questions de culture, Québec, IQCR, 1984, p. 154.

[14] LINTEAU, P. A., (et aliï), op. cit., p. 549.

[15] RYAN, C, Éditorial, Le Devoir, 14 février 1963.

[16] LAURENDEAU, A., « Les programmes des partis fédéraux et le problème des deux cultures », Le Devoir, 16 mai 1963.

[17] LAXER, J. et LAXER, R., op. cit., p. 207.

[18] LESAGE, J., Discours du 2 mars 1961. Voir également L'ALLIER, J.-P., Pour l'évolution de la politique culturelle, Québec, MAC, mai 1976, pp. 10-90.

[19] OSTRY, B., op. cit., p. 108.

[20] À ce sujet, TEEPLE G., écrit : « [...] but multiculluralism as national policy is the unwritting admission of no particular national culture », TEEPLE, G., « Free-Trade — The Last Decade », dans Our Generation, vol. 18, n° 2, 1987, p. 46.

[21] GRANATSTEIN, J.L., « Culture and Scholarship : The First Ten Years of the Canada Council », Canadian Historical Review, LXV, 4 (december), 1984, p. 445 ; M1LLINGAN, F., « The Ambiguities of the Canada Council », dans HELWIG, D., (éd.), Love and Money : The Politics of Culture, Ottawa, Aberon Press, 1980, p. 72.

[22] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., Le Conseil des Arts du Canada, 1957-82, Montréal, Léméac, 1982, p. 63.

[23] Cette somme devait être partagée entre le secteur des arts et le secteur des humanités et sciences sociales, de sorte que ce qui revenait aux artistes se situait plutôt autour de 1,4 million. De plus, il faut aussi dire que des cent millions, cinquante millions avaient été affectés au secteur universitaire pour la construction d'édifices de sorte que la dotation du Conseil n'était que de cinquante millions.

[24] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., op. cit., p. 47.

[25] GRANATSTEIN, J.L., art. cit., p. 446.

[26] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., op. cit., p. 47.

[27] WOODCOCK, G., Strange Bedfellows. The State and the Arts in Canada, Vancouver/ Toronto, Douglas and Mclntyre, 1985, p. 98.

[28] OSTRY, B., op. cit., p. 100.

[29] FREMONT, J., Études des objectifs et des principes propos et adoptés relativement au système de la radiodiffusion canadienne., Montréal, Étude réalisée à l'intention du groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion, 1986, p. 29.

[30] OSTRY, B., op. cit., p. 104.

[31] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., op. cit., p. 66 ; B. OSTRY, op. cit., p. 141.

[32] FRÉGAULT, G., cité par OSTRY, B., op. cit., p. 143. Voir également, FRÉGAULT, G., « Bilan provisoire », dans L'ALLIER, J.-P., op. cit., pp. 61-62.

[33] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., op. cit., p. 92.

[34] Canada, un siècle, 1867-1967, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, p. 465.

[35] Ibid., p.467

[36] Ibid., p. 464.

[37] Ibid., p. 424.

[38] Ibid., p. 48.

[39] WOODCOCK, G., op. cit., p. 69.

[40] OSTRY, B., op. cit., p. 110.

[41] PEERS, F.W., The Public Eye. Television and the Politics of Canadian Broadeasting, 1952-1968, Toronto, University of Toronto Press, 1979, p. 432.

[42] CANADA, Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision. Rapport, Ottawa, Imprimeur de la reine, 1957 (Rapport FOWLER I). Cette commission avait été formée par les libéraux en 1955.

[43] TROTTER, B., « Canadian Broadeasting, Act IV : Scène 67 or Double Talk and Single System », Queen's Quartely, hiver 1967, p. 468.

[44] Selon l’expression de THOMAS P., cité dans PEERS, F.W, op. cit, p.389.

[45] CANADA, Commission d'enquête sur l'organisation du gouvernement, vol. 4, Secteurs particuliers de l'administration. Société Radio-Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1963 (Rapport Glassco).

[46] FRÉMONT, J., op. cit., p. 26.

[47]          CANADA, Rapport du Comité sur la radiodiffusion, Ottawa, Imprimeur de la reine, 1965, 454 p. (Rapport FOWLER II).

[48] FOWLER, R., cité par PEERS, F.W., op. cit., p. 317.

[49] LAMARSH, J. Memoirs of a Bird in a Gilded Cage. Toronto, McClelland and Stewart, 1969, p. 60.

[50] PELLETIER, G., a renoncé à la présidence de ce comité de peur de se retrouver en conflit d'intérêt puisque son épouse avait travaillé pour la société Radio-Canada. Il demeura cependant membre de ce comité.

[51] FRÉMONT, L, op. cit., p. 98.

[52] LAMARSH, J, Livre blanc sur la radiodiffusion, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966, p. 12.

[53] PEERS, F.W., op. cit., p. 368.

[54] Livre blanc, p. 7.

[55] THOMAS, P., cité par PEERS, F.W., op. cit., p. 367.

[56] JAMIESON, D., cité par PEERS, F.W., op. cit., p. 402.

[57] TRUDEAU, P.E., Fédéralisme et société canadienne-française, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 1967.

[58] CANADA, « La maîtrise économique du milieu national », Rapport Gray, Ottawa, 1972, pp. 325-326.

[59] PENDAKUR, M., « United States — Canada Relations : Cultural, Dependancy and Conflict », dans The Critical Communication Review : vol. II, Changing Patterns of Communication Control, édité par MOSCO, V., WASKO, J., NORWOOD, N.J., Ablex Publishing Corporation, 1984, p. 171.

[60] OSTRY, B., The Cultural..., op. cit., pp. 128 et 129.

[61] Ibid., pp. 136 et 137.

[62] QUÉBEC, La politique québécoise du développement culturel, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1978, p. 1723.

[63] Voir à cet effet AUDLEY, P., Canadas Cultural Industries, Ottawa, Canadian Institute for Economic Policy, 1983.

[64] OSTRY, B., The cultural..., op. cit., p. 115.

[65] Voir à ce propos, LIBERAL PARTY OF CANADA, Liberal Party Policy Statement, Ottawa, 1968 ; également, LIBERAL FEDERATION OF CANADA, Pierre Elliott Trudeau : Today and Tomorrow, Ottawa, non daté.

[66] OSTRY, B., The Cultural..., op. cit., p. 117.

[67] MAILHOT, L. et MÉLANÇON, B., Le Conseil des Arts..., op. cit., p. 66.

[68]  Ibid., p. 50.

[69] Ibid., p. 52.

[70]  WOODCOCK, G., Strange..., op. cit., pp. 116 et 117.

[71] Voir à ce propos le livre de BRUNELLE, D., op. cit.

[72] WOODCOCK, G., Strange..., op. cit., p. 107.

[73]  MAILHOT, L., MÉLANÇON, B., Le Conseil..., op. cit., p. 69.

[74] Voir à cet effet, LACROIX, J.G., LÉVESQUE, B., « Les industries culturelles au Québec : un enjeu vital ! », dans Cahiers de recherche sociologique, vol. 4, n° 2, Automne 1986, p. 135-140 ; également, L'ALLIER, J.P., Pour une politique québécoise des communications, Québec, ministère des Communications du Québec, 1971 ; et L'ALLIER, J.P., Le Québec maître d'œuvre de la politique des communications sur son territoire, Québec, MCQ, 1973.

[75] OSTRY, B., The cutural…, op.cit, p.115

[76] WOODCOCK, G., Strange..., op. cit., p. 108.

[77] MAILHOT, L., MÉLANÇON, B., Le Conseil..., op. cit., p. 65.

[78] Ibid., pp. 119 à 123.

[79] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Une troisième stratégie, Ottawa, Conférence canadienne des arts, 1984, p. 115.

[80] À cet effet voir LACROIX, J.G., LÉVESQUE, B., Le statut socio économique des musiciens membres de la Guilde des musiciens de Montréal, Québec, Service gouvernemental de la propriété intellectuelle et du statut de l'artiste, ministère des Affaires culturelles du Québec, 1985, pp. 104 à 110.

[81] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Une stratégie culturelle. Conférence canadienne des arts, Ottawa, 1980.

[82] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Perspectives pour l'élaboration d'une politique culturelle (Stratégie 11), Conférence Canadienne des Arts, Ottawa, 1981.

[83] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Une troisième..., op. cit..

[84] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Une stratégie..., op. cit., p. 67.

[85] Ibid., p. 73.

[86] Ibid., pp. 10, 11, 30 et 35.

[87] TRUDEAU, P.E., allocution reproduite dans Une stratégie culturelle. Conférence canadienne des Arts, Ottawa, 1980, p. 3 à 5.

[88] AUDLEY, P., Canadas..., op. cit., pp. 41, 124 et 210

[89] PENDAKUR, M., Canada, op. cit., pp. 172 à 179.

[90] LACROIX, J.G., LÉVESQUE, B., « Industries culturelles canadiennes et libre-échange avec les États-Unis », dans Un marché, deux sociétés ?, Montréal, ACFAS, 1987, pp. 212-243.

[91] AUDLEY, P., Canada's...op. cit., p. 320.

[92] MCC, Rapport annuel, Ottawa, MCC, 1983, p. 2.

[93] CANADA, Rapport du Comité d'étude de la politique culturelle fédérale, Rapport Applebaum-Hébert, Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1982, p. 6.

[94] FOX, F., La culture et les communications : Éléments clés de l'avenir économique du Canada, Ottawa, ministère des Communications, 1983.

[95] CANADA, Vers une nouvelle politique nationale de la radiotélédiffusion, Ottawa, ministère des Communications, 1983, première page, non paginé.

[96] Ibid., cinquième page.

[97] Ibid., huitième page.

[98] CANADA, La politique nationale du film et de la vidéo, Ottawa, ministère des Communications, 1984, pp. 34.

[99] Ibid., p. 20.

[100] Ibid.

[101] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Perspectives pour..., op. cit., p. 4.

[102] CONFÉRENCE CANADIENNE DES ARTS, Une troisième..., op. cit., p. 5.

[103] LACROIX, J.G., LÉVESQUE, B., Industries culturelles canadiennes .... op. cit..

[104] WOODCOCK, G., Strangc.op. cit., pp. 164-165.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 9 septembre 2019 19:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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