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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les libéraux et la culture:
de l’unité nationale à la marchandisation de la culture (1963-1984)
” (1988)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de MM. Benoît Lévesque et Jean-Guy Lacroix [Sociologues, département de sociologie, UQAM], “Les libéraux et la culture: de l’unité nationale à la marchandisation de la culture (1963-1984)”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction d'Yves Bélanger, Dorval Brunelle et collaborateurs, L'ère des libéraux. Le pouvoir fédéral de 1963 à 1984, pp. 257-293. Montréal: Les Presses de l'Université du Québec, 1988, 442 pp. [Autorisation de M. Lévesque accordée le 19 juillet 2005. Aussi celle de M. Lacroix.]

Introduction

Pour l'essentiel, la politique culturelle canadienne est l’œuvre des libéraux. Si le Rapport Massey [1] en constitue la première esquisse, il faut attendre le début des années 60 pour que le gouvernement fédéral adopte une « approche nouvelle » et relativement systématique [2]. Cette politique en fut d'abord une de compromis. Elle répondait à des exigences de régulation aussi bien économique que socio-politique : compromis entre démocratisation (accès) et centralisation, entre canadianisation et continentalisation, entre unité nationale et industries culturelles. Dans une conjoncture politique « passablement instable et voIatile [3] », le Parti libéral, qui a été au cours des dernières décennies au centre de l'échiquier politique, a été un « instrument de cohésion sociale » [4] pour la société canadienne.

En ce qui concerne la culture et les communications, l'ère libérale peut être divisée en deux périodes - une première (1963-1975) où les volets socio-politique et économique de la politique culturelle sont en harmonie et une seconde (1976-1984) où ils ne le sont plus.

Le début de l'ère libérale correspond à une période de forte croissance économique [5] où « toutes les conditions sont réunies [...] pour que le développement de la culture de consommation [...] connaisse une accélération sans précédent » [6]. Dans cette conjoncture, l'intervention grandissante de l'État dans la culture s'est faite sans grande résistance et souvent en réponse à des demandes relativement diverses (ces demandes ont généralement été satisfaites dans le cadre de compromis sociaux allant dans le sens du renforcement du pouvoir et d'un élargissement de la marchandisation). Ainsi, la « société de consommation de masse » correspondait à une demande de démocratisation de la culture définie par les consommateurs en terme d'accès à des équipements collectifs et à de nouveaux produits. L'intervention de l'État dans la culture répondait également aux demandes de travailleurs culturels (créateurs, artistes, etc.) qui trouvaient dans les appareils culturels d'État un emploi et parfois un lieu pour s'exprimer. Enfin, le « protectionnisme mou » [7] (les quotas d'émissions canadiennes à la télévision) et les avantages fiscaux (entre autres dans le cinéma), mis de l'avant par le gouvernement fédéral, ont assez bien répondu aux demandes des capitalistes intéressés aux industries culturelles.

Au milieu des années 1960, les programmes fédéraux dans le domaine culturel ont été suffisamment bien reçus pour que le Secrétariat d'État prenne l'initiative de susciter une « opposition loyale » [8]. Les demandes adressées au gouvernement fédéral ont été aussi adressées aux gouvernements provinciaux et aux municipalités. La culture et les communications deviennent alors un enjeu vital à la fois pour la « souveraineté culturelle » du Québec et pour l'unité nationale canadienne. Avant même que les péquistes ne prennent le pouvoir, les interventions du gouvernement fédéral entraient en conflit avec celles des provinces et, plus directement encore, avec celles du Québec [9].

Dans la deuxième phase (1976-1984), la crise de l'unité nationale atteint son paroxysme avec l'arrivée du Parti québécois au pouvoir alors que la crise économique pousse le gouvernement canadien à renoncer au keynésianisme. Plus largement, les compromis socio-politiques qui prévalaient jusque-là éclatent. D'une part, le caractère centralisateur et interventionniste de la politique culturelle suscite des résistances aussi bien des « consommateurs avertis » que des travailleurs culturels eux-mêmes.

D'autre part, la politique d'inspiration néo-libérale qui va dans le sens de la privatisation et de la continentalisation des industries culturelles suscite des inquiétudes tant dans le grand public que chez les travailleurs culturels. Ces derniers sont d'ailleurs fortement touchés par les coupures budgétaires alors que le secteur privé ne semble guère en mesure de prendre la relève. Enfin, si le volet économique de cette politique culturelle apparaît aujourd'hui encore problématique, il faut bien voir qu'avec la « sortie » de la crise de l'unité nationale le volet socio-politique demeure encore plutôt problématique et déphasé.

Nous avons divisé cet article en deux grandes parties qui correspondent pour l'une au gouvernement Pearson (1963-1968) et pour l'autre au gouvernement Trudeau (1968-1984). Même si la politique culturelle sous Trudeau change radicalement d'orientation en 1975, il n'en demeure pas moins que lère Trudeau forme par ailleurs un ensemble cohérent, celui du « fédéralisme fonctionnel », alors que la période Pearson, avec son « fédéralisme coopératif », apparaît au plan de la culture comme une période de transition.


[1] CANADA, Commission royale d'enquête sur l'avancement des Arts, Lettres et Sciences au Canada. Rapport, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1951 (Rapport MASSEY).

[2] OSTRY, B., The Cultural Connection, Toronto, McClelland and Stewart, 1978, p. 160.

[3] BRUNELLE, Dorval, Les trois colombes, Montréal, VLB Éditeur, 1985, 1. 247.

[4] LAXER, J. et LAXER, R, Le Canada des libéraux, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1978, p. 70.

[5] FIRESTONE, O.J., Broadcast Advertising in Canada, Past and Future Growth, Ottawa, University of Ottawa Press, 1966, p. 151.

[6] LINTEAU, P.A., DUROCHER, R., ROBERT, J.C., RICARD, F., Histoire du Québec contemporain. Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal Express, 1986, p. 676.

[7] Voir BABE, R.E., Structure, réglementation et Performance de la télévision canadienne, Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1979, p. 221 ; RESCHENTHALER, G.B., « Direct Regulation in Canada : Some Policies and Problems », dans W.T., STANBURY (éd.), Studies on Regulation in Canada, Toronto, Institute for Research on Public Policy, 1978, pp. 88-90. Également HARDIN, H., Closed Circuits : The Sellout of Canadian TV, Vancouver, Douglas and Mac Intyre, 1985.

[8] OSTRY, B., op. cit., p. 104.

[9] SIMARD, C., « La culture institutionnalisée. Étude du cas québécois », dans Questions de culture. La culture : une industrie ?, Québec, IQCR, 1984, p. 155.


Retour au texte de l'auteur, Benoît Lévesque, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 11 août 2005 21:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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