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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Benoît Lévesque, “Présentation. L'autre économie. Une économie alternative (1989)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Benoît Lévesque, “Présentation. L'autre économie. Une économie alternative”. Un article publié dans l'ouvrage L'autre économie. Une économie alternative, pp. 9-52. Textes réunis par Benoît Lévesque, André Joyal et Omer Chouinard. Québec: Les Presses de l'Université du Québec, 1989, 372 pp. Collection: Études d'économie politique, une collection dirigée par l'Association d'économie politique. [Autorisation de M. Lévesque accordée le 28 juillet 2006.]

Introduction

La dernière crise économique a fourni l'occasion de découvrir une autre économie, une économie qui « roule moins vite » que celle de la grande entreprise et des entreprises d'État, une économie dont les formes sont moins structurées, moins codifiées et moins régulées, une économie par conséquent plus flexible et plus ouverte aux nouvelles demandes sociales, mais aussi plus susceptible d'engendrer de nouvelles formes d'exploitation comme le travail au noir. Les termes utilisés pour qualifier cette autre économie varient selon les problématiques et les sociétés : économie sociale en France, économie alternative en Allemagne, économie informelle en Grande-Bretagne, économie souterraine en Italie, économie seconde (clandestine) dans les pays de lEst, etc. À travers ces divers qualificatifs, l'autre économie désigne donc des formes économiques (des façons de produire des biens et des services) différentes des formes dominantes et qui renvoient généralement à quatre catégories d'activités : l'économie domestique et l'économie associative (entraide, association volontaire, etc.) pour le côté jardin et le travail au noir et les activités criminelles pour le côté cour. 

Il s'agit évidemment d'une redécouverte puisque la production de biens et de services en dehors de la grande et de la moyenne entreprise a toujours existé. L'autonomisation de l'économie relativement récente dans l'histoire de nos sociétés n'a pas empêché, comme l'écrit Karl Polanyi, que « l'économie humaine est [soit] encastrée et englobée dans des institutions économiques et non économiques [1] ». Si la production de biens et de service à partir de la famille et de la communauté nous apparaissent spontanément comme une espèce en voie de disparition, c'est dans la plupart des cas parce que « nos concepts de modernisation, de développement et de progrès reposent sur l'industrialisation [2]. La redécouverte de l'autre économie au début des années 1970 peut être vue à la fois comme l'effet d'un changement de paradigme pour l'étude de l'économie et comme une conséquence de la restructuration de l'économie et de la montée des nouveaux mouvements sociaux [3]. 

Au moins à la marge, on peut observer « un double mouvement du social vers l'économique, de l'économique vers le social [4] ». D'un côté, le social redécouvre l'économique comme le montrent bien en France les expériences d'insertion sociale par l'économique (les entreprises intermédiaires) et au Québec, l'implication des CLSC et des Églises dans la création d'emplois et d'entreprises communautaires et coopératives. De l'autre côté, l'économique redécouvre le social comme le révèlent, entre autres, la croissance des diverses formes d'économie irrégulière notamment en Italie et l'affirmation de la culture d'entreprise dans la plupart des pays développés. Pour toutes ces raisons, le thème de l'autre économie, à travers les diverses appellations qui s'y rattachent, a suscité beaucoup d'intérêt aussi bien du côté des économistes que des anthropologues, des sociologues et autres spécialistes des sciences sociales comme en témoignent les nombreuses publications [5] et rencontres scientifiques [6] depuis le début des années 1980. 

L'ouvrage que nous présentons est original à un double point de vue. D'abord, d'un point de vue théorique, c'est sans doute la première fois que sont confrontées sur la question de l'autre économie la signification de l'économie informelle (et de ses variantes), de l'économie sociale et de l'économie alternative. Ensuite, du point de vue de l'objet d'analyse comme tel, l'ouvrage se singularise en se centrant sur le côté jardin de l'autre économie, à savoir sur les entreprises dites alternatives et sur le développement local et communautaire. Il s'agit de deux terrains d'expérimentation intimement liés puisque la plupart des entreprises alternatives sont soucieuses de leur insertion dans la communauté alors que les initiateurs du développement local et communautaire affichent généralement un préjugé favorable aux entreprises alternatives et coopératives. 

Cet ouvrage devrait donc intéresser aussi bien les intervenants du domaine que les chercheurs. En effet, le dossier de l'autre économie mobilise de plus en plus d'intervenants sociaux et soulève autant d'espoirs que de questions. Au début de la crise, le questionnement portait surtout sur le caractère dual de cette autre économie alors qu'aujourd'hui, il concerne principalement la capacité des diverses expérimentations de refaçonner la société aussi bien dans ses dimensions économiques que culturelles à travers l'explication de nouvelles demandes. Comme le montrent les diverses contributions de cet ouvrage, ces questions sont aussi celles que se posent la plupart des chercheurs s'intéressant à l'autre économie. Les analyses de cas des divers pays développés que nous présentons, Allemagne de l'Ouest, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Québec, donnent un aperçu assez unique de ces expérimentations avec leurs points forts et leurs points faibles. 

Les chapitres de ce livre sont regroupés en trois catégories. La première est plus théorique ; les auteurs tentent de faire le point à partir d'une problématique spécifique ; la seconde porte sur les analyses d'entreprises alternatives et coopératives ; la troisième est réservée au développement local et communautaire. Avant de présenter ces diverses contributions, il nous apparaît nécessaire de montrer comment les approches et appellations utilisées, en l'occurrence économie informelle, économie sociale et économie alternative, se différencient les unes des autres et posent ainsi en des termes différents la question de l'alternative. Nous tenterons par la même occasion d'établir des passerelles à travers ces approches de manière à faciliter la lecture des textes qui suivent.


[1]     Karl Polanyi (1983 (1944 », La grande transformation. Aux origines économiques de notre temps, Paris : Gallimard, p. 244.

[2]     David P. Ross, Peter J. Usher (1986), From the roots up. Economic development as if community mattered, Ottawa : Canadian Council on Social Development, p. 3.

[3]     C'est ce qu'affirment Nanneke Redclift et Enzo Mingione (ed.) (1985), Beyond employment. Household, gender and subsistence, New York et Oxford : Basil Blackwell, p. 3.

[4]     Guy Roustang (1987), L'emploi : un choix de société, Paris : Éd. Syros, p. 139.

[5]     De nombreuses bibliographies laissent bien voir l'importance des publications sur ce thème. Parmi les plus connues, relevons celles de R. E. Pahl, J. Laite (1982), Bibliographies on local labour markets and informal economy, London : Social and Economic Council ; Canadian Network on the Informal Economy (1982), A bibliography on material pertinent to the informal economy, Ottawa : Vanier Institute ; Michel Schiray (1983), L'économie cachée : bibliographie française élargie, Paris : Centre international de recherche sur l'environnement et le développement.

[6]     Plusieurs rencontres internationales sur le thème de l'économie informelle et de l'autre économie ont été organisées depuis le début des années 1980. En premier lieu, relevons l'important congrès international organisé par le Conseil italien des sciences sociales avec le concours de la Fondation Maison des Sciences sociales de l'homme (Paris) tenu en 1982 sous le titre Economia informale, conflitti sociali e futuro della società industriali. Michel Schiray en a fait une analyse assez complète dans Ifda dossier 39, janvier-février 1984, pp. 23-35. En deuxième lieu, il faut mentionner les sommets économiques internationaux sur l'autre économie, The other economic summit (TOES) qui se tiennent annuellement et dont le premier s'est tenu à Londres en 1984 et le dernier à Paris à l'été 1989.


Retour au texte de l'auteur, Benoît Lévesque, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 février 2007 18:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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