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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Georges Leroux, “Tocqueville et les religions.” Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du samedi 10 novembre 2007, page F-28. [Le 17 décembre 2006, M. Georges Leroux nous autorisait à diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

Georges Leroux 

Tocqueville et les religions”. 

Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du samedi 10 novembre 2007, page F 28. 

 

Mots clés: Jean-Louis Benoît, Notes sur le Coran et autres textes sur les religions, Tocqueville, Livre, Montréal

 

Tocqueville avait pris ses distances à l'égard du catholicisme doctrinal, mais il avait développé, dans les deux volets de La Démocratie en Amérique, une doctrine de la religion comme ferment social qui l'avait conduit ensuite à considérer les autres religions dans la même perspective. 

Célébré en 2005, le bicentenaire de la naissance d'Alexis de Tocqueville fut salué par de nombreuses publications. Parmi celles-ci, une biographie importante nous permettait de prendre toute la mesure du personnage: après André Jardin, son premier biographe, Jean-Louis Benoît, éditeur de la correspondance familiale, a pris le relais dans un portrait soucieux de mettre en relief les paradoxes d'un intellectuel qui fut à la fois un grand théoricien et un militant plongé dans les combats politiques de son temps (Tocqueville. Un destin paradoxal, Bayard). Déchiré entre ses origines aristocratiques et une conviction démocratique profonde, Tocqueville apparaît surtout comme un homme intègre, rigoureux et suprêmement intelligent. 

L'intérêt de rassembler ses écrits sur les religions est d'autant plus grand que Tocqueville semble avoir eu à l'égard de la religion la même attitude que celle de Max Weber: lui-même, chrétien «spiritualiste», avait pris ses distances à l'égard du catholicisme doctrinal, mais il avait développé, dans les deux volets de La Démocratie en Amérique, une doctrine de la religion comme ferment social qui l'avait conduit ensuite à considérer les autres religions dans la même perspective. Jean-Louis Benoît connaît de l'intérieur cet ensemble de textes dispersés dans l'oeuvre et il les présente aujourd'hui dans un ensemble très utile. 

 

Photo: Agence France-Presse

 

Religion et démocratie 

Tocqueville pratiquait déjà une sorte de sociologie de la religion et, autant sur l'islam que sur l'hindouisme, il se montre à la fois sévère et très tolérant. Cette anthologie en donne la preuve. Protecteur des musulmans d'Algérie, il apporta son soutien à leurs écoles et aux mosquées. Sa lecture du Coran, minutieuse et détaillée, l'amène pourtant à formuler un jugement très critique. Même s'il pensait que toutes les religions sont vraies et utiles, parce qu'elles entretiennent au sein de la société la perspective d'un bien transcendant à rechercher au-delà des satisfactions matérielles, il ne doutait pas que certaines fussent inférieures à d'autres. À l'égard de l'islam, il exprimera surtout une réelle déception devant les appels répétés à la violence dans le Coran et le peu de place laissé à la liberté: son correspondant, Arthur de Gobineau, le trouve cependant injuste sur ces deux points et on trouve dans leur échange l'écho de l'ambivalence qui pénétrait alors l'orientalisme français, écho qui se perpétuera par exemple chez Louis Massignon. 

Admiratif devant l'habileté politique de Mahomet, Tocqueville reconnaît que le Coran constitue un progrès immense sur le polythéisme antérieur, mais il s'inquiète au spectacle de la passion qui lui semble constitutive de la religion musulmane. L'étude de ses notes sur le texte montre un intérêt pour la théologie de la grandeur divine et pour le souci compassionnel de la justice, mais une réelle réticence devant les propos conquérants. Plusieurs analyses conservent aujourd'hui une certaine pertinence, notamment quand Tocqueville attribue la faiblesse des nations musulmanes à leur théologie politique. Il ne peut cependant qu'observer la profondeur du sentiment religieux et les liens authentiques avec une doctrine de la justice communautaire. 

Un des morceaux les plus passionnants de ce livre est la partie consacrée à Abd el-Kader, qui s'était vu reconnaître la souveraineté sur une partie importante de l'Algérie par le Traité de la Tafna en 1837. Tocqueville raconte cet épisode et compare l'émir à Cromwell; il montre aussi tout ce que son pouvoir doit à la religion. Ces textes se trouvent au coeur du débat très vif en France sur la position de Tocqueville concernant la colonisation: très critique, comme Jean-Louis Benoît le fait observer, il ne la justifia jamais par l'argument colonial de la mission civilisatrice, ni par la supériorité du christianisme. Tocqueville demandait pour l'Algérie justice et rigueur, mais il savait que la colonisation se faisait toujours aux dépens des colonisés. Comme Massignon plus tard, il réclamait le respect de la culture, mais il trouva bien peu d'écoute. Quand il intervient en 1847 contre la spoliation des biens des fondations musulmanes, il plaide pour une aide matérielle à l'Algérie. Il ne cesse de répéter que la colonisation «déconsidère» la France et que la destruction des monuments et des temples justifie le mépris des colonisés pour les colons. 

Cette anthologie offre également des sections sur l'hindouisme et le christianisme, catholique et protestant: pour la religion de l'Inde, Tocqueville blâme fortement le soutien au système des castes, alors que, pour le christianisme, son jugement annonce les théoriciens de la sécularisation. Il croit en effet que la modernité constitue une reprise des valeurs chrétiennes d'universalité et d'humanité et que le christianisme se trouve dès lors au fondement de la morale moderne. La correspondance avec Gobineau propose plusieurs comparaisons avec l'islam et se conclut sur une interprétation du christianisme comme religion quasi naturelle des temps démocratiques. Des notes très riches sur la séparation de l'Église et de l'État complètent ce dossier, de même qu'un appareil bibliographique renvoyant à plusieurs sites Internet où le lecteur trouvera les textes de Tocqueville en accès libre et plusieurs ressources pour les étudier. 

* * * 

Collaborateur du Devoir

 

Notes sur le Coran
et autres textes sur les religions
 

Alexis de Tocqueville, Présentation et notes de Jean-Louis Benoît, Éditions Bayard, Paris, 2007, 175 pages



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 2 juin 2008 18:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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