Introduction

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Des témoignages, voilà ce que contient ce livre. Des témoignages recueillis auprès de personnes qui ont vécu ou qui ont observé l'Union nationale, de sa fondation en 1935 jusqu'à nos jours. Des témoignages, dont le caractère d'authenticité vient, dans la bibliothèque des ouvrages scientifiques sur l'Union nationale, jeter un éclairage plus humain, à l'image de ce parti qui fut davantage un parti d'hommes que de programmes ou même d'idées.

Ces témoignages ont d'abord fait l'objet d'une série de quatorze émissions d'une heure chacune à la radio de Radio-Canada. C'était à l'été 1976. L'idée d'une telle série était née en 1974, alors que l'Union nationale semblait, aux yeux de bon nombre d'observateurs, vouée à la disparition. A l'élection du 29 octobre 1973, elle avait été chassée de l'Assemblée nationale. A ceux-là qui négligeaient de considérer l'enracinement profond de l'Union nationale dans certaines régions du Québec, il sembla que le parti de M. Duplessis avait fait son temps. Au chapitre du nationalisme, qui fut longtemps le cheval de bataille de l'Union nationale, l'idée de l'autonomie cédait le pas à celle de la souveraineté et l'Union nationale devait s'effacer devant le Parti québécois. Sur le plan des politiques sociales et de l'administration publique, la philosophie et les pratiques de l'Union nationale apparaissaient beaucoup trop conservatrices pour s'adapter à une société québécoise en pleine mutation. En outre, le parti n'avait plus de chef. Bien plus, aucun homme public un tant soit peu prestigieux n'aspirait à en devenir le chef.

Pourtant, l'émission « Si l'Union nationale m'était contée » n'a pas voulu n'être qu'un post-mortem. Il se trouvait encore certains observateurs qui croyaient à une renaissance du parti, qui s'accordaient à dire que l'élection de 1973 avait pris l'allure d'un référendum et que la polarisation de l'électorat entre les péquistes et les libéraux de Robert [12] Bourassa n'était qu'un phénomène circonstanciel. Selon eux, la victoire de Maurice Bellemare à l'élection complémentaire de Johnson, à l'été 1974, indiquait assez qu'elle n'était pas éteinte, cette couche unioniste qui avait maintenu le parti au pouvoir jusqu'en 1960 et qui avait fait élire Daniel Johnson en 1966.

Au printemps 1974 donc, Maurice Bellemare assumait la direction de l'Union nationale sur une base intérimaire, maintenant contre vents et marées qu'un jour un homme au nom prestigieux viendrait prendre la relève et reconduire le parti au pouvoir. Rodrigue Biron était alors totalement inconnu des milieux politiques, y compris celui de l'Union nationale. Pourtant, le 23 mai 1976, il était élu chef et, six mois plus tard, il faisait élire 11 députés à l'Assemblée nationale.

L'Union nationale est redevenue une réalité politique au Québec. Si nous considérions utile le document radiophonique de l'été 1976, il va de soi qu'aux yeux de l'histoire les témoignages alors recueillis prennent une importance particulière à la suite de la réhabilitation officielle de Maurice Duplessis en septembre dernier et de la volonté affirmée de M. Biron de respecter les orientations originales de son parti.

Cette collection de témoignages est d'abord le résultat d'une démarche journalistique. Elle a été maintenue dans sa forme originale, mises à part les adaptations imposées par la présentation écrite. Les témoignages recueillis aux fins de la série radiophonique étaient, dans certains cas, beaucoup plus élaborés que peuvent le laisser croire les éléments retenus. Face à un texte écrit, certains témoins ont eu l'impression que des points importants soulevés durant les entrevues, dont certaines ont duré deux heures, ont été négligés, que des nuances importantes ont été sacrifiées aux impératifs de la production. Ainsi, Son Éminence le Cardinal Maurice Roy a jugé à propos de reformuler certaines de ses réponses, sans cependant en modifier la substance. MM. Jean Lesage et René Lévesque ont apporté à leurs interventions quelques corrections formelles ; pour sa part M. Jean-Noël Tremblay a déploré que les éléments retenus de son témoignage soient trop fragmentaires et n'indiquent pas vraiment le rôle important qu'il a joué durant plusieurs années dans l'évolution de la pensée nationaliste de l'Union nationale. Ce dont nous convenons. Le dernier chapitre, consacré à l'avenir de l'Union nationale, a été mis à jour, de façon à actualiser la position de M. Biron vis-à-vis des événements récents. La démarche journalistique fait aussi place, en conclusion, à celle de l'universitaire. En ce sens, ce livre constitue aussi une tentative que la série radiophonique avait d'abord permise, la jonction du travail de journalistes et d'un politicologue, la rencontre du reportage et de l'analyse politique.